#100 Numéro spécial: pourquoi devenir une entreprise rôle modèle ?
Et aussi: taxonomie verte, café et liqueur responsables, Bruno Latour, incohérence française, chargeur universel, fidélisation collaborateur, formation climat etc. (Temps total de lecture: 10 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Voici la 100e missive ! La journée d’hier a été très chargée et je ne vous aurais pas envoyé une missive de qualité.
Et 100, c’est un nombre symbolique, qui en appelle plein d’autres d’ailleurs. En parlant de nombres symbolique, vous êtes aujourd’hui 896 abonnés avec un taux d’ouverture qui tourne autour de 40%, ce qui est encourageant sachant que je publie fréquemment. Un immense merci à vous, car votre soutien est inestimable pour tenir le rythme !
Je nous lance un défi : que nous soyons 1000 d’ici la fin de l’année.
Cela devrait être organiquement le cas, mais si vous souhaitez donner un coup de boost, pourquoi ne pas recommander la newsletter à vos collègues, à des personnes de votre entourage qui pourraient y trouver des informations intéressantes pour leurs activités ou leurs réflexions, la partager dans des associations de pairs dont vous faites partie, ou de partager la newsletter sur les réseaux sociaux (LinkedIn à tout hasard, mais surprenez-moi !). Si la moitié d’entre vous se lance dans cette démarche, la barre sera franchie à une vitesse record. Merci d’avance !
Et si vous lisez cette missive qui vous a juste été forwardée, n’oubliez pas de vous abonner.
Passons au sommaire :
💭 Edito : Pourquoi devenir une entreprise rôle modèle ?
☕ Ca bouge dans l’univers du café
🍸 La Maison Cointreau dresse sa feuille de route responsable
👋 L’Autriche revient à la charge sur l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie verte
😯 On n’y croyait plus : le chargeur universel va arriver
🔢 Les chiffres qui marquent avec les formations au climat et la fidélisation des collaborateurs
😭 Bruno Latour nous a quittés
😓 Nous, Français, ne sommes pas cohérents
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec la fatigue de voir des vrais gens, les scenarii de l’ADEME en podcast, les idées qui ont changé les entreprises et les banques d’images
Comme d’habitude à picorer ou à dévorer !
Bonne lecture !
💭L’édito
Pourquoi devenir une entreprise rôle modèle ?
C’est un terme que je commence à utiliser un peu plus fréquemment et il me reste à le conceptualiser. Comme il n’existe pas, utiliser la 100e missive pour en donner les contours et le tester auprès de vous semble approprié.
Le terme de “role model” s’applique généralement à une personne. Elle inspire d’autres à agir, à montrer que c’est possible. Cette personne peut être très proche de vous, dans votre entourage familial, dans votre écosystème (votre entreprise, votre secteur etc.), vivante ou décédée. Il s’agit de chercher chez elle une motivation à se dépasser ou à se convaincre que les efforts paieront.
En entreprise, on l’utilise de plus en plus pour montrer que malgré les obstacles, il est possible de réussir, d’où une attention particulière portée aux rôles modèles chez les femmes et les populations moins représentées en entreprise. L’atteinte de la réussite, la sérénité ou tout autre état optimal est malheureusement souvent semé d’obstacles pour ces catégories de personnes.
Un concept peu utilisé pour parler des entreprises
Mais, ce concept n’est pas du tout utilisé pour parler d’une entreprise en tant qu’entité. Pourtant, il semble très pertinent, peut-être encore davantage pour les entreprises à mission.
Au niveau individuel, quatre traits sont régulièrement mis en avant pour identifier une personne rôle modèle :
Montrer l’exemple et le faire avec passion : il s’agit de faire ce qu’on dit, de dire ce qu’on fait et d’accepter qu’il faut toujours progresser, car les attentes croissent à mesure qu’on montre l’exemple.
Prendre l’initiative : le changement et l’amélioration sont deux traits identitaires des rôles modèles. Cela se traduit par le souhait d’expérimenter de nouvelles pratiques et de proposer des améliorations.
Garder le cap : une fois les bonnes priorités établies et le bon chemin à prendre, il est important de les maintenir et de ne pas diluer ses forces sur des projets alternatifs ou moins importants.
Prendre ses responsabilités : cela implique de souligner les succès (sans adopter une approche autocentrée) et de ne pas dissimuler les échecs ou les obstacles rencontrés ou rejeter la faute sur d’autres.
Une entreprise à mission, qui veut pleinement jouer son rôle, est dans cette même dynamique proactive vis-à-vis d’elle-même, de son écosystème et de son secteur.
