#25 Être à mission dans tous ses états
4 nouvelles additions avec des schémas actionnariaux différents et toujours plein d’actualités
Bonjour,
Tout d’abord, un très grand merci à celles et ceux qui ont parlé de la newsletter. L’effet réseau a bien fonctionné et je salue les nombreux nouveaux lecteurs de cette semaine. C’est très encourageant pour poursuivre cette newsletter et mon objectif encore distant mais atteignable de 1000 abonnés d’ici la fin de l’année.
Et j’espère que cette missive vous apportera la dose d’optimisme et d’ouverture pour pallier la possibilité de voir les étoiles sauf depuis nos fenêtres… Accélération des annonces d’entreprises à mission et beaucoup, beaucoup d’actus pour faire tourner ses méninges. Côté société à mission, cette semaine vous découvrirez notamment quatre exemples d’entreprises avec des schémas de capitalisation différents : une filiale, une entreprise familiale qui ouvre son capital, une entreprise investie par des fonds qui annonce une large transformation et la dernière au capital entre associés.
Au sommaire :
Le BTP se met à la mission et ça, c’est bien vu les enjeux du secteur
La mixité sociale, un bon terreau pour la mission
Une transformation importante sous le haut patronage d’une mission
L’éco-conception : ça peut toucher tout le monde, même les web designers
Lancement de l’observatoire des sociétés à mission
Et plein d’autres choses toujours avec mon grain de sel analytique…
Du côté des entreprises
A LA PORTÉE DE TOUS. La filiale de Nexity, Perl, vient d’annoncer son adoption de la qualité de société à mission. Spécialisée dans le logement abordable, l’entreprise se fixe comme raison d’être : “Parce que nous voulons préserver l’accès à un logement abordable de qualité et favoriser la mixité sociale, nous créons des solutions immobilières fondées sur le partage entre l’usage et la propriété, en fédérant et en accompagnant tous les acteurs concernés – bailleurs sociaux, professionnels du logement, acteurs publics et investisseurs privés – autour de projets qui associent impact social et performance économique.” Elle est complétée par trois objectifs que vous découvrirez dans le communiqué de presse.
Cette mission est intéressante, car elle expose de manière assez explicite les dilemmes essentiels qui pourront se poser, notamment d’associer impact social et performance économique. Les objectifs adjacents donnent un indicateur sur la manière dont l’entreprise pourrait évaluer l’impact social, à savoir la mixité sociale, la qualité de vie et la qualité immobilière. Cela signifie-t-il qu’un projet sera rejeté s’il ne remplit pas ces trois conditions en dépit de son intérêt économique ?
Point intéressant également : c’est une filiale. Ce n’est pas une première - je pense notamment à Mirova, filiale de Natixis - mais cela reste un phénomène assez rare. Il existe également des exemples au sein des B Corps, Ben & Jerry’s, filiale d’Unilever, ou Nature & Découverte (qui était déjà B Corp avant son rachat), filiale de FNAC Darty. Deux questions se posent souvent : peut-on s’attendre à la tâche d’huile, en d’autres termes, la société à mission filiale avance-t-elle en éclaireuse ? Ou est-ce que la filiale a une identité tellement atypique par rapport au reste du groupe qu’elle peut seule prétendre à la qualité de société à mission, chemin que d’autres filiales ou la société mère n’emprunteront pas ? Nous manquons de recul sur la société à mission. Le fonds MAIF Avenir avait servi d’éclaireur pour la MAIF plus globalement, mais l’ambition était déjà bien affichée dès le départ. Il y a davantage de recul au sein des B Corps. On observe les deux cas de figure, mais il reste assez rare que le groupe dans sa globalité devienne B Corp après qu’une filiale le soit devenu et qu’une prédisposition à être centrée RSE ne soit pas déjà installée dans l’ADN central.
QUAND AVEC PREND TOUT SON SENS. Voici un projet hyper ambitieux ! Doctegestio, grand groupe à la frontière entre les activités médicales et sociales, va devenir le groupe Avec. Jusque là, rien de détonant. Mais, cela s’accompagne d’un florilège d’annonces : fusion de deux marques Amapa et Doctocare ; adoption de la qualité de société à mission ; ouverture du capital à ses 12000 collaborateurs ; annonce d’une opération de levée de fonds pour fin 2021 ; demande de l’agrément ESUS ; lancement d’une plateforme de santé inclusive. Bref, un gros chamboulement prévu pour le mois de février.
Ce type de “big” annonce risque de devenir monnaie courante. Après tout, quand on devient société à mission, on écrit les premières lignes d’un nouveau chapitre. Rien de plus logique que ce nouveau chapitre soit marqué par d’autres changements !
