#75 Décryptage de la mission de Babilou Family

Analyse de la raison d'être et des objectifs statutaires de l'entreprise (lecture : 7 minutes)

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Les votes ont été très clairs la semaine dernière : Babilou Family, gestionnaire de crèches d’entreprises et de collectivités, l’emporte largement. Merci aux votants !

Avant de passer au décryptage, voici le choix pour la semaine prochaine. C’est du très lourd, puisqu’on a deux acteurs majeurs dans leur secteur respectif : Chateauform’, spécialisé dans l’accueil d’événements, séminaires, réunions et formations d’entreprise, et API Restauration, entreprise de restauration collective. Voici leur raison d’être :

Chateauform’ : “Les équipes Châteauform’ insufflent leur chaleur ajoutée à chaque rencontre pour inspirer les entreprises et leur permettre de révéler leurs talents.”

API Restauration : “Cuisinons l’avenir avec passion !… pour partager nos savoir-faire culinaires et nous engager à réaliser une cuisine gourmande et durable, une restauration sociale consciente des enjeux sociétaux et environnementaux du 21e siècle.”

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On me dit souvent que les musiques que je partage sont un peu obscures, des artistes de niche. Pas faux et j’assume ! Une fois n’est pas coutume, je vais prendre le contrepied en vous partageant une chanson de France Gall, “Bébé comme la vie”. Je n’avais pas entendu cette chanson depuis… très longtemps !

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Le groupe Babilou Family a été créé en 2003. Plus connu pour ses crèches pour les entreprises et les collectivités en France et à l’international, il a diversifié ses activités sur des écoles Montessori et d’autres services. Porté par un positionnement engagé depuis plusieurs années, le groupe est passé société à mission fin 2022.

La raison d’être :

Construire un monde meilleur par l’éducation et l’attention portée à chaque enfant.

Le choix se porte sur une raison d’être assez courte et large. S’il n’y a pas de termes jargonneux, l’activité n’est pas non plus très claire. Une entreprise de soutien scolaire ou une edtech pourrait revendiquer à peu près la même raison d’être.

Le choix d’une raison d’être courte et facilement mémorable peut présenter des écueils. En l’occurrence, la contribution sociétale de “construire un monde meilleur” est trop vaste. Plus concrètement, à quels aspects de ce monde meilleur Babilou cherche à contribuer ?

Mon conseil : les formules du type "monde meilleur" sont à éviter. Même si elles partent d'une intention sincère, elles sont trop génériques pour véritablement servir de guide. Si une raison d'être n'a pas forcément besoin d'être hyper spécifique, elle doit l'être suffisamment pour pouvoir orienter des décisions ou permettre des arbitrages. 

Une autre formule est intéressante et crée souvent de nombreux nœuds au cerveau dans les raisons d’être ; il s’agit de “chaque enfant”. C’est un sujet récurrent, quelle formule privilégier : “le plus grand nombre”, “tout le monde”, “les humains”, “nos clients” etc. ?

En écrivant “chaque enfant”, Babilou s’engage. En effet, cela donne une dimension individuelle, presque personnalisée, à l’attention que l’entreprise porte à ses résidents. Mais cela signifie également qu’aucun enfant ne devrait pas pouvoir bénéficier d’une éducation et d’une attention particulière. Donc comment Babilou compte-t-elle élargir sa capacité à répondre aux besoins des autres enfants qu’elle n’accueille pas forcément dans ses crèches ? Je ne sais pas si c’était un choix conscient.

Les objectifs :

(la formulation pourra paraître étrange, mais il faut se dire que les objectifs sont précédés de la mention “la Société s’engage :”.)

• Pour les enfants et leur famille, à concevoir et mettre en œuvre une pédagogie ambitieuse, contribuer au soutien à la parentalité, et à participer à la protection de l’enfance.

L’objectif est clair. Il est complémentaire de la raison d’être. Il introduit les parents, composantes évidentes sur l’éducation et l’attention portée à un enfant. J’attire juste l’attention sur un aspect qu’il sera utile de préciser dans la déclinaison opérationnelle. Lorsqu’on que l’on contribue ou participe à quelque chose, on a tendance à avoir des indicateurs de moyen : “je mets en place tel plan d’action”, “j’organise tant événements de sensibilisation par an”. C’est utile à court terme, mais insuffisant à long terme. Il faut pouvoir démontrer un impact : comment mesurer que l’entreprise participe effectivement à une meilleure protection de l’enfance ? Comment prouver que les parents se sentent effectivement mieux soutenus grâce aux actions de l’entreprise ?

