#89 Décryptage de la mission d'Enedis
Analyse de la raison d'être et des objectifs statutaires de l'entreprise
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans ce 89e décryptage de mission. Comme je le disais lors de la dernière analyse, j’avais unilatéralement décidé de m’attarder sur la mission d’Enedis.
Mais, revenons aux bonnes habitudes en vous proposant de choisir le prochain décryptage. Je vous propose deux options : le Château Chasse Spleen (vins) et Adova Group (une des marques est Treca) (literie). Voici leurs raisons d’être :
Château Chasse Spleen : “Issu du fruit de nos vignes, notre vin est un produit culturel. Par lui, nous sommes des messages du terroir médocain. Sur ce territoire et au-delà, nous œuvrons ensemble à l’épanouissement de notre environnement naturel, humain et économique”.
Adova Group : “Cultiver nos savoir-faire et se réinventer pour un confort de vie durable”.
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Un peu old school comme morceau , je vous propose “Electricity”, un excellent morceau du sublime premier album de Avalanches, sorti en 2001. J’adore son côté electro-funk. Cela me rappelle ma jeunesse.
Enedis est une entreprise emblématique par sa proximité avec EDF, dont elle est une filiale, et en cela qu’elle entièrement liée à des enjeux publics : la distribution d’électricité. L’histoire de l’entreprise en tant que telle remonte à 2008 et son nom actuel de 2016 — c’était ERDF avant.
Elle vient montrer la voie à d’autres entreprises très proches d’enjeux de société, voire de service public, je pense aux entreprises liées à des délégations de service public. Surtout, il sera intéressant de voir le déploiement de la mission en interne avec ses 35000 collaborateurs.
La raison d’être :
Agir pour un service public de la distribution d’électricité innovant, performant et solidaire. Raccorder la société au défi collectif d’un monde durable.
Enedis a choisi une raison d’être en deux phrases. C’est une approche intéressante, car elle permet souvent d’avoir une phrase “catchy” accompagnée d’une phrase plus descriptive. Cela en fait une raison d’être plus complète, singulière et utile. Ici, les deux phrases sont courtes, donc l’effet est peut-être un peu moins profond.
Avec cette raison d’être, Enedis choisit la clarté et la simplicité. Elle se focalise sur son cœur de métier dans la première phrase en rappelant sa mission de “service public”. La seconde cherche à affirmer une vision plus sociétale avec un jeu de mots sur “raccorder”. Je reste de nouveau dubitatif sur le recours au terme “durable”, encore plus ici où il donne la fausse impression que le durable n’est qu’une question d’environnement…
Les trois termes « innovant, performant et solidaire » revêtent un certain nombre d’actions qu’il conviendra d’appuyer avec des objectifs. Ils ne sont pas spécialement originaux et c’est ce qu’on peut attendre d’une entreprise comme Enedis engagée dans un secteur comme l’énergie. Le plus intéressant dans ce triptyque est peut-être d’inscrire l’innovation dans les statuts, car cela oblige l’entreprise à consacrer une part significative de son chiffre d’affaires à la R&D.
La formulation « Agir pour » est à double tranchant. J’ai l’impression qu’ils n’arrivaient pas à s’accorder sur un verbe qui vienne avant « un service public… », d’où ce choix. Il a le défaut de ses qualités : facile à comprendre, mais peu énergisant.
Cette raison d’être laisse un peu sur sa faim. Elle est très simple à comprendre, ce qui est positif. Néanmoins, on pouvait s’attendre à une ambition plus fédératrice. La première phrase est une paraphrase du métier d’Enedis. La seconde est une tentative de donner une dimension sociétale à cette raison d’être, mais on ne sent pas vraiment comment, au global, cela va mettre l’entreprise dans une démarche d’amélioration continue. C’est davantage une affirmation qu’une ambition.
Les objectifs
Mobiliser notre expertise industrielle et numérique pour un réseau de distribution performant qui accompagne les modes de production décentralisés et qui accélère les usages sobres et innovants de l’électricité.
