#170 La confiance, la clé sous-estimée pour une entreprise durable
Et aussi la gronde chez Bayard, C'est qui le patron!? en fondation, la féminisation des Comex, un guide pratique sur la biodiv et bien d'autres choses
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette dernière missive de l’année ! C’est la 29e de l’année, en comptant les décryptages. Vous êtes 2053 abonnés avec un taux d’ouverture des missives qui se maintient autour de 40%. Je ferai une enquête de lectorat début 2025 pour sonder vos attentes, vos insatisfactions, vos plaisirs et vos idées. Mais, nous n’en sommes pas encore là !
Passons au sommaire :
💭 L’édito : La confiance, la clé sous-estimée d’une entreprise durable
💡 C’est qui le patron?! change de patron
👊 Ca chauffe fort pour le nouveau président de Bayard
🧠 Un peu de jus de crâne avec la charge mentale chez les salariées, un procès historique pour le climat à la CJI et une vulgarisation de la CSRD
🙆♀️ La féminisation des Comex, on en est où ?
🌱 Un guide pratique pour lancer des initiatives sur la biodiversité en entreprise
😱 La consommation énergétique des réseaux sociaux : ça fait peur !
🎧 Mon son de la semaine : Jamie XX - Life
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
J’ai un attachement personnel fort à la musique de Jamie XX. J’ai déjà partagé plusieurs fois des morceaux de lui (les plus “anciens” se souviendront de The XX dont il faisait partie) et je suis sa carrière solo, beaucoup plus sur l’electro, avec beaucoup d’intérêt. Il a sorti un nouvel album il y a quelques semaines avec de nombreuses pépites, dont “Life” (ft. Robyn). Pour finir l’année, c’est génial, dansant, plein de pèche ! A écouter sans relâche !
Pour terminer 2024, je souhaite vous parler de la notion de confiance pour les entreprises. C’est un thème que j’ai beaucoup entendu dans mes accompagnements de société à mission cette année.
Pour plusieurs des entreprises dans lesquelles j’intervenais, la notion de confiance revenait souvent, à la fois en interne, via les salariés interrogés, et en externe, au travers de témoignages clients et fournisseurs. Une fois que je leur présentais ma synthèse et que je leur présentais la confiance comme un thème clé possible de leur mission, presque tous me rétorquaient : “dans notre secteur, c’est une obligation, donc on ne va pas le mettre dans la mission”. Certes !
Même si je partage leur avis, nous n’y sommes pas du tout en règle générale. Dans la société, les entreprises restent le dernier bastion de confiance de la part des citoyens, davantage les PME que les grands groupes. Mais, nous sommes loin du plébiscite. Analysons donc que le thème de confiance pour une entreprise.
Cette confiance doit s’étendre :
Vis-à-vis des collaborateurs : la qualité de vie au travail, la bonne gestion des obligations employeurs (salaires, mutuelles, divers avantages), la santé et le bien-être physique et mental etc.
Vis-à-vis des clients : la qualité des produits et services, la livraison en temps et en heures, la disponibilité des équipes pour répondre aux questions et accompagner les clients, l’accès aux compétences etc.
Vis-à-vis des fournisseurs : le règlement des factures en temps et en heures, le traitement juste des interlocuteurs, la visibilité et la transparence données aux fournisseurs sur les délais, les contrats et les attentes etc.
Vis-à-vis de l’écosystème proche : le respect des enjeux environnementaux et sociaux locaux liés à l’activité de l’entreprise, aux déplacements des employés (bruit, odeurs etc.), l’engagement vis-à-vis du territoire local, la bonne interaction avec les pouvoirs publics locaux etc.
Vis-à-vis des actionnaires : la transparence des informations et la mise en disposition des documents, le respect des engagements financiers pris vis-à-vis d’eux etc.
On peut évidemment élargir, mais si chaque entreprise cherchait à trouver un juste équilibre sur tous ces aspects, ce serait déjà un pas énorme ! En fait, cela reflète déjà l’importante marge de progression qui existe aujourd’hui. A vouloir “simplifier” l’économie et “libérer” les entreprises d’un maximum de contraintes pour être plus compétitives, augmenter la productivité, on entretient le mythe selon lequel elles peuvent agir en faisant fi de la société. Dit autrement, beaucoup de réglementations qui existent sont très certainement trop complexes et tarabiscotées, mais elles ne seraient pas nécessaires si toutes les entreprises étaient des actrices de confiance sur les différents piliers évoqués.
L’équilibre ne se fait plus. Plus on cherche à libérer les entreprises, plus on les déresponsabilise de leurs engagements de confiance vis-à-vis de leurs parties prenantes. Et rares sont les occasions où les entreprises décident sciemment de s’imposer des contraintes pour éviter des comportements déviants à l’encontre de l’une de leurs parties prenantes.
