#15 Le vert, nouvelle couleur du vin ?
Et aussi un REX d'un premier comité de mission ; entreprise à mission = la fin des OPA hostiles ?
Bonjour,
J’ai été pris par le temps vendredi dernier et je n’ai donc pas pu faire le focus que j’avais prévu, alors que j’y tenais : c’est pour vous parler du vin. C’est un secteur où les initiatives sont en pleine effervescence et pas que dans le domaine environnemental. Surtout, je trouve que c’est souvent un très bon indicateur de tendances plus larges, parfois en avance de phase même, mais souvent dans l’ère du temps.
Je parlerai aussi d’autres actus de la semaine. Voici le sommaire :
Du vin au vert
Retour d’expérience d’une première réunion de comité à mission
Les OPA hostiles auraient-elles trouvé leur antidote ?
L’entreprise doit déraciner les intérêts locaux
Du côté des entreprises
DU VIN AU VERT. Le vin, pour moi, c’est la conjonction entre tous les mondes : la culture, l’histoire, le business, l’environnement, la politique locale, nationale et internationale, la société, l’innovation. Peu d’objets arrivent à combiner autant de dimensions. Et pourtant, rares sont ceux qui prennent bien la mesure de ce qui se passe dans un verre. C’est bien plus qu’un simple liquide. C’est donc forcément un secteur qui connait énormément de mutations. J’ai décidé aujourd’hui de vous emmener dans ce monde où RSE, mission, B Corp, sens sont autant de concepts qui résonnent de plus en plus fort.
L’idée de ce focus est venue suite à une communication du Petit Ballon, box mensuel de vins, dans laquelle ils annonçaient que l’entreprise s’engageait “sur une feuille de route pour améliorer notre propre empreinte environnementale et sociale, et contribuer significativement à un monde (du vin) qui tourne plus rond”. L’aspect environnemental porte sur la réduction de l’impact carbone de l’entreprise, tandis que l’aspect social se concentre sur les vignerons eux-mêmes victimes du changement climatique. Ils s’inspirent du référentiel B Corp, mais ne précisent pas s’ils sont engagés dans une démarche de labellisation. Ne soyons pas des ayatollahs de la labellisation, surtout si derrière la théorie, il y a tout de même une mise en pratique et un suivi d’actions. C’est ce que détaille l’article.
Ils sont honnêtes sur le fait qu’ils sont au début d’un marathon dont le chemin n’est pas tracé, d’autant plus qu’ils ne vont pas opérer cette transformation à côté de leur quotidien : elle va infuser dans toutes les dimensions de l’entreprise.
Le chemin de la transformation n’est pas un chemin parallèle. Nous n’avons donc pas prévu de mener ces projets en plus de notre activité ou de nos roadmaps. Au contraire, chacun doit intégrer au Petit Ballon qu’il est un maillon actif de la chaîne de transformation dans la pratique quotidienne de son travail. Les chantiers impact sont donc complètement intégrés aux objectifs individuels et collectifs, aux feuilles de route de chaque entité.
Les instances classiques de management auront donc à produire leur reporting dans leur cadre habituel : réunions d’équipes, comité de direction et comité stratégique, sans que cela soit un sujet “à part”.
De même, nous ne montons pas d’équipe dédiée. Elle apparaîtrait comme une entreprise dans l'entreprise, un “side project”, pire une inquisition. Simplement nous allons mettre en place un baromètre impact visant à mesurer 2 choses:
- l’avancée de notre transformation, service par service ;
- le degré de sensibilisation de chacune des équipes afin de s’assurer que personne ne reste sur le bord de la route du changement.
Ce baromètre sera présenté mensuellement en interne par la personne en charge de ce suivi.
Les clients quant à eux verront petit à petit les évolutions apparaître au gré des mois. Nous chercherons à les impliquer au mieux.
En tant que fidèle client du Petit Ballon, je trouve cet engagement bienvenu ! En plus, j’apprécie beaucoup la transparence de la démarche quitte à rentrer sur des aspects peu glamours, comme le reporting interne.
Cet article a fait écho à pas mal d’autres signaux que j’ai vus par ailleurs dans cet univers. Ceux qui me suivent sur LinkedIn ont peut-être vu que j’avais relayé des informations sur Oé, anciennement Pinot Bleu. D’une box spécialisée dans les vins bio, ils ont pivoté vers la production directe. Labellisés B Corp depuis 2017, ils ont amélioré leur score lors de leur recertification début octobre. La jeune pousse ne cesse de proposer des initiatives allant dans le sens de son engagement, dernièrement en réinstaurant la consigne de bouteilles de vin. La France n’est pas connue pour pratiquer la consigne ; c’est un peu le cas pour la bière, mais pas pour le vin. La raison invoquée : le prix. Les bouteilles sont peu chères. En revanche, une bouteille consignée, c’est une empreinte carbone moindre et une économie d’eau. Oé s’est d’abord concentré sur sa ville d’origine, Lyon, mais va étendre les points de consignes, en particulier à Paris. Reste à voir si cela sera adopté par les consommateurs. C’est un vrai pari, mais il y a très probablement des segments de clients et des gammes de prix où cette démarche peut fonctionner.
