#62 Décryptage de la société à mission Tenergie (développeur et distributeur d'ENR)
Temps de lecture : 6 minutes
Chère lectrice, cher lecteur,
Merci à celles et ceux qui ont voté pour le choix de la société à mission à décrypter de la semaine. Si une collègue vous a transféré cette missive, je vous invite à vous abonner pour recevoir toutes les missives directement dans votre boîte email.
C’est toujours amusant de voir l’évolution des votes sur une semaine. Parfois, c’est clair dès le début ; mais souvent, il y a un changement assez important qui s’opère au fur et à mesure. Cette semaine, je vous propose donc le décryptage de Tenergie, développeur et distributeur d’énergies renouvelables, qui a longtemps été derrière MV Group.
Pour la semaine prochaine, je vous propose ETI françaises connues du grand public : Tediber dans la literie et Voyage Privé dans le tourisme. Elles sont toutes deux passées société à mission l’an dernier, mais je cherchais des entreprises plus grosses et tournées vers le B2C.
Le son du décryptage
“J’veux du soleil” est connu pour son refrain addictif que tout le monde a déjà chanté à tue-tête. Mais, on en oublie que c’est un cri d’optimisme dans un environnement désabusé écrasé par le poids des responsabilités et des pressions qui pèsent sur nos épaules. Un peu de simplicité, de spontanéité et de retour aux sources s’impose.
Le décryptage
Basée à côté d’Aix-en-Provence, Tenergie a été créée en 2008 et compte 170 collaborateurs. Elle compte aujourd’hui plus de 1350 centrales d’énergies renouvelables, surtout dans le Sud de la France—Tenergie est principalement présent sur le solaire.
Sur la mission, Tenergie a fonctionné en deux temps. Ils ont défini leur raison d’être dès 2020 avant de passer société à mission l’an dernier. Toutefois, la médiatisation ne s’est faite que très récemment.
Mon conseil : cette approche en deux temps peut être assez judicieuse. En effet, elle permet de faire vivre la raison d'être et d'affiner les objectifs à la lumière de la réalité, et potentiellement de réviser à la marge la raison d'être avant de tout ancrer. Evidemment, cela nécessite de revisiter ses statuts deux fois, ce qui n'est pas toujours chose aisée.
La raison d’être :
Accélérer la transition énergétique pour un monde décarboné, durable et solidaire.
Premier point et en référence au conseil, l’entreprise a modifié sa raison d’être. Au début, c’était “Accélérer la transition énergétique vers un nouveau système durable, souverain et décarboné, qui allie attractivité des territoires, solidarité, bien-être de tous et protection de l’environnement”. On observe le choix d’une raison d’être plus courte et ramassée, qui ne reprend pas tous les concepts, comme celui de souveraineté et de bien-être. (“Souveraineté” peut être embêtant si Tenergie veut se développer à l’international et encore, mais “local” marche partout dans le monde s’ils avaient voulu conserver cet enjeu).
Focalisons-nous donc sur cette nouvelle raison d’être. Tout d’abord, elle est concise et claire. Elle suit un modèle qui devient assez fréquent et qui consiste à lister plusieurs adjectifs à un nom : monde, économie, environnement, société… On comprend que chaque adjectif a été choisi pour recouvrir différentes dimensions.
Mon conseil : Cela peut s’avérer une solution pertinente, mais il faut être vigilant à deux écueils : 1. une liste à la Prévert qui alourdit la raison d’être et la rend moins puissante et 2. une succession d’adjectifs qui ont chacun trop d’implicite ou ne sont pas suffisamment liés entre eux, ce qui affaiblit la clarté de la raison d’être.
Dans le cas de Tenergie, la cohérence est assez évidente entre les trois adjectifs. J’ai un soucis constant avec “durable” (le choix de constant n’est pas anodin, c’est un synonyme de durable et pourtant ce n’est pas du tout le sens recherché ici). Je consacrerai l’édito de la prochaine missive à ce sujet. En un mot, ce mot veut dire trop de choses différentes et est un concept essoufflé par rapport au contexte actuel.
