#51 Comment réussir sa rentrée ?
Avec de nouveaux mécanismes; Décryptage de la mission du groupe Avec; société à mission et bonne réputation; une initiative de New Belgium pour aider la concurrence; débat juridique sur les statuts
Bonjour,
C’est avec plaisir que je vous retrouve pour cette rentrée. J’espère que vous passez/avez passé un bel été.
Il parait que la déconnexion permet de se rafraîchir les idées et de reprendre des sujets avec un regard neuf. Le repos est évidemment salvateur pour notre bien-être psychologique, mais il l’est encore plus si on met en oeuvre des actions qui permettent de repartir sur de bonnes bases. Sinon, vous reprenez juste sur les mêmes bases, avec les mêmes habitudes et les mêmes réflexes et étrangement, les mêmes causes produisent les mêmes conséquences. Pas de nouveau regard parce que pas d’approche différente sur le sujet ; pas de nouvelles réflexions, parce que pas de mécanismes pour créer ses nouvelles étincelles etc.
Je vous souhaite donc que cette rentrée soit bonne et surtout que vous puissiez mettre en place des mécanismes qui permettent véritablement de penser vos sujets et dossiers différemment et que de nouvelles pistes puissent s’ouvrir grâce à cette nouvelle organisation. C’est cela qui fait qu’une rentrée est réussie !
Un exemple qui a inspiré ce propos introductif. Une fidèle lectrice de la newsletter m’a contacté hier en me demandant mon regard sur leur raison d’être. Nous avions échangé sur ces sujets, mais jamais sur la raison d’être de son entreprise. Mais elle sent qu’un regard extérieur, neutre et constructif peut apporter le petit zeste qui manque. Je ne sais pas comment lui est venu l’idée de me contacter, mais le simple fait qu’elle se soit dit que je pouvais peut-être apporter quelque chose montre une prise de conscience quelque part. Et ça, c’est hyper positif !
Aller chercher un regard extérieur est souvent une démarche salutaire - je ne parle pas forcément de prendre des prestations de conseil. Simplement d’interroger vos clients, vos collaborateurs, vos actionnaires, vos partenaires sur différents sujets liés à la stratégie, à la mission, à diverses orientations de l’entreprise peut s’avérer beaucoup plus enrichissant que vous ne le pensez. Surtout, c’est une preuve de force, pas de faiblesse.
Avant de passer au sommaire, deux informations. Tout d’abord, je remets en avant l’excellent entretien de Thomas Deck, fondateur de la brasserie Deck & Donohue, qui est paru fin juillet. Vous connaissez désormais ces interviews grand angle. Avec Thomas, nous avons abordé de nombreux sujets et je conseille vivement cet entretien à tous les entrepreneurs qui souhaitent concilier profit et mission quand ils sont en train de faire grandir leur jeune entreprise. Thomas est passé par là et a quelques retours d’expérience à partager.
Deuxième information si vous lisez la missive ce soir (jeudi) ou demain, je suis aux Universités d’été de l’économie de demain. J’aurais grand plaisir à échanger avec vous, de tout, de rien, de vous, de la newsletter, de la table ronde qui vient de se finir, ou de tout autre sujet. Vraiment, n’hésitez pas à me faire signe par réponse d’email à cette missive.
Au sommaire :
Etre société à mission, c’est pas si mal pour la réputation de l’entreprise
Le groupe Avec est passé société à mission : décryptage un peu critique
Le dérèglement climatique appelle à voir le business autrement et aussi la concurrence…
Retour de la question “souhaitez-vous devenir société à mission ?”
Le coup de gueule de la fondatrice de Loom
Synthèse de synthèse du rapport du GIEC
Faut-il changer les statuts des entreprises pour changer le capitalisme ? Vous avez quatre heures !
Mon son de la semaine : Pynch - “Somebody Else”
Du côté des entreprises
CORRÉLATION POSITIVE. L’institut de sondage YouGov vient de sortir une analyse très intéressante sur la réputation des entreprises, la RSE et la qualité de société à mission.
Cette étude montre que les trois secteurs d’activité les plus associés à de hautes responsabilités sociales et environnementales sont : les musées et parcs à thèmes, la cosmétique et les produits laitiers. Les zoos de Beauval et de la Flèche sont même dans le top 10 des marques, selon le panel interrogé. Je suis quelque peu étonné, mais admettons.
Le point le plus intéressant de cette étude concerne les sociétés à mission. Il semble qu’un lien positif existe entre la perception d’engagement des entreprises et le fait de passer société à mission. Ainsi, plusieurs des entreprises suivis par le Brandindex de YouGov ont des scores de RSE supérieurs à la moyenne de leur secteur.
P.S. :A ma connaissance, Boursorama Banque n’est pas une société à mission, mais passons.
Ce résultat est éclairant à plusieurs égards. Tout d’abord, il semble confirmer un point fort : passer société à mission ne génère pas de désavantage concurrentiel, au moins au niveau de la perception par les consommateurs. Les intentions de recommandation sont par ailleurs plus fortes, selon le Brandindex. Vous pourrez penser que je réfléchis par la négative, mais cette qualité reste méconnue et montrer qu’elle n’a pas d’impact négatif est déjà un résultat positif !
