#53 Bataille de sondages sur la RSE
Passer à mission pour rester au top; Décryptage de la mission d'emlyon; Vestiaire Collective et B Corp; la RSE, alors qu'en pensent les Français et d'autres actus...
Bonjour,
Voici le retour des missives après une semaine de pause ! Tout d’abord, un grand merci à celles et ceux qui ont pris le temps de remplir le questionnaire envoyé par email. Si vous avez oublié, zappé, pas encore pris le temps, pas de souci, je le laisse encore ouvert.
J’apprécie énormément d’avoir à la fois de très fidèles lectrices et lecteurs, et d’autres plus occasionnels qui ont répondu. Et merci de votre honnêteté ! Je n’ai pas encore digéré la totalité des résultats et tiré tous les enseignements. Néanmoins, je peux vous annoncer une nouvelle : j’arrête les analyses “qui se cache derrière cette mission ?”. Quelqu’un m’a souligné que je pouvais parfois être moralisateur. C’est tellement éloigné ce que je cherche à transmettre que le format ne semble pas adapté. Je sais que c’est un danger tout à fait réel (je ne suis pas de base persévérant pour rien…), donc je privilégierai davantage l’analyse des raisons d’être et des objectifs que vous plébiscitez beaucoup plus.
Je serai demain (vendredi) à Produrable. Si vous y êtes également, dites-le moi. Je serai vraiment ravi d’échanger, de prendre un café, de faire connaissance. Et si vous tenez un stand, dites-le moi aussi ; je serai ravi de venir y faire un tour ! Il suffit de répondre à cet email pour me le dire. Et si vous lisez ce message demain (vendredi), vous pouvez toujours m’envoyer un email, je lirai évidemment mes messages.
Cette semaine, j’aimerais vous partager un avis que m’a partagé le responsable RSE et environnement d’une entreprise des travaux publics pour justifier le passage prochain de son entreprise en société à mission. Très engagée dans une politique RSE, adepte de l’intelligence collective, l’entreprise avait fait de ces démarches un atout et un axe de différenciation notamment par rapport à la concurrence et pour fidéliser les équipes. Ne pas passer société à mission, c’est prendre le risque de perdre cet avantage à terme.
Je n’avais jamais entendu cet argument. C’est riche d’enseignements. Je ne répéterais pas l’importance de ne pas devenir société à mission avant de pouvoir le revendiquer solidement et concrètement. Surtout, cette entreprise cherche à maintenir son positionnement très fort sur ces sujets et considère aussi naturelle que nécessaire l’adoption de la qualité de société à mission pour continuer d’avancer dans cette voie. Vu l’historique de l’entreprise, elle cherche véritablement à s’inscrire dans une volonté d’amélioration continue ; elle ne cherche pas des médailles de vertu.
En s’inscrivant dans cette dynamique, elle perçoit forcément la société à mission comme une étape, pas une finalité. Cela ouvre d’autres portes pour faire plus et mieux, pas pour pouvoir se reposer sur ses lauriers. Vous verrez mercredi prochain avec l’entretien du mois avec Thomas Meyer, DG de SOCAPS. Un bel exemple aussi !
Au sommaire :
Décryptage de la mission d’emlyon business school
Vestiaire Collective annonce sa certification B Corp
Bon exemple de communication de sa mission avec Atorika
Quelques futures sociétés à mission
Batailles de sondages sur la RSE : celui qui fait du bien ; et celui qui plombe
Nouvelles identités graphiques pour la Communauté des entreprises à mission et le label Positive Workplace
D’excellents podcasts à écouter
De très bons événements à venir
Le son de la semaine : Agar Agar - You’re High
Du côté des entreprises
TOUT AU LONG DE LA VIE. C’était prévu, mais la communication s’est faite récemment : emlyon business school est passée société à mission. C’est la troisième école de commerce après Grenoble Ecole de Management et Toulouse Business School. Avant d’analyser la mission, saluons le fait que l’école rend obligatoire le cours “Agir pour le climat” dans son programme Grande Ecole.
Passons à la raison d’être : “former et accompagner tout au long de leur vie des personnes éclairées qui transforment les organisations avec efficacité pour une société plus juste, solidaire et respectueuse de la planète”. C’est pas mal du tout ! Des raisons d’être d’écoles, c’est la plus claire, percutante et pertinente que j’ai vue. Beaucoup d’autres pourraient presque faire un copier-coller ; c’est peut-être le seul point d’amélioration. Quelle école de commerce ne voudrait pas former des personnes qui transforment les organisations avec efficacité pour une société meilleure ? Vous me direz, j’avais dit la même chose pour GEM (missive #32).
