#28 Et s'il fallait juste un peu plus de temps...
Mon analogie entre le bio et la biodynamie dans le vin et les entreprises responsables ; beaucoup d'annonces de sociétés à mission ; Coursera s'engage ; le premier fonds de pérennité etc.
Bonsoir,
Saviez-vous j’avais lancé ma page LinkedIn ? Non ? Eh bien, c’est par ici si vous souhaitez vous abonner.
Je vous avais dit “à mercredi” et pourtant, vos boîtes email sont restées vides… Je m’en excuse. J’ai eu une semaine extrêmement dense et j’ai préféré reporter la publication de ma rencontre avec Jean-Pierre Richard, DG d’ESII, à mercredi prochain afin de la finaliser. Et la densité de la semaine joue sur la longueur de cette newsletter, plus épurée que d’habitude !
Mais je vous partage juste un court édito pour débuter cette 28e missive. Et si l’engagement des entreprises dans une dynamique responsable était comme le bio et la biodynamie dans le vin ? Dans une précédente missive, j’avais évoqué la débauche d’énergies positives dans toute la chaîne de valeur, du raisin jusqu’au verre. C’est un milieu que je suis avec intérêt, d’autant que je suis un grand amateur de ce joli liquide. Et forcément, je fais parfois des analogies liées au vin.
Voici celle du jour. Il y a à peine dix ans le bio dans le vin, c’était soit caché, soit une conviction de niche pour amateurs. Bref, c’était loin d’être la marée verte qu’on connaît aujourd’hui. Pourtant, de très grands domaines avaient déjà parié sur le bio ou la biodynamie depuis très longtemps, comme le Château Pontet-Canet (Bordeaux), le domaine de la Coulée de Serrant (Vallée de la Loire), domaine Leroy (Bourgogne) ou encore le domaine Zind-Humbrecht (Alsace).
Pendant de longues années, le bio et la biodynamie ont souffert d’une mauvaise réputation auprès de nombre de consommateurs. Les vins étaient vus comme moins bons, moins fruités, moins accessibles, moins bien maîtrisés etc. Des ovnis dans un univers assez uniformisé. Tout y est passé. Les labels étaient rarement arborés sur les bouteilles de peur de faire fuir certains consommateurs.
Cela n’incitait pas à une révolution de masse. Ces conversions relevaient de la conviction, d’un choix profond des vignerons, au-delà des considérations financières de court terme. C’était une démarche vertueuse qui porterait ses fruits déjà dans la terre et économiquement à plus long terme.
Et il y avait un peu de vrai dans les commentaires critiques. La réalité est que faire du vin bio ou en biodynamie, c’est se rajouter de très nombreuses contraintes, alors que les difficultés abondent : maladies de la vigne, événements climatiques variés et parfois violents etc. En étant moins interventionniste à la vigne et dans la vinification, cela demande une maîtrise et une attention beaucoup plus élevées. On passe forcément par des hauts et des bas afin de trouver la bonne formule.
Tout cela est désormais terminé ! Le bio est perçu comme plus respectueux de l’environnement, mais surtout, son goût plus authentique est recherché. C’est devenu mainstream. Toutefois, les contraintes pour passer au bio restent toujours aussi fortes. Simplement, c’est plus accepté et il y a eu un effet d’apprentissage important. Des appellations entières sont quasiment totalement en bio aujourd’hui, en Alsace ou dans le Languedoc par exemple.
Cela étant, ne regardons pas les vignerons qui ne sont pas en bio avec dédain. Certains suivent d’autres pratiques déjà vertueuses, telles que l’agriculture raisonnée. C’est moins contraignant, mais parfois, ils ne disposent pas des marges financières pour prendre le risque de passer en bio ou en biodynamie, ou ne le peuvent pas (ils peuvent être entourés d’autres vignobles qui sont en conventionnel…).
