#164 N'oubliez pas les nouveaux
Sur les sujets de mission, culture ou valeurs ; également Danone et Bjorg sortent du Nutriscore ; 30 propositions pour le développement durable ; les dilemmes de la transition et bien d'autres choses
Chères lectrices, chers lecteurs,
Ravi de vous retrouver pour cette nouvelle missive !
“Mais que se passe-t-il ? Tu ne publies plus toutes les semaines ?”. Je vous dois quelques explications. J’ai pris du retard dans la rédaction de mon livre, en conséquence de quoi je vais maintenir le rythme d’une missive toutes les deux semaines pour le moment. Celle-ci aurait dû sortir la semaine dernière, mais j’ai affreusement mal géré mon agenda et j’ai prévu beaucoup trop de rendez-vous et d’ateliers pour rédiger la missive. Mais, c’était exceptionnel !
Ce petit message introductif terminé, passons au sommaire (qui ne parle pas du tout de l’impact du nouveau gouvernement sur tout ce qui nous concerne dans cette lettre, parce que c’est bien difficile de dire quoi que ce soit d’intéressant…) :
💭 Edito : N’oubliez pas d’embarquer vraiment les nouveaux arrivants en matière de mission, culture, valeurs — un écueil très fréquent !
😕 Deux entreprises à mission ne montrent pas l’exemple sur le Nutriscore malgré leurs engagements de mission
🤨 L’équipementier Berner illustre les dilemmes auxquels les entreprises font face quand elles cherchent des alternatives moins carbonées
🎙️ On est en période de vendanges. Le moment de se (re)plonger dans la série d’épisodes sur les sociétés à mission dans l’univers du vin
❓ J’ai besoin de votre avis pour choisir la prochaine série thématique du podcast
📚 Le cercle de Giverny a formulé 30 propositions pour accélérer la transition sociale et environnementale
😥 Petit rappel que la filière du développement durable peut fâcheusement jouer sur le moral
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec Pernod Ricard face à la responsabilité territoriale, le travail pour améliorer sa qualité de vie, l’étrange normalisation des inégalités, et comment aider vos équipes à vraiment s’exprimer.
🎧 Mon son de la semaine : Honeyglaze - Don’t
Bonne lecture ! A dévorer ou à déguster comme vous préférez !
“Don’t” de Honeyglaze est une de mes plus grosses découvertes des derniers mois. Un rock abrasif, des paroles ciselées et punchy, une rythmique entêtante. Un très grand coup de cœur (ou coup de poing difficile à dire) !
A force d’intervenir dans des structures de toute nature et de toute taille, je commence à constater un certain nombre d’éléments concordants. L’un d’eux concerne la transmission de la mission aux nouveaux arrivants et leur implication. C’est souvent un impensé. Voici quelques conseils qui pourraient être utiles autant pour les embarquer que pour se faire progresser la mission.
Beaucoup d’entreprises mentionnent le fait d’être société à mission dans leurs offres d’emploi : juste par une mention rapide (comme si cela parlait à tout le monde…), en indiquant la raison d’être, ou avec une description un peu plus détaillée des convictions portées par la structure.
Pour que cette référence soit vraiment marquante, il faut qu’un candidat ressente véritablement l’engagement de l’entreprise et qu’une rapide recherche sur le site Internet et sa page LinkedIn apporte des éléments complémentaires, sinon le “bullshitomètre” va s’activer.
Dans le processus de recrutement, tous les interlocuteurs doivent être alertes sur la mission. Si vous n’explicitez pas cette dimension dans les entretiens, c’est déjà l’illustration qu’elle est insuffisamment portée en interne. Si vous la mentionnez, il faut que tout le monde possède une bonne dose de connaissances. Il n’y a rien de pire qu’un recruteur ou un manager incapable de répondre à la question : “et c’est quoi votre mission ?”.