On comprend que l’école a vocation à s’inscrire dans la formation initiale et continue, avec des “personnes éclairées”, mais éclairées par l’école ou éclairées d’avoir choisi l’emlyon ? La formulation est étrange. Il s’agit également d’axer l’enseignement favorable à une “société juste, solidaire et respectueuse de la planète”. Je ne peux pas juger de la réalité actuelle de ce paradigme dans les cours donnés, mais cela devrait a priori signifier que tous les cours doivent suivre cette ligne. Je vois déjà la levée de boucliers des profs qui invoqueraient la liberté d’enseignement. Notons le “avec efficacité” : cela reste une business school ! Surtout, comment mesurer cela ? Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais il me paraît audacieux de l’inscrire dans sa raison d’être sans pouvoir en mesurer la réalité. Les “organisations” peuvent ici référer à tous les types : entreprises, administrations, ONG. C’est bien vu.
Passons aux objectifs. Ils sont originaux dans la forme, car ils couvrent des thématiques : la formation, la recherche et le fonctionnement quotidien.
Sur la formation :
Nourrir l'esprit d'entreprendre par une pédagogie fondée sur l'expérience et l'expérimentation ;
Développer la pensée critique et la créativité par le pluralisme et l'interconnexion des savoirs ;
Garantir la montée en compétences pour relever les défis sociaux et environnementaux ;
Permettre à chacun de construire son employabilité
Bien que ces objectifs soient assez convenus, ils peuvent être utiles dans une logique d’amélioration continue, notamment le second. Jusqu’où pousser le curseur du pluralisme des savoirs quand on reproche souvent aux écoles de créer des élèves très moulés à la sortie ? Assurer l’interconnexion des savoirs nécessite que les enseignants soient suffisamment compétents pour le faire. Le premier objectif reflète la philosophie de l’école, donc logique. Le troisième est flou. Potentiellement, l’école pourrait lancer des cours de potager, très bon moyen de développer le circuit court et de participer à son échelle à relever les défis environnementaux. L’école irait-elle jusque là ? Et le dernier objectif est… l’objectif premier de l’école, donc pas nécessaire dans la mission.
Sur la recherche :
Promouvoir la liberté académique et développer une recherche pluraliste ;
Jouer un rôle actif dans la conversation scientifique mondiale et dans les débats socio-économiques sur la création de valeur et la justice sociale et environnementale ;
Faire évoluer les programmes de formation en intégrant les connaissances nouvellement créées.
Le premier objectif peut rentrer en contradiction avec la raison d’être. Que se passerait-il si des recherches allaient à l’encontre des principes d’une société juste, solidaire et respectueuse de l’environnement ? Le second est intéressant, car il met l’accent sur un aspect de la recherche en particulier. Les profs sont prévenus s’ils cherchent de la visibilité par leur école… Le troisième est comme le dernier point du premier objectif : cela fait partie du core business d’une école. A minima, cela fait le lien entre formation et recherche, mais cela relève de ce que l’on attend d’une école avec des enseignants-chercheurs.
Sur le fonctionnement au quotidien :
Innover en matière d'inclusion et de protection de l'environnement ;
Déployer un modèle de management respectueux des personnes et contribuant à leur développement ;
Engager l'ensemble des parties prenantes de l'École dans une communauté active partageant le projet éducatif d'emlyon
Le premier est très intéressant, car les écoles sont de plus en plus critiquées pour les frais d’inscription très élevés qu’elles pratiquent. A voir donc comment cela va se traduire dans les faits. Le second ne relève pas d’une mission. S’il faut inscrire le principe d’un management humain dans les statuts, cela devient un problème… Le dernier est flou. Il peut ouvrir le champ des possibles de manière très large, comme être une case facile à cocher.
Une dimension manque, à mes yeux, à savoir l’interculturalité. Les business schools sont dans une concurrence internationale très forte et la dimension internationale et interculturelle ne ressort pas du tout. Cela pourrait être un axe de développement pertinent.
Donc, une mission somme toute bien ficelée, claire et qui peut servir l’institution. Je regrette tout de même qu’elle ne fasse pas preuve de plus d’audace. Certains diront que parler de justice sociale pour une école de commerce est audacieux… Surtout, dans un contexte où les écoles de commerce doivent se réinventer face à un modèle qui s’essouffle, on pourrait attendre davantage. Avec cette mission, on sait ce qu’emlyon fait aujourd’hui, mais cette mission va-t-elle l’aider à dessiner son avenir ? Tout est peut-être dans le tout dernier objectif, certes flou, mais potentiellement transformatif.
