#96 Décryptage de la mission de FoodChéri (foodtech)
Analyse de la raison d'être et des objectifs statutaires
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans ce 96e décryptage de mission. Oui, il y en a déjà eu 95 ! Et ils sont tous accessibles.
Le dernier vote a facilement été remporté par FoodChéri. Avant de vous partager mon analyse, c’est à vous de décider quelle société à mission sera décryptée la prochaine fois. Je vous propose Posson Packaging (entreprise spécialisée dans l’emballage carton) et Virtuo Property (développement de plateformes logistiques). Voici leurs raisons d’être :
Posson Packaging : “Eco-concevoir, produire et livrer en emballages recyclables, leur juste besoin à ses clients, en faisant des normes environnementales, sociales et sociétales, les garantes de la pérennité de l’entreprise.”
Virtuo Industrial Property : “La société revitalise consciemment des espaces propices à l’émergence d’une logistique choisie. A ce titre, la société accompagne ses clients dans l’élaboration, la mise en œuvre et la gestion de plateformes logistiques. Pour cela, la société interroge systématiquement, sous le prisme de l’environnement, de la société et de l’économie, l’impact de ses opérations sur leur écosystème, encourageant et accompagnant ainsi le développement d’activités durables et contributives.”
Nouvelle émission sur mon podcast : Questions de mission
J’en profite pour vous annoncer que je lance une nouvelle émission sur mon podcast : Questions de mission.
Je vous propose de répondre à vos questions que vous soyez en réflexion sur votre mission ou sur votre raison d’être, que vous interrogiez sur vos objectifs statutaires ou comment les déclinez pour les rendre opérationnels, que vous vous demandiez qui réunir dans votre comité de mission ou comment l’animer, ou même que vous cherchiez des arguments pour convaincre votre direction de se lancer dans la démarche, ou bien d’autres aspects.
L’idée est de recevoir une fois par mois une personne qui s’interroge et de trouver des réponses à ses questions. Bien sûr, je conserverai l’anonymat de l’entreprise.
Vous n’êtes pas seuls à vous poser des questions, donc pourquoi ne pas aider les autres dans le même temps. Je ne prétends pas avoir réponse à tout, mais nos discussions seront forcément sources d’éclairages pour d’autres. Si cela vous intéresse, contactez-moi sur LinkedIn ou par email : vivien@lamachineasens.fr.
J’espère que vous serez intéressés par ces échanges !
Ces décryptages sont souvent sources de découvertes musicales. En cherchant, je suis tombé sur Capitaine Dandelion qui, en 2020, a sorti un album totalement atypique Vent de changement. C’est l’ode ragga d’un agriculteur bio. Ce n’est pas du tout mon style, mais j’avoue que “Manger local” tombe juste, sonne bien et est mélodiquement très efficace. Très adapté à la mission de FoodChéri.
FoodChéri fait partie de ces pépites bien connues parmi les startups de la foodtech. Née en 2015, l’entreprise est souvent présentée comme la cantine d’entreprise en livraison. Elle s’est bien développée depuis avec une offre de livraison de repas préparés en entreprise, mais également pour les télétravailleurs, sous la marque Seazon.
Elle compte aujourd’hui un peu plus de 200 collaborateurs. L’entreprise a toujours eu un positionnement engagé sur les repas proposés, donc ce passage en société à mission ne parait pas une évolution très étonnante. Il est tout frais : la modification des statuts date du mois dernier !
La raison d’être :
Parce que nous faisons le constat que nos modes d’alimentation actuels peuvent s’avérer délétères pour l’Humain et pour la planète, en tant que restaurateur engagé nous souhaitons contribuer à un modèle alimentaire vertueux. Pour cela, notre mission est de concevoir, cuisiner et livrer des repas savoureux, sains et durables.
Clarté
Je trouve ce choix de raison d’être ingénieux. Plutôt que de se limiter à la dernière phrase qui peut être extraite pour certaines occasions, FoodChéri adopte une approche en deux temps : un partage de conviction, suivi d’une phrase accrocheuse.
Cela offre davantage de clarté à la direction dans laquelle l’entreprise souhaite aller et permet de présenter des convictions et/ou des constats pour expliquer pourquoi cette démarche est importante pour elle.
Tous les termes utilisés sont clairs et compréhensibles. Vous ne serez pas surpris que “durable” me dérange un peu – surtout quand on parle de “repas durables”, mais pour le reste, on comprend où FoodChéri veut nous emmener.
Autre aspect notable : derrière la première phrase pleine de conviction et d’emphase, l’entreprise a opté pour une seconde phrase plus terre à terre. Elle est assez business.
Je trouve que cela crée un décalage dans la raison d’être entre une première phrase qui relève de l’engagement et une seconde plus corporate. Cette impression est d’autant plus renforcée que le ton habituel de FoodChéri relève d’une communication engagée et décalée, moins d’une tonalité assez froide et corporate. A titre d’exemple, l’expression “concevoir des repas” paraît peu alignée avec la manière dont FoodChéri se présente à ses clients sur son site.
