#82 Décryptage de la mission du Groupe Essor
Analyse de sa raison d'être et de ses objectifs statutaires (temps de lecture: 6 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans ce 82e décryptage de mission. Le groupe Essor a remporté les suffrages et c’est de sa mission dont on parlera aujourd’hui.
Avant cela, voici le vote de la semaine prochaine, je vous propose Dentsu France (filiale française d’un groupe de communication japonais) et Sessùn (marque de prêt-à-porter féminin).
Leurs raisons d’être :
Dentsu France : “Choisir de concevoir la communication comme un vecteur d’harmonie sociale et environnementale”.
Sessùn : “Suivre son propre chemin pour incarner une mode durable et sensible qui valorise les savoir-faire textiles, soutient l’artisanat, cultive l’art des rencontres et promeut les partenariats longs en s’inscrivant dans une démarche consciente reposant sur le respect des hommes et des ressources”.
Avant de passer à la suite, je vous encourage si ce n’est pas déjà à prendre 4 minutes pour répondre à une enquête de lectorat. Elle est toujours ouverte. Elle est très instructive et commence à faire germer quelques réflexions pour la suite de la newsletter. Donc, votre avis compte beaucoup. Il m’aide pour être toujours plus pertinent pour vous. Merci d’avance !
Le jazz est pour moi la forme ultime du style musical libre et créatif. En découvrant la mission du Groupe Essor, j’ai réécouté l’album Living Space de John Coltrane Quartet. Il correspond bien à ce qui pourrait être utile à beaucoup d’entreprises à mission : il ne s’agit pas d’améliorer ce qu’on fait, mais d’oser, de penser différemment. Cela peut dériver vers un peu de chaos, mais lorsque le cadre est bien défini, des projets lumineux émergent.
Le Groupe Essor est né en 2006 et compte aujourd’hui près de 300 collaborateurs spécialisés dans l’immobilier professionnel sur pas moins de sept métiers. Le groupe affiche une politique RSE ambitieuse qui semble insuffler toutes les activités de l’entreprise, à commencer par sa stratégie. Pas de surprise donc à voir l’entreprise franchir le pas pour devenir société à mission.
La raison d’être
Imaginer, construire, faire vivre les lieux de demain.
Cette raison d’être date de 2021. Elle n’était pas statutaire, mais était déjà bien affichée par le groupe.
Essor a fait le choix d’une phrase courte centrée sur des verbes d’action qui cherchent à résumer les activités du groupe : « Imaginer » pour le développement, « construire » pour la promotion et « faire vivre » par l’investissement et l’énergie, avec la partie « Ingénierie et conseil » en transverse. C’est ingénieux.
On perçoit globalement le secteur d’activité. Toutefois, on ne comprend pas que l’on se focalise sur l’immobilier professionnel. Essor n’est pas sur l’habitat individuel ou collectif par exemple.
Le terme « les lieux de demain » est assez vague. Les lieux de demain, cela peut recouvrir des bâtiments professionnels, mais pourrait tout autant inclure des espaces d’agroforesterie, des parcs, des maisons etc.
Nous savons que demain, notre urbanisme ne pourra plus ressembler à celui d’aujourd’hui. Ainsi est-il important que l’entreprise réfléchisse à ces lieux de demain, mais autrement, non pas juste en améliorant les lieux d’aujourd’hui pour qu’ils soient plus sobres, moins énergivores, que la construction soit moins émettrice etc. mais également de réfléchir à la ville de demain en tant que telle. Comment l’immobilier s’intègre dans une ville où les températures ne vont cesser de grimper ? Comment faire que l’immobilier puisse générer davantage de puits de carbone que des zones de chaleur ? etc.
C’est peut-être là qu’apparait la limite de cette raison d’être très courte : en quoi Essor par son activité va-t-elle contribuer à transformer nos perceptions de l’immobilier professionnel de demain ? Comment va-t-elle aider ses clients à penser différemment ? Comment définit-elle un lieu de demain qui soit positif socialement et environnementalement ?
En regardant le site du groupe, on sent que des réflexions existent, mais cette raison d’être ne les fait pas vraiment ressortir. C’est dommage.
En outre, elle manque un peu de singularité. Essor est un groupe engagé avec des valeurs fortes qui ne ressortent pas dans cette phrase. Tout promoteur immobilier d’un certain rang pourrait la reprendre quasiment à l’identique.
