#60 "Don't choose extinction!"
Le PNUD mobilise un T-Rex; décryptage de la mission des Agences de Papa; un super stage chez Faguo, mais...; la RSE incitative, ce n'est plus assez etc.
Chère lectrice, cher lecteur,
La COP26 bat son plein. On retient son souffle pour d’éventuelles annonces fortes, au-delà de celle concernant le méthane. Le mois de novembre, c’est le mois de l’ESS, donc vous risquez d’en entendre pas mal parler. Carenews recense pas mal d’événements et de festivals qui se tiennent dans les prochaines semaines.
Cette semaine, pas d’édito. Des fois, il est préférable de ne pas éditorialiser pour le plaisir de le faire, surtout quand les éléments ne sont pas mûrs ou que je n’ai que des banalités à formuler.
Je vous laisse donc avec cette réflexion d’un T-Rex : “Don’t choose extinction!” dans une vidéo réalisée par le PNUD.
Petite auto-promo également. Clarence de Purpose Info vient de mettre en ligne le dernier extrait de mon débat avec Frédéric Fréry sur la société à mission. Suivez ce lien pour voir la vidéo et toutes les autres déjà sorties. Un vrai plaisir d’avoir pu échanger sur ce sujet, vous l’imaginez bien !
Passons au sommaire :
🏡Décryptage de la mission des Agences de Papa (agences immobilières digitales)
🤨 Faguo offre un stage de rêve, mais ce ne devrait pas être un stage…
👍 Guillaume Gibault du Slip Français revient sur un an et demi de qualité de société à mission
👊 Tribune au vitriol contre 20 ans de RSE incitative
📆 La marque Bretagne propose une formation intéressante
🎧 Mon son de la semaine : jizue - “Arukas”
Bonne lecture ! La semaine prochaine, pas de missive, mais quelques jours de congés qui feront du bien à la place.
Du côté des entreprises
🏡DECRYPTAGE DE LA MISSION DES AGENCES DE PAPA.
Attention ! Voici un nouveau cas d’espèce. La startup Les Agences de Papa vient de passer société à mission. Pourquoi nouveau cas d’espèce ? Parce que l’entreprise est une scale-up introduite en bourse depuis avril. C’est donc, selon mon décompte, la 7e entreprise cotée, à rejoindre les rangs des sociétés à mission*. On peut objecter qu’elle a été introduite sur Euronext Access+ pour le moment, donc ce n’est pas encore “la cour des grands”, mais je la rajoute tout de même au décompte. Surtout, c’est la première startup cotée en bourse. Il sera intéressant de suivre comment ils gèrent leur mission, leurs actionnaires et leur hypercroissance.
Oui, parce que Les Agences de Papa, c’est une histoire de très forte croissance. Lancée en 2019 à Nice sur le secteur des agences immobilières, voulant complètement disrupter le marché avec des frais d’agence hyper compétitifs plafonnés à 2000 euros, l’entreprise est aujourd’hui valorisée près de 250 millions d’euros et compte Teddy Riner comme ambassadeur officiel. L’objectif n’est pas de rentrer dans la polémique de la valeur des valorisations, d’autres l’ont déjà fait. Je me concentrerai donc sur leur mission.
Leur raison d’être :
“Engagé dans une révolution digitale, le défi des Agences de Papa est de bâtir un monde plus juste en facilitant l'accès au logement au plus grand nombre ; tout en œuvrant pour un monde solidaire par le soutien d'associations et l'accompagnement des entrepreneurs de demain.”
Cette raison d’être sort des sentiers battus. Elle est un peu plus longue que ce que l’on trouve traditionnellement. Et vous le savez, je ne suis pas amateur des phrases punchy en sept mots, donc rien de problématique. Elle ne commence pas par un verbe d’action, ce qui ne pose pas de soucis non plus.
Elle est claire dans l’ensemble. On comprend facilement le métier des Agences de Papa par la mention “faciliter l’accès au logement”, ainsi que l’ambition sociale qui est de démocratiser l’accès à la propriété.
Je m’interroge néanmoins sur le fait qu’ils aient stress-testé ce que “faciliter l’accès au logement au plus grand nombre” signifie. En soi, c’est une très noble mission, qui offre en outre un fort potentiel d’innovation, mais qui va bien au-delà de ce que l’entreprise fait aujourd’hui.
Dans l’accès au logement, les frais d’agences peuvent certes être un frein, mais les premiers restent tout de même le prix des biens et le financement à l’achat. Bien d’autres peuvent exister pour améliorer le secteur de l’immobilier. A court et moyen terme, Les Agences de Papa ne pourront pas attaquer tous ces fronts, et encore moins seuls, mais il faut effectivement se dire que c’est un très vaste chantier qui ouvre des pistes innombrables pour l’avenir. Ne pas les poursuivre serait décevant.
La seconde partie de la raison d’être est plus accessoire et tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. On sent que c’est un élément important pour que cela soit inscrit dans la raison d’être, mais en première lecture, cela relève davantage d’une démarche RSE que d’une mission. Si c’est le cas, alors, c’est une autre activité de l’entreprise qui n’existe pas du tout aujourd’hui. Attention à ne pas vouloir tout inclure dans une raison d’être. En cherchant l’exhaustivité, on peut créer de la confusion.
Leurs objectifs :
Proposer des services au prix le plus juste pour faciliter l'accès au logement au plus grand nombre.
Offrir à ses collaborateurs un environnement de travail bienveillant garantissant l'égalité des chances et une stabilité d'emploi (tous nos salariés sont en CDI), pouvant permettre une évolution de carrière.
Soutenir financièrement des associations et conseiller les entrepreneurs de demain.