UNE PIERRE DEUX COUPS. Le groupe Cheval commence 2021 par deux annonces fortes. L’ETI familiale ouvre son capitale à la Société Générale et à Bpifrance comme actionnaires minoritaires. Et elle adopte la qualité de société à mission dans le même temps. Cette double annonce appelle à beaucoup d’analyses possibles !
Tout d’abord, c’est une ETI dans le BTP. Cela fait deux raretés dans le pool des sociétés à mission pour le moment ! Cheval est d’ailleurs la première entreprise de travaux publics qui devient à mission.
Ensuite, c’est une entreprise familiale. Dans ce type d’entreprise, les dirigeants peuvent ne pas voir d’un très bon œil l’intrusion d’un comité de mission et d’un organisme tiers indépendant dans leur gouvernance. Pour les plus ouvertes, l’intérêt de devenir société à mission peut être de sanctuariser une vision, surtout si des investisseurs externes venaient à rentrer au capital. C’est le cas du groupe Cheval ! On peut tout à fait imaginer que les deux actions sont donc liés, même si cette double opération permet surtout de n’ouvrir les statuts qu’une fois.
Et je vous propose une petite exclu : la raison d’être du groupe. J’ai dû la leur demander directement, parce qu’aucun article de presse ne la reprend. La voici :
Nous, les femmes et les hommes du groupe Cheval, sommes des aménageurs engagés pour développer durablement le territoire avec des équipements de qualité, utiles et innovants.
Nous sommes fiers de nos métiers, de nos réalisations, de nos missions au service des populations et des territoires.
Avec nos parties prenantes, nous sommes déterminés à contribuer à la transition écologique au travers de nos activités et de notre économie circulaire tout en créant une performance durable.
Elle fait clairement partie des raisons d’être longues, la plupart se limitant souvent à une phrase ou deux. Elle est surprenante également par l’utilisation du “nous”, qui est peu fréquent. Elle marque également un ancrage territorial fort, une des identités de l’entreprise. Ce n’est pas si fréquent non plus. Cette raison d’être fait davantage partie de celles faisant référence à l’activité, sans être très aspirationnelle, mais elle a le mérite de graver dans le marbre une identité, des principes et une ambition.
PAS QU’UN COUP DE COM’. L’agence de communication Syntagme (chapeau pour le nom déjà !) vient d’adopter la qualité de société à mission. Cette entreprise lyonnaise vient couronner son engagement RSE avec ce changement dans ses statuts. La raison d’être voit haut : “Permettre à chacun de nos collaborateurs d’être entrepreneur d’un monde en mutation et contribuer à construire une société plus respectueuse de l’Homme, du vivant, et de la planète. C’est surtout pour nous une raison d’être, mais surtout une raison d’agir.” Elle est très surprenante, car à sa lecture, vous n’avez aucune idée du métier de l’entreprise. Mais, cette raison d’être est accolée à cinq objectifs qui permettent de mieux comprendre la démarche globale de l’entreprise. Ils sont d’ailleurs éclairants, car si la raison d’être est focalisée sur les collaborateurs, les objectifs, eux, adressent les différentes parties prenantes de l’entreprise (clients, partenaires, écosystème…).
Bien pensé
21 BONNES IDÉES POUR 2021. J’ai récemment découvert la newsletter Springwise via celle de Marie Dollé Tech in Bed que je vous recommande d’ailleurs. Il y a toujours d’excellentes idées d’innovations et de tendances émergentes. En fin d’année dernière, ils recensaient 21 bonnes idées pour cette année, telles que des chaussures 100% recyclables, un système de livraison sans déchets, et plein d’autres.
L’ECO-CONCEPTION DANS LE WEB DESIGN. Quand on parle des enjeux environnementaux, dans les entreprises de services, l’intérêt n’est pas toujours très évident : “on ne produit rien, donc on ne pollue pas”. Après réflexion, pas mal d’actions peuvent être menées à divers niveaux. Mais, on ne pense pas souvent au web design, à savoir son site Internet ou Intranet. Et pourtant ! L’agence 148 a rédigé un bon article pour sensibiliser à ces enjeux et décrit la démarche qu’eux mettent en place pour leurs clients. Comme quoi, quand on réfléchit, l’éco-conception ne se limite pas à des produits physiques.
Du côté de la loi
COMME TOUJOURS EN DÉBUT D’ANNÉE. Chaque 1er janvier marque l’entrée en vigueur de nouvelles lois et réglementations. 2021 n’y échappe pas. Alice Vachet sur la newsletter de son podcast L’Empreinte détaille tous les changements liés à la RSE, qui touchent des domaines comme la gestion des déchets, la publicité, ou la biodiversité.