Mon conseil : Lorsque vous travaillez votre raison d’être, vous avez une opportunité unique de faire émerger un ensemble de mots qui vous sont uniques, qui peuvent refléter votre identité profonde, celle qui cimente vos équipes et toutes vos parties prenantes. N’hésitez donc pas à faire ressortir ces éléments de singularité dans votre raison d’être que ce soit par des adjectifs, des valeurs, des traits de caractère. Ne les percevez pas comme des mots superflus, mais comme des liants. Cela viendra donner du corps à l’exercice et lui permettra de s’ancrer encore davantage dans l’esprit et les actions de tout le monde.
Les objectifs
Réduire son empreinte environnementale
Cet objectif est certes lié à l’activité de la mission et on peut le rattacher à la raison d’être. Toutefois, en l’état, il est trop générique. Il met l’entreprise en conformité avec la loi. Rappelons que l’article 1833 du Code civil stipule que chaque société doit prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Dans une démarche de mission, il aurait fallu être plus audacieux dans cet objectif. Comment le groupe Essor peut-il avoir un impact environnemental aussi positif que possible par son activité ? C’est une autre approche qui amène à penser différemment. C’est plus exploratoire et les résultats apparaitront sur le long terme, mais le terreau est fertile. Essor a par exemple développé une activité de production d’énergies renouvelables, ce qui montre l’audace du groupe.
Mon conseil : la mission doit vous servir à penser votre activité de manière positive et contributive. Cela passera souvent par le fait de mener des actions qui vous conduisent à diminuer ou réduire vos impacts négatifs, mais un projet énergisant, fédérateur, source d’opportunités doit être mis à l’aune d’ambitions positives.
Renforcer son utilité dans le développement des territoires
En l’état, on comprend assez mal cet objectif. De quelle utilité parle-t-on ? Comme elle n’est pas qualifiée, on pourrait dire que le fait de construire ou d’investir dans des territoires où il y a peu de bâtiments professionnels est utile. Est-ce de cela dont on parle ? Est-ce la politique de soutien à des initiatives locales du groupe ? Rappelons que la mission doit être en lien avec l’activité de l’entreprise ; le lien entre le soutien à des initiatives locales et l’activité d’une entreprise n’est pas toujours évident.
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Au global
✅ Au travers de verbes d’actions, l’entreprise a cherché une raison d’être qui soit énergisante. Chaque verbe reprend ainsi un pan d’activité de l’entreprise. C’est astucieux.
✅ La raison d’être peut servir à se projeter car le groupe cherche à se positionner par rapport aux lieux de vie de demain, bien que cela manque de spécificité. De quels lieux de vie parle-t-on, car il n’y a pas que le travail dans la vie ?
📶 La raison d’être par sa concision manque de précision. Qu’est-ce qu’un lieu de vie de demain ? En quoi leur lieu de vie sera meilleur pour la société, pour l’environnement ? Cette spécificité n’est pas présente et cela en affaiblit un peu la portée sociétale en dépit d’une démarche d’entreprise engagée.
📶 Les objectifs manquent d’audace en l’état. Ils sont peu engageants sur le papier. Le premier est une mise en conformité avec la loi. Il aurait été utile de présenter la démarche de manière positive. Le second est trop flou rédigé tel quel et on se demande si c’est un levier d’action fondamentale pour la raison d’être. L’opérationnalisation sera déterminante.
📶 Les objectifs auraient pu être complétés. On a presque l’impression que la seule clé de lecture de l’imagination, de la construction et du faire vivre est l’environnement. Pourtant, c’est loin d’être la seule dimension mise en avant par l’entreprise. C’est dommage que la dimension sociale ne ressorte pas davantage.
En outre, cette mission n’intègre pas assez les parties prenantes externes. Le groupe Essor ne pourra pas atteindre sa mission si elle n’intègre pas ses clients et ses fournisseurs. Les objectifs auraient pu être plus explicites et engagés sur ces sujets pour pousser l’entreprise à mener des actions dans cette direction.
⚠️Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Je valorise le travail fourni en interne pour aboutir aux missions décryptées et offre simplement un avis, que j’espère, éclairé.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Vous pouvez le signaler en appuyant sur le ❤️.
N’oubliez pas de répondre à l’enquête de lectorat. C’est vraiment très précieux !
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A demain,
Vivien.