#85 Sortie du rapport 50 nuances de mission
Comment les entreprises se saisissent de la société à mission / Décryptage de la mission de Back Market et plein d'autres actus et analyses (12')
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 85e missive ! Elle a une saveur un peu particulière, car elle coïncide avec la publication du rapport dont je vous ai déjà parlé. Je vous en partage la FAQ.
Au sommaire :
📖FAQ du rapport 50 nuances de missions
📱Décryptage de la mission de Back Market
🎾Les tournis de tennis veulent être plus éco-responsables
🥴Tesla apprend à ses dépend qu’être vertueux n’est pas qu’une question de business model
💡Faites-vous recruter dans votre entreprise pour mieux la connaître de l’extérieur
📈La société à mission continue sa diffusion dans l’économie française
🗺️Et si les critères ESG prenaient plus de poids dans le choix d’implantations à l’étranger
👍Sortie d’un guide juridique pour saisir toutes les notions de RSE
🧠Un peu plus de jus de crâne avec les enjeux sociétaux dans les AG, l’éco-responsabilité dans la relation franchiseurs-franchisés, la valorisation du calme dans les cultures d’entreprise et le choc de cultures pour une jeune professionnelle
🎧Mon son de la semaine : Arcade Fire - “Age of Anxiety II (Rabbit Hole)”
Bonne lecture à picorer ou a dévorer !
Quel est le thème de ce rapport ?
Le thème principal porte sur la manière dont les entreprises se sont saisies de la qualité de société à mission depuis le vote de la loi Pacte en mai 2019. En s'appuyant sur un suivi hebdomadaire des entreprises à mission, d'entretiens réguliers avec des experts du sujet et des dirigeants, et le décryptage de 50 missions (à savoir la raison d'être et les objectifs adjoints), ce rapport permet de mieux comprendre comment cette qualité juridique se diffuse progressivement dans l'économie française.
A qui est-il destiné ?
Ce rapport est destiné aux entreprises intéressées par l’adoption de la qualité de société à mission, ainsi que l'écosystème d'accompagnement (organismes publics, consultants, associations de dirigeants, fédérations professionnelles, analystes etc.).
A quoi ça sert de devenir entreprise à mission ?
Le rapport identifie sept grandes motivations pour adopter la qualité de société à mission :
Ancrer des convictions au cœur de son projet d'entreprise ;
Affirmer un projet de transformation ;
Donner une nouvelle dynamique à un projet entrepreneurial ;
Mobiliser autour d'un projet commun dans le cas d'une opération de fusion-acquisition ;
Protéger son projet lors d'une ouverture de capital ;
Protéger son projet après son départ dans le cas d'une succession ;
Améliorer ou entretenir sa réputation, notamment dans une démarche de marque employeur.
Quelle est l'utilité de ce rapport pour une future entreprise à mission ou un consultant qui accompagne de futures entreprises à mission ?
Il dresse un premier bilan des pratiques courantes en matière de définition de raisons d'être et d'objectifs. Sachant que la loi donne peu de cadre, ce rapport offre des indications, pointe les écueils, identifie des bonnes pratiques et formule des recommandations.
Quelles sont les principales caractéristiques des raisons d'être ?
Il n'y a pas de modèle pour la formalisation d'une raison d'être. En analysant 50 missions, quelques caractéristiques ressortent : elles commencent souvent par un verbe d'action lié à l'activité de l'entreprise, sont concentrées sur une phrase assez longue (d'une longueur médiane de 149 caractères) et sont assez descriptives afin de faire ressortir des marqueurs clés pour l’entreprise.
Quels types d'objectifs sociaux et environnementaux les entreprises choisissent-elles ?
Une société à mission doit définir un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. Pour affiner le portrait, quatre catégories d'objectifs ont été retenues :
Des objectifs sociaux ou sociétaux sont mobilisés dans 80% des cas ;
Des objectifs environnementaux dans 54% des cas ;
Des objectifs managériaux (management inclusif, qualité de vie au travail, formation etc.) dans 52% des cas ;
Des objectifs liés au territoire dans 20% des cas.