Deuxièmement, on comprend assez bien le secteur d’activité de Tenergie sans forcément percevoir son positionnement dans la chaîne de valeur.
Cette raison d’être est une option moins engagée et moins inspirante que sa version initiale, ce qui est un peu dommage. Ce qu’elle gagne en synthétique, elle le perd en impact et en singularité.
Les objectifs
Décarboner toujours plus l’économie en produisant davantage d’énergie à impact positif et en diminuant notre empreinte carbone.
Objectif clair, pertinent et engageant. On comprend que la mission de Tenergie passe par un accroissement de son activité : mécaniquement, si on veut plus d’ENR dans notre mix énergétique, il faut en produire plus et nous y sommes loin. Mais cela ne doit pas se faire au détriment d’une empreinte carbone qui croit ; produire et opérer des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes n’est pas neutre en carbone par exemple…
Mobiliser toutes nos parties prenantes autour de notre mission et les inciter à devenir plus responsables avec nous.
Je suis toujours sensible à ce type d’engagement. Pour atteindre sa mission, il est impossible de le faire seul. Si c’est le cas, cela signifie que la mission n’est pas assez ambitieuse. On a donc besoin de sortir des murs de son entreprise et d’embarquer son écosystème, pour de vrai.
Toutefois, il est important de fixer les bons objectifs opérationnels. Un premier niveau peut se faire par la sensibilisation dans le cadre de campagnes d’emails ou de posts sur les réseaux sociaux, mais il faut trouver d’autres idées pour aller plus loin : formation, sensibilisation dès l’avant-vente et pendant toute la durée des contrats etc.
Fédérer les acteurs indépendants de la filière des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique des territoires, en s’appuyant sur notre ancrage local.
Cet objectif me semble moins clair. L’idée de fédérer appelle à créer un mouvement structuré, qui serait probablement différent du syndicat des énergies renouvelables. Est-il trop politique et pas assez connecté au terrain ? Peut-être si on en croit l’affirmation forte de la dimension territoriale dans cet objectif.
Mais, cela me semble relever du deuxième objectif sur la mobilisation des parties prenantes. La notion de parties prenantes ne recouvre pas que les acteurs ayant un lien direct avec l’entreprise. “Les autres acteurs de la filière” sont également des parties prenantes.
Transmettre la culture et le savoir-bâtir tenergien au sein de l’entreprise et au-delà
Cet objectif est celui qui a le plus été modifié entre les statuts de 2021 et la mission actuelle. Auparavant, c’était : “Transmettre son expertise et ses bonnes pratiques à ses collaborateurs et aux acteurs actuels et à venir de la filière des énergies renouvelables”.
Cette formulation d’objectif lui confère désormais une dimension plus interne avec la référence aux “Ténergiens” et “savoir-bâtir”. J’aurais tiqué si cela avait été dans la raison d’être, mais en objectif, c’est assez judicieux. Cela traduit bien le travail réalisé sur la culture d’entreprise, mais également sur la formation (Tenergie dispose d’un centre de formation en interne).
Surtout, cet objectif est malin, car certes, la dimension interne transparait, mais elle doit rejaillir sur l’externe. Il faudra juste trouver les bons indicateurs de mesure.
Au global :
✅Une mission cohérente et, dans l’ensemble, bien structurée.
✅Plusieurs des objectifs sont bien formulés et permettront de mener des actions qui serviront la mission de l’entreprise dans son activité commerciale, de R&D, de communication, et dans son organisation interne.
📶La nouvelle formulation de la raison d’être est moins claire que la précédente et perd en singularité et en recherche d’impact.
📶Un des objectifs (sur la fédération des acteurs de la filière) n’est peut-être pas nécessaire et pourrait être fusionné avec celui concernant la mobilisation des parties prenantes.
📶Le concept de “solidarité” est peu explicité dans la mission, donc on ne comprend pas vraiment à quoi il fait référence.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Retrouvez les 61 premiers décryptages ici.
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A demain pour la missive traditionnelle,
Vivien.