Je me rends compte au fur et à mesure des semaines que l’identification d’objectifs statutaires est probablement l’exercice le plus difficile et celui qui, à mon avis, est le moins suffisamment travaillé. En l’état, ces objectifs ne sont pas à la hauteur de la raison d’être. Le premier et le troisième paraphrasent ce qu’on retrouve dans la raison d’être et donc n’apportent pas d’éléments complémentaires.
Le second rentre dans la catégorie des objectifs managériaux qui n’ont pas leur place dans une mission (cf. mon édito sur le sujet).
Le premier objectif laisse penser que l’accent sera mis sur l’offre de services, en gros ce que Les Agences de Papa font aujourd’hui. Ils semblent prendre l’enjeu de l’accès au logement au travers de leur prisme actuel, sans chercher à élargir leur champ d’action, que ce soit au travers de nouvelles offres, de partenariats ou de prises de position publiques sur ces sujets sociaux. C’est dommage. Surtout quand on est coté, modifier ses statuts n’est pas aisé et ses objectifs pas plus.
* Danone, Réalités, Frey, Voltalia, Vranken-Pommery, Obiz et maintenant Les Agences de Papa. J’en oublie ? Dites-moi !
Cet exercice d’analyse de mission est volontaire. C’est toujours un peu surprenant pour les entreprises sélectionnées. Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à me faire part de vos missions pour un décryptage. J’essaie toujours d’être critique MAIS constructif. Cela peut être utile pour vous en interne, afin de clarifier certains points, mais également pour d’autres qui sont en chemin et peuvent bénéficier d’éclairages. Et je peux m’abstenir de publier mon analyse… Je suis joignable à vivien@machineasens.info. Retrouvez sur cette page toutes les missions analysées.
🤨 SUPER STAGE, MAIS…
La marque de vêtements Faguo a posté une offre de stage qui en ferait rêver plus d’un, dont moi si j’étais bien plus jeune : être chargé.e de la mission d’entreprise. Absolument passionnant ! Les missions portent sur le bilan carbone, l’ACV, faire vivre la mission en interne et en externe. Bref, le boulot du manager de mission en gros.
C’est bien là le problème. Un stagiaire ne peut pas assurer ce rôle. Même si cette personne bénéficie de l’appui total de la direction, elle n’a pas d’historique, n’est pas crédible dans son poste pour embarquer les équipes dans des projets internes, et ne pourra pas assurer sur le moyen terme de la continuité dans ce rôle. Nous avons toutes et tous fait des stages. Il faut bien un mois d’ajustement, deux mois de plus pour bien comprendre l’entreprise, sa culture, ses process, son fonctionnement etc. On est vraiment hyper opérationnel et pleinement intégré au bout de trois mois et c’est déjà bientôt la fin…
J’ai bien conscience que dans une PME être manager de mission est un rôle difficile, car c’est rarissime de pouvoir y consacrer 100% de son temps. Pourtant, il faut trouver une personne qui puisse être le chef d’orchestre. Que cette personne n’y dédie qu’un cinquième de son temps ou peut être à temps plein, l’important est d’assurer de la continuité. En tout cas, ce n’est pas le rôle d’un.e stagiaire, aussi passionnant soit la mission confiée.
👍 L’ENTREPRISE A MISSION, C’EST POUR BIENTÔT :
Imagreen (cabinet de conseil spécialisé en transition environnementale et sociale)
La citation de la semaine
En 2020, le Slip Français est devenu une « entreprise à mission ». Quel est le bilan ?
Notre mission consistait à réinventer avec panache l’industrie du textile français. Nous étions entre l’ambition et le concret. Le bilan aujourd’hui est que l’entreprise à mission est un outil formidable parmi toute la palette de choses pour créer une entreprise durable, responsable et qui s’attache à un impact social et environnemental. La mission donne un point de départ où s’alignent les parties prenantes dont les clients qui font partie de notre comité. Au bout d’un an, ça a permis de clarifier ce que l’on faisait sans le formaliser, on sait que c’est pour ça que les gens viennent travailler dans notre boîte. (Entretien de Guillaume Gibault, DG du Slip Français, dans Technikart)
Du côté des idées
👊 A BAT LA RSE INCITATIVE.
Cela aurait pu être le titre de cette tribune de Clément Fournier, Rédacteur en chef de Youmatter. Selon lui, depuis 20 ans, on assiste à une RSE incitative faite de compromis mous qui ne permettent pas définir ce qu’est une entreprise durable et de contraindre les entreprises. Mais il voit poindre quelques signes positifs à intensifier.
Un embryon de définition de modèle d’entreprise durable se trouve, pour celui qui prend le temps de bien regarder, dans la loi sur le devoir de vigilance. Enfin, avec cette règlementation, on passe du modèle de l’incitation à celui de la règle, et de la contrainte. Les nouvelles règles liées au devoir de vigilance disent clairement : voilà ce qui est éthique, ce qui ne l’est pas. Et elles élaborent même, pour la première fois, un régime de sanction, dont la gestion vient d’être confiée par le Parlement au tribunal judiciaire. La taxonomie verte européenne va dans le même sens, en disant : voilà ce qui est durable, voilà ce qui ne l’est pas. Il faut aujourd’hui généraliser ce modèle.
📆 A VOS AGENDAS.
La marque Bretagne, en partenariat avec l’AFNOR, l’Agence Lucie et l’Agence Déclic, organise une formation d’une journée sur l’entreprise à mission et les labels le 25 novembre. Informations et inscriptions ici.
Mon son de la semaine
🎧 Direction le Japon pour une très belle pépite jizue, groupe de jazz fusion, avec un nouveau single cristallin et envoûtant.
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A dans deux semaines,
Vivien.