Chère lectrice, cher lecteur,
J’espère que vous avez pu profiter d’un peu de repos estival. Certains d’entre vous y sont probablement encore. Une bonne coupure fait un bien fou !
Avant de commencer, qui sera aux Universités d’Eté de l’Economie de Demain mardi prochain ? J’y serai. Cela me ferait plaisir de vous voir, de vous rencontrer ou de vous revoir ! Faites-moi signe !
Je vous propose un format un peu différent cette semaine, sous forme d’édito de rentrée. Je reprends le format traditionnel la semaine prochaine. Je vous remercie d’avance de répondre à une question sur les décryptages qui me taraude vraiment (en pied de newsletter).
Bonne lecture !
Lors des Rencontres d’Aix, Alexandre Bompard a fait grand bruit en critiquant le mouvement des entreprises à mission. J’en ai déjà parlé précédemment. Dans son propos, il a posé une question sur laquelle j’aimerais revenir : est-ce vraiment le bon moment de réfléchir à toutes ces questions ? Il a répondu par l’affirmative, mais de manière expéditive.
La question est légitime et mérite de s’y attarder tant le contexte devient de plus en plus complexe à naviguer et les prochains mois préfigurent des tempêtes, la mal comprise formule de “la fin de l’abondance”. Listons pêle-mêle quelques chocs (liste non exhaustive) : la guerre en Ukraine, la confrontation sino-américaine autour de Taïwan, les difficultés ininterrompues d’approvisionnement pour diverses ressources, l’inflation qui grimpe, les hausses de prix de l’énergie, les pénuries de main-d'œuvre un peu partout etc. A cela s’ajoutent évidemment les innombrables conséquences du réchauffement climatique qui semblent progressivement percuter l’esprit du plus grand nombre !
Bref, un cerveau pragmatique conclurait que la priorité est de protéger son EBITDA, sécuriser les contrats et pérenniser l’emploi. Or, les sujets d’entreprise à mission, d’impact et consorts sont des distractions. C’est frappé au coin du bon sens entrepreneurial.
Mais, n’avez-vous pas l’impression que la complexité et l’incertitude évoquées ne sont pas des caractéristiques conjoncturelles, mais des paramètres structurels dans la conduite des affaires ? Tout n’est-il pas imbriqué ?
Etre une tortue peut s’avérer une posture intuitive. Face aux chocs, on se replie dans sa carapace pour se protéger des dangers extérieurs. Mais, n’oublions pas que la carapace de la tortue ne la protège que partiellement. L’animal est sensible aux chocs et peut se faire dévorer même recroquevillé… Par ailleurs, il est coupé de son milieu extérieur.
Paradoxalement, il est préférable d’embrasser son environnement tout en étant conscient des dangers et en ayant mis en œuvre des mécanismes de résistance. La capacité d’adaptation des entreprises, comme organisme collectif s’appuyant sur des femmes et des hommes, des savoir-faire, des connaissances est impressionnante si on lui laisse la possibilité de se déployer.
Mais, cette capacité n’est pas innée. Elle se travaille sur la base de la confiance, de mécanismes, de rituels, d’engagement, de responsabilisation, de valorisation, de reconnaissance et d’envie d’avancer ensemble. Ce sont autant d’aspects humains et intangibles qui peuvent être difficiles à tenir en période de turbulences quand les fondations ne sont pas bâties. En période de crise ou de stress, on cherche à aller au plus vite, vers ce qu’on connait, ce qu’on a déjà fait. On n’explore plus et on rétrécit le champ des possibles et les marges de manœuvre.
Nous ne sommes pas encore dans cette situation, mais les risques sont bien réels. D’où l’utilité de saisir l’opportunité de préparer le terrain dès maintenant.
L’entreprise à mission est un cadre très intéressant à cet égard. Il n’enferme pas ; il libère. Il ne contraint pas les énergies ; il les alimente. Comme l’explique Kevin Levillain dans son ouvrage Les Entreprises à mission. Un modèle de gouvernance pour l’innovation (1):
Au lieu de subir la turbulence de l’environnement, le recours à la mission peut être un moyen d’interpréter les mouvements stratégiques des autres acteurs et de concevoir des stratégies pionnières. La définition d’une mission n’est ainsi pas un “encadrement” de l’action au sens où elle empêcherait de faire face à cette turbulence avec l’agilité nécessaire, mais au contraire un guide d’exploration redonnant des critères d’évaluation, et de “choix de conception” là où les processus décisionnels sont défaillants.