Je trouve la formulation de cet objectif très intéressante : presque mieux que la raison d’être. Il est un peu plus technique, mais plus engageant. On parle par exemple de « sobriété », terme qui n’a pas trouvé sa place dans la raison d’être. Seul hic, c’est une forme de paraphrase de la raison d’être, à la seule exception de la solidarité. Donc, il regroupe beaucoup de dimensions qu’il ne sera probablement pas simple à coordonner.
Intégrer dans nos activités les enjeux climatiques, la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.
Je suis gêné par cet objectif. On peut déjà s’interroger sur le terme « intégrer » vu l’activité d’Enedis, mais surtout c’est le strict minimum. Si les obligations réglementaires concernant la biodiversité et les ressources sont encore assez faibles, on peut difficilement imaginer que l’entreprise va tout juste commencer à “intégrer les enjeux climatiques”…
Par ailleurs, rappelons l’article 1833 du Code civil : toute société doit prendre en considération “les enjeux sociaux et environnementaux de son activité”. On aurait voulu un engagement plus volontariste même si je comprends que l’énergie est un secteur très régulé et que les marges de manœuvre sont assez limitées sous la supervision de la Commission de régulation de l’énergie.
Engager nos ressources et nos investissements au plus près des collectivités au service de la cohésion et de la résilience des territoires.
Rien à dire. Cela vient donner de l’eau au moulin de la solidarité activée dans la raison d’être.
Agir avec nos salariés et nos partenaires pour un service public proche de nos clients, inclusif et solidaire.
Sur le principe, je trouve cet objectif complémentaire de la raison d’être. La question que je me pose, que seule l’opérationnalisation permettra de traiter, est de savoir ce qu’Enedis va faire de plus, de mieux ou de différent par rapport à l’état actuel.
Ancrer dans nos métiers la diversité des personnes et des parcours, et préserver la santé et la qualité de vie au travail.
Cela ressemble à un objectif un peu fourre-tout sur les RH. On mélange la diversité et la santé… Je comprends l’intérêt d’une dimension santé et QVT, même si cela relève de la bonne gestion d’entreprise. Les techniciens peuvent opérer dans des conditions difficiles et pour maintenir la “performance” du service de distribution, la dimension humaine est essentielle.
Mais, je vais chercher un peu loin pour trouver le lien avec la raison d’être. En revanche, quel est le lien entre les aspects de diversité et la raison d’être ? Il n’est pas flagrant.
Mon conseil : attention aux objectifs fourre-tout. On peut être tenté d’avoir un objectif RH même si la raison d’être ne parle pas stricto sensu des équipes. Cela étant, il ne faut pas chercher à tout mélanger. Le risque en effet est de déconnecter l’objectif du reste de la mission, qui doit fonctionner comme un tout, voire de faire qu’une partie de l’objectif soit délaissée, car son lien avec la mission n’est pas évident. La cohérence doit être un principe cardinal d’une bonne mission.Au global
✅ Une raison d’être claire et simple à comprendre pour tous les publics internes et externes.
✅ Une bonne complémentarité dans l’ensemble entre la raison d’être et les objectifs, à l’exception du dernier.
📶 La mission interroge quelque peu sur les leviers qu’Enedis va pouvoir activer pour être dans une démarche d’amélioration continue. J’ai un peu l’impression que l’on est dans une démarche d’affirmation de l’existant, plutôt que d’amélioration.
📶 Le premier objectif est presque une paraphrase de la raison d’être, un peu plus technique, mais plus engageant et permettant de dégager davantage des axes de travail. Le seul inconvénient est que cela réunit beaucoup de dimensions et qu’il risque de prendre une place disproportionnée dans l’opérationnalisation.
📶 Le dernier objectif sur les RH est un peu fourre-tout et pas très en lien avec la raison d’être.
⚠️Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Je valorise le travail fourni en interne pour aboutir aux missions décryptées et offre simplement un avis, que j’espère, éclairé.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
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A demain,
Vivien.
excellente analyse, super clair, complètement en phase