#38 Les entreprises engagées font tourner la Terre
Au sommaire : jour de la Terre, des entreprises veulent se responsabiliser sur le climat, Naturalia devient B Corp, Botanic et Axa Prévoyance & Patrimoine sont sociétés à mission etc.
Bonjour,
C’est aujourd’hui (jeudi) le Jour de la Terre. Je souffre d’un terrible biais d’information. Je m’étonne du nombre de personnes qui ne le savent pas et même parmi ceux qui suivent ces sujets de près. M’enfin : TMC a fait des émissions spéciales ; Google l’a mis sur sa homepage etc. Oui, mais voilà, mes sources d’information me biaisent un peu, donc forcément, il aurait été étonnant que je passe à côté. C’est comme le mois B Corp en mars. J’étais un OVNI à savoir ça : personne n’était au courant ! (enfin vous si, par la missive #32).
Aujourd’hui, je n’ai pas le temps de faire un édito, donc je me contente juste d’évoquer le Jour de la Terre. C’est suffisant. Et je vous invite à explorer Timelapse lancé par Google Earth. Vous y retrouverez l’évolution terrestre par images satellite sur 30 ans. Extrait vidéo.
Au sommaire :
Des entreprises veulent plus de réglementation sur le climat
Botanic passe à mission ; focus sur la nature
Le réseau Axa Prévoyance & Patrimoine vise une mission très business
Positive Workplace va aider la PQR à passer au vert
Vous êtes vertueux : Shine le récompense
Le super stage auprès de B Corps
Naturalia est certifiée B Corp
Vivalto Santé a une actualité brûlante qui va tester sa démarche de société à mission
Nuageo dévoile petit à petit sa raison d’être
Où sont les arbres ?
Son de la semaine : Creedance Clearwater Revival - “Bad Moon Rising”
Du côté des entreprises
RÉGLEMENTEZ NOUS ! On a souvent cette image consistant à penser que les entreprises veulent toujours moins de réglementation. C’est une image souvent véhiculée par les syndicats patronaux, mais la réalité est plus nuancée. Sur certains sujets, les entreprises peuvent vouloir plus de réglementation. Un exemple : les enjeux climatiques.
On a beaucoup critiqué la demande du MEDEF au printemps 2020 de reporter certaines politiques environnementales suite au déclenchement de la crise sanitaire. Un an plus tard, presque jour pour jour, il est important de parler de l’initiative “Climate Act” lancée par un collectif de 106 entreprises innovantes en hypercroissance, dont Alan, BackMarket, Blablacar, ilek, Le Slip français, Openclassrooms, Payfit, Shine, Vestiaire Collective ou encore Welcome to the Jungle.
Ce collectif considère la réglementation trop peu contraignante sur les sujets climatiques et appelle à des changements.
Pendant que seule une minorité d'entreprises comptabilisent une faible part de leurs émissions, les autres, plus petites, peuvent se concentrer sur leur croissance sans prendre en compte leur incidence sur le climat. Nous jugeons le seuil réglementaire trop élevé et son envergure trop restreinte. Nous pensons qu'il est de notre responsabilité de prendre les devants pour nous placer dans l'action dès aujourd'hui.
Le seuil réglementaire est fixé à 500 collaborateurs pour faire un bilan carbone. Ce collectif estime donc qu’il faut le revoir vu l’urgence climatique dans laquelle nous sommes et pour que chacune et chacun comprenne que toutes les entreprises ont leur rôle à jouer pour lutter contre le dérèglement climatique.
Eux s’engagent à faire un bilan carbone sur les trois scopes d’ici la fin de l’année, de communiquer les résultats publiquement et de mettre en place des actions correctives.
Ils demandent également que l’inclusion dans les listes du Next 40 et du French Tech 120 exige qu’un bilan carbone soit réalisé.
NATURE FIRST. Le groupe de jardineries Botanic devient société à mission. Acteur majeur du secteur, il rejoint donc Truffaut dans cette dynamique qui va bien à ce type d’entreprise porté par des valeurs RSE clairement affichées. Groupe 100% familial, il conforte l’idée que les entreprises familiales sont d’excellentes candidates pour s’investir dans la démarche de l’entreprise à mission.
Sa raison d’être : “Ensemble, retrouver le chemin de la nature”. Le ton est donné : la mission de Botanic sera totalement portée sur les enjeux environnementaux. Cela est confirmé par les quatre objectifs que l’entreprise s’est fixé : proposer une offre alternative et mieux-disante pour respecter la nature ; créer les conditions de transmission de savoir-faire environnementaux ; cultiver une relation de confiance avec toutes les parties prenantes du groupe : collaborateurs, clients, fournisseurs, partenaires ; et garantir la cohérence environnementale de nos sites.
Vous commencez à me connaître un peu : j’aime bien décortiquer les missions. Je trouve la raison d’être hyper intéressante : conforme au métier de l’entreprise, inclusive et inspirante. Surtout, utiliser le terme de “retrouver” signifie que ce chemin a été oublié. A l’entreprise de participer à cette mission de nous reconnecter à la nature.