Vis-à-vis d’elle-même. Elle est cohérente entre la rédaction de la mission et la réalité dans la mise en œuvre. Ce déploiement se traduit par une volonté de se remettre en question, de creuser les angles morts, de rechercher des solutions, de tester et de corriger en permanence. C’est une vraie culture interne qui favorise la responsabilisation, l’autonomie, la prise d’initiative, le droit à l’erreur, la concertation et le travail collectif. Le cap est donné avec la mission et l’alignement est complet.
Vis-à-vis de son écosystème. Une entreprise à mission ne peut pas se transformer en vase clos. Elle a besoin de faire bouger son écosystème, ou de le restructurer le cas échéant. Sa posture l’amène à tenir un discours différent auprès de ses fournisseurs et de ses clients, de les embarquer progressivement dans une démarche collective positive et contributive. C’est un travail qui ne paie pas immédiatement et les obstacles sont nombreux, mais la persévérance est la clé de voûte de cet axe d’effort.
Vis-à-vis de son secteur. Aujourd’hui, aucun secteur n’est épargné par les bouleversements sociétaux auxquels nous faisons face. La question est davantage d’accélérer la prise de conscience et le passage à l’action. En tant qu’entreprise à mission, le rôle d’éclaireur lui revient pour attirer d’autres—même des concurrents directs—à revoir leurs pratiques, leurs offres, leurs positionnements. Encore plus que pour l’écosystème, c’est très progressif et la résistance au changement sera pugnace, mais les efforts seront récompensés à terme.
Cette notion de rôle modèle est stimulante et engageante, mais peut être lourde à porter. Comme toujours, on vous attendra au tournant ; on vous dira que ce n’est pas la bonne manière de faire, que vous allez dans le mur, que vous gaspillez du temps et de l’argent sur des choses accessoires.
Mais, une mission n’est pas un mot vide : c’est une ambition énergisante qui pousse l’entreprise à viser plus haut et à lui donner pleinement le rôle d’acteur de la société qu’elle a toujours eu, en lui conférant en plus cette dimension contributive que l’on avait trop laissé de côté. D’aucuns diront que c’est juste être en avance de phase par rapport à ce qui attend les entreprises. Plutôt que d’être rattrapé par les stimuli réglementaires, pourquoi ne pas prendre les devants pour aider à redéfinir la place de l’entreprise dans la société et dans l’économie ?
Voici quelques réflexions jetées sur le papier, nourries de ces 100 missives entre autres. Elles mériteraient d’être davantage détaillées (pas le lieu) et sont à affiner. Si vous avez des idées sur le sujet ou souhaitez en discuter, dites-le moi. Je suis très à l’écoute pour travailler ce concept et le rendre utile et pertinent.
Du côté des entreprises
☕DERRIERE VOTRE TASSE DE CAFE.
Les choses bougent dans le monde du café. Elles sont souvent transparentes pour les consommateurs, au-delà de la montée en puissance du café en grains. Cela passe par un accent porté sur l’agriculture régénérative. A ce sujet, Nescafé vient de dévoiler un plan d’un milliard de dollars pour faire avancer la démarche auprès de ses producteurs de telle sorte que 50% de leur approvisionnement viennent de l’agriculture régénérative d’ici 2030.
Ce plan prévoit également un accompagnement des producteurs pour les aider dans l’adaptation de leurs pratiques. Le sujet est évidemment essentiel, car la production de café a souvent lieu dans des pays qui vont être de plus en plus soumis au changement climatique.
Du côté des contenants, les choses évoluent également. Lobodis, entreprise à mission depuis quelques mois (voir le décryptage), lance une capsule de café bio compostable. Ses capsules ont été créées en partenariat avec Vegeplast, spécialiste de la création de pièces biosourcées et biodégradables. Conçues à 100% à partir de matières premières renouvelables, les capsules sont végétales et donc compostables si vous disposez d’un compost.
Et ça bouge aussi pour les entreprises à mission dans le café. En plus de Lobodis, vous avez également L’Arbre à café dont j’ai fait le décryptage cette semaine.
🍸LA TRADITION SOUS UN NOUVEAU JOUR.
Rester à la page pour un groupe bientôt bicentenaire n’est pas chose aisée et pourtant c’est l’ambition de La Maison Cointreau qui a révélé son plan “2025 Exception Durable”. Il s’articule autour de trois engagements : la préservation des terroirs et des écosystèmes naturels dans leur biodiversité, leur transmission aux générations futures et la promotion d’une consommation responsable.
Pour la préservation des terroirs, il s’agira notamment de faire certifier “GLOBALG.A.P” ou “Rainforest Alliance” 100% des cultures d’orangers et de bigaradiers d’ici 2025, contre 64% aujourd’hui. Sur la transmission, l’enjeu porte sur l’adoption du principe 3R de l’économie circulaire. Par exemple, et je l’ignorais, la bouteille Cointreau est éco-conçue avec notamment deux tiers de verre recyclé. Sur la consommation responsable, la Maison Cointreau travaille ainsi à proposer une catégorie de cocktails où la teneur en alcool ne dépasse pas 8°. Ces recettes représentent 10% des cartes de cocktails aujourd’hui ; l’objectif est d’arriver à 20% en 2025.