Et si c’était pareil pour les entreprises ? Les différents labels et qualités restent volontaires (B Corp, société à mission, PME+ etc.) et encore assez confidentiels. “Des éclaireurs” pour reprendre les mots de la secrétaire d’Etat Olivia Grégoire. L’enjeu financier est rarement le premier moteur. Les motivations relèvent des convictions personnelles des dirigeants de ces entreprises, de leur volonté d’avoir un impact positif qui dépasse la sphère économique. C’est un choix philosophique qui nécessite d’accepter que le différentiel de prix par rapport à des concurrents moins-disant peut leur faire perdre des clients potentiels. Mais au plus profond d’eux, ils se disent que c’est un choix payant, soit parce qu’il correspond à ce que recherchent suffisamment de clients pour assurer le succès de l’entreprise, que c’est la voie que le secteur prendra à terme face à de futures réglementations, ou encore que c’est le meilleur moyen d’attirer, de fidéliser et de générer de la fierté chez les collaborateurs.
Et peut-être que le mainstream de demain sera la démarche de niche d’aujourd’hui…
Du côté des entreprises
COUPURE DE RUBAN. Elémentaire vient de lancer le premier fonds de pérennité tel que défini par la loi PACTE. Déjà société à mission, la marque de sous-vêtement pour enfants est donc la première à franchir le pas. Il agit comme actionnaire minoritaire vigilant au respect des engagements de l’entreprise et pourra participer à des actions d’intérêt général. Je reviendrai sur le sujet dans une prochaine missive.
ENSEIGNER, C’EST UNE MISSION. En France, OpenClassrooms n’avait pas perdu de temps après le passage de la loi Pacte pour devenir une société à mission. Un an plus tard, c’est au tour de Coursera d’emprunter une voie similaire outre-Atlantique. Ils font en effet coup double devenant Public Benefit Corporation et B Corp. Passer PBC est un équivalent américain encore plus engageant que la société à mission, car cela modifie le statut général de l’entreprise. Les exemples sont rares aux Etats-Unis, notamment parce que le droit des sociétés est morcelé et donc ce statut n’existe que dans quelques Etats.
Pourquoi maintenant ? Le PDG de Coursera Jeff Maggioncalda le justifie par la crise sanitaire, qui les a encore renforcés dans leur conviction qu’ils avaient un rôle essentiel à jouer dans l’éducation et l’empowerment des communautés et des institutions dans le monde. Connaissez-vous d’autres entreprises dont l’état d’esprit a profondément évolué suite à la crise sanitaire ? Dites-le moi par retour d’email ou en commentaires. Je les partagerai dans une prochaine missive.
L’ATTENDUE. C’est désormais une lettre attendue : celle de Larry Fink, patron de BlackRock. C’est un peu un State of the Nation pour le monde de l’investissement. Il poursuit sur la dynamique déjà engagée consistant à marteler que le risque climatique est un risque d’investissement. Il ajoute à cela que cette transition va être porteuse de nombreuses opportunités. Les entreprises du portefeuille de BlackRock peuvent donc s’attendre à devoir faire plus de reporting et à préciser comment leur business model est compatible avec un monde neutre en carbone.
CA CONTINUE ENCORE ET ENCORE. En novembre dernier, le groupe d’investissement immobilier Noviaxia passait à mission. C’est désormais sa filiale fonds de gestion Novaxia Investissement qui vient d’adopter la qualité. Déjà engagé dans la certification ISR. Avec cette annonce, le groupe étend sa démarche à l’épargne social et responsable. La société de gestion reprend la même raison d’être que le groupe : “développer l’investissement dans le renouvellement urbain au bénéfice du plus grand nombre”.
Les objectifs eux lui sont spécifiques. Ils sont assez étonnants, car ils conjuguent des ambitions assez larges et peu quantifiables (“répondre à la pénurie de logements”) et d’autres très précis et engageants (“développer 100% de projets de recyclage urbain, sans artificialisation nette des sols”).
L’IMMO EN POINTE. Cela bouge dans le secteur immobilier. C’est au tour d’Hemea, entreprise accompagnant les projets d’architecture et de rénovation, de passer société à mission. Difficile de trouver l’info, accessible seulement sur Business Immo. J’avais déjà eu le même problème avec WeMaintain. Je vais bientôt prendre un abonnement si ça continue !
