#160 Mes 3 sentiments après le Congrès des entreprises à mission
Egalement: le SBTi dans la tourmente; un retailer qui aide ses fournisseurs; la popularité des rapports de mission; les ODD et la RSE; top 100 des indicateurs RSE et bien d'autres choses...
Chères lectrices, chers lecteurs,
Cela fait bien trop longtemps que je ne vous ai pas transmis de missive entre quelques congés, un rythme de parution moins soutenu et le Congrès la semaine dernière ! Vous êtes nombreux à avoir rejoint les abonnés depuis le dernier envoi (j’en profite pour remercier Guillaume pour la mention sur scène !)
Passons au sommaire :
💭 L’édito : Mes trois sentiments après le Congrès des entreprises à mission
🌪️ Le SBTi dans la tourmente sur une réforme possible de son référentiel d’évaluation
📈 Le Groupe Rocher montre la popularité des rapports de mission
📖 La Plateforme RSE fait un état des lieux mi-figue mi-raisin des ODD et de la RSE à mi-parcours
📏 Un fichier Excel bien utile pour dénicher le Top 100 des indicateurs RSE
🧐 Quand les dirigeants décident-ils de moins investir sur la RSE ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec Radio France et les coupes sur l’écologie ; la transition écologique désirable ; les tensions internes chez les scientifiques ; les Big Four vainqueurs sur la CSRD.
🎧 Mon son de la semaine : Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - So Many Things (To Feel Guilty About)
Bonne lecture, à picorer ou à dévorer !
Un ami m’a souvent dit : “tu écoutes toujours des groupes aux noms impossibles !” Ce son de la semaine est une forme de dédicace avec Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et ce titre aussi entraînant que barré “So Many Things (To Feel Guilty About)”.
Pour ceux qui ont Deezer, c’est par ici.
Jeudi dernier avait lieu le Congrès français et européen des sociétés à mission. Il serait de bon ton de vous partager les citations fortes, les tables rondes inspirantes, les prises de parole qui m’ont marqué ! J’en suis bien incapable… J’ai co-animé deux tables rondes sur les B-A-bas de la société à mission et le reste du temps, j’ai échangé avec plusieurs d’entre vous. Bref, il va falloir que je profite des replays—qui sont disponibles et passionnants !
A la place, je vais vous partager les trois sentiments qui m’ont parcouru tout au long de la journée.
Surpris
“Je ne m’attendais pas à faire la queue !”, m’a glissé Isabelle quand on s’est retrouvé par hasard à l’entrée un peu avant 9h. Devant la Maison de la Mutualité, les participants faisaient effectivement la queue. A l’intérieur, les couloirs grouillaient de monde. Le temps de laisser mon casque de vélo, de dire bonjour à quelques personnes, le Congrès venait de commencer. Je pénètre dans la grande salle de conférence. Presque plus une place de libre ! Pas loin de 1000 personnes étaient déjà là, prêtes à écouter Hélène Bernicot et Guillaume Desnoës, les co-présidents de la Communauté des entreprises à mission, lancer le Congrès.
Ce sentiment de surprise ne m’a pas quitté de la journée. Les tables rondes et les ateliers étaient pleins toute la journée. Au-delà du nombre qui est toujours un indicateur pour un événement, j’ai été surpris par la diversité des participants. Nous aurions pu être dans une forme d’entre-soi entre des représentants de société à mission et des membres de l’écosystème—c’est déjà bien pour construire une communauté. Que nenni ! Dans les deux ateliers que je co-animais, j’ai remarqué qu’il y avait pas mal de participants intéressés à découvrir plus en profondeur le sujet ou en chemin pour devenir société à mission. Cela montre que le sujet continue d’essaimer.
Galvanisé
Dans l’assistance, on ne cherchait pas juste à s’auto-congratuler, mais à apprendre et progresser. J’ai eu beaucoup d’échanges avec des entreprises déjà société à mission, qui sont venues pour récupérer des informations concrètes, des bonnes pratiques, des exemples, des écueils à éviter etc.
Cela illustre, à mes yeux, que devenir entreprise à mission est un projet pris au sérieux par beaucoup, mais ils ne savent parfois pas comment bien faire les choses, notamment sur le comité de mission, le déploiement opérationnel et l’embarquement des parties prenantes.
L’envie de s’améliorer est une des composantes du fonctionnement de la société à mission. C’est encourageant qu’elle se reflète de manière aussi saillante lors de ce type de réunion. De manière tout à fait égoïste, cela vient conforter le temps que je consacre à cette newsletter et au podcast pour tenter d’apporter, à mon échelle, des éclairages.
Enthousiaste
Je suis sorti du Congrès revigoré ! J’ai récemment sorti un rapport faisant état d’axes d’amélioration sur certains aspects de la société à mission.