Et les initiatives ne s’arrêtent pas là notamment pour toucher un maximum d’acteurs de la filière. L’association Vignerons en Développement Durable, fondée en 2010, est sur une dynamique positive depuis le début de l’année avec un engagement RSE de plus en plus marquée et une approche inclusive qui dépasse les vignerons. Ils ont lancé un label RSE en janvier, Vignerons Engagés, qui s’appuie sur la norme 26000, et décline des actions précises en matière sociale, environnementale, sociétale et managériale. L’association s’est également ouverte aux autres acteurs de la filière viticole, en accueillant des fournisseurs. Ils célébraient il y a quelques semaines l’adhésion des six premières entreprises. Il est certain qu’une démarche de transformation globale de la filière doit impliquer un maximum d’acteurs de l’écosystème.
Les vignerons ne sont pas rétifs aux labels. Les maisons prestigieuses n’affichent pas systématiquement le label bio ou Demeter pour la biodynamie, mais globalement, c’est une approche de plus en plus consensuelle. On voit même que la démarche va au-delà de la vigne pour intégrer l’éco-conception - prenons l’exemple de Ruinart - ou l’empreinte carbone - la maison Drappier que j’aime beaucoup est pionnière depuis plusieurs années. En revanche, il est vrai que les efforts des vignerons se focalisent sur les aspects environnementaux au détriment d’autres dimensions clés aujourd’hui. La démarche des Vignerons engagés est donc louable. Le label B Corp est quasi absent de cet univers. Il y a quelques exceptions, dont Les Grappes, caviste en ligne, et le Château Maris, à ma connaissance le seul domaine labellisé en France. Il y a une petite mouvance B Corp aux Etats-Unis, notamment dans l’Oregon. Ils ont même lancé un pass de visites des domaines labellisés. Concernant le statut d’entreprise à mission, à part Terra Hominis dont je n’arrête pas de vous parler, c’est tout pour le moment. On peut s’attendre à ce que les dimensions autres que l’environnement prennent petit à petit de l’ampleur. Cela peut en effet être un marqueur différenciant dans un milieu très concurrentiel. C’est le pari pris par les Vignerons de Buzet. La coopérative du Sud-Ouest est sur une appellation peu connue et peu valorisée. Afin de se démarquer et de sortir d’une gamme de prix d’entrée de gamme, ils ont décidé de jouer la carte de la RSE. Les résultats sont encourageants, puisque cela leur permet une meilleure présence dans la grande distribution, même si l’augmentation des prix n’est pas encore au rendez-vous. Cela reste un bon premier pas. Et tant d’autres sont encore possibles !
REX D’UN COMITE DE MISSION. L’agence Déclic a organisé son premier comité de mission. Dans un post sur leur blog, elle partage la constitution et le déroulé de cette première rencontre. C’est intéressant !
La citation de la semaine
Pour donner le meilleur, il convient de se donner un objectif global qui remplace les intérêts locaux, augmentant le sens et l'investissement en intelligence des individus de l'entreprise. Pour Martin Selingman , chercheur en psychologie, le bonheur consisterait à connaître ses forces, à les développer et à les déployer en étant au service de quelque chose de plus grand que soi. C'est vrai de toute équipe, de toute structure. Cela devrait être aussi le cas pour les stakeholders (parties prenantes influentes de l'entreprise), qu'ils soient internes (patrons, représentants du personnel…) ou externes (actionnaires, clients…). Force est de constater que, selon les époques, le pouvoir est à l'un ou l'autre de ces groupes d'influence, qui tente alors de tirer la couverture à lui. Il abuse ainsi de ce pouvoir éphémère, agissant de son point de vue partial et partiel, au mépris du développement durable de l'entreprise, favorable à tous les stakeholders.
L'important est moins le pouvoir que la manière dont il est exercé. Il peut être une composante naturelle du bon fonctionnement de l'entreprise. Il permet alors une richesse, une fédération et un alignement des énergies, sur une base de responsabilisation et de partage. Aujourd'hui, comme le souligne Michel Crozier, sociologue français, l'entreprise doit même déraciner les recherches discrètes d'intérêt local pour orienter vers un intérêt partagé, pour imprégner de sens en recréant un projet qui permet de transcender les intérêts locaux.
Extrait de Sagesse en entreprise. Vers un leadership responsable de Jean-Jacques Maillard, cité dans Les Echos.
Du côté des idées
François Lett, directeur du Développement éthique et solidaire chez Ecofi (une société à mission), publie une tribune dans Le Courrier Financier dans laquelle il propose le statut de société à mission comme l’arme ultime contre les OPA hostiles. Pas bête ! A voir dans la réalité tout de même…
C’est tout pour cette semaine. J’espère que vous aurez apprécié ce focus. Dites-le moi afin que je puisse savoir si cela vaut le coup d’en refaire. Merci d’avance de vos likes, partages et commentaires. Et surtout, parlez de la newsletter à votre réseau !
A vendredi prochain,
Vivien.
Bonjour Vivien et merci pour ce focus sur la filière vin et particulièrement l'initiative du Petit Ballon !
"Donner du sens a son entreprises, ses actions, son empreinte sur la société et son environnement" pourrait-être une partie de la définition du "développement durable".
La démarche du Petit Ballon que vos mettez en lumière est particulièrement intéressante et inspirante : Comment faire pour que ses engagements infusent l'entreprise tout entière, tout en apprenant a chaque étape pour s'adapter, continuer d'évoluer tout en soutenant le développement commercial (Comme vous l'écrivez, ce n'est pas incompatible !).
Pour ma part, je guetterai avec grand plaisir les prochaines sorties de "La machine à sens"
A bientôt
Christophe