#39 Le mot pour résumer la semaine : l'ambition
OpenClassrooms fait une grosse levée de fonds, Renault affiche sa raison d'être, Voltalia et WeNow passent société à mission, le vin chilien boit du B Corp etc.
Bonjour,
Je prends de mauvaises habitudes… C’est vrai que publier l’entretien du mois et une missive dans la même semaine n’est pas chose aisée tout en respectant le rythme de publication. D’où un décalage de 24h comme le mois dernier. En plus, j’ai des semaines très chargées en ce moment, donc je vais manquer de temps pour écrire un édito digne de ce nom.
Pourtant, j’ai le sujet, les sources, tout est prêt sauf le texte. Donc, ce sera la semaine prochaine. Petit spoiler, ce sera un sujet léger : le mâle blanc en entreprise… Vous comprendrez donc qu’avec un sujet si trivial, je préfère assurer la rédaction plutôt que d’attirer d’innombrables trolls…
Avant de passer au sommaire, petit rappel de l’entretien avec Dominique Buinier, COO d’Octo, une belle ESN. L’entretien est vraiment top, donc ne passez à côté de cette lecture très riche d’enseignements.
Pour donner un thème de la semaine, histoire de pouvoir avoir un titre et une photo, place à l’ambition.
Au sommaire :
OpenClassrooms voit toujours plus haut
Comment dit-on société à mission en chinois ?
Voltalia renouvelle sa nature à mission
Jean-Dominique Sénard l’a fait !
Le vin chilien se met au B Corp
Adapter Montessori en biscuit, check
Le woke en entreprise, c’est pour bientôt
Qui se cache derrière cette mission ? (Episode 2)
Capitalisme, Ethique, compatibles ?
Deux webinaires à suivre
Une formation sur la TEE très pratique
Bonne lecture et si découvrez La Machine à sens, n’hésitez pas à vous abonner.
UNE NOUVELLE FOIS… La levée de fonds maousse-costaud de 80 millions de dollars d’OpenClassrooms vient conforter l’idée qu’être société à mission n’empêche pas d’être en hypercroissance et de viser très haut. Plus intéressant encore, cela n’obère pas ses chances d’attirer des investisseurs étrangers à son capital, puisque le tour de table est complété par Salesforce Ventures, la Chan Zuckerberg Initiative et GSV.
C’est un point dont on parle peu, mais qui refroidit certaines entreprises. Etre entreprise à mission quand on est à l’international (production et/ou clientèle) n’est-il pas soit un frein au développement (“encore un machin franco-français”), soit un gadget à l’échelle internationale ? C’est un sujet qui mérite d’être davantage creusé. Notons toutefois qu’OpenClassrooms est également labellisé B Corp, qui, lui, est davantage connu à l’étranger, et surtout aux Etats-Unis.
SOCIÉTÉ A MISSION EN CHINOIS. Restons sur un sujet connexe. Peu de sociétés à mission aujourd’hui sont implantées à l’étranger. Une exception est Aigle, qui a une implantation forte à Hong Kong. Donc, comment dit-on “société à mission” en chinois ? Roulement de tambour, on dit “purpose-driven company”. Ne me demandez pas pourquoi, mais c’est ce que j’ai appris de la vidéo qu’ils ont mise en ligne. Vidéo intéressante, parce que justement, l’entreprise ne met en avant que ses équipes à Hong Kong.
Ma lecture : l’entreprise a voulu montrer qu’une société à mission disposant d’implantations à l’étranger ne limite pas sa transformation à ses activités et ses équipes françaises. Je trouve que ce cas de figure est inspirant pour d’autres ETI qui pourraient hésiter à franchir le pas, parce qu’elles se disent que ce sera difficile à faire comprendre aux non-Français.
J’ai envie de leur répondre : la mission de votre entreprise n’a pas de frontière. Elle est dans l’ADN de l’entreprise ou de votre groupe.
DOUBLEMENT DURABLE. Voltalia a décidé de proposer à ses actionnaires de devenir société à mission lors de la prochaine AG du 19 mai. L’entreprise cotée (cela fera la quatrième, selon mon décompte, et non la deuxième comme le dit l’article) a inscrit sa raison d’être dans ses statuts l’an dernier : “améliorer l'environnement mondial en favorisant le développement local”.