Ensuite, cette analyse indique que la communication paie. Ces entreprises, dans l’ensemble, communiquent beaucoup sur leurs engagements RSE. La crainte de la perception de “greenwashing” reste forte, mais on voit que communication RSE n’est pas forcément synonyme de “bullshit corporate” (excusez mon français). C’est encourageant pour les entreprises qui sont sincères dans la communication de leurs engagements. Je vous conseille d’ailleurs la tribune (engagée comme toujours) de Céline Puff-Ardichvili pour The Good dans laquelle elle plaide pour une communication engagée des entreprises.
Enfin, on voit que les entreprises qui sortent du lot ne sont pas des nouvelles venues sur le terrain de la RSE. Cela peut venir nuancer mes points précédents. Ce n’est pas en s’engageant tout de go et sans avoir appréhendé le sujet de la RSE au préalable que la qualité de société va générer un pic réputationnel pour la marque. Je dis cela pour contrer l’effet de mode que je pressens sur la raison d’être comme un incontournable pour toute entreprise B2C.
Cette étude illustre bien le fait que passer société à mission est un engagement qui doit être réel, constant et pérenne pour qu’il puisse être réellement perçu comme authentique par les consommateurs (c’est la même chose en B2B d’ailleurs). Il y a peu de risques réputationnels à le faire si un terreau fertile existe pour s’engager dans cette démarche.
LE PLUS POSSIBLE. Avec l’été, forcément, pas énormément de nouvelles annonces de sociétés à mission. Mais, à noter tout de même le groupe Avec, anciennement Doctegestio. Je vous parlais du big bang de l’entreprise en janvier dernier (missive #25). Le groupe a acté l’adoption de la qualité de société à mission fin juillet. L’occasion de reprendre du service avec mon analyse de la raison d’être et des objectifs statutaires !
La raison d’être : “Aider le plus grand nombre, à vivre en bonne santé, le plus longtemps possible”. Pas de doute, nous sommes dans la santé. Certains termes sont intéressants, notamment “le plus grand nombre”. Le choix est clairement fait de se focaliser sur les patients comme partie prenante primordiale. Cela n’avait par exemple pas été le cas de Vivalto (missive #42). Mais surtout, “le plus grand nombre” implique une dynamique très inclusive, qui peut (ou même doit) ouvrir le groupe à aller chercher des personnes qui ne peuvent par exemple pas forcément s’offrir leurs services, ou qui ne sont aujourd’hui pas dans leur segmentation clients.
Autre terme intéressant : “le plus longtemps possible”. En l’état, on pourrait penser que nous parlons d’un groupe qui cherche à développer des traitements, des médicaments pour favoriser le prolongement de la vie. Cela paraît un peu étrange. En plus, ils donnent l’impression de se focaliser sur les populations senior, ce qui n’est pas leur seule activité. J’aurais plutôt utilisé l’expression “tout au long de la vie” par exemple.
Les objectifs :
- mettre en oeuvre des solutions numériques afin d’améliorer la santé et le bien-être,
- améliorer la qualité de vie au travail en la conciliant avec la performance économique,
- encourager une politique d'achat responsable,
- maîtriser son empreinte carbone
Relèvent-ils vraiment de l’ambition de société à mission ? Autrement dit, transcendent-ils l’entreprise ? Pas vraiment. Le premier objectif est probablement celui qui va tirer le plus l’entreprise vers le haut, bien qu’il soit avant tout un axe de développement stratégique. Le second a trait à la politique managériale du groupe, donc pas vraiment un objectif de mission et la formulation est un peu maladroite : c’est comme si c’était une concession de mettre en avant la QVT et que celle-ci était un obstacle à la performance économique. Le troisième concerne un enjeu RSE qui n’a pas besoin d’être ancré dans les statuts ; et le terme “encourager” n’est pas très fort. Enfin, la maîtrise de l’empreinte carbone est, pour un groupe de cette taille, une obligation réglementaire.
Surtout, ces objectifs semblent déconnecter de la raison d’être. A part le premier, aucun ne vient clairement appuyer la raison d’être. C’est un peu comme s’il avait fallu insérer des grands éléments de RSE qui n’étaient pas reflétés dans la raison d’être. Qu’ils se soient appuyés sur les ODD, c’est évidemment positif, mais s’aligner sur les ODD n’est pas une fin en soi. On n’a pas besoin d’être une société à mission pour aligner son entreprise sur certains ODD de l’ONU.
Bref, les objectifs mériteraient probablement d’être retravaillés pour donner davantage corps à la raison d’être.
Pour celles et ceux qui sont intéressés, je vous invite à lire les 16 conseils que je donne pour les entreprises qui souhaiteraient passer société à mission :
UN COUP DE POUCE. Certains sujets transcendent les frontières de la concurrence : le dérèglement climatique en est un. C’est la raison pour laquelle le brasseur américain New Belgium, en tant qu’entreprise rôle modèle, a décidé de lancer une boîte à outils en open source pour aider tous ses homologues à engager des démarches climatiques.