Les sociétés à mission décident en moyenne de poursuivre quatre objectifs. Chacun d’entre eux est vérifié par un organisme tiers indépendant (OTI). Il évalue les moyens mobilisés, ainsi que les résultats obtenus.
Comment éviter de tomber dans le « mission washing » ?
Devenir société à mission est techniquement simple. Aucun organisme ne vient valider la raison d'être et les objectifs choisis par l'entreprise. Le rapport formule quatre recommandations pour que les entreprises en tirent le meilleur :
La mission doit créer une dynamique d'amélioration continue. Il s'agit de projeter l'entreprise dans l’avenir, pas simplement de d’ancrer dans les statuts les engagements déjà pris.
Il faut affirmer la singularité de l’entreprise. La loi laisse à l'entreprise la liberté de choisir ses priorités. La mission doit donc refléter les axes sur lesquels l'entreprise peut générer le plus d'impact positif.
La démarche doit être authentique. Elle doit se traduire à toutes les phases de la démarche : dans le sponsorship de la direction générale, dans la co-construction avec les parties prenantes, dans les ressources humaines et financières mobilisées et dans une réelle structuration du déploiement de la mission.
L'entreprise doit être exigeante avec elle-même. Chaque entreprise à mission porte une part de responsabilité dans la pérennité et la crédibilité du dispositif.
Du côté des entreprises
📱DECRYPTAGE DE LA MISSION DE BACK MARKET.
Vous avez été nombreux à voter la semaine dernière pour le décryptage de la mission de la semaine dans le choc entre Back Market et Crédit Mutuel Arkéa. Back Market l’emporte d’une courte tête. Pour ne pas créer de frustration, je ferai celle de Crédit Mutuel Arkéa la semaine prochaine.
Voici donc la première licorne officiellement société à mission. Peut-être vous souvenez-vous de mon article sur les licornes et la RSE du début d’année. En tant que promotrice de l’économie circulaire, Back Market faisait partie des candidates les plus évidentes pour se lancer dans la démarche. Passons au décryptage !
La raison d’être :
Donner à tous les humains le pouvoir de faire durer les machines par la circularité et la réparation.
La formulation est claire, sobre et efficace. Le choix a été fait d’opter pour une raison d’être plutôt business. Il n’y a pas beaucoup d’effet de style, ni de volonté apparente d’être inspirant.
On est centré sur l’offre produit de Back Market : le reconditionné et la réparation. Toutefois, l’entreprise a fait le choix de se centrer sur l’humain. Le terme “humains” peut renvoyer à plusieurs populations. On pense évidemment aux clients : humains permettant de couvrir les femmes et les hommes. Mais cela peut également renvoyer aux réseaux de réparateurs de Back Market. Mais, j’extrapole peut-être, car cela n’apparaît pas dans les objectifs.
Le terme de “machines” est un peu bizarre, surtout qu’on a humains juste avant. Ca donne l’impression d’être dans une relation homme-machine, qui relève davantage de la robotique que du reconditionné. J’imagine qu’il y a eu un peu de brainstorming : Back Market est certes connu pour les smartphones et ordis portables reconditionnés, mais on peut également trouver des appareils électroménagers. C’est peut-être la moins mauvaise des solutions. Je pense surtout que c’est lié à la structure de la phrase qui a limité les options.
Sobre certes, cette raison d’être utilise tout de même le terme du pouvoir. C’est assez bien trouvé. Ce pouvoir dépend certes du choix des consommateurs, mais également de la capacité de l’entreprise à offrir un choix de qualité et faire savoir aux humains qu’ils peuvent disposer de pouvoir !
Les objectifs :
Encourager la circularité dans l’industrie des technologies
Faire du reconditionné le meilleur choix pour les consommateurs
Faire prospérer la bienveillance et l’engagement de sa culture d’entreprise
Les trois objectifs sont également clairs et sans fioriture. Ils viennent habilement compléter la raison d’être. Ils ont également le mérite d’être structurés de telle sorte que chacun traite d’une partie prenante.
