#67 Au fond, qu'est-ce qu'être authentique ?
Ou pourquoi une RSE authentique n'est pas décorrélée de l'activité cœur de l'entreprise ; aussi décryptage d'une mission et actu riche de la semaine (16')
Mes chères lectrices, mes chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 67e missive ! Commençons sans tarder.
Dans une tribune pour Les Echos, Philippe Naccache et Julien Pichon, enseignants à l’INSEEC, posent cette question :
Soyons honnêtes : est-il besoin de s'immiscer dans les affaires de la cité pour modifier, par soi-même, ses pratiques de production, mieux sélectionner les intrants et les partenaires commerciaux, présenter des produits et/ou services moins énergivores, et s'acquitter des prélèvements obligatoires sans lesquels nulle politique de préservation des communs ou de redistribution n'est possible ?
Point de critique de la société à mission dans cet article, mais plutôt de politiques RSE qui ne sont pas “authentiques”, à savoir qui reflètent les intérêts économiques de l’entreprise, ou qui servent de cache-sexe pour des pratiques moins vertueuses comme le lobbying du moins disant ou l’optimisation fiscale.
Je soulignais la semaine dernière l’importance d’adopter une démarche sincère et authentique quand on lance un projet de société à mission ou de labellisation. Sur ce point, je les rejoins.
Combien d’entreprises ne tombent pas dans le piège de la vertu de façade ? Le collectif d’étudiants Pour un réveil écologique en a même fait un calendrier de l’Avent !
En revanche, les auteurs ont une vision qui me paraît trop restrictive. Les entreprises devraient faire du profit et mener des politiques RSE désintéressées : “Si les entreprises n'ont pas à chercher à se substituer au régulateur, ou à orienter la législation, elles peuvent cependant revenir à la conception véritable de la RSE, à savoir la promotion de politiques d'entreprises, sur ces dimensions, qui vont au-delà de ce que la loi impose”.
Tout d’abord, une politique RSE déconnectée du core business de l’entreprise, c’est la recette menée depuis 20 ans qui a amené les entreprises à faire de la RSE de façade : quelques actions symboliques qui ne sont pas liées à l’activité de l’entreprise et donc pas vraiment prises au sérieux ni en interne, ni en externe (clients, actionnaires, observateurs). C’est le débat entre la RSE et l’impact (cf. la recension de L’Entreprise de demain 👇). Au bout du compte, les choses n’avancent pas vraiment, puisque cela reste un à coté—la bonne vieille variable d’ajustement quand les finances dérapent.
C’est la rencontre entre les intérêts publics et les intérêts privés qui donnent de la force et de l’impact.
Deuxième point, c’est parce qu’on fait du profit, qu’on peut faire de la RSE, me rappelait à juste titre un dirigeant dans le textile il y a quelques mois. Et de rajouter que bientôt, c’est parce qu’on fait de la RSE qu’on fera du profit. Mener de réelles actions de RSE, celles qui engagent des budgets et des ressources conséquents, n’est possible que si l’entreprise dispose de marges de manœuvre financières suffisantes.
Surtout, ces actions ne sont pas désintéressées. Financer des infrastructures autour de son usine dans un pays en développement, soutenir des filières scolaires pour répondre à un besoin de compétences, protéger la biodiversité source de son approvisionnement en matières premières etc., c’est la communion entre l’intérêt général et des intérêts particuliers. La RSE opportuniste n’est pas forcément malaisante.
C’est cette rencontre qui donne de la force à des actions RSE. Il y aura toujours des entreprises pleinement convaincues qui mèneront des politiques désintéressées. N’opposons pas les deux approches : l’une et l’autre se complètent et peuvent s’allier dans une démarche authentique.
