Hors-série : Nouveau rapport sur 5 années de société à mission
Sortie d'un rapport qui fait le bilan de 5 ans de pratique de la société à mission en partant d'une analyse originale sur la publication des avis d'audit
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je vous propose une missive un peu spéciale aujourd’hui avec la sortie d’un rapport qui fait le bilan de 5 ans de pratique de la société à mission. L’exercice n’est pas simple d’autant que j’ai voulu prendre un angle original : la publication des avis d’OTI.
Pas la peine de faire un bilan du nombre de sociétés à mission — d’autres le font très bien. Impossible de faire une étude sérieuse sur l’impact de l’adoption de la qualité sur les entreprises à mission. J’aurais pu faire une analyse empirique, mais je vous réserve plutôt ce contenu pour l’ouvrage en cours de rédaction.
Mon objectif avec ce rapport est que l’on puisse collectivement progresser à tous les niveaux. C’est important pour renforcer le dispositif, qui, à mes yeux, devient de plus en plus amalgamé avec des labels, des normes, des réglementations, des feuilles de route, qui ont chacune leurs vertus, mais ne remplissent pas le même rôle.
Pourquoi prendre le sujet par cet aspect de la publication de l’avis d’OTI ?
C’est le seul document que les sociétés à mission doivent obligatoirement publier. Autrement dit, on ne sait pas toujours qu’une entreprise est société à mission, si elle a bien réalisé ses rapports de mission et si elle s’est fait auditer. En revanche, la loi stipule que l’avis de l’OTI doit être publié sur le site Internet de l’entreprise pendant au moins 5 ans. Donc, normalement, la donnée existe.
C’est également un moyen un peu pernicieux, j’en conviens, de voir si toutes les entreprises à mission sont dans les clous. Autrement dit, devenir société à mission, ce n’est pas “juste” changer ses statuts, c’est également montrer l’avancement sur sa mission et respecter quelques règles, qui sont là pour crédibiliser tout le dispositif.
Quels résultats ressortent ?
En s’appuyant sur l’analyse de 537 sociétés à mission, dont les statuts ont été modifiés entre fin 2019 et mai 2022, il ressort que seules 24 % ont publié l’avis d’audit sur leur site Internet ; on descend même à 13 % pour celles qui ont inscrit une mission dans leurs statuts dès leur création. Ce mauvais résultat illustre que le système doit être amélioré pour conforter l’utilité et assurer la pérennité de la société à mission.
En motif d’encouragement, pour les entreprises dont le rapport est disponible, 78 % ont reçu un avis d’audit positif.
Je liste toutes les raisons qui peuvent expliquer cette situation, des plus légitimes à celles qui relèvent parfois de la mauvaise foi.
Quels enseignements ?
J’en tire également trois enseignements pour la société à mission :
Le dispositif reste fragile et ce faible taux de publication le met en porte-à-faux des critiques.
En corollaire, cette situation est le prix d’un dispositif sans garde-fou, à savoir que personne ne s’assure du bon respect des engagements des sociétés à mission.
La société à mission souffre peut-être d’un manque de culture de la preuve, dans le sens où l’affirmation de l’engagement suffirait à montrer qu’on fait bien choses ou qu’on veut s’améliorer davantage que les résultats que l’on obtient.
Quatre recommandations
Je formule enfin quatre recommandations :
Désigner une autorité chargée du suivi des sociétés à mission afin de mieux centraliser l’information et s’assurer d’un bon respect du système par les entreprises qui y participent.
Distinguer les entreprises entre celles fraîchement société à mission, celles qui appliquent les règles liées au cadre et les autres hors des clous. Cela clarifierait la situation afin notamment de mieux valoriser les entreprises qui respectent leurs engagements et leurs obligations et d’éviter des abus.
Revoir les indicateurs de mesure et mieux communiquer afin d’avoir une vision du déploiement du cadre et de la qualité des actions menées par les entreprises, pas juste sur le nombre de sociétés à mission ou de salariés concernés.
Responsabiliser tous les acteurs de l’écosystème des sociétés à mission (experts comptables, commissaires aux comptes, avocats, consultants, auditeurs etc.) qui sont à leur contact et qui devraient davantage les sensibiliser sur les procédures à respecter.
Il y a donc des axes de progression assez importants qui nécessitent une implication collective de la part :
des pouvoirs publics, qui ne sont pas appropriés ce cadre en dépit de l’avoir inscrit dans la loi ;
des sociétés à mission, qui font partie d’un mouvement collectif qu’elles s’en rendent compte ou non, et donc leurs actions reflètent positivement ou négativement sur tout le dispositif ;
de l’écosystème d’accompagnement, qui doit être rigoureux dans ses démarches et aider les entreprises à être des sociétés à mission exemplaires a minima dans le respect de leurs obligations.
Je vous souhaite une bonne lecture de ce rapport. Je suis évidemment preneur de vos éclairages. Je serai également ravi d’échanger dessus ou de le présenter plus en détails si cela peut servir.
N’hésitez pas à le partager à des personnes qui pourraient en faire bon usage ! Un grand merci à vous !
Il ne me reste plus qu’à vous dire à jeudi prochain pour la missive classique !
Vivien.