#76 Réinventons la relation entre entreprises et collectivités au bénéfice des territoires
Egalement décryptage de la mission de Valorem (opérateur d'énergies vertes) et d'autres actus
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans la 76e missive de La Machine à sens.
Au sommaire de cette missive :
🤝 Edito : vers une coopération plus profonde entre collectivités et entreprises au bénéfice des territoires
☀️ Décryptage de la mission de Valorem
⭐ Le jour d’après chez Opquast
😯 Des investisseurs veulent un lobbying pro-Accords de Paris
🌍 La taxe carbone aux frontières de l’UE avance
👱♀️ Vers des quotas européens sur la parité dans les conseils d’administration
👩🦰 Le départ de femmes en entreprises est plus qu’une question de mixité
💡Et si on voyait la transition de manière positive ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne sur la pollution plastique, le co-fondateur de B Corp, le B4B et le PSG
🎧 Mon son de la semaine : Rover - Burning Flag
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Edito de la semaine
Découvrez un nouvel épisode du podcast de La Machine à sens dédié aux territoires. Il s’agit du deuxième format qui sera proposé sur le podcast : des entretiens avec des auteurs et des experts sur une thématique sociale ou environnementale.
Avec Emmanuel Dupont, expert-conseiller à l’ANCT et auteur d’un récent rapport, nous avons creusé différents sujets, dont le rapport des Français aux territoires, l’évolution des relations entre collectivités et société civile et les points de jonction que l’on pourrait imaginer afin d’arriver à une forme de “co-gestion des politiques publiques” pour reprendre ses termes.
Au cœur de son raisonnement, il situe la transition écologique comme le sujet clé pour réinventer la relation entre collectivités et entreprises. Cela fait d’ailleurs écho au dernier édito du Grand défi.
En effet, pour lui, la transition est un sujet qui est tellement complexe et sur lequel il n’y a pas de feuille de route à suivre que tous les efforts conjoints seront nécessaires pour trouver des solutions.
Il y a quelques temps, je vous parlais du concept de territoire à mission. C’est exactement le sens dans lequel Emmanuel souhaite que les coopérations territoriales se dirigent. Schématiquement, les collectivités ont une approche assez limitée de leurs interactions avec les entreprises : il faut trouver des moyens de les soutenir par des aides, des avantages divers et variés. On est soit dans une approche bilatérale ou dans une logique d’arrosage plus ou moins large. Il y a peu d’interférences avec les priorités des entreprises.
De leur côté, les entreprises adoptent une logique assez utilitariste des collectivités : elles sont autant de potentielles clientes via les marchés publics que des facilitateurs pour certaines subventions ou autres avantages. Elles sont également dans une approche principalement bilatérale.
Mais, si l’on voit aujourd’hui de plus en plus d’entreprises—à mission ou pas—s’investir sur les territoires pour mener des actions sociales, sociétales ou environnementales, c’est non seulement parce qu’elles estiment que cela relève de leurs responsabilités, mais également parce qu’elles perçoivent les limites des collectivités.
C’est donc à ce niveau que la relation est à réinventer :
sortir du bilatéralisme pour aller vers une approche collective et ainsi éviter la dispersion d’efforts ;
sortir de la relation strictement utilitariste pour trouver un enjeu commun de long terme—la transition écologique peut en être un au même titre que la formation par exemple—autour duquel fédérer les efforts ;
engager d’autres acteurs de la société civile, notamment les ONG, les étudiants ou les collectifs de citoyens, pour être challengés, nourris et pour favoriser une réflexion collective et globale avec le maximum de parties prenantes.
Cette démarche, qui relève complètement de celle du territoire à mission, devra être portée par un noyau d’entreprises. Cela pourra être les entreprises à mission, de l’ESS ou du moins animées par la volonté d’avoir un impact positif sur leur territoire. Cela passera également par des collectivités qui sont prêtes à réinventer leur posture, autant par pragmatisme que par leadership. Et il y a déjà des acteurs qui sont prêts à aller dans ce sens.
Le terreau est fertile ; il reste à ce que de premières histoires prennent forme pour en inspirer d’autres et que la réflexion sur le sujet continue de murir. Vous pouvez compter sur moi !
Du côté des entreprises.
☀️ DECRYPTAGE DE LA MISSION DE VALOREM.
Exceptionnellement, je ne suis pas le vote de la semaine dernière, car je n’ai pas encore récupéré tous les éléments de la mission de LinkUp Factory. La semaine prochaine j’espère. Donc, je vous propose le décryptage de la mission de Valorem, opérateur d’énergies vertes.
