Chère lectrice, cher lecteur,
Voici la première missive entièrement dédiée à un décryptage de société à mission. Et il se trouve que c’est déjà le 60e décryptage ! Le temps file à une vitesse impressionnante ! J’essaierai tout de même de conserver la sélection musicale avec “Le son du décryptage” en lien avec l’entreprise. Parfois, il faudra être un peu créatif et imagé.
Un mot d’ordre logistique : vous avez la possibilité de vous désabonner de certains envois de La Machine à sens. Si vous ne souhaitez pas recevoir ces missives de décryptage par exemple, mais juste les missives habituelles, aucun souci, vous pourrez décocher “Les décryptages” de la liste proposée quand vous cliquez sur “Unsubscribe”.
Avant de se lancer, à vous de choisir le décryptage de la semaine prochaine entre Ma Boussole Aidants (plateforme d’information et d’aide aux aidants familiaux) et Abc&co. (centre de formation et agence de traduction).
P.S. : Et si vous faites partie d’une de ces deux entreprises, n’hésitez pas à relayer le vote. Tout se joue souvent à quelques votes !
C’est parti avec GreenGo. Merci aux votants !
Le son du décryptage
Je vous propose de plonger dans l’univers si singulier et onirique de Björk avec “Wanderlust” extrait de son album Volta en 2007. Envolée assurée !
Le décryptage
GreenGo se présente comme l’alternative responsable et française à Booking et Airbnb. Sélection fine des hébergeurs sur de nombreux critères. Primauté des trésors d’à côté, plutôt que de l’au-delà. Lancée en 2021, la plateforme connait une forte croissance avec un premier rachat en juin et une levée de 1,2 million d’euros auprès d’investisseurs particuliers et de business angels. Ils en ont profité pour passer société à mission.
La raison d’être
Construire un tourisme plus durable.
La raison d’être est extrêmement brève. En surface, elle est très business, même si on peut envisager une profondeur beaucoup plus inspirante.
Bien que facile à mémoriser, cette raison d’être souffre de son caractère générique. Elle reprend les deux termes les plus usités des raisons d’être, à savoir “construire” et “durable”. Ces deux termes ont les désavantages de leurs avantages. Connus de tous, ils sont devenus galvaudés et manquent de puissance et de sens.
Cette raison d’être semble inaboutie dans son ambition, surtout à la lumière de ce que GreenGo veut faire et plus globalement de ce vaste chantier : faire rêver en disant qu’on va passer ses vacances en Corrèze plutôt qu’au Népal ou au Chili.
Elle a toutefois un avantage : elle ne ferme pas de portes. Aujourd’hui plateforme de réservation, GreenGo peut ajouter à son offre diverses activités complémentaires, à la lumière de ce qu’Airbnb peut d’ailleurs faire.
Un conseil : quand vous réfléchissez à votre raison d'être, pensez loin. Quel est l'impact recherché ? Qu'est-ce qui fait que la société se porterait moins bien si votre entreprise n'existait pas ? Une raison d'être doit vous faire vibrer vous, vos collaborateurs actuels et futurs aujourd'hui et dans 5 ans.
Les objectifs :
Faciliter et démocratiser l’accès à des voyages à faible empreinte carbone, qui allient plaisir et respect de l’environnement ;
Cet objectif est très intéressant, notamment les termes “faciliter” et “démocratiser”. Quand bien même on voudrait voyager de manière responsable, l’offre n’est pas forcément si importante ou alors, on devra passer un temps infernal sur d’autres plateformes qui agrègent tout type d’hébergement. Je regrette toutefois que l’alliance plaisir et environnement apparaisse dans un objectif ; cela aurait pu être dans la raison d’être.
Informer et sensibiliser le grand public sur les enjeux environnementaux, sociaux et économiques du voyage ;
Objectif nécessaire qui aurait manqué s’il n’avait pas été mentionné. Pour avoir du poids, il faudra que GreenGo trouve des partenaires. Plus étonnant et marquant, l’objectif est en deuxième. Souvent, ses aspects de plaidoyer arrivent en dernier, ce qui montre l’envergure presque militante de l’entreprise.