Les auteurs estiment que la RSE authentique doit aller “au-delà de ce que la loi impose”. Mon âme de citoyen applaudit ! Mais, beaucoup d’entreprises objectent : dans un monde hyper concurrentiel, quel avantage économique tirer à mener des actions qui grèvent les marges et ne rapportent pas de contrats ou de marchés, alors que les concurrents ne les conduisent pas, gagnent autant voire plus de contrats et assurent ainsi un meilleur développement économique de l’entreprise ? J’ai entendu cet argument même au sein d’entreprises à mission, qui toutes sincères soient-elles dans leur démarche, ne veulent pas que les bons élèves soient pénalisés pour en faire plus que nécessaire.
C’est peut-être justement en ayant de plus en plus de bons élèves qui font du lobbying que la réglementation reconnaîtra leurs efforts et/ou augmentera le niveau d’exigence pour créer un “level-playing field” vers le mieux disant.
AU SOMMAIRE :
🏉 Décryptage de la mission de l’Aviron Bayonnais Rugby Pro
1️⃣ Une première SEMOP à mission
💡 WeTransfer offre un retour d’expérience instructif de sa labellisation BCorp
😨 Tout juste labellisée BCorp, Sézane se retrouve engluée dans un bad buzz
⭐ Le Jour d’après dans le Groupe Rocher
📣 Les filets hebdo sur la PFUE
🤞 Est-ce que l’association territoire et entreprise fait bon ménage ?
📖 Recension de l’ouvrage L’Entreprise de demain. Pour un nouveau récit
🧠 Un peu plus de jus de crâne
🎧 Mon son de la semaine : Chapelieu Fou - “Tea Tea Tea”
Bon picorage ou dévorement !
Un ami, une collègue a eu la bonne idée de vous transférer cette newsletter.
Du côté des entreprises
🏉 DECRYPTAGE DE LA MISSION D’AVIRON BAYONNAIS RUGBY PRO.
Suite au vote de la semaine dernière (merci aux participants !), vous avez demandé à 60% une analyse d’Aviron Bayonnais Rugby Pro. Fondé en 1904, au départ comme un club d’aviron (d’où le nom), l’AB est devenu le premier club de rugby à mission. Le club de foot Lyon La Duchère avait déjà franchi le cap quelques mois plus tôt, ainsi que le club de basket de l’ASVEL féminin (merci Octavie pour les apports de correction).
L’AB est engagé dans des démarches RSE depuis plusieurs années avec notamment la création d’un fonds de dotation depuis 2018. Passons au décryptage (merci Alizée pour tous les éléments) :
La raison d’être :
L’Aviron Bayonnais Rugby Pro s’engage à construire des actions pour préparer demain. Une démarche pérenne qui s’appuie sur les valeurs fraternelles et fédératrices du sport; appliquée sur un territoire durable et performant avec le appui de nos supporters, collaborateurs, partenaires et sociétés.
Voici une raison d’être atypique. Traditionnellement, la première phrase est celle qui porte le message. Ici, elle est plutôt vague : “construire des actions pour préparer demain” n’est pas très singulier. Tout se passe dans la seconde phrase.
Toutefois, l’utilisation d’un terme comme “actions” étant très générique, cela affaiblit un peu la puissance de la raison d’être dans son ensemble, car ce sont ces “actions” qui sont le cœur de toute la démarche. Elles sont détaillées dans les objectifs, mais cela rend la raison d’être peu autoportante. Je conseille plutôt une raison d’être qui puisse s’imprimer seule en 2D et qui se déploie en 3D avec les objectifs.
La seconde phrase mobilise de nombreux concepts : pérennité, fraternité, performance, durabilité et fédération. La pérennité n’est pas étonnante, puisqu’elle reflète les plus de 100 ans d’existence du club. La fraternité et la fédération non plus, car ce sont des valeurs fréquentes associées au monde sportif collectif ; il aurait presque été étonnant qu’aucune des deux ne soit mentionnée. L’association entre performance et territoire l’est un peu plus. De quelle performance parle-t-on : sportive, économique, autre ?
