#126 Les agences de notation sont de retour avec les mêmes lunettes qu'avant
Et également des entreprises pénalisées pour greenwashing; les températures en Espagne; les bouteilles en papier; et plein d'autres choses
Chère lectrice, cher lecteur,
Ce sera une missive expresse cette semaine. Les temps sont très chargés en ce mois de juin, mais je ne vous oublie pas.
Mais tout de même, si l’envie vous prend, Magali, que je remercie encore, m’a tendu le micro pour le podcast “Pour cette raison” où je cause de l’état des lieux des entreprises à mission et des défis à relever pour accélérer l’essor de ce dispositif.
Passons au sommaire :
💭 L’édito : le retour des agences de notation, quand le système ne change pas
🚫 Trois entreprises pétrolières se font épingler pour greenwashing
🍾 Une bouteille en carton pour de la vodka
🌡️ Il fait trop chaud pour travailler dehors !
🤝 Petit retour sur ChangeNOW
📈 Parler de ces engagements RSE est bon pour le business
👋 Une belle enquête sur la sociologie des acteurs de la RSE
🎧 Mon son de la semaine : Twenty One Pilot - Car Radio (MTV Unplugged Live)
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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Le 2 juin n’a pas été une journée de guillotine. Et pourtant, tout le monde s’y préparait. L’agence de notation Standard and Poor’s devait statuer sur la note de la France. Allait-elle la maintenir ou la dégrader ? Cela alimentait d’innombrables débats depuis des semaines, surtout après la décision de Fitch début mai d’abaisser la note française.
J’ai cru retomber dans les pires heures de la crise de la zone euro dans la première moitié des années 2010 où l’on guettait chaque décision des agences comme la délibération secrète d’un jury qui va rendre une sentence. Dégradation = panique des marchés, difficulté de financement sur les marchés etc. Il faut se replonger dans cette époque (pas si lointaine) pour se souvenir le poids démesuré que ces agences pouvaient avoir. C’était ahurissant ! Des institutions privées non-élues, non-démocratiques, tranchaient presque à elles seules la portée de décisions de réformes (ou plutôt d’austérité) prises par les gouvernements.
“Les marchés” étaient tout puissants. Deux règles sacrosaintes président à leur vision du monde : une maîtrise de la dette et des déficits publics et une stabilité politique. C’est tout. Ces agences sont le reflet d’un système financier très complexe qui s’appuie sur ces deux règles. Naturellement, s’il y a de la croissance, c’est encore mieux, mais ce n’est même pas forcément l’élément clé.
On avait oublié ces agences depuis quelques années et leur retour sur le devant de la scène est rarement de bonne augure. Leur grille de lecture n’a pas changé. Le système financier a certes connu un certain nombre de réformes depuis la crise de la zone euro, mais en préservant les fondamentaux du système.
Le problème est que de nouvelles priorités ont émergé, au premier rang desquelles se trouve la transition écologique. Pour nombre d’économistes, c’est un poste de coût qui a pour conséquence de grever les finances publiques (Je vous encourage à lire la chronique de Stéphane Foucart dans Le Monde sur le sujet).
Le calendrier a souvent cette habitude d’être joueur. Quelques jours avant la décision de Standard and Poor’s, Jean Pisanni-Ferry et Selma Mahfouz rendaient un rapport évoquant entre autres le fait que les investissements publics en faveur de la transition étaient très largement insuffisants, et qu’il fallait repenser le dogme de la maîtrise de l’endettement et envisager une augmentation des impôts. La réaction du gouvernement a été assez claire sur le sujet : il faut trouver d’autres solutions…
Ce diktat des agences de notation est assez fou quand on y pense, mais elles ne sont encore une fois que le porte-voix du système qu’elles incarnent : un système où chaque acteur de la chaîne doit pouvoir se rémunérer, gagner plus que la mise de départ tout cela dans un rapport inexistant aux implications réelles des politiques qui sont menées pour se conformer à leurs attentes. Cela a amené aux politiques d’austérité qu’on a connues en Europe et ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, cela véhicule la vision que la transition écologique est une charge sur les comptes publics et que la priorité est de se désendetter avant tout “pour le bien des générations futures”… Soudainement, on brandit l’argument des générations futures…
Tant que le système sera ce qu’il sera et que les indicateurs analysés seront strictement financiers, on continuera à tourner en rond. Beaucoup d’économistes, “le marché”, les analystes financiers et les agences de notation ne mesurent pas les aspects sociaux et environnementaux. Un jour peut-être, les historiens regarderont notre époque en se demandant pourquoi on a toujours appliqué les mêmes principes alors qu’on les savait inadaptés à un contexte qui évolue…
🚫 Trois compagnies d’énergies fossiles rattrapées par la patrouille
L’agence de régulation de la publicité britannique a épinglé trois entreprises pour greenwashing et leur a demandé le retrait des campagnes visées par les actions. Il s’agit de Shell, Repsol et Petronas.
Les circonstances sont similaires : des pubs évoquant des énergies propres. Le hic pour l’ASA est que ces campagnes peuvent amener les consommateurs à surestimer la part de renouvelables dans le business model des entreprises. La réponse des entreprises est quasi identique : l’objectif est d’informer sur les efforts consentis par les entreprises en matière de renouvelables.