Du côté des idées
A NE PAS MANQUER. La Communauté des entreprises à mission va lancer son observatoire le 21 janvier à l’occasion d’un e-talk réunissant institutionnels, dont la secrétaire d’Etat Olivia Grégoire, et dirigeants d’entreprises, dont Frédéric Delloye, PDG d’Anaïk, que vous ne découvrirez pas si vous me lisez depuis quelques temps. Ce sera l’occasion de dresser un panorama à date des sociétés à mission. Je vous demanderais bien si vous comptez y aller pour s’y retrouver, mais c’est en virtuel, donc ce sera pour une prochaine fois… Suivez ce lien pour vous inscrire.
LA RAISON D’ETRE EN VIDEO. Le cabinet B-Harmonist a fait un webinaire sur la raison d’être cette semaine avec plein d’exemples intéressants. Voici le replay !
FAITES VOTRE LIT. Si j’étais vous, je me demanderais de quel droit je me permets cette intrusion dans votre intimité ! A juste titre, mais le conseil semblera moins déroutant à la lecture de cet article. L’entrepreneur et éditorialiste sur Inc.com Raj Jana nous fait part de ces cinq conseils pour mener une entreprise régie par le sens. Je prends toujours avec une bonne pincée de sel ce type d’articles, mais parfois, on y trouve des recommandations qui nous parlent. Vous me direz ! Et vous, quel conseil donneriez-vous pour mener une vie professionnelle pleine de sens ?
DNVB, QUESACO ? La marque de prêt-à-porter pour homme Hast a réalisé un entretien avec Viviane Lipskier, spécialiste des Digital Native Vertical Brands (DNVB). Elle évoque comment ces entreprises rebattent les cartes pour viser une production et une consommation plus responsables. Pas uniquement cantonnées à la mode, ces entreprises ont en commun le fait d’être nées sur Internet, d’utiliser le digital, d’être transparentes sur leur business model et de vouloir offrir une expérience client plus riche que celle qu’on trouve souvent en magasin. Un entretien qui donne donc un premier aperçu sur les DNVB. Et chapeau à Hast dont je trouve la communication toujours très bien pensée, entre la promotion produit et le média intelligent et pertinent (pas du content pour du content…).
LE LEVIER DE LA RAISON D’ETRE. Le 7 février sortira l’ouvrage L'entreprise vraiment responsable. La raison d'être : un levier d'innovation et de performance co-dirigé par Patrick Lenain et Jean-Noël Felli, PDG du cabinet Balthazar, lui-même société à mission. Vous pouvez d’ores et déjà précommander l’ouvrage.
SACHEZ CE QUE VOUS FAITES. Il semble que Philippe Silberzahn s’intéresse de près aux débats sur les sociétés à mission. C’est sa deuxième apparition dans cette newsletter ; je ne m’y attendais pas ! Après être venu à la rescousse d’Amazon (face aux critiques de Pascal Demurger), il vole cette fois-ci au secours de Danone. Evidemment, cette phrase est parfaitement caricaturale, mais il est adepte de la provoc’, donc je me permets cet effet de manche. Plus sérieusement, il consacre sa dernière tribune à la question : pourquoi opposer impact sociétal et profit ? Vous me direz qu’il est loin d’être le premier à s’opposer à cette opposition binaire - je fais partie de cette cohorte augmenté de cette nouvelle tribune dans Les Echos.
Mais son article replonge plus loin pour montrer le rôle sociétal inné des entreprises, tant les exemples affluent de sociétés qui ont fait évoluer les mœurs, les comportement sociaux etc. Il pose également quelques questions que je trouve passionnantes à étudier (bien que je ne me lance pas cette fois-ci dans l’arène) :
Est-ce que la gauche (il faut lire le paragraphe d’avant pour comprendre ce raccourci) souhaite réellement, par une pression qu’elle voit comme transformatrice du capitalisme, donner plus de pouvoir et d’impact aux entreprises privées dans la société? Est-ce que la position, dite « libérale », (idem que la remarque précédente) qui souhaite au contraire limiter cet engagement pour laisser de la place à d’autres acteurs non économiques, Etat, individus, associations, n’est pas plus raisonnable? Est-ce que l’enjeu, au lieu de pousser pour un rôle plus important des entreprises, n’est pas plutôt de prendre conscience que cet appel d’air résulte, au moins en partie, d’une déficience de l’Etat, et que c’est plutôt là qu’il faudrait agir?
Mon son de la semaine
J’ai regardé Interstellar le week-end dernier et j’écoute la BO en boucle depuis. Hans Zimmer est un génie !
Voilà c’est fini pour cette semaine. Si vous avez apprécié cette missive, un like ou un partage sera très apprécié. C’est le meilleur moyen de faire connaître cette newsletter. Je suis aussi toujours aussi ouvert à vos commentaires et remarques.
Bonne semaine et à vendredi,
Vivien.