Le club a également choisi de lister ses différentes parties prenantes. Certains pourraient s’étonner que les “joueurs” ne soient pas explicitement mentionnés, mais après tout, ce sont aussi des collaborateurs ! Le terme “sociétés” n’est pas forcément très explicite : j’aurais pensé qu’elles tomberaient dans la catégorie des “partenaires”.
L’équilibre n’est pas simple à trouver pour un club sportif, parce que ses actions de mission sont a priori hors terrain, donc hors de son champ d’activité principal. On peut en imaginer dans le stade, au niveau de l’empreinte carbone sur les éclairages ou dans les ressources d’arrosage, de l’approvisionnement local des produits alimentaires vendus, ou de l’éco-conception des habits des rugbymen, mais cela pourrait rester assez restreint.
C’est peut-être là que cette raison d’être peut pécher : elle relève presque d’actions de RSE et de mécénat que le club mènent déjà, mais en quoi cela va-t-il l’aider à se transformer et à devenir dans toutes ses dimensions un meilleur club de rugby ?
Regardons les objectifs :
être créateur d’expérience auprès du public ;
construire ensemble l’avenir avec les acteurs de la communauté ;
être levier dans la croissance inclusive et durable sur le territoire ;
accroître les résultats positifs sur la durée ;
s’engager en faveur de l’environnement.
Ces objectifs sont clairs et viennent globalement compléter la raison d’être. On comprend un peu mieux le périmètre des “actions” évoquées dans la raison d’être. Chaque objectif correspond à une thématique : commerciale, sociale, sociétale, sportive, environnementale.
En l’état, toutefois, il faudra des objectifs opérationnels et des feuilles de route précises pour leur donner corps et mieux dimensionner les actions à mener. “Construire ensemble l’avenir” ou “s’engager en faveur de l’environnement” peuvent conduire à d’innombrables projets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.
A l’instar de la raison d’être, c’est peut-être un des écueils de ces objectifs : ils reflètent les grands enjeux de la RSE, mais le club n’affiche pas son particularisme. Plus concrètement par exemple, comment l’AB souhaite-t-il s’engager en faveur de l’environnement ?
Le premier objectif est intéressant. On pense instinctivement aux expériences de match, mais on pourrait très bien envisager des expériences en dehors. L’AB classe cet objectif dans sa “mission commerciale”, mais pour moi, c’est une mission sociale. Un club anime la fierté et l’appartenance de supporters qui vibrent pour lui : participer à la vie de leur club embellit leur quotidien.
En revanche, je n’aurais pas mis un objectif comme “accroître les résultats positifs du club”. C’est un peu comme si une entreprise plus classique s’assignait comme objectif de gagner de plus en plus de contrats. C’est un peu le nerf de la guerre ; aucune mission n’est possible si l’entreprise n’assure pas sa rentabilité économique.
Au global, cette mission ouvre beaucoup de portes, mais qui me semblent souvent relever de la structuration d’une démarche RSE sans forcément que l’ADN du club ne transparaisse véritablement. Je reviendrai sur ce point essentiel la semaine prochaine. Ce sera son principal défi dans la conduite de la mission afin d’embarquer toutes les parties prenantes mentionnées dans la raison d’être.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission. J’essaie toujours d’être critique MAIS constructif. Vous pouvez également me contacter si vous êtes intéressé.e par une démarche de construction ou d’évaluation de votre mission (ou d’un client en toute confidence bien sûr).
Vous pouvez retrouver les 37 missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
🙋♀️A VOUS DE VOTER.
La semaine prochaine, quel décryptage de mission vous intéresserait ? Il suffit de cliquer sur votre choix pour voter. Vous remarquerez que j’essaie de vous offrir des choix dans des univers très différents.
📈 La NEC Initiative (méthodologie de mesure liée à la transition écologique)
🥃 La Maison Boinaud (producteur de cognac)
1️⃣UNE PREMIERE POUR UNE SEMOP.