J’ai découvert Valorem dans Ce qu’un patron peut faire. Sociologie politique du patronat de Michel Offerlé et notamment Jean-Yves Grandidier, un des rares chefs d’entreprise ouvertement EELV, car il était cité dans l’ouvrage. En regardant l’histoire de l’entreprise, je m’étais dit qu’elle était toute désignée pour franchir le pas de l’entreprise à mission. C’est désormais chose faite.
La raison d’être
Valoriser ensemble les énergies des territoires, pour ouvrir la voie à un avenir durable et solidaire.
La formulation est assez classique : phrase courte et verbe d’action en début de phrase. Elle est claire et permet de comprendre le métier de Valorem. Elle mélange des aspects business et une vocation plus aspirationnelle.
Il est intéressant de noter que l’entreprise n’a pas utilisé le vocable d’énergie verte ou énergie renouvelable, pourtant très présent dans leur communication. Elle a privilégié un terme un peu plus flou, mais plus englobant : l’énergie des territoires. Cela permet ainsi de toucher l’aspect naturelle de l’énergie exploitée et le territoire dans une même expression. C’est plutôt malin même si ce qu’on gagne en approche globale, on le perd un peu en clarté et précision.
Le terme de “valoriser” peut être un peu galvaudé, mais il s’applique particulièrement aux métiers Valorem.
La seconde partie de la phrase est un peu moins convaincante, car elle commence à être convenue, même si la notion de solidarité est bien moins présente dans les raisons d’être que celle de durabilité.
Notons toutefois l’expression “ouvrir la voie” qui est ingénieuse, car elle reflète le caractère pionnier que l’entreprise a toujours cultivé depuis sa création en 1994.
Les objectifs :
Produire des énergies renouvelables en concertation avec les acteurs du territoire et partager la valeur économique créée avec eux.
Veiller à la préservation des écosystème naturels et amplifier l’impact positif de ses projets sur l’environnement.
Permettre aux collaborateurs d’être acteurs de la transition écologique, en leur offrant un cadre de travail engageant et épanouissant.
Croître, innover et agir pour la production d’énergies renouvelables abordables économiquement.
Développer des relation équilibrées et durables avec ses partenaires.
Défendre et mettre en œuvre une vision solidaire de la transition énergétique.
Premier constat : six objectifs, c’est beaucoup. Tous les suivre et les décliner demandera beaucoup de ressources et de suivi.
Le premier objectif est lié au mécanisme mis en place par Valorem avec Lendosphere de faire du crowdlending sur les projets d’énergies renouvelables (EnR). C’est une démarche intelligente pour créer de l’adhésion avec les parties prenantes locales.
Le second objectif est indispensable pour eux, car gérer des parcs éoliens est controversé. Donc la préservation des écosystèmes naturels est essentielle dans leur mission. “Amplifier l’impact positif” est très engageant, car il implique une valeur régénérative. Certains pourraient se demander : quid des riverains ?
Le troisième peut être plutôt ingénieux s’il est bien mené. Je commence à admettre que mon combat est vain : ne pas mettre les collaborateurs dans les objectifs est juste inconcevable pour beaucoup d’entreprises. Mais dans ce cas, un exemple d’indicateur donné dans le communiqué de presse est très à propos, car il s’agit d’augmenter la part des collaborateurs de l’entreprise, ce qui correspond bien à l’idée du “ensemble” dans la raison d’être.
Le quatrième est plutôt orienté business, puisqu’il revient à retranscrire le lien entre innovation et économie d’échelle.
Le cinquième objectif est positif, car il inscrit l’entreprise dans une démarche de rôle modèle : respecter et faire bouger sa chaîne de valeur.
Le dernier traite plus spécifiquement de la solidarité évoquée dans la raison d’être. On parle peu de la solidarité dans la transition écologique. Un indicateur permet de mieux cerner le principe : 100 % des chantiers photovoltaïques bénéficieront de clauses d’insertion à l’emploi pour un minimum de 10 % des heures du chantiers. C’est engageant !
Au global
C’est une mission à la hauteur de l’ambition assez militante de Valorem. Elle est engageante sur de nombreux points et on peut penser que certains objectifs auront un impact business, mais cela n’a pas empêché l’entreprise de croître jusqu’à présent.