En échangeant avec pas mal de participants et en écoutant quelques témoignages, je ressors avec un sentiment d’une envie commune d’aller de l’avant, sérieusement. Evidemment, ce n’est pas simple ; les obstacles et les résistances sont nombreux ; mais la détermination à bien faire est présente.
Le chemin est encore long, mais si ensemble, nous persistons, si nous nous serrons les coudes, si nous échangeons pour coopérer et nous améliorer, si nous sommes exigeants, alors, nous aurons l’impact positif que nous souhaitons individuellement et collectivement avoir sur l’économie !
Et vous, qu’est-ce qui vous a marqué dans ce Congrès ?
🌪️ Le SBTi dans la tourmente
De nombreuses grandes entreprises cherchent à faire tamponner leurs plans de réduction des émissions de CO2 par la Science-Based Target Initiative.
Le SBTi est reconnue pour sa rigueur, mais une évolution possible en interroge plus d’un. Dans un communiqué le mois dernier, l’organisation indiquait qu’elle allait donner plus de crédits à la compensation carbone dans les plans de réduction.
Les salariés de l’organisation s’en sont émus, estimant que cela pouvait entamer la crédibilité de l’initiative. Certes, la compensation carbone est indispensable pour contribuer à la neutralité carbone, mais pour les émissions résiduelles, une fois que tous les autres efforts auront été menés.
C’est un secret de polichinelle : les projets de compensation (crédit carbone, plantation d’arbres…) ne visent en réalité pas que les émissions résiduelles, mais sont souvent un moyen de donner l’impression d’actions conséquentes portées par les entreprises, surtout pour réduire les émissions du Scope 3…
La crainte est donc que beaucoup d’entreprises puissent bénéficier du tampon du SBTi sans faire les efforts nécessaires. L’organisation s’est toutefois fendue d’un nouveau communiqué pour préciser qu’elle n’avait pas encore pris de décision officielle et que son système d’évaluation actuel restait la norme. Elle s’appuiera sur les résultats d’une consultation qu’elle mène sur le sujet.
Selon Reuters qui a accédé à un draft du rapport, les conclusions viendraient plutôt soutenir la position des salariés. Il semblerait que “beaucoup, voire la plupart des crédits carbone ne soient pas efficaces pour réduire les émissions”. A suivre donc…
🤝 L’exemple d’un grand retailer qui accompagne ses fournisseurs dans le calcul de leur empreinte carbone
Face aux réglementations environnementales et à la pression de certaines parties prenantes, la mesure et la réduction de l’empreinte carbone sont des enjeux clés pour les entreprises. Les premières touchées sont les grands groupes, encore plus lorsqu’elles vendent des produits manufacturés.
Un article de Greenbiz explique comment Lowe’s, une chaîne américaine de magasins de jardinage et bricolage, accompagne ses fournisseurs (en termes techniques, une partie de son scope 3) à réduire leur empreinte carbone.
Ce qu’il ne faut pas faire : arriver avec un discours technique et expert. Cela ne fonctionne pas. Pour corriger le tir, Campbell Weyland de Lowe’s a demandé aux acheteurs du groupe d’envoyer un email court et clair aux fournisseurs leur demandant de commencer à présenter leurs reportings environnementaux.
Ensuite, Weyland a tenu 15 webinaires des fournisseurs, à quoi se sont ajoutés beaucoup d’échanges, qui ressemblaient à des sessions de conseil. Il a même aidé certains d’entre eux à trouver des alternatives moins polluantes ou des subventions pour financer certains investissements.
Il explique dans l’article que dans un premier temps il a insisté sur les Scopes 1 et 2 de ces entreprises en évoquant les enjeux environnementaux, mais également économiques, sur l’éclairage, la lutte contre le gaspillage etc. C’est loin d’être fini, mais selon le représentant de Lowe’s, la réussite du programme jusqu’à présent est lié à l’accessibilité des interventions, sa disponibilité et son accompagnement, ainsi que l’esprit positif et collectif dans lequel cela s’est déroulé.
📈 La popularité des rapports de mission
Le groupe Rocher a sorti il y a peu son nouveau rapport de comité de mission. Il n’y a pas d’obligation de publier ce document—seul l’avis de l’OTI doit être légalement partagé sur le site Internet des entreprises. Mais il est assez fréquent que les sociétés à mission fassent paraître ce rapport. Je sais que certaines entreprises hésitent parce qu’elles ne veulent pas payer des frais de maquettage. C’est tout à fait compréhensible, mais rien ne vous oblige à avoir un document hyper léché. C’est une question de transparence vis-à-vis de vos parties prenantes.