On continue à innover avec la société à mission. Voici désormais la première SEMOP (Société d’économie mixte à opération unique) à mission : Eau du Bas Languedoc. Vous pourriez ignorer ce qu’est une SEMOP—c’était mon cas. C’est un dispositif assez récent initié en 2014. Il s’articule autour d’une société ayant pour vocation exclusive la conclusion et l’exécution d’un contrat passé entre une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales, et au moins un actionnaire opérateur économique. Petite particularité que vous aurez compris : il s’agit d’une délégation de service public autour d’une entreprise à durée de vie limitée a priori.
Lancée le 1er janvier, Eau du Bas Languedoc est un animal tout à fait singulier : on compte environ 500 société à mission et seulement 35 SEMOP. L’entreprise réunit le Syndicat du Bas Languedoc, qui comprend 27 communes, détenant 40% du capital, et Suez, en détenant 60%. L’objectif de cette SEMOP est de gérer l’eau potable de ces 27 communes. Le contrat courra sur 13 ans.
A suivre si cet exemple fera des émules… Et au passage, l’Hérault continue à s’affirmer comme un territoire à mission !
💡 LE REx DE WETRANSFER.
WeTransfer a été labellisé BCorp l’an dernier. Avant de l’apprendre, j’ignorais les engagements RSE que l’entreprise avait pris. Par exemple, ils ont décidé dès le lancement en 2009 que 30% des espaces pubs seront offerts à des annonceurs alignés avec leurs valeurs.
Dans une tribune pour Fast Company, le CEO Gordon Willoughby détaille les trois défis que WeTransfer a rencontré au cours de la certification BCorp. Je trouve qu’ils s’appliquent à bien d’autres démarches :
mesurer l’impact des actions que l’on mène ;
se mettre dans une démarche d’amélioration continue (autrement dit, il n’y a pas de ligne d’arrivée), ça ne vous rappelle rien ?
modifier les mentalités et les actions en interne.
😨 LE BAD BUZZ.
Sézane n’a même pas eu le temps de célébrer sa certification BCorp fraîchement acquise. Voilà la marque de prêt-à-porter engluée dans une affaire d’appropriation culturelle au Mexique. Tout part d’un shooting sur place il y a quelques jours où une vieille dame zapotèque est vêtue avec un gilet de Sézane. C’est surtout l’attitude légère et complaisante de l’équipe de tournage qui gêne. En effet, une association locale a dévoilé une vidéo qui a mis le feu aux poudres.
Chacun est juge d’estimer le comportement de l’équipe de tournage, mais surtout ce qui a provoqué l’ire des associations et autorités locales, c’est que le comportement “des Occidentaux” ne fait que renforcer des stéréotypes sur les populations indigènes mexicaines. Ce n’est pas la première fois que ces populations connaissent ce traitement et une forme de ras-le-bol et de dénonciation systématique s’est imposée. Morgane Sézalory n’a pas tardé à s’excuser longuement, mais cela suffira-t-il à éteindre les braises ?
Comme quoi, un bad buzz est vite arrivé. Et celui-ci ne rentre pas dans la catégorie “a bad buzz is still a buzz”…
⭐ LE JOUR D’APRES CHEZ YVES ROCHER.
Lors d’un webinaire organisé ce matin (jeudi) par Nuova Vista et Balthazar, deux dirigeants du Groupe Rocher ont exposé les impacts du passage en société à mission. Pour rappel, l’entreprise est passée société à mission fin 2019, une des toutes premières. Echanges extrêmement riches. Je retiendrai deux points :
Le Groupe donne à ses 10 filiales jusqu’à 2030 pour se conformer à la mission. A défaut, il se séparera de celles qui ne seraient pas en adéquation avec la raison d’être ou les objectifs.
Le Groupe a enrichi son reporting DPEF pour intégrer des éléments liés à la mission, par exemple le nombre de collaborateurs ayant vécu “une expérience de nature” dans le cadre de leurs activités.