Ambition
De fait, on a du mal à percevoir le curseur dans le niveau d’ambition. En soi, il n’y a rien à redire. La raison d’être est totalement en lien avec l’activité et on comprend l’engagement environnemental et sociétal, mais elle manque d’assaisonnement.
En fait, cette raison d’être ne donne pas la saveur des engagements de FoodChéri, contrairement à sa page “Nos engagements” par exemple. C’est presque déceptif. C’est un peu comme si l’entreprise avait craint assumer pleinement sa posture pour aller dans une dynamique plus basique.
Amélioration continue
Est-ce que cette raison d’être servira l’amélioration continue de l’entreprise ? Je ne sais pas. J’ai l’impression qu’elle reflète avant tout l’entreprise telle qu’elle est. C’est parfois complexe pour des entreprises engagées d’aller plus loin, mais en l’état, je me demande comment cette raison d’être peut les pousser à continuellement s’interroger sur leur modèle.
Peut-être est-ce plus porté par les objectifs.
Toutefois, la raison d’être n’oublie aucun des aspects de l’activité : la “conception”, la réalisation et la livraison. Donc, sur ces différentes dimensions, FoodChéri doit s’interroger, ce qui est bien pensé.
Singularité
Je trouve que la singularité est portée par la première phrase de conviction, mais beaucoup moins par la seconde. Elle mériterait de refléter davantage l’identité de l’entreprise. Soit la tonalité de la communication ne reflète pas la culture de FoodChéri, soit deuxième partie de raison d’être est trop corporate pour l’entreprise.
Les objectifs
Proposer une cuisine vivante élaborée par nos chefs partenaires, favorisant des matières premières brutes et valorisant la biodiversité alimentaire
L’objectif est évident. Il a l’avantage de bien insister sur les matières premières brutes et la biodiversité alimentaire, ce qui est un véhicule pour guider les efforts. Il sera également facilement mesurable.
Offrir une carte savoureuse, nutritionnellement équilibrée, favorisant le végétal et respectant la saisonnalité
Ce second objectif mélange plusieurs aspects : saveur, nutrition, végétal et saisonnalité. Cela fait beaucoup et donc on perd un peu la focale de l’engagement, ce qui risque d’en complexifier le pilotage.
Par ailleurs, certains aspects peuvent être couverts dans le premier objectif, comme la saisonnalité et le végétal.
Réduire notre impact environnemental sur l’ensemble de notre chaîne de valeur, tout en bâtissant des relations vertueuses avec nos fournisseurs
Je suis toujours un peu mitigé sur les objectifs de réduction, car la mission cherche avant tout à maximiser l’impact positif. Les notions de réduction relèvent souvent de la RSE. Surtout, je trouve que cela génère un état d’esprit différent.
Cela peut paraître de la pure cosmétique, mais commencer l’objectif par “bâtir des relations vertueuses avec nos fournisseurs” aurait été plus dynamique et collectif.
Il faudra être vigilant, dans le modèle de mission, à ne pas se focaliser sur les aspects environnementaux au détriment des dimensions sociales, notamment sur les producteurs avec lesquels ils travaillent ou les livreurs auto-entrepreneurs qu’ils mobilisent.
Sensibiliser nos clients et nos collaborateurs aux enjeux sociaux et environnementaux d’une alimentation saine et durable.
L’objectif me semble juste. FoodChéri a effectivement cet enjeu à prendre en considération. Il faudra toutefois ne pas se limiter à la mesure du nombre d’actions réalisées, mais à l’effet de ses actions.
Autrement dit, c’est bien d’organiser des réunions internes sur ces sujets ou d’envoyer des campagnes de sensibilisation aux clients, mais mesurer l’impact de ces démarches sera beaucoup plus engageant. Je suis conscient de la difficulté de cet exercice, mais c’est là que la démarche d’amélioration continue intervient !
Au global
✅ Il y a une bonne résonnance entre la raison d’être et les objectifs. L’ensemble est cohérent et structuré.
✅ Je trouve pertinent le choix d’avoir une raison d’être en deux temps. C’est quelque chose que je recommande fréquemment pour donner plus de corps et d’entrain.
✅ La mission aborde l’entreprise dans sa globalité en prenant en compte qu’elle doit associer toutes ses parties prenantes pour y arriver.
📶 La raison d’être est un peu étonnante avec une première phrase au style engagé et enlevé, et une suite beaucoup plus convenue et corporate, qui tranche même avec le style habituel de FoodChéri.
📶 L’objectif sur la chaîne de valeur me semble perfectible. Il donne un peu l’impression de FoodChéri comme donneur d’ordres qui a ses objectifs, mais qui cherche tout de même à bien considérer ses fournisseurs. Ce n’est probablement pas du tout le cas, mais je pense que la formulation pourrait être repensée.
💭 Ce dernier point relève plutôt de la réflexion. Un aspect est assez peu exploré : le modèle d’alimentation vertueux. FoodChéri veut y contribuer, mais je pense que la mission aurait pu davantage intégrer une dimension de partenariat avec des acteurs engagés dans ce même chemin. La dynamique collective est abordée, mais trop partiellement.
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⚠️Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Je valorise le travail fourni en interne pour aboutir aux missions décryptées et offre simplement un avis, que j’espère, éclairé.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
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A demain,
Vivien.