C’est en tout cas qui met l’entreprise dans une démarche d’amélioration continue, car elle est cohérente, globale et s’appuie sur les forces de l’existant pour favoriser le développement de l’entreprise demain. Peut-être pas transformatrice dans son ensemble, mais elle met l’entreprise sur de bons rails.
Si la raison d’être recourt à des termes un peu galvaudés, ils prennent une fois assemblés du sens et surtout la cohésion est très bien réalisée avec les objectifs. Bref, une mission bien définie !
⭐ LE JOUR D’APRES CHEZ OPQUAST.
Opquast est un centre de formation à l’assurance qualité des sites web. Ils sont passés à mission l’an dernier (c’est ici pour l’analyse de leur mission). Leur raison d’être est de “rendre le web meilleur dans une logique d’amélioration continue”.
Initialement, leur certification qualité d’un site Internet ou d’un projet numérique est destinée aux professionnels du web, surtout les DSI. Mais, aujourd’hui, les projets numériques touchent “les métiers” comme aiment dire les DSI et les ESN et donc, il est important de former ces collaborateurs au sujet de la qualité et notamment la cybersécurité, l’éco-conception, la protection des données personnelles et l’accessibilité (je reviendrai sur plusieurs de ces sujets avec Frédérick Marchand, auteur de 40 mots du numérique responsable dans le podcast de La Machine à sens le mois prochain).
Opquast a donc décidé de lancer une offre freemium principalement destinée à ces collaborateurs, a priori plus éloignés de leur cœur de cible initial, mais tout autant acteurs d’un meilleur web.
P.S. : samedi, c’est le Cyber CleanUp Day, une journée pour un numérique plus durable.
😯 LE LOBBYING RESPONSABLE.
J’ai suffisamment travaillé à Bruxelles pour savoir que le lobbying fait partie intégrante du processus législatif. C’est comme ça. Mais cela ne veut pas dire que le lobbying est nécessairement en inadéquation avec l’intérêt des citoyens et consommateurs.
C’est d’ailleurs ce que souhaite ancrer dans les pratiques un groupe d’investisseurs qui vient de présenter 14 mesures pour un lobbying en accord avec l’urgence climatique. Le Global Standard on Responsible Corporate Climate Lobbying est un collectif réunissant des investisseurs institutionnels, tels que The Institutional Investors Group on Climate Change et des asset managers, dont BNP Paribas Asset Management. Il exhorte ainsi les entreprises à adhérer à ces mesures sous peine de se voir challengées en assemblée générale.
Parmi ces mesures, on retrouve par exemple :
Un engagement des entreprises que toutes les associations ou think tanks qu’elles financent soutiennent les objectifs des Accords de Paris ;
Désigner au niveau du board une personne responsable de superviser les actions de lobbying liées au sujet climatique ;
Créer ou participer à des alliances qui font du lobbying en accord avec les Accords de Paris
Du côté de la politique
🌍MAC 55.
La présidence française peut savourer un nouveau succès (certes relatif) avec l’approbation par le Conseil de l’UE d’une orientation générale sur la taxe carbone aux frontières, Mécanisme d’Ajustement Carbone de son doux nom complet. C’était une des priorités françaises de l’UE, mais cela s’inscrit également dans le paquet législatif nécessaire pour l’enjeu “Fit for 55”.
Cette taxe carbone s’appliquera sur un certain nombre de produits : ciment, aluminium, engrais, production d’énergie électrique, fer et acier. L’objectif est double : éviter que les efforts de décarbonation des industriels européens soient mis à mal par une concurrence extra-européenne moins chère et plus carbonée, mais également dissuader d’éventuelles délocalisations.
Une orientation générale dans le jargon européen, c’est un pré-accord qui permet au Parlement européen de se saisir du dossier. Mais il reste plusieurs sujets épineux à traiter entre les 27.
👱♀️ REEQUILIBRAGE EN VUE.
Le Conseil de l’UE a validé son orientation générale suite à la directive de la Commission européenne sur la parité dans les Conseils d’administration. Si nous avons en France la loi Copé-Zimmerman depuis 2011, au niveau européen, le sujet fait débat depuis de longues années, puisque la Commission a initié sa proposition en 2012.
Selon ce texte, les entreprises devront mettre en place des mesures pour atteindre l'objectif minimal, d'ici à 2027, soit de 40 % de membres du sexe sous-représenté pour les administrateurs non exécutifs, soit de 33 % pour tous les membres de leur conseil d’administration. Mais, attention, car c’est après que les détails s’emmêlent.