Le premier relève presque du plaidoyer : changer les mentalités dans le secteur et aider les autres à bouger. C’est une démarche très positive dans une logique d’entreprise rôle modèle, car cela tire tout le monde vers le haut. En outre, la réglementation se densifie sur les enjeux d’économie circulaire. Faut-il rappeler que dans le numérique, la plus grande part de l’empreinte carbone est liée aux terminaux ?
Le second est très business : c’est le positionnement marché de Back Market. Je suis toujours partagé sur ce type d’objectif. C’est un peu une manière de dire : nous allons continuer à faire ce que nous faisons. Toutefois, on peut envisager une déclinaison opérationnelle assez intéressante : mesurer et augmenter le réflexe reconditionné chez les consommateurs. C’est un gros défi !
Le troisième objectif est un peu à côté de la mission, mais vous allez me dire que je radote quand on parle des objectifs managériaux. Pourquoi par exemple ne pas évoquer l’exemplarité que Back Market souhaite respecter pour être cohérent avec sa mission ?
Je trouve qu’il manque un objectif plus explicite à l’attention de tout l’écosystème des réparateurs de l’entreprise. En effet, c’est une partie prenante essentielle de Back Market.
Au global
La mission de Back Market ne tend pas à l’inspirationnel. Elle est propre et efficace. Comme l’explique Camille Richard, directrice DD de l’entreprise, dans l’émission “Smart Impact” cette démarche vient formaliser ce que l’entreprise faisait déjà et lui donne un cadre d’action.
De fait, l’aspect transformationnel est peu présent. Cela ne signifie toutefois pas que cette mission ne l’a met pas dans une démarche d’amélioration continue. Toutefois, on a davantage l’impression que cela portera sur des aspects de plaidoyer et de marketing de l’offre.
Par ailleurs, en étant centrée sur l’offre produit, cette mission occulte deux aspects qui lui aurait donné plus de puissance : l’aspect social en donnant accès à des appareils d’excellente qualité à des personnes ne pouvant pas se payer du neuf. Egalement rien sur la sobriété numérique. C’est effectivement une terminologie peu utilisée par Back Market, mais c’est comme si cette sobriété était réservée à l’usage du numérique et pas aux devices…
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
🎾LE SPORT ECO-RESPONSABLE.
Roland Garros a commencé et j’espère que vous avez autant vibré que moi hier (mardi) devant la magnifique performance de Gilles Simon face Pablo Carreno Busta, la superbe (et toute dernière) prestation de Jo Wilfried Tsonga face à Casper Ruud ou la résurrection du tennis féminin français.
Peut-être avez-vous également remarqué que les joueurs utilisent des gourdes ! C’est rarissime sur le circuit (et je regarde beaucoup de tennis !) Petit détail qui s’inscrit dans une démarche éco-responsable plus large de Roland Garros. J’irai en repérage dimanche pour voir ce que cela donne en vrai… Surtout, cela confirme une certaine avancée des tournois français sur ces sujets. Le tournoi féminin de Strasbourg qui se déroule la semaine précédent le French Open est un modèle du genre avec une charte éco-responsable dense.
🥴LA FESSEE DE TESLA.
Tesla vient d'expérimenter l'effet "se reposer sur ses lauriers" en se faisant retirer de l'index S&P 500 ESG.
Quand on pense à Tesla, on pense à la révolution de la voiture électrique, à l'innovation permanente, à Elon Musk, visionnaire un peu fou. Globalement, on se dit que c'est une entreprise qui participe à la transition écologique - j'en vois certains sourciller, mais c'est le sentiment prédominant. Cependant, avoir un business model "durable" n'est pas un gage de vertu sur le long terme.
Dans un secteur en proie à d'incroyables transformations, mis sous pression par la réglementation, les événements géopolitiques et les investisseurs, le secteur automobile bouge beaucoup sur les questions d'ESG. Et plus vite que Tesla.
Parce que si l'entreprise produit des voitures électriques, cela ne doit l'empêcher à travailler beaucoup plus à réduire son empreinte carbone (produire des voitures n'est pas zéro carbone...). De plus, ESG est un acronyme à trois lettres : le S (social) et le G (governance) ne doivent pas être occultés. Tesla a malheureusement du travail à faire sur ces sujets et la nouvelle méthodologie de S&P lui joue des tours. Son exposition aux risques s'accroit.
