Chères lectrices, chers lecteurs,
Ravi de vous retrouver après une semaine de congés !
Bienvenue dans ce 92e décryptage de mission. Le dernier vote a été net : vous souhaitez un décryptage de la mission de KPMG. Pas de surprise, vous êtes plusieurs à me l’avoir demandé. Donc le voici ! Mais, avant cela, je vous propose de voter pour le prochain décryptage entre le Groupe Sterne (ETI spécialisée dans la logistique) et CEMEX France (ETI spécialisée dans les matériaux de construction). Voici leurs raisons d’être :
Groupe Sterne : “Optimiser les flux de transport, de logistique et les services associés pour accompagner nos clients sur la mise en place de services écoresponsables, innovants et à fortes valeurs ajoutées, contribuant à l’essor d’une performance éthique et économique plus durable, préservant les ressources naturelles et garantissant une qualité de vie au travail constructive et solidaire.”
CEMEX France : “En équipe, nous ouvrons la voie pour créer et mettre en œuvre des solutions minérales durables, afin de construire un avenir meilleur au service des générations actuelles et futures.”
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne ! Venez rejoindre les 1690 abonnés à la newsletter en vous inscrivant ! Vous recevrez tous les décryptages, les podcasts et les missives hebdomadaires, ainsi qu’une invitation à un événement d’onboarding sur la société à mission pour les nouveaux membres.
La raison d’être parle de confiance et je suis retombé sur ce morceau de The Dø que je n’avais pas écouté depuis des années. C’était, il y a presque, dix ans.
KPMG fait partie de ces entreprises connues par une majorité de personnes, même si finalement, une petite minorité de professionnels a, un jour, déjà eu des contacts avec elle. Ce n’est pas si fréquent d’avoir réussi à construire une marque dans l’univers du B2B.
La filiale française de KPMG est passée société à mission il y a près de 18 mois maintenant. Leur audit ne devrait plus tarder ! Même s’ils sont eux-mêmes OTI, vous imaginez bien qu’ils ne vont pas s’évaluer eux-mêmes. En tout cas, cette décision de passer société à mission un choix d’importance pour l’entreprise. Il y a peu de filiales françaises qui ont franchi le pas, et à ma connaissance, aucune d’une entreprise anglosaxonne.
Egalement, tout le monde ne se figure pas la taille de l’entreprise : en France, on compte plus de 11 000 collaborateurs. Cela en fait une des plus grosses sociétés à mission.
Passons au décryptage !
La raison d’être
Au cœur de l’économie, des territoires, de la société, nous œuvrons et innovons avec passion pour bâtir la confiance, allier performance et responsabilité, et faire grandir les talents.
Cette raison d’être est bien structurée et compréhensible. Il n’y a aucun terme jargonneux, ni technique. Si on perçoit bien le triple positionnement de l’entreprise « au cœur de l’entreprise, des territoires (à comprendre qu’ils travaillent avec le service public), de la société (ils travaillent aussi dans l’ESS) », l’activité de l’entreprise n’est pas claire. A vrai dire, si on ne connait pas KPMG, on aurait bien du mal à même situer le secteur d’intervention.
C’est vrai que ce n’est pas si facile à synthétiser, car KPMG a plusieurs types d’activités, mais cela aurait mérité d’être plus explicite. J’imagine que la partie “bâtir la confiance” correspond à l’audit, au commissariat aux comptes et aux services juridiques, “allier performance et responsabilité” à la partie conseil, et “faire grandir les talents” à l’Academy. Mais, ce n’est que ma lecture.
A analyser cette raison d’être, on se demande toutefois l’enjeu sociétal ou environnemental auquel KPMG souhaite participer. Toutes les modalités qui arrivent après le « pour » sont des engagements de moyens, mais on ne sait pas au service de quoi.
C’est pour cela que je me demande comment cette raison d’être met KPMG dans une tension positive d’amélioration continue. Elle fait davantage état des activités de l’entreprise à date, même si on imagine que certains curseurs peuvent être poussés, par exemple sur l’alliance entre performance et responsabilité.
Ensuite, la dimension “œuvrer et innover” est intéressante. Je comprends la pertinence du premier verbe, mais moins le recours à l’innovation. En quoi KPMG innove-t-elle ? Cette dimension m’apparait plus floue, mais peut justement être un axe d’évolution important.
Objectifs
Au sein d’une culture inclusive, attentive, ancrée dans nos valeurs, faire grandir tous nos talents vers l’excellence.
La formulation de cet objectif peut être très engageante, car tout désalignement de la culture et de comportements internes avec les valeurs peut être souligné par les équipes comme un non-respect de la mission. En plus, l’entreprise se dit “attentive”.
La notion d’excellence est ici introduite et n’est pas très claire. Qu’est-ce qu’être excellent ? Sur quoi être excellent ? Comment faire que cette excellence soit toujours en lien avec la raison d’être ?
A en croire le premier bilan mis en ligne, les actions menées relèvent davantage de la QVT pour la majorité d’entre elles : politique de télétravail, 80% parental etc.