Elle correspond très bien à l’activité de l’entreprise qui développe, construit et exploite des centrales d'énergies renouvelables, pour son compte comme pour ses clients tiers, dans les pays les plus développés comme dans les pays émergents. J’attendrai l’officialisation pour faire mon analyse des objectifs statutaires. Peu de chances qu’ils évoluent pendant l’AG, mais sait-on jamais…
IL L’A FAIT. Qui pourrait s’en étonner ? Jean-Dominique Sénard ne pouvait pas prendre la tête de Renault et ne pas engager le groupe sur les chemins de la loi PACTE. D’ici à aller vers la société à mission, il y a un pas, mais déjà l’entreprise vient d’adopter sa raison d’être : “Nous faisons battre le cœur de l’innovation pour que la mobilité nous rapproche les uns des autres”.
Raison d’être qui ne laisse pas indifférent par le choix de certains mots, à commencer par “faire battre le cœur” qui cherche à montrer que la technologie restera toujours au service de l’humain dont le cœur bat. C’est toujours difficile de commenter une raison d’être - c’est juste une phrase - mais on sent bien le métier historique de la marque et la volonté de l’ancrer encore davantage dans le marbre comme s’il fallait le remettre au cœur du projet comme un élément moteur permanent.
Le président du conseil s’est apparemment fendu d’un discours très emporté. Et je ne doute absolument pas de la qualité du verbe de Jean-Dominique Sénard. Si vous savez comment le récupérer, je suis preneur !
La raison d’être a été annoncée en parallèle de la présentation par le DG Luca de Meo d’un plan stratégique mettant notamment la RSE au cœur de l’entreprise. Elle “qui était jusqu'ici décorrélée de l'opérationnel, devient un levier de performance”, a déclaré le DG.
VIN CHILIEN DURABLE. Vous vous souvenez de la missive spéciale vin que j’ai faite ? (missive #15) Les early adopters peut-être ! Il faut désormais rajouter un acteur majeur dans le panorama des marques de vin très actives sur les sujets de RSE : Viña Concha y Toro. Vous ne connaissez probablement pas le nom du groupe, mais très certainement leur cuvée que l’on trouve dans tous les supermarchés : le Casillero del Diablo.
Le groupe coté pèse 30% du marché chilien et fait partie des dix plus gros producteurs de vin au monde avec près de 4000 collaborateurs. Après un processus de certification de deux ans et demi, ils viennent d’obtenir le label B Corp. Cela fait bien dix ans que Viña Concha y Toro a accéléré sa stratégie RSE en l’axant sur la gestion de l’eau et le dérèglement climatique.
Donc quelques leçons : la taille joue dans la durée du processus de certification et nécessite très vraisemblablement une détermination encore plus forte, mais tout à fait faisable même quand on est coté, surtout quand ces engagements sont déjà inscrits dans la stratégie de l’entreprise.
MONTESSORI EN BISCUIT. Je pense que la méthode Montessori a été déclinée sous toutes ses formes. Un des principes directeurs est de mettre l’enfant au cœur des systèmes pédagogiques (voir la missive #6 pour des éléments sur la méthode Montessori). Presque toutes les formes ! Good Goût vient de lancer des biscuits pour aider les bambins à mettre leurs sens en éveil. Formes géométriques claires, couleurs affirmées, goûts marqués, de quoi créer des moments de découvertes pour les enfants. Testez et vous me direz !
LE WOKE EN ENTREPRISE. Le “woke” est un phénomène qui a pris un essor important aux Etats-Unis : cette notion intraduisible appelle les citoyens, collaborateurs, consommateurs à lutter pour la justice sociale et raciale. Cela participe un tout petit peu du phénomène de cancel culture. En tout cas, tous ces phénomènes ne vont pas épargner les entreprises. Lisez la newsletter de Zevillage qui évoque le cas de Jason Fried, le patron de Basecamp, qui a remis les pendules à l’heure peut-être un peu trop brutalement…
QUI SE CACHE DERRIÈRE CETTE MISSION ? Le jeu de la devinette revient (je ne l’ai fait qu’une fois à ce jour). Voici la raison d’être de l’entreprise en question : “nourrir l’enthousiasme d’agir pour le climat”. Quel peut être le métier de cette entreprise ? Aucune idée. Le secteur d’activité peut-être ? Le terme de nourrir pourrait me laisser penser à l’agroalimentaire. En me creusant un peu, je me dis peut-être une entreprise qui vend des arbres fruitiers : la nourriture, l’enthousiasme de voir les fruits grandir, le tout en produisant local. Sans conviction.