La mission n’est pas une contrainte qu’on s’impose. Elle fixe des règles, qui permettent à chacune et chacun de pouvoir diriger son énergie, son envie de bien faire et de s’épanouir vers un objectif collectif commun.
Cette force est puissante, parce qu’elle est fédératrice et crée de la solidarité : mon destin dépend de mes actions et de celles des autres, le tout générant une action collective positive. C’est donc un cercle vertueux, qui s’alimente en permanence et qui traverse les tumultes. Les égos et les égoïsmes ne disparaissent pas, mais ils sont repoussés par la force motrice d’une mission collective. Cela se rapproche de l’entreprise Opale que Frédéric Laloux détaille dans son ouvrage “culte” Reinventing Organizations. Vers des communautés de travail inspirées.
Cette dynamique s’appuie sur quelques fondamentaux : une exemplarité et un sponsorship actif des dirigeants, des managers qui facilitent et adaptent leur posture, le tout sublimé par l’engagement de quelques fers de lance au sein de l’organisation.
Personne ne veut travailler pour s’ennuyer, même ceux qui ne cherchent qu’un salaire à la fin du mois. On ne parle pas ici d’insuffler une sorte de mission messianique à laquelle une poignée de personnes adhéreraient. Il s’agit d’énergiser un collectif, de proposer une direction qui donne envie de faire mieux, d’offrir un cadre où oser est salué en partant de ce que chacun réalise au quotidien et de créer les conditions pour appréhender les objectifs atteints et les axes d’efforts.
Comme l’a récemment exprimé Emery Jacquillat, président de la Camif et de la Communauté des entreprises à mission :
La plupart des dirigeants qui s'engagent sur le chemin de la mission ne sont ni des écolos convaincus ni des activistes. Mais ils ont très bien compris l'importance du lien qui existe entre leur capacité à prouver l'utilité de leur entreprise et le profit de demain.
Si la motivation première à s’engager dans cette voie n’est pas une conviction que l’entreprise peut servir un intérêt collectif, cela peut au moins être d’assurer la pérennité de l’entreprise et son développement dans un environnement en constante mutation où les atouts d’aujourd’hui ne seront plus ceux de demain, où les recettes d’hier ne feront pas les succès futurs et où trouver des solutions est souvent la clé pour ne pas s’ankyloser.
(1) J’ai rejoint le programme affilié de Decitre, donc si vous achetez les ouvrages en utilisant les liens de la newsletter, je récupère une petite commission. Autrement dit, c’est un moyen de me soutenir.
Correction : j’avais à tort attribué la citation d’Emery Jacquillat à Corine Mrejen.
Mon son de la semaine
J’espère que cet édito booster aura eu l’effet recherché. Et pour rester dans le thème de la motivation et la volonté d’aller de l’avant, je vous partage la pépite très dansante de Jessie Ware, “Free Yourself”. Si vous ne dodelinez pas sur votre chaise ou fauteuil, même si vous n’êtes pas hyper sensible (comme moi) à ce genre, vraiment je ne comprendrais pas. A passer au prochain afterwork ou à la réunion d’équipe de rentrée !
Cela vous a peut-être échappé
A la demande de Bpifrance Université, j’ai réalisé un module de formation sur la société à mission. En six vidéos destinées à ne prendre que 45 minutes de votre temps, je vous propose les fondamentaux pour se lancer.
Le module est sorti fin juillet. Avant que le train de la rentrée ne prenne trop de vitesse, n’hésitez pas à le visionner. Il est accessible gratuitement sur la plateforme de Bpifrance (il faut juste s’inscrire, ce qui vous ouvre l’accès à tout le catalogue de formation).
Avant de finir…
Juste avant l’été, j’ai fait un sondage lié aux décryptages de mission. Je réfléchis à l’idée de sortir les décryptages des missives hebdomadaires pour en faire une publication à part. L’objectif serait d’alléger le contenu et de permettre à celles et ceux qui sont sensibles à ces décryptages de pouvoir les mettre de côté plus facilement. Vous êtes très partagés sur le sujet. Je remets donc le sondage pour avoir l’opinion de personnes qui ne se seraient pas encore exprimées. Je rajoute une option soufflée par une lectrice : alterner une semaine avec une missive uniquement constituée d’un décryptage, la semaine d’après uniquement les autres catégories. Et au plaisir d’en parler aux UEED la semaine prochaine si vous y êtes.
Votre avis est essentiel !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cette newsletter est un projet de passion et de partage. Vos encouragements sont importants ! Cela me permet également de savoir les sujets qui vous intéressent.
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A la semaine prochaine,
Vivien.