Ce type de situation va s’accroître à l’avenir à mesure que les entreprises communiquent sur leurs efforts de transition. En effet, elles iront rarement mettre en avant leurs activités “brunes” et insisteront sur tout ce qu’elles cherchent à mieux faire au point de donner l’impression que c’est une part importante de l’activité quand cela ne dépasse parfois pas le 1% de chiffre d’affaires…
🍾 La bouteille en papier
Un défi commun des producteurs de boissons est la bouteille… Pour les champagnes, l’objectif est de limiter le poids sans altérer la fabrication et le résultat final. Pour les producteurs de bouteille en plastique, c’est a minima d’utiliser du plastique recyclé et/ou recyclable à 100% (vous avez peut-être remarqué l’évolution récente des bouteilles Badoit).
Les innovations sont nombreuses ! La marque de vodka Absolut lance une expérimentation en commercialisant sa célèbre boisson dans une bouteille majoritairement faite à base de papier (à 57%). Le test de commercialisation se fait sur les trois prochains mois outre-Manche. L’objectif est à terme d’aller vers un contenu 100% biosourcé. L’avantage de cette bouteille est qu’elle est beaucoup plus légère que la bouteille en verre.
Mais ne commencez pas à collectionner les bouteilles en verre. L’entreprise n’envisage pas de passer aux bouteilles 100% biosourcées, juste de compléter l’offre existante des bouteilles en verre. Pourquoi donc ? Pas de réponse, mais on imagine que c’est une histoire de style. Il ne reste plus qu’à faire évoluer les mentalités ; si c’était si simple…
🌡️ Suite aux vagues de chaleur en Espagne, le pays va interdire le travail en extérieur lorsque l’agence nationale météo émet des alertes orange ou rouge (température dépassant les 30°C et 40°C). Cette décision fait suite au décès d’un employé municipal l’été dernier à Madrid en raison de la canicule.
Beaucoup de flou entoure cette décision : quels métiers seront concernés ? Comment cela sera-t-il surveillé ? Quelles pénalités ? etc. A ce stade, s’il fallait que certains se rendent compte comment les législations peuvent évoluer face au réchauffement climatique, en voici un exemple, qui pourrait se répéter dans d’autres pays. Quand on parle d’adaptation, la législation pourrait pousser les entreprises à accélérer…
En parallèle, je vous recommande cet excellent article sur Euronews concernant l’avenir du travail en extérieur.
🤝 CHANGE NOW
J’ai eu le plaisir de participer au salon ChangeNOW à Paris il y a deux semaines. C’était ma première fois. Ce salon de contenu et d’offreurs de solutions est devenu un incontournable dans le monde de la RSE. Même s’il y a beaucoup de Français, ça parle toutes les langues dans les allées et sur les stands.
C’est très difficile de faire un résumé de ce type d’événements. Je vous donnerai plus un sentiment général. Quand on entre, on est pris d’un vent de positivisme, d’effervescence, d’énergie et de bonne volonté. C’est engageant et pétillant ! Les conférences sont comme toujours de profondeur variable, mais dans l’ensemble elles sont percutantes, inspirantes avec des intervenants de qualité. Ce qui est toujours difficile, c’est d’enchaîner entre des intervenants radicaux (ONG, militants, chercheurs etc.) et des intervenants corporate ou politiques beaucoup plus (trop ?) policés.
Certains diront que les participants forment un microcosme isolé dans l’économie. C’est vrai, mais ça grossit. Surtout ce type de rendez-vous est important pour se ressourcer, pour se rappeler que partout dans l’économie et dans le monde associatif, des acteurs se bougent à leurs niveaux, à leur manière pour changer les choses. Et ça, c’est ressourçant !
📈 Parler de ces engagements est rentable
Selon une nouvelle étude de McKinsey menée auprès des entreprises commercialisant des biens de consommation courante, présenter ses engagements en matière de développement durable aurait un impact business positif.
En effet, les produits indiquant des actions menées en matière de RSE ont connu en moyenne une croissance de 6,4% ces cinq dernières années contre 4,7% pour les autres. Les auteurs précisent toutefois qu’il n’y a pas de formule magique, ni que cette corrélation est automatique. Un élément toutefois semble être l’importance de ne pas se limiter à de l’affichage.
Un des enseignements intéressants de cette étude est que les produits qui tirent le plus leur épingle du jeu ne sont pas nécessairement les marques de niches ou les produits plus premium, mais davantage les produits issus de marques de distributeurs présentant des engagements RSE.
👋 Prenez un temps pour une enquête sur les acteurs de la RSE
Avis à toute personne travaillant quotidiennement, hebdomadairement et même moins sur des enjeux RSE, à vrai dire tous les lecteurs de La Machine à sens.
Dans le cadre d’un projet de recherche très original sur la sociologie des acteurs de la responsabilité d’entreprise, l’équipe ProVirCap a besoin de vous pour répondre à une enquête en ligne. L’objectif de cette recherche : mieux connaître et valoriser vos parcours, vos compétences, vos activités de travail, vos perspectives, vos projets.
Twenty One Pilot a récemment sorti son enregistrement MTV Unplugged. Un exercice à double tranchant que très peu de groupes réussissent, mais qui peut rester des décennies (demandez à Nirvana). Le duo s’en sort pas mal et surtout j’ai redécouvert un de leurs premiers titres “Car Radio”. Il est totalement revisité et c’est bluffant ! A écouter aux écouteurs !
C’est terminé pour cette semaine. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A la semaine prochaine,
Vivien.