Accompagner les parties prenantes dans des pratiques plus vertueuses et les inclure dans la gouvernance de l’entreprise ;
Il y a deux aspects dans cet objectif qu’il faudra réconcilier. En soi, ces parties prenantes peuvent être réunies dans le comité de mission, qui pourrait avoir une vocation plus large que le périmètre de la loi. Mais, une question se pose. Parmi les parties prenantes, il y a forcément les hébergeurs. Une plateforme est perpétuellement dans une situation délicate, à savoir qui privilégier : les clients ou les hébergeurs ? Ils se rajoutent une contrainte : les hébergeurs doivent être impliqués dans la même démarche qu’eux, ce qui limite le pool. Et que faire si un hébergeur a une superbe demeure, qui pourrait parfaitement rentrer dans le giron, mais ne veut pas se plier à certaines demandes ?
(Suite à un échange avec l’entreprise, une précision) Deuxième élément, cet objectif regroupe deux éléments en un, à savoir l’accompagnement dans les pratiques plus vertueuses (un objectif en soi) et l’association de ces parties prenantes dans la gouvernance (un autre objectif). Pas simple de trouver le point d’équilibre.
Garantir une juste rémunération et un juste prix, tout en assurant la pérennité et la qualité de ses services
C’est bien de l’écrire, mais cela va sans dire. En fait, j’aurais probablement scindé l’objectif précédent en deux et élargi la partie “vertueuse” pour intégrer les dimensions sociale et environnementale. Pour la seconde partie de l’objectif, c’est une lapalissade.
(Suite à un échange avec l’entreprise, une précision) J’entends l’utilité de ce service dans sa globalité : c’est la recherche de l’équilibre de Pareto classique des plateformes entre l’attractivité de la rémunération pour les hébergeurs, l’attractivité du prix pour les clients et la commission suffisante pour l’entreprise. Le seul point que je vois est que cela ne rentre pas vraiment dans la raison d’être du tourisme durable : c’est un enjeu global de stratégie d’entreprise.
Développer une activité en harmonie avec les communautés locales et à leur bénéfice
J’aime bien le sens de cet objectif, mais trouver des objectifs opérationnels et des indicateurs d’impact ne seront pas choses évidentes.
Un conseil : lorsque vous rédigez vos objectifs statutaires, pensez très tôt à leur opérationnalisation : quels indicateurs de suivi ? Comment mesurer l'impact ?
Points forts et axes d’amélioration
✅Une mission cohérente entre la raison d’être et les objectifs.
✅Des objectifs ambitieux et énergisants qui démontrent une volonté de faire bouger les mentalités.
📶La raison d’être est floue et générique. Elle risque de ne pas être très utile à l’entreprise. Elle ne reflète pas la raison profonde pour laquelle les fondateurs ont créé l’entreprise, création qui repose sur des convictions quasi militantes.
📶Une forme de dissociation entre une raison d’être assez générique et floue et des objectifs plus précis et engageants.
📶Certains objectifs ne seront pas faciles à opérationnaliser. A l’inverse, d’autres sont des évidences, qui ne nécessitent pas d’être présents dans la mission.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! Alors, que pensez-vous de ce format ?
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagnés sur la société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A demain pour la missive traditionnelle,
Vivien.
Je pense que le verbe construire correspond à ce que GreenGO est entrain d'édifier. Mais en lisant leurs objectifs l'ambition est plus grande. La raison d'être évoluera certainement une fois que les piliers seront ancrés. Comme dans toute mission où le mot durable est mentionné, l'environnement est le mot phare. Or, la transition vers des modèles écologiques est systémique et c'est en agissant sur chacun de ses facteurs que nous progresserons. Mais c'est un très beau début avec de belles convictions :-)) qui seront bientôt réalisées.