Ces questions sont beaucoup plus complexes à traiter, mais beaucoup plus pertinentes pour l’entreprise, car elle devra être créative, mettre en œuvre des moyens et continuellement chercher à s’améliorer. Autant de valeur créée pour tout le monde !

• Pour ses professionnels, à favoriser leur épanouissement et leur impact par le développement de leurs compétences, l’attention portée à leur qualité de vie au travail, et sa contribution à la reconnaissance de son métier. 

Sur la forme, la construction est alambiquée et crée des confusions. Par exemple, la notion “d’attention portée à leur qualité de vie au travail” est-elle reliée au verbe “favoriser” ou à la conjonction “par” ? De même, la dernière partie est étrange. Si on réintroduit la proposition de départ, cela donnerait “la société s’engage à favoriser […] sa contribution à la reconnaissance de son métier”.

Au-delà de ces aspects sémantiques, cet objectif relève en partie de la RSE, notamment sur la QVT. Surtout, il englobe des notions qui ne sont pas vraiment complémentaires de la raison d’être. En quoi la reconnaissance du métier de Babilou Family contribue-t-il à construire un monde meilleur ?

• Pour la planète, à placer le développement durable et la maîtrise de l’empreinte sur la planète au cœur de ses actions. 

Cet objectif relève entièrement de la RSE. Il n’apporte rien à la raison d’être qui ne comporte aucune dimension environnementale. Il vient juste s’aligner avec la loi qui stipule que l’entreprise doit prendre en considération les enjeux environnementaux de son activité.

Mon conseil : il est tout à fait acceptable que votre mission ne comporte pas de dimension environnementale ou sociale. Pour rappel, elle doit porter sur la maximisation de l’impact positif de l’entreprise, pas la réduction de ses impacts négatifs. Ce dernier point relève de la RSE. Je vous renvoie à ces deux missives : la différence entre la mission et la RSE et faut-il forcément avoir des enjeux sociaux et environnementaux pour une société à mission ?.

Si Babilou Family souhaite soutenir des enjeux environnementaux, elle pourrait par exemple le faire en les intégrant dans ses programmes pédagogiques et son soutien à la parentalité.

• Pour la société, à rendre Babilou Family accessible à tous et à contribuer au développement économique et social des territoires dans lesquels elle s’implante.

Cet objectif est partiellement central dans la mission et partiellement dans le giron d’une politique de RSE. La première partie “rendre Babilou Family accessible à tous” est un pilier très intéressant et vient intelligemment compléter le “chaque enfant” de la raison d’être. En revanche, le reste de l’objectif relève de la RSE ou d’une politique de mécénat. Attention encore une fois à ne pas mélanger RSE et mission : la mission ne doit pas être une simple formalisation statutaire d’une politique RSE.

Au global

✅ La mission porte sur des enjeux bien liés à l’activité, aussi bien sur la portée pédagogique que traitement des enfants.

✅ Le fait que les objectifs soient organisés par parties prenantes va faciliter le pilotage et permet d’éclairer les enjeux. Plusieurs éléments des objectifs viennent ainsi bien compléter la raison d’être, notamment le premier et la notion de rendre Babilou Family accessible à tous.

📶 La raison d’être est trop vague avec le recours à cette expression de “construire un monde meilleur”, ce qui n’en fera pas forcément une très bonne boussole pour l’entreprise. Par ailleurs, elle est peu singulière et l’activité ne ressort pas. Il y a également une absence d’équilibre entre les enfants et les parents, ces derniers n’étant pas présents dans la raison d’être alors qu’ils sont centraux dans les offres du groupe.

📶 Si certains objectifs sont bien dans la cible, d’autres relèvent davantage de la RSE.

📶 J’ai peur que cette mission ne soit davantage une formalisation d’actions existantes qu’une rampe d’amélioration continue. La déclinaison opérationnelle sera essentielle pour éviter cet écueil et surtout il sera important de viser des indicateurs qui permettent d’illustrer des preuves de réussite, pas juste des engagements de moyens.

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Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.

Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.

Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.

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Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Vous pouvez le signaler en appuyant sur le ❤️. Retrouvez les 74 premiers décryptages ici.

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A demain,

Vivien.