Il reviendra aux Etats-membres individuellement et non aux entreprises de décider lequel de ces deux quotas sera retenu au niveau national. De même, le niveau d’avancement varie énormément d’un pays à un autre. Le Conseil souhaite ainsi que les législations nationales priment sur la directive : les Etats-membres pourraient suspendre l’application de la directive si des objectifs nationaux existent ou si des progrès ont été réalisés se rapprochant des objectifs de la directive. Reste à voir ce que cela signifie concrètement et si cette position est retenue dans la suite de la procédure législative.
Prochaine étape : le Parlement européen va investir le sujet pour arrêter sa position.
🤔 ARRETONS D’INTERDIRE.
Une proposition de loi veut interdire l’existence de labels pour des produits financiers, qui excluraient les entreprises de défense. C’est le cas du label Towards Sustainability de Febelfin - la fédération belge du secteur financier. Les députés à l’origine de cette proposition craignent qu’il en soit de même pour le label ISR. Les répercussions pourraient être problématiques en termes de financement pour les entreprises de défense, car certains investisseurs de la finance durable pourraient se détourner de ces entreprises en conformité avec des restrictions liées à des labels.
La proposition de loi veut donc que tout label public financier ne puisse pas imposer des restrictions au secteur de la défense et veut interdire la distribution sur le marché de produits financiers bénéficiant de labels excluant les entreprises du secteur de la défense. A suivre…
La citation de la semaine
Comment justement favoriser l'inclusion et s'assurer d'une équité ?
En interne, il faut créer des possibilités de communication. En cas d'incident, les salariés doivent pouvoir faire remonter l'information et s'exprimer librement. Cela passe par un service RH de confiance. De plus, chaque manager est garant de la confiance, l'engagement en faveur de l'inclusion ne devant pas être le seul fait de la DRH.
Des différences salariales peuvent exister. C'est pourquoi, il peut être intéressant de mettre en place une politique de rémunération transparente : elle oblige à une certaine cohérence et évite les frictions. (Entretien de Yannick Petit, CEO d'Unow et membre du collectif Idea-Pact dans BeABoss).
Du côté des idées
🩺 EVENEMENT COMMUN SUR LE CARE ET LA SOCIETE A MISSION.
J’ai le plaisir de vous convier à un événement que j’organise avec Compani, structure prônant une approche pédagogique unique centrée sur l'humain dans le care. Sous le titre “SAAD (société d’aide et d’accompagnement à domicile) ou EHPAD à mission : comment ça marche ?”, Guillaume Desnoës, co-fondateur d’Alenvi et de Compani, et moi-même explorerons les différentes dimensions généralistes pour moi et plus spécifiques au secteur pour Guillaume.
Cet événement en ligne se déroulera le 7 avril de 14h à 15h. Pour avoir tous les détails et vous inscrire, c’est ici.
👩🦰 PAS JUSTE UNE QUESTION DE PARITE.
Quand les femmes en position de leadership ou de management quittent des entreprises, ce n’est pas juste la parité qui en prend un coup, ce sont aussi les performances des entreprises.
C’est ce qui ressort d’une recherche menée par Marissa Afton, Rasmus Hougaard et Jacqueline Carter. En effet, hommes comme femmes sont dans l’ensemble plus engagés et plus productifs lorsqu’ils travaillent pour des femmes.
💡 LA BONNE IDEE.
Audrey, fidèle lectrice de la newsletter entre autres choses, a lancé un projet fort à propos : contrer la morosité si fréquente qui entoure les perspectives d’un monde bas carbone. Comment ? En recensant les bonnes idées et pratiques pour aborder ce changement de paradigme de manière joyeuse ! Le nom du projet : Bonheur Bas Carbone.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Très bonne analyse des enjeux et défis à relever pour faire passer le traité sur la pollution plastique, par David Clark d’Amcor.
Portrait inspirant d’Andrew Kassoy, un des co-fondateurs du label B Corp dans Pioneers Post.
Vous connaissez le B2B, mais probablement pas le B4B (Business for Business). Un concept décortiqué par Sergio Restrepo et Efosa Ojomo dans la MIT Sloan Management Review.
Faudrait-il que le PSG passe société à mission pour gagner la Ligue des champions ?
Mon son de la semaine
J’ai découvert Rover par hasard. Derrière ce nom de scène se cache le chanteur français Timothée Régnier. Sa musique me fait agréablement penser à Interpol. Il n’en est pas à son coup d’essai, mais “Burning Flag” est un bon morceau pour rentrer dans son univers musical.
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A jeudi prochain,
Vivien.