#83 Décryptage de la mission de Sessùn (mode)
Analyse de la raison d'être et des objectifs
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans ce 83e décryptage de mission. Pour rappel, les décryptages sont désormais passés sur un rythme d’une fois toutes les deux semaines. Lors du dernier vote, Sessùn l’avait assez aisément emporté. Avant de passer à l’analyse, voici le vote pour le prochain décryptage entre Bouge Ta Boîte (cabinet de conseil) et Armen (private equity). Voici leurs raisons d’être :
Bouge Ta Boîte : “Accélérer l’Egalité en développant, ensemble et avec audace, la place et l’impact des femmes dans l’économie !”
Armen : “Contribuer en tant que partie prenante de confiance à une transformation positive de l’écosystème du capital privé et orienter les sociétés de gestion et leurs participations vers un avenir durable de façon responsable.”
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En lisant la raison d’être de Sessùn, l’aspect sensible m’a fait immédiatement penser à Jane Birkin. Et pourtant, ce n’est pas une chanteuse que j’écoute fréquemment. Pourquoi pas réécouter “Di doo dah” ?
Sessùn est une marque de mode féminine créée en 1996. Elle a suivi son chemin à sa manière, se développant peut-être moins vite que d’autres, mais le faisant un peu comme elle le souhaitait. Ca se reflète d’ailleurs dans la mission.
La marque affiche des engagements clairs sur la mode durable, qui se reflète dans sa démarche RSE et désormais dans son passage très récent en société à mission. Elle n’a pas encore communiqué dessus. Passons au décryptage.
La raison d’être
“Suivre notre propre chemin pour incarner une mode durable et sensible qui valorise les savoir-faire textiles, soutient l’artisanat, cultive l’art des rencontres et promeut les partenariats longs en s’inscrivant dans une démarche consciente reposant sur le respect des hommes et des ressources.”
Voici une raison d’être très différente des autres. Différente par la longueur mais surtout par son côté explicite. Même si apparemment Sessùn communiquera davantage sur une autre raison d’être beaucoup plus courte, c’est celle-ci qui sera le fil conducteur du déploiement opérationnel.
Le côté explicite passe par le recours à un certain nombre de propositions : “valorise les savoir-faire textiles” etc. On retrouve également dans cette raison d’être certains marqueurs forts comme l’artisanat. En effet, la marque l’écrit sur son site : elle privilégie l’artisanat à l’industrie et travaille autant que possible avec des fournisseurs qui s’inscrivent dans cette lignée.
D’autres termes sont assez identitaires, comme “suivre notre propre chemin” et “mode sensible”. De prime abord, ce ne sont pas des termes particulièrement auto-portants. Par suivre son chemin, on pourrait penser que c’est une manière de dire que la marque est indépendante, autrement dit ne fait partie ni d’un groupe, ni d’un fonds d’investissement, comme c’est assez fréquent dans la mode. Mais, en réalité, cela se réfère à une philosophie précisée sur le site.
Le terme de “mode sensible” est lui un peu plus clair par lui-même, bien que l’association “mode durable et sensible” semble évoquer des aspects distincts. En revanche, le concept de “cultive[r] l’art des rencontres” est plus flou. On ne comprend pas vraiment en quoi une marque de vêtements intervient sur ce champ.
Par ailleurs, la raison d’être pourrait davantage éclairer la contribution sociétale de l’entreprise. On a du mal à comprendre l’essence de cette raison d’être. On pourrait penser que le cœur de cette raison d’être porte sur la fabrication et l’attention portée aux choix des matières et des fournisseurs. Si c’est bien le cas, c’est une dimension intéressante qui pourrait être davantage mise en avant.
J’aurais peut-être davantage insisté sur la définition du terme de “sensible” qui est singulier et multi-dimensionnel plutôt que de parler de “suivre notre propre chemin”, qui donne, à tort, un côté tourné vers soi, tandis que le reste de la raison d’être est ouvert sur l’extérieur.
Les objectifs
Produire des vêtements qui durent (tests, garantie, réparabilité), avec un impact maîtrisé (matières naturelles, aérien, certifications oeko-tex, substances bannies), dans la plus grande traçabilité possible.
Cet objectif est très centré sur la qualité des vêtements. Il est assez surprenant, parce que Sessùn explicite les différents aspects. Pourquoi pas, mais ce n’est pas forcément nécessaire. En effet, certains éléments pourraient devenir caducs d’ici quelques années si la marque privilégie d’autres modes de transport ou si de nouvelles certifications émergent. Néanmoins, détailler ce que Sessùn implique par “durer” est intéressant, car elle s’engage à travailler sur les trois aspects mentionnés. On aurait pu souhaiter que l’objectif soit formulé de telle sorte que Sessùn cherche à diminuer son impact, pas juste à le maîtriser.
Promouvoir l’artisanat, les métiers d’art et les savoir-faire textiles (ateliers, boutiques, partenaires spécialisés)
Cet objectif est très complémentaire de la raison d’être et fait donc complètement sens.
Maîtriser ses consommations (énergie, eau, papier) et engager ses collaborateurs sur l’écologie (réunions, infrastructures, actions [collectes, ateliers… crédit 5h/an])
Cet objectif est très proche de la RSE. On y parle d’efficacité énergétique et de formation aux enjeux écologiques. Je le trouve assez peu utile pour être au service de la mission, d’autant qu’il répond assez peu à la raison d’être.
Partager ses valeurs et ses bonnes pratiques avec ses fournisseurs (charte éthique, audit, partenaires long terme)
Si l’objectif fait sens, sa formulation manque d’engagement. Le fait de partager peut se limiter à envoyer un email par an—je caricature à dessein. Cela a peu d’impact sur les démarches mises en œuvre par les fournisseurs. Je conseille plutôt d’avoir une formulation qui crée un effet d’entraînement que l’on ne sent pas forcément dans le fait de “partager”.
Au global
✅ La raison d’être est très singulière et reflète bien des aspects forts de l’entreprise. Même si on pourrait vouloir une contribution sociétale plus clairement définie dans la raison d’être, on ressent un enjeu important sur la fabrication.
✅ Plusieurs objectifs sont intéressants et cohérents avec la raison d’être. Le fait d’énumérer les différents éléments dans le premier objectif présente quelques inconvénients, mais cela poussera l’entreprise à agir sur tous ces sujets.
📶 Plusieurs objectifs auraient pu être reformulés. Le troisième est très centré sur la RSE et n’apporte pas grand chose à la mission. Le dernier est trop peu engageant pour être vraiment utile à l’embarquement de l’écosystème de Sessùn.
📶 Certains éléments de la raison d’être restent peu définis dans les objectifs. Par exemple, qu’est-ce que signifie “suivre son chemin” pour Sessùn en tant qu’entreprise à mission ? Les concepts de “mode sensible” et “cultiver l’art de la rencontre” ne sont pas définis.
⚠️Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Je valorise le travail fourni en interne pour aboutir aux missions décryptées et offre simplement un avis, que j’espère, éclairé.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Vous pouvez le signaler en appuyant sur le ❤️.
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A demain,
Vivien.