Bref… un paragraphe m’a interpellé dans le rapport du groupe Rocher. L’entreprise indique que les rapports de mission sont des documents très consultés, beaucoup plus que tous les autres concernant la performance extra-financière.
Cela ne me surprend pas ! Les rapports de mission ne sont généralement pas juste des documents un peu rébarbatifs et techniques de reporting et de suivi d’indicateurs. Ils racontent aussi l’entreprise et son évolution avec une dimension plus humaine et concrète.
Si jamais il vous fallait une raison supplémentaire pour publier vos rapports de mission…
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne !
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🧠 Un peu de jus de crâne
Sur le blog Les Chroniques de l’Audit et du Conseil, on apprend sans surprise que les Big Four raflent la mise sur les cabinets en charge du reporting extra-financier lié à la CSRD. Mais pourquoi ? Réponse dans l’article.
Les scientifiques ont de plus en plus de mal à ne pas s’investir davantage dans la vie publique quand ils travaillent sur des sujets climatiques, ce qui n’est pas sans poser des questions et des cas de conscience. Passionnant reportage du Monde !
Pas simple de rendre la transition écologique ! C’est le travail qu’a mené Théodore Tallent et que Béatrice Héraud synthétise sur Youmatter.
Les programmes de Radio France tournés sur l’écologie connaissent des coupes sombres. Vert revient sur les dernières annonces. Surprenant à l’heure du Tournant environnemental que le groupe annonçait en 2022…
📖 Etat des lieux de l’agenda 2030 sur les ODD
La Plateforme RSE dépendant de France Stratégie a sorti un rapport détaillé sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 sur le déploiement des ODD. L’ONU avait déjà indiqué qu’on était loin du compte ; ce rapport s’intéresse plus spécifiquement aux acteurs économiques.
Là encore, peut mieux faire. Certains ODD reviennent fréquemment parmi les membres du Global Compact, comme “Bonne santé et bien-être” et “Travail décent et croissance économique”. D’autres sont rarement traités, comme “Paix, justice et institutions efficaces” ou “Pas de pauvreté”, probablement car les entreprises ne se sentent pas légitimes.
Le rapport montre que très peu d’entreprises utilisent les ODD comme leviers de transformation de leurs modèles d’affaires. Ils servent plutôt à illustrer les actions des sociétés sur tel ou tel Objectif. Pour la Plateforme RSE toutefois, il faut plus rapprocher ODD et stratégie RSE. Cela passe notamment par un meilleur portage au niveau des politiques publiques et des instances entrepreneuriales sur le sujet (fédérations professionnelles, syndicats etc.).
Ce que je retiens du rapport, c’est que seul un effort volontaire, collectif et concerté peut améliorer la situation. Sinon, on restera à des initiatives isolées, positives certes, mais avec un impact limité.
Pour les plus techniciens d’entre vous, les auteurs proposent également une grille de correspondance entre les ODD et la CSRD. Utile !
📏 Un guide sur le top 100 d’indicateurs RSE
Le cabinet de conseil beavr a eu une bonne idée : compiler 100 indicateurs de RSE tirés des différents labels et référentiels existants. Il y a de tout, sur l’environnement, le social et la gouvernance. Evidemment, ce n’est pas exhaustif et plutôt générique, mais ce guide, sous format Excel, peut s’avérer utile pour s’inspirer, compléter l’existant ou lancer quelques actions.
🧐 Quand les dirigeants sont-ils le plus prêts à engager des moyens financiers en faveur de la RSE ?
Selon une nouvelle étude, deux situations entraînent les dirigeants à réduire les ressources financières dédiées à la RSE. Avant de vous donner les résultats, essayez d’imaginer les raisons.
Il ressort des travaux d’Ing-Haw Cheng, Harrison Hong et Kelly Shue que les PDG deviennent encore plus regardants sur les budgets de RSE quand :
ils sont actionnaires : plus ils le sont, plus cela tend à jouer en défaveur des démarches extra-financières ;
ils sont très scrutés par leurs actionnaires : en l’occurrence, cela viendrait confirmer l’idée que la RSE est souvent perçue comme “une distraction” ou “un poste de coût” au détriment de la rentabilité de l’entreprise.
Moral de l’histoire : les dirigeants sont plus allants sur la RSE quand leur “argent” n’est pas en jeu et qu’ils ont les coudées franches de la part de leurs actionnaires.
Pas très rassurant… Il y a beaucoup de bémols à mettre à cette étude, notamment qu’elle a été réalisée sur des données anciennes (2003-2004), époque où l’ESG n’était pas valorisée comme aujourd’hui, et aux Etats-Unis, pays pas très en pointe sur ces sujets... Mais tout de même, cela donne de la matière à réfléchir.
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C’est terminé pour aujourd’hui. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A dans deux semaines,
Vivien.