Globalement, les objectifs sont bien enlacés avec la raison d’être. Pour retrouver le chemin, il faut la respecter (objectifs 1 et 4). Pour retrouver le chemin, il faut mieux connaître la nature (objectif 2) - on pourrait s’attendre à des actions de sensibilisation portées par l’entreprise. Pour retrouver le chemin ensemble, il faut un lien de confiance avec toutes ses parties prenantes (objectif 3). Bravo !
UNE PREMIÈRE. On connaît les coopératives à mission, les mutualistes à mission, les entreprises à mission, mais pas encore les réseaux à mission. Après la promulgation de la raison d’être d’Axa l’an dernier, le réseau des Agents généraux AXA Prévoyance & Patrimoine (1300 agents en France) vient de développer sa mission.
Sa raison d’être : “Vous conseiller durablement pour protéger vos projets de vie et transmettre un monde plus responsable”. L’ancrage métier est donc très prégnant, puisque la raison d’être montre que c’est par les conseils au quotidien que le réseau envisage de traduire une mission plus large. On imagine que le “durablement” renvoie à la fois à l’aspect temporel d’une relation de longue durée, mais également à l’aspect de développement durable. Je suis plus hésitant sur la deuxième partie de la phrase. Je ne sais pas trop ce que signifie “transmettre un monde plus responsable”. Peut-être va-t-on trouver les réponses dans les objectifs.
Il y en a quatre :
“Vous apporter à tout moment notre expertise, fruit d’une formation d’excellence intégrant les sujets de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE).”
“Vous proposer des solutions labellisées citoyennes.”
“Vous accompagner dans la réalisation de vos projets à chaque étape de votre vie.”
“Vous donner l’opportunité de vous engager pour un monde plus responsable.”
Je trouve ces objectifs certes très bien formulés, mais je suis étonné qu’ils soient aussi terre-à-terre. Ils sont hyper business et ne me semblent pas forcément ancrer l’entreprise dans une démarche d’amélioration continue. Les trois premiers relèvent davantage d’une démarche dans l’ère du temps en adaptant les compétences et le portefeuille produits - en gros pour chercher à se différencier par rapport aux concurrents (cf. la vidéo d’ailleurs). Le dernier objectif peut éventuellement faire sortir la mission des murs de l’entreprise, mais n’étant pas plus défini, il reste vague.
Je pense que l’utilisation du “vous” a enfermé les réflexions sur le client. Cela donne un côté commercial à la mission qui, je trouve, dessert l’intérêt de l’exercice. Cela pose l’entreprise en simple intermédiaire : on prend les meilleurs produits et les plus vertueux pour les proposer à nos clients. Mais cela ne pose pas le réseau dans une position pro-active pour améliorer les choses.
LA PRESSE AU VERT. La presse quotidienne régionale (PQR) en France, c’est 3,5 millions exemplaires imprimés par jour sans compter le nombre de connexions aux sites des 13 groupes la constituant. Donc, il y a un sujet climat très important… La RSE, ils en font déjà, mais les efforts sont disparates. Face à ce constat, la régie nationale de la PQR 366 et son agence conseil Holisteam ont missionné Positive Workplace pour faire développer une approche globale vis-à-vis de toute la PQR.
Cela regroupe plusieurs phases : diagnostics RSE avec une focale sur le bilan carbone et les stratégies de réduction associées, accompagnement à la certification de 366 au label Positive Workplace (nouvel émergent français dans les labellisations généralistes RSE qui monte en puissance), pilotage des émissions carbone des campagnes médias du groupe et animations d’ateliers RSE.
C’est une démarche intéressante, parce que très complexe. Chaque groupe ayant ses propres pratiques, vouloir les harmoniser ne sera pas tâche aisée, mais c’est la réalité même au sein d’un groupe à multiples filiales. Trois ans de chantiers ne seront pas de trop pour transformer l’essai.
BONUS AUX VERTUEUX. Deuxième mention de Shine, néobanque fondée en 2018 et rachetée par la Société générale. En effet, ils vont lancer un nouveau prêt aux entreprises. Certes, c’est une nouveauté pour Shine, mais ce n’est pas ce qui a attiré mon attention.
L’entreprise a décidé d’offrir un bonus aux entreprises engagées dans le développement durable en réduisant les taux d’intérêt de 0,5%. Quels critères seront retenus ? Il faut remplir au minimum deux conditions données par Shine, telles que la réalisation et la publication d’un bilan carbone, disposer d’une politique d’achats responsables, l’obtention de labels, dont le label Lucie ou B Corp. Je ne sais pas si être société à mission qualifie comme “label” ici.
