#64 Décryptage de la mission de Tediber (literie)
Analyse de la raison d'être et des objectifs statutaires (Temps de lecture: 5 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
En raison d’une égalité entre Voyage Privé et Tediber lors du dernier vote, je décrypte les deux missions. Après celle de Voyage Privé la semaine dernière, c’est au tour de Tediber.
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Pour la semaine prochaine, je vous propose de choisir entre ces deux entreprises : Qwetch (contenants alimentaires de type gourdes par exemple) ou L’Arbre à café (producteur de café et torréfacteur). A vos votes ! Souvenez-vous, chaque voix compte.
Le son du décryptage
La dance des années 1990 n’a pas produit beaucoup de hits mémorables, à part quelques pépites. “Insomnia” de Faithless fait partie de ce top 10. Qui n’a pas dansé sur ce tube juste énorme et chanté à tue-tête “I can’t get no sleep” ? Je suis sûr que beaucoup d’entre vous ne l’avez pas écouté depuis des années. Bonne (re)découverte de ce morceau mythique ! (Attention coup de vieux assuré !)
Le décryptage
Tediber est une success story ! En quelques années, elle a dépoussiéré le secteur de la literie en l’amenant sur Internet, avec une communication bien léchée et un rapport qualité-prix très intéressant. Comme quelques autres de ses comparses, elle a rendu la literie cool.
L’entreprise installée à Paris est aujourd’hui une belle ETI. Elle s’est engagée dans une démarche responsable depuis longtemps, déjà par des produits fabriqués en France ou en Europe de l’Ouest, mais également avec des actions de RSE, notamment le soutien d’associations à vocation sociale.
Comme l’écrivent les co-fondateurs sur le site, adopter la qualité de société à mission était un moyen pour eux d’aller plus loin. C’est ce qu’ils ont fait en juin 2021.
La raison d’être :
Rendre accessible une gamme de produits essentiels pour le sommeil, en cohérence avec la nécessaire transition écologique
Je propose généralement trois types de raisons d’être aux entreprises : une très pragmatique centrée business, une hybride ancrée dans l’activité mais qui tire vers des ambitions sociétales plus marquées, et une très énergisante qui propulse l’ambition sociétale au maximum. Tediber aurait opté pour la première option.
C’est une sémantique claire, sans fioriture assise sur les fondamentaux de l’entreprise avec des termes plutôt froids : “rendre accessible”, “gamme de produits”, “en cohérence”.
On comprend que Tediber veut produire des produits respectueux de l’environnement au prix juste, mais on ne discerne pas véritablement l’enjeu sociétal auquel Tediber souhaite contribuer. J’aurais probablement creusé l’aspect sommeil par exemple. Un quart des Français déclarent manquer de sommeil et on connait les conséquences néfastes d’un manque de sommeil ou d’une mauvaise literie sur les santés physique et psychologique. Et inversement les bénéfices d’un bon repos.
Il est vrai que ce n’est pas un axe que l’entreprise a développé : elle s’est beaucoup plus focalisée sur les produits. Mais justement, cela aurait pu être l’occasion de l’amener sur une dimension plus sociétale tout en cohérence avec son identité.
Les objectifs :
Proposer une offre alternative de produits durables, responsables, vendus au prix juste pour encourager une consommation responsable et qui améliorent le bien-être
Il y a beaucoup d’éléments dans cet objectif, trop d’ailleurs. On parle de la manière de produire, du prix de vente, du type de consommation encouragé et de bien-être. Pas simple de piloter un tel objectif. D’ailleurs, cela se reflète dans les objectifs opérationnels mis en avant dans le rapport de mission, qui ne traitent que les aspects “durables” et “prix juste”.
Mon conseil : les objectifs statutaires doivent être ciblés sur une partie prenante ou une thématique. Cela vous permet une déclinaison plus claire, cohérente et ordonnée. Par ailleurs, l'Organisme Tiers Indépendant, dans son audit, appréciera cette cohérence et cette clarté. Pour rappel, l'OTI effectue son évaluation objectif statutaire par objectif statutaire. Ainsi, si tout ou partie d'un objectif n'est pas atteint ou couvert, il pourrait conclure que celui-ci n'a pas été atteint.
Contribuer à réinventer ses filières, être moteur dans les réponses à la crise environnementale et avoir un impact social positif
C’est un peu pareil que le précédent objectif : il épouse trop de thématiques. De fait, certains éléments se recoupent avec le premier objectif sur les aspects environnementaux par exemple. Et comment concilier la réinvention des filières (plaidoyer, membre fondateur du collectif TriColor etc.) et l’impact social positif (soutien à des associations, dons de matelas etc.) ? Ce sont des sujets différents, qui mériteraient d’être dans des objectifs différents.
Et ce d’autant plus que Tediber est une entreprise “fabless” (sans usine) : elle dépend de ses partenaires industriels pour limiter son empreinte environnementale. C’est donc un enjeu essentiel pour l’entreprise.
Associer ses salariés à la réussite de l’entreprise
Cet objectif est très louable, mais il ne participe pas de la mission, dans le sens où il ne vient pas renforcer, ni compléter la raison d’être. C’est un choix de gestion de l’organisation.
Un meilleur partage de la valeur est évidemment une visée très positive, mais faut-il l’inscrire dans les statuts pour le pérenniser ? Par ailleurs, la formulation actuelle est vague. En raisonnant par l’absurde, rémunérer justement ses collaborateurs pourrait suffire à les associer à la réussite de l’entreprise.
Au global
✅Une raison d’être claire et facilement compréhensible, mais elle pourrait toutefois refléter davantage l’enjeu sociétal auquel Tediber souhaite contribuer par son activité.
✅Des engagements environnementaux qui ressortent à plusieurs endroits
📶Il y a un manque de cohérence entre la raison d’être et les objectifs. Les objectifs reflètent assez classiquement les piliers sociaux et environnementaux de la RSE, mais par exemple aucun ne traite du sommeil. (Je vous renvoie vers mon article sur les différences entre société à mission et RSE)
📶Deux des trois objectifs couvrent trop de sujets, ce qui en limitent la force et la pertinence pour l’entreprise.
📶En dehors de l’axe environnemental (empreinte carbone, éco-conception etc.), est-ce que cette mission met véritablement l’entreprise dans une démarche d’amélioration continue ? J’ai l’impression que cette mission a, avant tout, cherché à valoriser ce que l’entreprise faisait déjà. Cela peut être une première étape, mais il sera utile de revisiter ces ambitions, par exemple, avec le comité de mission. Celui-ci gagnerait d’ailleurs à être élargi à davantage de parties prenantes externes.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Retrouvez les 63 premiers décryptages ici.
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A demain pour la missive traditionnelle,
Vivien.