LA BONNE COM. Atorika, jeune entreprise à mission spécialisée dans l’univers du loisir éducatif, a récemment lancé une campagne de communication bien pensée autour de sa mission. Ils ont fait des posts LinkedIn destinés à expliquer chaque objectif en donnant des explications de ce qui se cache derrière les quelques mots dans les statuts. Et en plus, ils ont créé un hashtag pour vous faciliter la vie et les retrouver tous (ou presque) très facilement.
A L’ECHELLE MONDIALE. Vestiaire Collective vient d’être certifié B Corp. J’avais déjà évoqué le fait qu’ils étaient en cours de processus. C’est désormais chose faite. Les motivations : une reconnaissance de la démarche globale de l’entreprise, un gage d’engagement pour les consommateurs et un label reconnu à l’international, surtout aux Etats-Unis, où l’entreprise veut accélérer son développement.
C’EST POUR BIENTÔT. Apparemment, KPMG France ; Ansamble (filiale d’Elior) - même s’ils se définissent comme tel, ils doivent encore travailler leur raison d’être et les objectifs, donc je la mets dans la catégorie “c’est pour bientôt” ; les 20 filiales de Habitat en Région d’ici 2024 - Erilia, l’une d’entre elles a déjà franchi le pas.
Du côté des idées
L’ENQUÊTE QUI FAIT DU BIEN. A l’occasion du Forum de Giverny sur la RSE, les organisateurs ont demandé à l’Ifop de mener une enquête sur les Français et la RSE. On sent une volonté de nos concitoyens de lier profit et planète. 74% estiment que la rémunération variable des dirigeants de grandes entreprises privées (comme les primes ou les bonus) doit dépendre de l’atteinte d’objectifs en matière de protection de la nature et de la biodiversité.
Lorsqu’on les interroge sur les marchés publics, 63% considèrent que “la preuve de l'impact environnemental du projet” devrait être le principal critère d’attribution avant “la rentabilité financière de l’investissement public”. Pour 77% des Français, il faudrait que la formation au développement durable soit faite dès la maternelle (39%) ou l’école primaire (38%).
Quelle vague positive et encourageante ! Continuons nos efforts…
L’ENQUÊTE QUI FAIT MAL (Partie 1). Mais l’optimisme est de courte durée… Il faut toujours être vigilant à éviter l’effet de groupe et les biais de confirmation. A force de travailler dans, pour ou sur l’économie à impact, on en oublie que cela reste une niche et que c’est très, très loin d’être une conception partagée par même une grosse minorité de Français.
Dans leur baromètre de l’engagement des entreprises, L’ObSoCo et Trusteam Finance viennent nous le rappeler avec une une désopilante force. Sans surprise, les attentes sur les entreprises sont importantes. Pour résoudre les problèmes environnementaux, sociaux et sociétaux de notre époque, 44% des Français situent les grandes entreprises en première ou deuxième position des acteurs qui peuvent le plus jouer un rôle, derrière l’Etat et devant les consommateurs/citoyens.
Mais 14% seulement estiment qu’elles sont suffisamment impliquées dans la résolution de la crise écologique et 23% estiment qu’elles ne le sont pas du tout… Les entreprises peuvent et feront plus, mais dire que “de manière générale”, elles ne sont pas suffisamment impliquées du tout me paraît exagéré, d’autant que les Français ne se révèlent pas comme des écolo-extrémistes…
Ce n’est pas fini. Aucun secteur n’obtient la moyenne à la question de mesurer leur degré d'engagement en faveur de l’intérêt général (protection de l'environnement, impact social et sociétal...). Parmi les grandes entreprises, sortent en premiers (à 4,6/10) les entreprises du secteur du transport de personnes et la grande distribution alimentaire, juste devant les constructeurs automobiles (4,5)… Probablement une réponse par défaut davantage qu’une réponse de conviction…
Pour les PME, j’ai bien du mal à comprendre les résultats. Sortent en premier (à 4,6 également), les entreprises de transports de personnes, devant les constructeurs automobiles (4,5) - j’ai beau chercher je ne vois pas de PME parmi les constructeurs… - et les marques de cosmétiques (4,3). Ce dernier résultat est peut-être le plus réel, les marques de cosmétiques n’apparaissent même pas dans le top 7 des grandes entreprises, et on sait que le marché voit émerger beaucoup de nouvelles marques qui trustent le positionnement responsable.