Je vous partagerai le replay lorsqu’il sera disponible.
⏩ C’EST POUR BIENTÔT : KPMG France (déjà annoncé mais avec plus de détails), Doctolib, Des Bras en plus (société de déménagement).
Citation de la semaine
Cela veut dire que l’on ne peut pas se contenter de produits naturels, argument souvent mis en avant ?
Effectivement, si les ressources ne sont pas gérées durablement ou si elles sont extraites à base d’énergie fossile, l’empreinte environnementale sera mauvaise, quand bien même le produit est à base de matière première naturelle. Au-delà des matières naturelles, il faut réfléchir en termes d’éco-conception, c’est-à-dire optimiser les ressources naturelles, la logistique, la fabrication, faire attention à l’eau que l’on consomme, voire la consommer en boucle fermée, mais aussi à ce que l’on va rejeter. Teinter une fibre naturelle avec les pires produits n’a aucun sens. (Extrait d’un entretien de Laëtitia Boucher, responsable développement durable chez Interface, pour Sols Murs Plafonds)
Du côté de la politique
📣 PENDANT CE TEMPS A LA PFUE.
Prenons quelques nouvelles de la présidence française, mais avant cela si vous l’avez manqué, le président du Parlement européen David Sassoli est décédé mardi.
Quelques autres sujets :
La France veut faire avancer le dossier houleux/sensible/explosif/épineux de la réforme du Pacte sur la migration et l’asile. Cette réforme a été initiée par la Commission européenne en 2020 après la crise migratoire du milieu des années 2010, mais disons qu’elle patine…
La France croit en la réussite de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, démarche en partie citoyenne pour faire émerger des projets plébiscités par les citoyens européens. C’est un rare cas de soutien public à la démarche.
Du côté des idées
🤞 LES TERRITOIRES ET L’ENTREPRISE, CA MARCHE ?
L’ANCT (Agence Nationale de la Cohésion du Territoire) a sorti un rapport qui mérite le détour sur nos attentes vis-à-vis des territoires, notamment pour savoir quelles actions les citoyens, les pouvoirs publics et les entreprises, devraient y mener.
L’ancrage territorial et l’action locale sont des objectifs qui reviennent régulièrement dans les missions d’entreprise. Et peut-être que les collaborateurs de ces entreprises se trouvent dans la petite minorité (17%) de Français qui estiment que leur organisation (administrations, entreprises, associations) contribue tout à fait à améliorer la situation de leur territoire. Si on ajoute les 40% ayant répondu que leur organisation y contribuait un peu, on atteint une belle majorité (57%). Il faut toutefois noter que ce chiffre baisse à 50% pour les entreprises privées.
Je me limite dans l’analyse de ce rapport, car je vous en proposerai une analyse plus approfondie dans un autre format un peu plus tard… Mais si vous comptez mettre “contribuer à l’activité du territoire” dans vos objectifs, déjà, vous pouvez trouver une formulation plus ambitieuse, mais surtout, plongez-vous dans ce rapport très riche d’enseignements !
📖 RECENSION DE L’OUVRAGE L’ENTREPRISE DE DEMAIN. POUR UN NOUVEAU RECIT, FLAMMARION, 2021.
Antoine Frérot, PDG de Veolia, et Rodolphe Durand, professeur à HEC, se lancent dans un exercice aussi délicat que passionnant : être original sur un sujet où les publications se multiplient. L’ambition L’Entreprise de demain, comme l’écrit Antoine Frérot en introduction, est élevée :
“Nous devons nous poser, sans complaisance mais sans malveillance, la question de l’entreprise de demain, celle de l’entreprise souhaitable et de l’entreprise possible, celle de l’entreprise qui saura relever de nombreux défis qui assombrissent l’horizon de ce siècle encore jeune”.