Une fois recruté, le nouvel arrivant doit bénéficier d’une couche de vernis sur la mission dans son processus d’onboarding (ce qui implique qu’il y en ait un bien sûr, une évidence quand on sait à quel point cela joue sur la fidélisation des équipes…). Cela peut passer par un point lors d’une réunion avec d’autres nouveaux arrivants pour les plus grandes structures ou en forte croissance, ou par une entrevue avec le manager de mission. Ne pensez pas qu’un PowerPoint, une vidéo de 2 minutes, ou une page Intranet suffira. Une mission, ça se vit et ça doit générer des questions et de l’envie, ce que seul un échange permet de créer.
Cette phase est essentielle. Je remarque que les entreprises font souvent un réel effort de communication et d’embarquement des équipes juste après avoir travaillé sur leur mission (également valable pour les valeurs ou tout autre enjeu immatériel). Ensuite, tout s’arrête et il y a juste une piqure de rappel de temps à autres.
Mais, comment un nouvel arrivant peut-il comprendre la mission, s’en sentir partie prenante et vouloir la faire grandir s’il arrive dans une entreprise qui n’en parle jamais, pas même au moment de son arrivée ? Avec le turnover en entreprise, pas étonnant que la connaissance et l’intérêt s’effritent au fur et à mesure que les plus anciens changent d’entreprise…
La pédagogie, c’est l’art de la répétition, comme dit le dicton. En matière de mission (sa formulation, sa réalité opérationnelle, les projets associés, les objectifs fixés etc.), ne pensez jamais, vraiment jamais, que vous en faites assez. Concernant les nouveaux arrivants, si ce n’est pas déjà fait, mettez en place un mécanisme de prise de connaissance impliquant une interaction humaine sur le sujet.
Cette démarche autour des nouveaux arrivants aura un autre atout bénéfique : cela vous fera prendre conscience de l’avancée ou non de la mission. En effet, si vous avez le même discours plusieurs années de suite, que vous utilisez les mêmes exemples, que vous parlez des mêmes projets, cela signifie que la mission n’avance pas. Les fondamentaux resteront similaires, mais les projets et les objectifs évoluent. Ces sessions d’onboarding sont un bon moyen de présenter fréquemment la mission et sa réalité opérationnelle, de se confronter aux regards frais de nouveaux arrivants. Quand on y réfléchir, une entreprise a peu l’occasion de présenter sa mission auprès de personnes qui peuvent avoir un intérêt personnel à y participer.
Donc, mettez également en place des mécanismes de remontée d’informations auprès du manager de mission (si ce n’est pas elle ou lui qui se charge de former les nouveaux arrivants). Au travers d’échanges informels peuvent émerger des réflexions à creuser !
Voici quelques conseils que je peux vous partager. En avez-vous d’autres ? Quelles sont les bonnes pratiques que vous avez mis en place ou que vous avez vues chez d’autres ?
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne !
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😕 Le Nutriscore se durcit ; des acteurs s’en dessaisissent
Le Nutriscore a décidé de modifier sa méthodologie pour pénaliser davantage le sucre et le sel. Par exemple, les industriels qui s’en sortaient avec l’utilisation de substituts au sucre voient leurs notes revues à la baisse dans le nouveau barème. Et étrangement, plusieurs gros acteurs de l’agroalimentaire ont décidé de ne plus utiliser cette notation sur une partie de leur produits, dont deux entreprises à mission, Danone et Bjorg (marque détenue par Ecotone).
Les raisons sont similaires : le nouvel algorithme aurait un impact négatif sur les notes. Ainsi, Actimel aurait eu la même note qu’un soda, parce que (oh surprise), Actimel est bourré de sucres… Du côté de Bjorg, il semblerait que les biscuits et les boissons végétales auraient arboré des notes D ou E. Bref, un peu à l’opposé des images de bien-être et de santé revendiquées par les deux entreprises. Je rappelle le premier objectif statutaire de Danone : “Améliorer la santé, grâce à un portefeuille de produits plus sains, à des marques qui encouragent de meilleurs choix nutritionnels, et à la promotion de meilleures pratiques alimentaires, au niveau local”. Ca laisse songeur…
Chez Bjorg, c’est désormais le Planet-Score qui a pris la place du Nutri-Score. Ce serait apparemment facteur de confusion d’avoir les deux. Tant pis si l’un et l’autre n’évaluent pas du tout les mêmes choses.