Ce n’est toujours pas fini… 84% des Français n’identifient aucune (!) entreprise qui “s’[est] particulièrement engagée en faveur de l’intérêt général et dont l’action contribue à produire un impact positif sur la société et l’état du monde”. On peut certes nuancer le propos en disant que sur un panel, l’objectif des répondants est davantage de répondre, plutôt que de bien répondre (c’est le problème de l’incentive), donc admettons qu’une portion plus ou moins forte des répondants a été frappée de flemmingite aigue, mais cela ne touche pas la totalité de cette très large majorité de Français. Et celle qui ressort en premier (1%) est… Amazon. Et oui !
Allez, on est parti pour un harakiri collectif : 9% des Français savent vraiment ce qu’est la RSE*. J’avoue que je trouve ce chiffre désarçonnant. Que 6% seulement savent ce qu’est une entreprise à mission me surprend beaucoup moins. Mais 9% pour la RSE, je ne comprends pas. Gageons que les jeunes non actifs et les retraités de plus de 70 ans ignorent ce concept qui a véritablement pris son essor il n’y a que quelques années. Mais cela représente une minorité de la population. Et les autres ? Soit leurs entreprises ne font vraiment rien (c’est très possible), soit elles n’utilisent pas le terme de RSE (tout à fait crédible), soit les entreprises communiquent mal en interne (très vraisemblable), soit les collaborateurs ne s’y intéressent pas (également très vraisemblable). Qu’importe la raison, on comprend mieux pourquoi les Français ne croient pas dans les efforts des entreprises…
Suite du décryptage de cette enquête très riche la semaine prochaine…
* 17% affirment savoir ce que signifie RSE, mais 9% en donnent la bonne définition.
A ECOUTER. Je suis grand amateur de podcasts. J’en écoute vraiment beaucoup. Le trajet vélo-boulot aide aussi. Deux épisodes à noter :
L’entretien de Harmony Inside avec Jade Francine, la COO et co-fondatrice de WeMaintain. L’occasion également de les féliciter d’avoir atteint 10000 écoutes de leurs épisodes !
Ecolo au boulot s’associe à Océane Puech, de Greenscale, pour lancer une série de podcasts sur la RSE. Le premier épisode est consacré aux entreprises à mission. A découvrir !
NOUVELLES IDENTITES VISUELLES. Ca bouge ! Quasi en même temps, la Communauté des entreprises à mission, ainsi que Positive Workplace, le label RSE made in France, ont présenté leurs nouveaux looks.
La Communauté change tout : l’adresse du site, le look du site et le logo ! Vérifiez par vous-même ! En tant que membre de la Communauté, je dis chapeau ! Et en tant qu’observateur, je dis également chapeau ! C’est très encourageant pour la suite.
A VOS AGENDAS. Je ne vais vous parler de Produrable. C’est un peu tard maintenant… En revanche, si vous êtes à Paris entre les 24 et 26 septembre, allez faire un tour du côté du Conscious Festival. Le concept : parler de manière fun de la transition écologique ! Pari osé non ? Paul Micquelis, co-créatrice du festival, en parle sur Paulette Magazine.
Le Mouvement Français Qualité Management (MFQM) Pays de la Loire organise un événement le 14 octobre autour du thème : “Entreprise à mission : le modèle de demain ?”. Cette rencontre se tiendra dans leurs locaux à Orvault. Tous les détails ici.
Mon son de la semaine
J’ai récemment regardé L’Opéra, nouvelle série française sur OCS. Très bien faite ! Et j’ai découvert ce morceau “You’re High” de Agar Agar. Complètement hypnotique et enivrant !
C’est tout pour cette semaine. Merci de votre lecture !
Vos commentaires, likes et partages sont le meilleur moyen de faire connaître cette newsletter et toutes les initiatives engagées dont je parle. Mais, cela me fait également très plaisir !
Vous souhaitez échanger ou collaborer ?
Je suis effectivement un être de chair et d’esprit. Si vous souhaitez partager une actu, une analyse, faire du ping pong intellectuel sur vos réflexions, me conseiller une entreprise à interroger pour “L’entretien du mois”, réfléchir à des synergies, ou encore me conseiller de me pencher sur un sujet, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, par email ou via LinkedIn.
A mercredi prochain pour l’Entretien du mois,
Vivien.
RSE, Impact, raison d'être, entreprise à mission, ESG, ISR, BCorp ... pas facile pour le grand public de se retrouver dans toutes ces notions assez proches... Heureusement que la machine à sens est là pour nous aider à les décrypter ;-)
Un grand merci pour avoir mentionné notre podcast Harmony Inside qui a effectivement dépassé à notre grande joie les 10.000 écoutes