Encourager et accompagner nos clients et nos partenaires vers une performance durable.
Il y a deux postures dans cet objectif : “encourager”, qui appelle à la proactivité, et “accompagner”, qui appelle au conseil. KPMG est très bien placé pour le faire que ce soit en commissaire aux comptes, en auditeur ou en conseil. Intéressant également d’associer les partenaires dans cette démarche. Je regrette juste le recours au terme un peu fourre-tout de “performance durable”. S’il n’est pas défini, on y met à peu près ce qu’on veut.
Cela semble toutefois être un axe de développement important puisque la première année a été consacrée à former en interne et à recruter des spécialistes ESG et à formaliser les offres ESG. C’est un premier pas important.
Il ne faudra pas non plus que KPMG laisse de côté l’immense majorité de son offre actuelle. Il serait dommageable que l’entreprise crée une île vertueuse au milieu d’un océan qui ne l’est pas forcément. Ce sont à termes toutes les offres de KPMG qui doivent intégrer des critères ESG.
Agir ensemble pour préserver la planète et ses ressources.
Cet objectif est assez attendu, mais finalement assez peu cohérent avec la raison d’être. C’est un enjeu RSE de toute entreprise, surtout que les actions menées concernent la mobilité durable, la sobriété numérique etc.
Mon conseil : cela ne sert à rien de chercher à mettre des objectifs environnementaux si votre mission n’en nécessite pas. La mission doit servir à maximiser l'impact positif de l'entreprise. Certaines missions ont un caractère social ou sociétal avant toute chose.
Cela ne signifie pas que l’entreprise ne fera rien sur l’environnement, déjà parce que toutes doivent prendre en compte les enjeux environnementaux de leurs activités, mais qu’en plus, elles ont de plus en plus des obligations de reporting ou de preuve à fournir, soit d'un point de vue réglementaire, dans le cadre d'appels d'offres ou pour répondre aux attentes de leurs parties prenantes.
Nous engager pour le bien commun, l’éducation, l’inclusion, l’entrepreneuriat dans les territoires.
En tirant un peu le trait, cet objectif trouve sa cohérence avec la raison d’être par “faire grandir les talents”. Mais, il faudra bien s’assurer que les actions menées soient effectivement en lien avec l’activité de KPMG. Sinon, c’est “juste” de la RSE et du mécénat. Difficile à dire avec le bilan à 1 an. Je souligne juste un point : le rapport met en avant 10000 heures de mécénat de compétence. Cela semble beaucoup, mais ça représente moins d’1h par collaborateur.
Vivre nos valeurs, exercer une gouvernance collaborative et ouverte qui promeut l’éthique.
Pareil, cet objectif est assez peu en lien avec la raison d’être. C’est le G de l’ESG. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas travailler sa gouvernance, mais le lien avec la mission paraît ténu. Certes, ils mettent dans cet objectif la mise en place du comité de mission, mais comme c’est une obligation juridique liée à la société à mission, on peut difficilement le considérer comme un objectif opérationnel.
Au global
✅ La raison d’être est compréhensible dans ces termes. Le positionnement entre entreprises, secteur public et ESS ressort bien. On peut regretter que l’activité ou même le secteur soit peu lisible.
✅ Le premier objectif dans sa formulation peut être très engageant, car tout écart entre la culture et le quotidien peut être présenté en interne comme un désalignement par rapport à la mission. Il peut ainsi pousser à rectifier des déviances ou dysfonctionnements.
✅ Le deuxième objectif est intéressant, car KPMG souhaite adopter une posture proactive vis-à-vis de ses clients sur la “performance durable” (terme malheureusement un peu fourre-tout). Il faut toutefois espérer que cette démarche se généralise et ne se limite pas à quelques offres.
📶 La cohérence d’ensemble entre la raison d’être et les objectifs peut être améliorée. Certains objectifs relèvent de la RSE et pas de la mission, comme ceux sur l’environnement—en tout cas dans sa déclinaison opérationnelle actuelle—et sur la gouvernance.
📶 La raison d’être met en avant des engagements de moyens, mais pas des finalités. On ne sait pas à quel enjeu social ou environnemental l’entreprise souhaite répondre.
📶 Un certain nombre d’éléments de la raison d’être ne sont pas explicités dans les objectifs. Sur l’innovation, en quoi KPMG innove ? La raison d’être parle de “passion”, mais on ne comprend pas comment cela se traduit concrètement. La notion de confiance est également peu mise en avant dans les objectifs. Ce sont pourtant des concepts forts. Inversement, le premier objectif parle “d’excellence”, mais cela n’est pas vraiment présent dans la raison d’être. Doit-on comprendre qu’il faut être excellent pour mener ses missions à bien ? C’est une vocation tautologique selon moi.
⚠️Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Je valorise le travail fourni en interne pour aboutir aux missions décryptées et offre simplement un avis, que j’espère, éclairé.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
C’est terminé pour aujourd’hui. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous voulez que l’on travaille ensemble ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A demain,
Vivien.