Les auteurs estiment que les entreprises doivent affiner et affirmer leur utilité dans la société. L’ouvrage n’est pas naïf : le business, c’est un monde difficile, compétitif et qui ne laisse pas souvent place à des pensées bisounours.
Mais, ce nouveau paradigme, “l’entreprise élargie”, qu’ils appellent de leurs vœux mettra du temps à s’ancrer, parce que les entreprises sont tombées en disgrâce auprès du grand public : scandales en tous genres, court-termisme actionnarial, définition de l’entreprise comme propriété des actionnaires...
L’approche est intéressante, car elle permet dans un premier chapitre d’une quarantaine de pages de recenser l’émergence du capitalisme actionnarial et ses travers. Les mouvements de bascule sont toutefois à l’œuvre selon les auteurs : prise de conscience au travers des COP, Green Deal, Loi Pacte, prises de position de certains grands patrons etc.
Ils expliquent également avec justesse comment ce mouvement dépasse la RSE, qui montre ses limites à la lumière des défis actuels auxquels font face les entreprises. On retrouve assez bien l’affrontement entre RSE et impact.
Ils imputent également un rôle important à la crise sanitaire. Elle aurait permis d’activer des réflexions sur la fonction de l’entreprise dans la société et comme organisation sociale. Dommage qu’il faille attendre une crise pour se rendre compte de cela, mais c’est souvent en se prenant un mur qu’on se pose des questions...
De ces différents constats et analyses, les auteurs débouchent sur un nouveau récit : l’entreprise élargie. Elle se fonde notamment sur des notions de solidarité (reconnue comme intéressée par les auteurs), d’engagement des parties prenantes et de performance multicritère. Ce n’est pas forcément sur ce nouveau récit que se trouve la force de l’ouvrage, bien que leur définition soit instructive. En revanche, il apporte beaucoup d’éléments de réflexion, un regard croisé bien mené entre un chef d’entreprise et un chercheur, et un cadre d’analyse pertinent.
L’ouvrage est également pertinent à deux égards. Il arrive avec assez de réussite à inscrire sa réflexion dans un environnement global compétitif entre capitalisme actionnarial américain et capitalisme d’Etat chinois, ce qui peut parfois manquer dans ce type d’ouvrage. Quelques arguments viennent, sans surprise, éclairer l’OPA de Veolia sur Suez.
Ensuite, les deux auteurs ont un tropisme actionnarial assez marqué, ce qui confère à leur analyse une saveur particulière et plutôt atypique. Bref, L’Entreprise de demain est un ouvrage très utile, qui vient aisément apporter une une contribution pertinente sur les réflexions en cours liées au renouveau du capitalisme.
Vous pouvez vous procurer l’ouvrage ici.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
😯 Face à la tentation du greenwashing, la bonne option serait l’humilité.
💡 L’ONG Surfrider Europe explique le processus de labellisation PositiveWorkplace et comment cela l’a aidée à structurer sa démarche de RSO (responsabilité sociétale des organisations).
⚖ Une enquête de Major pèse le pour et le contre de la labellisation BCorp.
🤯 Réflexion de la semaine sur la newsletter de Zevillage autour d’une affirmation : “Je ne crois plus à l’entreprise”.
Mon son de la semaine
Derrière Chapelier Fou se cache Louis Warynski. Si vous aimez la musique et que vous ne connaissez pas l’univers de multi-instrumentiste français, c’est vraiment un manque culturel à corriger (oui j’assume cette position). Son style de musique électronique de chambre est magique et unique ! Dans un album à sortir la semaine prochaine, il va revisiter plusieurs de ses morceaux en version purement instrumentale avec un septuor. Le premier extrait “Tea Tea Tea” est absolument sublime !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, je présume que cette missive vous a intéressé.e. J’ai un petit service à vous demander : appuyez sur ❤. Cela permet d’améliorer le référencement de La Machine à sens et vous aidez ainsi à ce que d’autres découvrent cette newsletter plus facilement. Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues.
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