COMME UNE MISSION A LA POSTE ? L’Etat a demandé fin 2019 à toutes les entreprises dans lesquelles il est actionnaire de formulaire une raison d’être statutaire. Nous n’y sommes pas encore (ce sont des paquebots qu’ils n’aient pas aisé de manœuvrer), mais il sera intéressant de voir combien iront plus loin : vers la société à mission. En tout cas, La Poste a affranchi l’enveloppe :
C’EST CONFIRME. Si vous êtes abonné.e depuis au moins quelques semaines, vous aviez déjà la primeur de l’information. Le groupe foncier Frey passe officiellement à mission. Cela a été confirmé lors de son AG qui s’est tenu fin janvier.
CA MISSIONNE DANS LA COM. Pas une semaine désormais sans qu’une agence de communication ne vienne renforcer la communauté des sociétés à mission. Cette semaine, c’est plutôt une prévision. L’agence bordelaise Aggelos a confirmé l’acquisition de Triple C spécialisé dans l’événementiel et a annoncé son souhait de passer société à mission. Déjà labellisée B Corp, l’agence souhaite prolonger son engagement avec la société à mission. J’aime bien ce que dit son fondateur : “On n’a pas forcément besoin d’être certifié pour être engagé, mais on a besoin d’un tiers de confiance pour prouver qu’on est bien dans les clous de la démarche”.
C’EST POUR BIENTÔT. La compagnie d’assurances Wakam a eu une communication étonnante sur LinkedIn : ils ont annoncé qu’ils rejoignaient la communauté des sociétés à mission. Pas si fréquent de l’annoncer avant de le devenir, mais c’est dans les tuyaux.
Du côté des idées
INTERVIEW CROISE SUR LA RAISON D’ETRE. Errol Cohen, désormais bien connu des lecteurs réguliers, et Jean Watin-Augouard, conseiller en valorisation des entreprises et marques par leur histoire humaine, s’adonne à une interview croisée très riche sur la raison d’être pour Le Journal des RH. A écouter !
LA RSE ET LA MISSION. C’était l’objet de mon édito de la semaine : une démarche RSE est un excellent levier pour passer société à mission. Des travaux de recherche menés par Thibault Cuénoud, Philippe Schäfer et Vincent Helfrich viennent appuyer mon analyse empirique dans un article pour The Conversation. Pour expliquer ce phénomène, il mobilise le concept de bisociation. A lire pour savoir la suite.
EN RÉGION. Vous connaissez la communauté des sociétés à mission ! Bienvenue à L’Association des entreprises à mission de Lyon Auvergne-Rhône-Alpes fondée par l’agence de communication Syntagme récemment passée à mission. C’est un forum pour échanger entre pairs, mais également un véhicule de promotion de la qualité de société à mission. Vous êtes dans la région ? Toutes les infos sur leur site Internet.
Mon son de la semaine
Un peu de soleil, ça fait du bien en ce moment !
C’est tout pour cette semaine. Merci à vous d’avoir lu cette nouvelle missive. N’hésitez pas à la partager par email et sur les réseaux sociaux. C’est le meilleur moyen de la faire connaître. Vos commentaires et remarques sont toujours très appréciés. Je vous dis à mercredi !
Bonsoir Vivien,
L'analogie des formes de stés responsables avec les vins bio est bien pensée et en plus le vin a une partie de rêves et les sociétés responsables font rêver a une société meilleure.
Concernant les raisons: " ils se disent que c’est un choix payant, soit parce qu’il correspond à ce que recherchent suffisamment de clients pour assurer le succès de l’entreprise, que c’est la voie que le secteur prendra à terme face à de futures réglementations, ou encore que c’est le meilleur moyen d’attirer, de fidéliser et de générer de la fierté chez les collaborateurs" je préfère les voir en conséquences avec pour seule raison d'œuvrer pour une société meilleure (responsable, éthique et à longue vue).