#6 Adapation partielle de la méthode Montessori à l'entreprise
Chronique de 'Maria Montessori. Récit de la méthode'
Dernière missive estivale en forme de chronique d’ouvrage. Et pour terminer, j’ai décidé de vous surprendre un peu (enfin j’espère !). Je suis un avide lecteur de livres, mais aussi de BD. Je trouve qu’il y a un caractère protéiforme assez génial à ce médium, ce qui lui confère une richesse incroyable pour traiter des sujets extrêmement divers. Et je trouve qu’on ne traite pas avec suffisamment de sérieux les bandes dessinées qui traitent de sujets sérieux ! Et pourtant…
C’est pour cela que j’ai décidé de vous parler de cette BD que j’ai lue récemment Maria Montessori. Récit de la méthode par Alessio Surian, Diego Di Masi et Silvio Boselli (Les Enfants rouges, 2019). Vous pouvez vous poser la question : mais pourquoi donc parler de Montessori dans une newsletter consacrée à l’entreprise d’aujourd’hui ? La réponse se trouve dans une rencontre faite avec Edouard Pick, le DG de Clinitex, une ETI dans l’entretien de bâtiments professionnels. Clinitex fait partie des porte-drapeaux des entreprises au management bien particulier, souvent associées à l’entreprise libérée. Mais quand j’ai rencontré Edouard, il a précisé que Clinitex se détachait de l’entreprise libérée et préférait parler de “management à la Montessori”. C’est de là que cette missive tire son origine.
Egalement, il s’avère qu’un des points communs des sociétés à mission ou des B Corps porte sur le management. Je ne suis partisan d’aucun courant de management en particulier, mais je considère que le management hiérarchique et rigide n’a plus sa place en entreprise. Il a pourtant la peau dure et dans les entreprises qui n’ont pas encore complètement fait leur mue, les relents sont fréquents, surtout quand il y a des frictions. Et c’est vrai que remettre en question des décennies de management directif, voire autoritaire, des cultures d’entreprise fondées sur l’obéissance aux ordres et à la quasi interdiction de prendre des initiatives et d’échouer, c’est difficile. Tout le monde n’est pas prêt à s’astreindre à un nouveau régime où l’autonomie, le collaboratif, la confiance, la responsabilisation et le manager coach sont les principes cardinaux de la réussite de l’entreprise.
Mais revenons à cette BD. Maria Montessori a révolutionné le monde de l’éducation au début du XXe siècle. Je conseille la série que Le Monde lui a consacrée cet été. Les six articles reviennent sur sa vie, le développement de sa méthode d'abord auprès d’enfants dits “idiots”, puis auprès de tous les enfants, ses différents périples aux Etats-Unis, en Inde, puis aux Pays-Bas et surtout la diffusion de sa méthode dans le monde entier.
En lisant Maria Montessori. Récit de la méthode, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec l’entreprise. Je précise qu’il n’est jamais fait. Et d’ailleurs, il serait inopportun de faire une stricte analogie entre la relation éducateurs-enfants que la méthode vise et celle entre managers et collaborateurs en entreprise. Toutefois, les éléments de comparaison sont bien présents. La BD expose l’importance de l’expérimentation, du faire pour apprendre et comprendre, de la mise en place de tous les dispositifs pour que l’enfant puisse exercer dans les meilleures conditions. L’éducateur, mais surtout l’établissement, doit s’adapter aux besoins des enfants et, si possible, à leurs besoins individuels. Ce sont les clés de “l’autoéducation” qui est un pilier de la méthode Montessori. Mais, attention, tout ceci dans un cadre bien défini où il y a des limites et des vérifications. Il ne s’agit pas d’un laisser-faire sans frontière.
Il y a une logique de partenariat entre l’enfant et l’éducateur. J’aime beaucoup cette phrase : “l’éducation véritable n’implique pas seulement l’enfant éduqué mais aussi l’adulte qui se transforme.” En d’autres termes, une éducation réussie implique une bonne collaboration entre les parties prenantes.
Evidemment, les différences sont nombreuses avec le monde de l’entreprise : les collaborateurs ne sont pas des enfants ; les managers ne sont pas des éducateurs ; les collaborateurs n’attendent pas d’être éduqués, mais de gagner un salaire, de trouver du sens au travail etc. Mais, on peut toutefois trouver des sources d’inspiration. Un collaborateur mis dans de bonnes conditions fera un meilleur travail et s’épanouira davantage que s’il n’est pas considéré et que la qualité de vie au travail est absente en entreprise. L’entente entre collaborateurs et managers sera infiniment meilleure si la confiance existe entre les deux, presque par défaut (ce qui n’empêche pas la vérification). Le rôle du manager sera bien plus utile s’il n’est pas un simple ordonnateur, mais un leader qui fait grandir son équipe et l’accompagne à toujours mieux faire en expérimentant et parfois en échouant. L’entreprise, de manière générale, sera plus riche de cet état d’esprit positif et créatif qui existe dans l’organisation.
Maria Montessori. Récit de la méthode est une bonne introduction à l’univers que “La Montessori”, comme on l’appelait, a développé. Cela pousse à aller plus loin, à se poser des questions, en tant que parents, en tant que managers ou dirigeants. Dans l’entreprise du XXIe siècle, ces questions sont fondamentales. On ne dirige plus comme avant, mais on n’est plus non plus un simple exécutant comme avant en tant que collaborateur. Ce sont toutes les membres d’une organisation qui doivent se transformer, au même titre que l’organisation elle-même.
C’est tout pour cette semaine. Je serais curieux d’avoir votre avis sur cette méthode si vous la connaissez, ce que cela vous inspire !
A la semaine prochaine pour une reprise normale !
Vivien.