Vous menez des actions positives et/ou originales sur la RSE au sens large, que ce soit sur des aspects sociaux, environnementaux, managériaux, de gouvernance, commerciaux, de marketing ou de communication en lien avec l’activité de votre entreprise.
Vous avez envie de les faire connaître, de les partager, voire d’encourager d’autres entreprises dans la même voie ? Nous sommes tous acteurs et nous voulons tous que l’économie et les entreprises avancent dans le bon sens. Détaillez-les moi et je les publierai dans une prochaine missive ! Pas besoin d’être société à mission ; je ne suis pas sectaire 😉.
Du côté de la politique
👋CE N’EST PAS FINI.
L’Autriche, désormais soutenue par Le Luxembourg, a saisi la Cour de Justice de l’UE pour dénoncer l’inclusion du nucléaire et du gaz, sous certaines conditions, dans la taxonomie verte. Leonore Gewessler, ministre autrichienne du Climat, explique la motivation de la démarche.
😯ON N’Y CROYAIT PLUS.
A Bruxelles, c’était une “running joke” de savoir si un jour on allait avoir une harmonisation des chargeurs de téléphone. Il va falloir trouver un autre serpent de mer, puisque cette réglementation prendra effet à partir de 2024 pour les téléphones portable et de 2026 pour les ordinateurs portables. Si les arguments environnementaux sur les DEEE n’étaient pas forcément ceux qui pesaient le plus au départ, c’est probablement ceux qui ont fait basculer la balance au final.
C’est évidemment de bon sens, mais alors donc pourquoi est-ce que cela a pris tant de temps ? Parce qu’une entreprise en particulier, Apple pour ne pas la nommer, s’y opposait, arguant que cela pourrait entraver l’innovation… Véridique !
🔢Les chiffres qui marquent
25 000. C’est le nombre de cadres fonctionnaires qui seront formés aux enjeux climatiques d’ici 2025. On ne parle pas ici d’une formation rapide, mais de près de 30 heures au total (théorie et pratique).
3x. Selon une étude du cabinet américain Barkley, les collaborateurs travaillant dans une entreprise guidée par une raison d’être (purpose-led company) ont trois fois moins de chance de la quitter que ceux qui travaillent dans une entreprise plus classique.
Du côté des idées
😥UN GRAND HOMME NOUS A QUITTES.
Vous ne l’ignorez probablement, Bruno Latour est décédé.
Il faut le lire évidemment. Je vous partage un extrait toujours très à propos d’un article qu’il a écrit pour AOC après le premier confinement, “Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise”. Voici sa recommandation :
Décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaines que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre.
😓NOUS NE SOMMES PAS COHERENTS…
La semaine dernière, je vous parlais du baromètre des Fractures françaises. Je reviens dessus avec une série de chiffres que je n’explique pas :
On n’arrête pas de dire que l’été a changé les mentalités sur le réchauffement climatique, que les gens ont compris, enfin. Pourtant, seuls 61% des Français estiment que ce réchauffement climatique est dû à l’activité humaine.
On ne cesse de vouloir plus d’autonomie, plus de représentation individuelle, de faire que sa voix soit entendue. Pourtant, 79% des Français estiment qu’on a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre.
68% estiment qu’on vit dans une société patriarcale (62% pour les hommes ; 75% pour les femmes), mais que fait-on pour changer cette situation ?
Je pourrais prendre plein d’autres exemples. Mais la conclusion serait la même : j’ai parfois l’impression qu’on regarde la société comme si nous n’en faisions pas partie…
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
En appui de ces quatre scenarii pour 2050 (publication incontournable), l’ADEME a sorti quatre épisodes de podcast “Demain, c’est pas si loin” qui reviennent chacun sur un scénario. Une autre approche qui donne une première couche de vernis.
Excellent article de Slate sur l’enfer des banques d’image qui illustrent un monde qui n’existe pas et dont les images sont partout dans notre quotidien.
On connaissait la “Zoom Fatigue”, voici la “IRL (In Real Life) Fatigue”, quand retourner au bureau crée une nouvelle source de fatigue.
Le podcast “Ideacast” de la Harvard Business Review vient de lancer une série de quatre épisodes dédiés à des idées qui ont fondamentalement changé l’économie et les entreprises. Les deux premiers épisodes sont sortis sur le management scientifique (on parle plus souvent du taylorisme en français) et l’innovation de rupture. Passionnant !
Merci de votre lecture ! J’espère que cette missive anniversaire vous a plu. N’hésitez pas à appuyer sur le 💟 si c’est le cas.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagnés sur la société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.