La raison de cette approche inclusive ? “Climate change is inherently an open-sourced problem. It’s going to affect all of us. We want to make sure everyone in the brewing industry has what they need to make significant changes to their business and to our supply chains. Going carbon neutral is necessary, and if we can show other brewers it’s achievable, that they can do it too, and if we show them how to get there, we can make a bigger impact.”
Au passage, sur les enjeux environnementaux au global, le monde de demain est comme celui d’hier, on dirait. Le jour du dépassement a eu lieu le 29 juillet cette année, à peu près comme en 2019. 2020 restera une année exceptionnelle de ce point de vue. Dommage…
“SOUHAITEZ-VOUS DEVENIR SOCIÉTÉ A MISSION ?” J’aime bien l’association Ilec et surtout Jean Watin-Augouard, parce qu’il pose toujours cette question quand il mène des entretiens pour l’asso. Et je ne crois pas qu’il ait eu une seule fois une réponse positive. On ne déroge pas à la règle avec Savencia, deuxième fromager français. Mais, une nouvelle technique (classique en comm) : tu réponds à une autre question… Ce n’est pas inintéressant, ce n’est juste pas le sujet…
Souhaitez-vous devenir une entreprise à mission ?
F. B. : Pour le moment, nous avons pour priorité notre plan RSE Oxygen. Il s’inscrit dans la mission « Entreprendre pour bien nourrir l’Homme », définie il y a près de trente ans par le fondateur du groupe, Jean-Noël Bongrain, créateur du Caprice des dieux. La RSE est dans l’ADN de nos entreprises, qui agissent localement depuis longtemps, mais nous avons souhaité accélérer et coordonner nos actions, avec un plan mondial appelé Oxygen, des engagements sur quatre axes : favoriser le bien-être et le développement des salariés – sécurité et qualité de vie au travail, parité, formation et apprentissage ; améliorer la qualité nutritionnelle de nos produits – notre démarche #PositiveFood ; développer avec nos fournisseurs de matières premières agricoles un approvisionnement et des filières durables ; réduire l’empreinte environnementale de nos activités de production, de transport et de nos emballages.
Citation de la semaine
Du côté des idées
SYNTHÈSE DE SYNTHÈSE. Je ne vous ferais pas l’outrecuidance de vous apprendre que le GIEC a sorti le premier volume de son sixième rapport. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la couverture médiatique de cette publication a été très importante - j’ai essayé de ne pas lire que mes publications habituelles pour le vérifier. On peut imputer cela à l’effet estival (peu d’autres actus chaudes), mais surtout au fait que les médias sont montés en compétence sur le sujet et estiment que le climat est un enjeu qui intéresse suffisamment leurs lecteurs/auditeurs/téléspectateurs pour en parler. (Je vois déjà les réactions de certaines et certaines : “il était temps!”, “franchement, ça reste encore très faible” etc. et je ne suis pas en désaccord)
Rares sont ceux qui liront les 3500 pages du rapport. En revanche, nous serons plus nombreux à lire le résumé aux décideurs adjoint au rapport. Et si c’est encore un peu long et technique, je vous conseille la synthèse réalisée par Le Bon Pote. Si vous vous êtes limités à la couverture médiatique, cet effort de synthèse et de vulgarisation sera un excellent complément.
20%. C’est le nombre de Britanniques qui ont arrêté d’acheter un produit ou service ces douze derniers mois quand ils ont estimé que l’entreprise avait fait preuve de “greenwashing”, selon un récent sondage. On en revient à ce que je disais plus tôt : l’authenticité dans les démarches, la constance et la pérennité dans les actions doivent être les moteurs de toutes les initiatives en matière de RSE.
JUSTE UNE QUESTION DE STATUT ? Le Financial Times a publié un long article sur une question a priori technique : le capitalisme peut-il changer si les statuts des entreprises restent les mêmes ? Je sais qu’il y a quelques juristes parmi vous qui se feront un plaisir de plonger dans cet article. Petit point : le propos se focalise beaucoup sur les Etats-Unis.
Je ne vais pas me lancer dans un long argumentaire, mais c’est vrai que le sujet interroge et dépasse la sphère juridique. Même si l’article est très centré sur les Etats-Unis, il pose des questions et des enjeux tout à fait pertinents pour notre situation en France.
Mon son de la semaine
C’est le nouvel hymne de tous ceux qui veulent changer de vie ! Pynch résume bien la pensée de ceux qui sont perdus dans une vie sans sens et les appelle à prendre leur destin en main.
C’est tout pour cette semaine. Merci de votre lecture !
Vos commentaires, likes et partages sont le meilleur moyen de faire connaître cette newsletter et toutes les initiatives engagées dont je parle. Mais, cela me fait également très plaisir !
Vous souhaitez échanger ou collaborer ?
Je suis effectivement un être de chair et d’esprit. Si vous souhaitez partager une actu, une analyse, faire du ping pong intellectuel sur vos réflexions, me conseiller une entreprise à interroger pour “L’entretien du mois”, réfléchir à des synergies, ou encore me conseiller de me pencher sur un sujet, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, par email ou via LinkedIn.
A jeudi prochain,
Vivien.