Regardons les objectifs :
éduquer le plus grand nombre aux enjeux climatiques et rendre évidente la nécessité d’agir ;
mettre à disposition des solutions pour rendre accessibles et attractifs les changements individuels et collectifs ;
cultiver l’envie chez chacun de faire des choix durables au quotidien ;
accélérer le développement de projets de décarbonation.
Clairement, on doit être loin de l’agroalimentaire… On est dans l’univers des services. L’entreprise doit proposer des solutions favorables à la TEE, mais je ne vois vraiment pas du tout ni la nature des solutions, ni le secteur d’activité. Cela pourrait être un média spécialisé dans le développement durable qui a une activité solutions. Mais encore une fois sans conviction.
Regardons ! Il s’agit de WeNow. J’ai visé un peu à côté. Il s’agit d’une application pour aider les automobilistes à adopter l’éco-conduite. Il y a bien une partie solution et information auprès d’utilisateurs, mais rien n’indiquait que nous étions dans le domaine de la mobilité. C’est dommage. Il y a tellement à faire que cela aurait pu être rendu plus explicite.
Selon moi, la raison d’être et les objectifs doivent être rapidement compréhensibles par toutes les parties prenantes et rattachés au métier de l’entreprise. En l’occurrence, sans cette notion de mobilité plus explicite, je trouve qu’il manque LA dimension la plus importante de l’entreprise. Le why et le how sont bien là, mais pas le what.
Saluons tout de même le fait que WeNow vient d’être certifié B Corp et de recevoir le label Gold du Global Compact de l’ONU. Ils sont seuls au monde pour le moment !
Du côté des idées
CAPITALISME, ETHIQUE ? La question n’est pas nouvelle et les signes d’espoir sont nombreux (je suis plutôt de nature optimiste). Mais, les signaux contraires ne doivent pas être écartés non plus. Et pour éviter de tomber dans le travers d’occulter tout message inverse à ce qu’on pense, il faut lire des points de vue opposés. Je vous conseille donc cet article du Daily Trojan. Vous l’aurez compris, l’auteur dézingue le capitalisme comme un système qui n’est ni éthique, ni durable (dans le sens de la sustainability).
DEUX WEBINAIRES. La Communauté des entreprises à mission tiendra un webinaire autour du thème : “la mission peut-elle devenir un actif stratégique ?” avec Laurence Méhaignerie, co-fondatrice de Citizen Capital, et Mathieu Nebra, co-fondateur d’Openclassrooms. Vu l’actualité de ces derniers, le webinaire vaudra encore plus le coup ! Il aura le 4 mai au matin. Tous les détails ici.
Positive Workplace organise un webinaire le 11 mai autour du passage de la raison d’être à la société à mission avec trois intervenantes : Anne Mollet, directrice générale de la Communauté des entreprises à mission, Iris Chabrol, associée chez PWC Entrepreneur, et Soline Quidet, avocate chez EY. Tous les détails ici.
20H POUR SE FORMER A LA TEE. Bpifrance vient de lancer un programme de formation en ligne dédiée aux enjeux de la TEE. 20 heures de module et de webinaires pour intégrer ces enjeux en entreprise.
C’est tout pour cette semaine. Merci de votre lecture ! Vos commentaires, likes et partages sont le meilleur de faire connaître cette newsletter et toutes les initiatives engagées dont je parle.
Vous souhaitez échanger ou collaborer ?
Je suis effectivement un être de chair et d’esprit. Si vous souhaitez partager une actu, une analyse, faire du ping pong intellectuel sur vos réflexions, me conseiller une entreprise à interroger pour “L’entretien du mois”, réfléchir à des synergies, ou encore me conseiller de me pencher sur un sujet, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, par email ou via LinkedIn.
A jeudi pour la prochaine missive,
Vivien.