Une démarche qui va relancer le débat : la vertu contre des avantages concrets est-elle encore une vraie preuve de vertu si elle est motivée par des avantages fiscaux, de taux etc. ? Autrement dit, ce type de dispositif ne crée-t-il pas le risque que des entreprises cherchent juste à remplir des cases a minima pour bénéficier d’avantages économiques sans que leur démarche ne soit sincère ou profonde ? Vous avez quatre heures !
DES RAYONS B CORP ? Je vous parlais il y a quelques semaines d’Ocada, un supermarché britannique en ligne, qui, sans être B Corp, offrait désormais des rayons entièrement dédiés aux produits labellisés B Corp (missive #30). Peut-être peut-on imaginer que cela arrivera à terme chez Naturalia, première chaîne de magasin alimentaire à recevoir la labellisation.
L’entreprise du groupe Casino vient en effet de dépasser les 80 points nécessaires pour l’obtention du label. C’est un “gros poisson” pour B Corp : le groupe pèse 395 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020 et bénéficie d’une forte exposition auprès du grand public avec ses 226 magasins en France, en Belgique et au Luxembourg.
Je vous avais parlé des difficultés que B Corp rencontrait pour séduire les grosses entreprises (missive #7). Sans être une grande entreprise, Naturalia illustre que de belles ETI peuvent s’engager dans cette voie. Evidemment, l’ADN de l’entreprise est déjà marqué par la RSE, mais c’est le beaucoup de beaucoup d’autres.
A SUIVRE. L’actualité de Vivalto Santé est brûlante. Acteur majeur de l’hospitalisation privée, le groupe va passer société à mission en juin. Il convoite, en concurrence avec d’autres acteurs étrangers, le rachat des Hôpitaux Privés du Littoral. Il sera intéressant de voir si la démarche dans laquelle Vivalto Santé se trouve lui apporte un avantage dans cette affaire.
Parallèlement, le pacte d’actionnariat arrive à son terme cette année. Le capital est bien ouvert, mais reste à savoir si le tour de table sera modifié et comment. Le groupe a toujours cherché à éviter des investisseurs étrangers pour se singulariser de ses pairs, explique l’article de l’Agefi. D’où le fait qu’un tiers de l’actionnariat soit détenu par les praticiens, mais pas sûr non plus que cela soit suffisant pour porter les ambitions du groupe. Surtout, il faudra voir comment le vote sur la société à mission influe sur le futur tour de table…
Bref, affaire à suivre de très près…
PETIT A PETIT. Nuageo, ESN spécialisée sur le cloud, est en route pour devenir une société à mission. Elle vient de dévoiler sa raison d’être : “Guider les êtres humains vers des usages numériques soutenables à impacts positifs, pour contribuer à une société libre et inclusive.”
Sur leur blog, ils expliquent que chaque mot a une signification bien précise. Il commence par le terme “guider”. Les autres seront explicités au fur et à mesure. Je suivrai avec intérêt. Et je ferai mon analyse une fois qu’ils auront tout expliqué…
LE SUPER STAGE. Je suis malheureusement un peu trop âgé pour espérer faire ce type de stage, mais quels chanceux ceux qui peuvent se lancer dans cette belle initiative. Dans le cadre du programme de stage Business for Good de l’université de South Florida, une douzaine d’étudiants vont effectuer un stage dans des entreprises qui sont en cours de certification B Corp. Un excellent moyen pour des étudiants de comprendre l’état d’esprit des équipes de direction qui souhaitent rentrer dans cette démarche vertueuse, les difficultés auxquelles elles peuvent faire place etc. Un stage de rêve et une belle expérience à mettre en avant !
OU SONT LES ARBRES ? La compensation carbone est une méthode utilisée par beaucoup d’entreprises pour réduire leur empreinte carbone. Souvent, cela se traduit la plantation d’arbres. Mais savez-vous ce que cela signifie en réalité ? Bonne enquête de Les Echos Start sur ce sujet dont on entend beaucoup parler, mais qu’on connait mal.
Mon son de la semaine
En ce Jour de la Terre, il fallait une chanson adaptée. J’ai choisi “Bad Moon Rising” de CCR. C’est old school, mais surtout, les paroles sont terribles. J’espère qu’on n’arrivera jamais à ce type de dérèglement climatique. On sait ce qu’ils nous restent à faire…
Pas de rubrique des idées cette semaine, mais quand même pas mal d’autres infos. C’est tout pour cette semaine. Merci de votre lecture ! Vos commentaires, likes et partages sont le meilleur de faire connaître cette newsletter et toutes les initiatives engagées dont je parle.
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Je suis effectivement un être de chair et d’esprit. Si vous souhaitez partager une actu, une analyse, faire du ping pong intellectuel sur vos réflexions, me conseiller une entreprise à interroger pour “L’entretien du mois”, réfléchir à des synergies, ou encore me conseiller de me pencher sur un sujet, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, par email ou via LinkedIn.
A mercredi pour l’entretien du mois et à jeudi pour la prochaine missive,
Vivien.