Ce type de notations est loin d'être parfait (on l'a récemment vu en France), mais cette annonce fracassante a un mérite : il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers.
💡FAITES-VOUS RECRUTER DANS VOTRE ENTREPRISE.
Chris Bakkie, CEO de Laskie, partage dans Fast Company une pratique que je trouve assez lumineuse : il postule à des offres ouvertes dans son entreprise tous les ans. C’est un moyen pour lui de voir comment le processus se déroule, si l’expérience postulant est de qualité, le temps de réponse etc.
Dans un marché de l’emploi tendu pour beaucoup, parfois, c’est dans le processus de recrutement que le bât blesse…
Du côté des idées
📈LA CONNAISSANCE AUTOUR DE LA SOCIETE A MISSION PROGRESSE.
Selon un sondage de BVA pour la Communauté des entreprises à mission, on voit que la société à mission prend racine. 39% des répondants ont déjà entendu parler de cette qualité juridique et 17% voient même très bien ce que c’est. Je me réjouis de cette montée en puissance, mais je pense que c’est plus une adhésion à l’esprit, qu’une réelle connaissance du dispositif.
De manière concomitante, 77% des salariés souhaiteraient que leur entreprise devienne société à mission. Il y a de la marge ! Alors qu’attendez-vous ?
Ca tombe bien : la Fondation Entreprendre et la Communauté des entreprises à mission ont décidé de cibler les entrepreneurs de petites structures et les porteurs de projet en sortant une série de modules sur l’entreprise à mission. Les vidéos traitent de divers sujets : risques et opportunités, différences avec des labels RSE, les démarches à suivre etc.
🗺️S’IMPLANTER EN VALORISANT DES FACTEURS ESG.
Quand une entreprise décide de s’implanter à l’étranger, on regarde souvent des critères, tels que le coût de la main d’oeuvre ou la proximité avec ses clients par exemple. Trois consultants de Deloitte proposent une nouvelle grille dans un article pour Chief Executive, qui vient valoriser trois facteurs ESG : Planet, People et Progression. Il s’agit par exemple de regarder les mesures d’adaptation prises par un pays face aux enjeux climatiques ou la stabilité sociale et politique, notamment en lien avec les enjeux de discrimination, qui sont de plus en plus sources de soulèvements populaires.
👍DE QUOI AIDER LES DIRECTIONS JURIDIQUES.
Je vous partageais les résultats il y a quelques semaines d’un sondage indiquant que les directions juridiques passaient de plus en plus de temps aux enjeux RSE. Le cabinet d’avocats Gide a eu la bonne idée de travailler sur un guide pratique RSE destiné justement aux juristes d’entreprises.
En une quarantaine de pages, cette publication ramasse tous les éléments de RSE qui affectent le fonctionnement de l’entreprise, surtout à partir de la grosse PME. Bien fait et didactique, il peut même être consulté par des non-juristes (c’est moi qui vous le dis !).
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
Dans une tribune pour L’Opinion, Marion Darrieutort (The Arcane Group et Entreprise & Progrès) estime qu’il faut se réjouir que les AG des entreprises cotées deviennent des lieux de débat sur les enjeux sociétaux.
Selon l’enquête annuelle de la Fédération Franchise des Franchises en partenariat avec la Banque Populaire et Kantar, l’éco-responsabilité devient un facteur clé de la relation entre franchiseurs et franchisés.
Quand une consultante du BCG fait une mission chez WWF, il se passe ça. Témoignage à lire dans Le Monde.
Dans un article pour la Harvard Business Review, Justin Zorn et Leigh Marz esquissent la manière dont les cultures d’organisation pourraient davantage favoriser le calme face aux bruits permanents.
Mon son de la semaine
Un album d’Arcade Fire est toujours un petit événement. “Age of Anxiety II (Rabbit Hole)” est un pur produit du groupe canadien : mélancolique, entêtant, éthéré presque mystique. A écouter sans modération !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cela m’encourage et me permet de savoir les sujets qui vous intéressent.
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A la semaine prochaine,
Vivien.