Mon avis : Ce type de décision est problématique. Plutôt que de modifier des recettes, de lancer des initiatives pour améliorer la situation, on décroît la transparence et on se lance dans des subterfuges. En tant que consommateurs, cela suscite forcément de la suspicion… En tant qu’observateurs des entreprises responsables, le fait que deux leaders du marché prennent ce type de décision est très délétère, parce qu’il est de leur responsabilité de montrer l’exemple. D’autres y verront une opportunité de se différencier, mais beaucoup (ceux qui étaient déjà critiques sur le Nutri-Score) se verront légitimés dans un éventuel choix de retirer également le barème de leurs produits.
🤨 Le dilemme cas d’école
Quand on parle emballage, les sujets ne sont jamais aussi simples qu’il n’y parait. Berner, un équipementier allemand spécialiste de la quincaillerie pro, en fait la parfaite illustration. Depuis peu, selon Ateliers Décision, ils ont décidé de remplacer le papier kraft par des coussins d’air pour caler les produits envoyés dans les cartons d’expédition. Ces coussins sont recyclables et issus en grande partie de déchets végétaux, tandis que le papier de calage est lui 100% biodégradable et à 60% réutilisable.
Berner justifie ce choix à plusieurs titres : d’importantes économies d’eau et d’énergie, un poids plus léger (ce qui réduit les émissions sur le transport) et une réutilisation plus pérenne que le papier kraft. Mais, il reste un sujet épineux : ces coussins contiennent du plastique et ne sont pas biodégradables.
Alors, vraie ou fausse bonne idée ? C’est un sujet difficile à aborder que l’on retrouve également dans le débat verre vs plastique. Une position doctrinaire consisterait à s’opposer au plastique purement et simplement. D’autres argueront qu’il faut prendre le cycle de vie complet du produit pour peser les avantages et inconvénients de ce changement.
Cela illustre en tout cas les dilemmes auxquels on peut faire face quand il s’agit de considérer des solutions alternatives. C’est rarement binaire avec une composante prix qui peut tout déterminer.
🎙️ C’est les vendanges. Place aux sociétés à mission dans le vin.
Nous sommes en pleine période de vendange pour les vignerons. Certaines régions ont terminé, d’autres sont en plein dedans. Ce millésime sera compliqué un peu partout avec des aléas climatiques très difficiles à gérer, qui ont perturbé le cycle de vie de la vigne, détruit d’importantes en quelques heures, et créé les conditions propices pour l’émergence de maladies et de champignons.
Bref… Comme nous ne sommes pas dans La Revue des vins de France, j’arrête mon commentaire sur le sujet pour vous rappeler la série d’épisodes du podcast consacrés à l’univers du vin dans les sociétés à mission.
J’ai interrogé quatre sociétés à mission impliqués différemment dans la filière :
Morgane Le Breton, désormais co-dirigeante de La Maison Le Breton, qui gère plusieurs vignobles dans le Languedoc. L’entreprise est société à mission depuis plusieurs années après un long engagement en matière de RSE.
Pauline Versace, fondatrice de La Vie Bonne, est au croisement entre la culture et l’œnotourisme à Bordeaux. Elle a décidé de lancer son entreprise directement en société à mission.
Charlotte Coquillaud est responsable marque et RSE d’Oé, entreprise basée à Lyon et négociante un peu partout sur les vignobles du territoire, active sur pas mal d’aspects, notamment la consigne. Oé, comme La Maison Le Breton, est labellisée B Corp.
Ludovic Aventin est fondateur de Terra Hominis, une des toutes premières sociétés à mission. Son entreprise est spécialisée dans le financement participatif pour les néo-vignerons. Vous verrez qu’il a un regard assez critique sur le cadre de la société à mission.
❓ Petite note : en raison d’un pic de charge et d’une réflexion sur l’avenir du podcast, j’ai pas mal ralenti le rythme. Mais rassurez-vous, je vais reprendre ! Quelques entrevues très sympa sont prévues avec une reprise en octobre.
Par ailleurs, je compte réaliser une deuxième série thématique dans les prochains mois. Quel secteur vous intéresserait en particulier ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne
Que nous apprend le partenariat avorté entre Pernod Ricard et le PSG en matière de responsabilité territoriale ? Sujet passionnant que traite Sébastien Le Gall dans The Conversation.
Mickaël Dandrieux explique que le travail évolue avec la société. Selon lui, on est passé du travail pour le confort de vie au travail pour la qualité de vie. Cela signifie que le travail s’entremêle beaucoup plus avec le perso et qu’on accepte moins de faire des tâches roboratives juste pour répondre à des ordres dont on ne connait ni les tenants ni les aboutissants.
Toujours utile de lire de bons conseils, ici de Elaine Lin Hering dans HBR, pour faciliter le dialogue en interne quand “ma porte est toujours ouverte” et “je suis à votre écoute” ne donnent pas beaucoup de résultats.
Sur le blog de la London School of Economics, Grace Blakeley évoque la normalisation de l’idéologie de l’inégalité. Selon elle, le capitalisme sous sa forme actuelle, dominé par la mondialisation et le culte de l’entrepreneur héroïque, a justifié l’inégalité comme un mal nécessaire. Pour elle, le temps d’une approche plus égalitaire est venu.
📚 Les 30 propositions du Cercle de Giverny
Le Cercle de Giverny fait partie des grands rendez-vous de la rentrée en matière de RSE. A cette occasion, les organisateurs ont partagé 30 propositions dans un rapport sobrement intitulé “Accélérer la transformation écologique et sociale”. Elles sont réparties en 6 catégories. Je vous en partage une par catégorie qui retient mon attention (peu importe la faisabilité à court terme) :
Partage des valeurs : “Former les partenaires sociaux à l’environnement”.
Energie : “Développer un Induscore carbone (ou CarboScore) pour les biens et services, y compris importés”
Comportements : “Rendre obligatoire l’intégration de modules dédiés aux enjeux de la transition écologique et sociale dans les cursus de formation pour tous les publics”
Numérique : “Désigner un référent IA dans le conseil d’administration et le comité social et économique (CSE) des entreprises”
Inclusion : “Rendre plus tangibles les impacts positifs de l’inclusion pour les administrations et les entreprises”
Adaptation : “Créer une dizaine de projets territoriaux d’adaptation pilotes, organisés selon des principes de conciliation, de participation et de financements collectifs (public, privé)”.
A vous de découvrir les autres !
😥 Le développement durable, la filière qui plombe le moral
Quand on travaille dans le vaste secteur du développement durable, on fait (parfois) des envies. “Ca doit être super intéressant !”, entend-on fréquemment. Novethic a eu l’idée de nous rappeler la réalité : bosser sur ces enjeux est loin d’être une sinécure. Entre le manque de moyens, l’intérêt réel tout à fait mesuré des directions et managers pour ces questions, le manque de considération, la gestion d’enjeux foncièrement anxiogènes, les injonctions contradictoires, les effets d’affichage etc., enfin vous voyez le portrait, avoir un poste dans ce milieu comporte son lot de difficultés.
J’ai la chance de travailler avec des entreprises souvent engagées ou vraiment sensibilisées à ces enjeux, mais je sais, pour en avoir beaucoup discuté, que la réalité n’est pas si évidente. Il y a souvent quelques personnes moteurs pour un groupe globalement très attentiste.
Ces difficultés sont d’autant plus inacceptables pour beaucoup que les personnes qui s’échinent dans ces postes le font par envie professionnelle, mais souvent par convictions personnelles. C’est doublement décevant quand on a l’impression de ramer tout seul…
Mais ne perdons pas espoir ! Le coup de boost de Produrable arrive bientôt ! On s’y retrouve ?
Et pourquoi ne pas partager ce post ou une des infos sur LinkedIn ou un autre réseau ? Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs ! Cela permettrait de faire découvrir la newsletter à de nouveaux lecteurs et me donnerait un sacré coup de main. Merci beaucoup !
C’est terminé pour aujourd’hui. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
Dans deux semaines, exceptionnellement, la missive sortira le vendredi, car je serai au salon Produrable à Paris les mercredi et jeudi.
Vous voulez que l’on travaille ensemble ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A dans deux semaines,
Vivien.