C’est une pensée de court terme qui revient en boomerang : quand on a du mal à recruter ou à créer de l’engagement auprès de ses salariés, parce que la réputation de l’entreprise est écornée du fait de mauvaises conditions de travail ou de rémunérations insuffisantes, la performance économique est affectée. Si on pressurise ses fournisseurs sans vergogne, on augmente les risques de qualité, qui in fine cisaille la réputation de l’entreprise auprès des clients et sa performance économique. Et cætera, Et cætera…
Evidemment, rien n’est simple. En fonction du poids que l’on affecte à telle ou telle partie prenante, on va privilégier la confiance de l’une au détriment d’une autre. Typiquement, celle qui bénéficie le plus fréquemment d’un arbitrage favorable dans beaucoup d’entreprises est l’actionnariat, surtout quand il n’est pas impliqué opérationnellement. Celle qui trinque le plus, ce sont généralement les fournisseurs, dont on se dit qu’ils sont interchangeables et dépendants.
On constate que tout est interdépendant et que cette notion de confiance n’est absolument pas anodine. Elle devrait davantage être au cœur des sociétés pour guider l’embarquement de l’écosystème dans la mission et la culture d’entreprise, dans la prise de décision stratégique et dans les interactions et les process du quotidien.
Elle peut faire et défaire des entreprises. Travailler cet équilibre est essentiel.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de matrices, de matérialité et de double matérialité notamment. Peut-être faudrait-il créer une matrice de confiance. En cherchant un peu, il n’y a pas de modèle répandu. On peut s’inspirer des travaux de Stephen Coley dans La Puissance de la confiance ou de Richard Barrett (vous pouvez retrouver un exercice intéressant à faire en entreprise sur les enjeux de confiance).
Penser la confiance par les partis prenantes offrirait des pistes d’action essentielles pour les entreprises et permettrait de conscientiser certains choix, d’en remettre d’autres en question et d’investiguer d’autres champs d’action.
C’est également un moyen d’élargir la discussion concernant les responsabilités d’entreprise. C’est complètement imbriqué à la pérennité et au développement des organisations dans un contexte mouvant.
Si vous connaissez des exercices, des méthodologies, de bonnes lectures ou autres concernant cette question de confiance en entreprise, n’hésitez pas à les partager.
💡 C’est Qui Le Patron se choisit un nouveau boss
Nicolas Chabanne, fondateur de C’est Qui Le Patron ?!, a annoncé renoncer à toutes ses parts dans l’entreprise pour qu’elles soient désormais détenues par un fondation d’intérêt général.
Cette fondation investira dans des projets sociaux et environnementaux. Nicolas Chabanne justifie son choix en expliquant que cela permettra notamment de sécuriser sur le temps long les engagements de l’entreprise vis-à-vis des producteurs et des consommateurs.
Parallèlement, il lance un nouveau mouvement Les entreprises du partage avec lequel il souhaite promouvoir un modèle plus partageur de la valeur que ce qui existe aujourd’hui.
Mon avis : On commence à voir émerger quelques exemples d’entreprises connues qui se lancent dans cette démarche (Patagonia ou Léa Nature par exemple). Systématiquement, ce sont des sociétés avec des fondamentaux atypiques et des convictions extrêmement fortes. Il est difficile d’envisager un développement massif de ce modèle surtout dans le moule financier qui régit nos économies, mais il a de quoi séduire des entrepreneurs un peu marginaux par rapport à leurs pairs et prêts à creuser encore davantage le sillon de leurs engagements.
👊 Depuis l’arrivée d’un nouveau président, ça chauffe chez Bayard
François Morinière a été confirmé à son poste fin octobre en tant que président du directoire. Il ne s’attendait pas à un début aussi mouvementé. Suite à deux décisions très contestées, il a dû faire face à de très importants mouvements de grève et de contestation en interne l’amenant à les révoquer toutes deux…
En l’espace de quelques semaines, le groupe Bayard rejoignait le controversé consortium pour racheter l’ESJ Paris (aux côtés notamment de Vincent Bolloré, Rodolphe Saadé, Bernard Arnault et la famille Dassault) et annonçait l’arrivée d’un nouveau directeur de la stratégie et du développement proche des milieux d’extrême droite.
Cela a semé le trouble dans les équipes du groupe, tant sur le fond (en contradiction avec les valeurs du groupe) que sur la forme (décisions prises sans concertation), comme le relate un article détaillé sur Actualitté.com. Au bout du compte, face aux pressions, la direction a rebroussé chemin sur les deux décisions.
Mon analyse : cette situation est peut-être une caricature de l’arrivée ratée d’un nouveau dirigeant d’entreprise, mais elle pose des questions essentielles pour les entreprises, notamment celles qui ont des engagements statutaires comme la société à mission ou celles qui sont reconnues pour leurs engagements, soit au travers de labels et certifications, soit par des initiatives fortes. Ce type d’entreprise est minoritaire et donc le nombre de cadres dirigeants ou de dirigeants d’entreprises ayant côtoyé ce type de société est limité.
Se fondre et respecter la culture, les valeurs et les engagements d’une entreprise tout en voulant marquer les esprits, montrer sa patte, insuffler sa dynamique est un exercice d’équilibriste. Plus les engagements sont ancrés dans l’ADN de l’entreprise et des collaborateurs, plus un nouveau dirigeant se doit de les respecter et de les valoriser.
Je ne suis malheureusement pas certain que cette dimension soit toujours un élément clé pour des conseils dans la sélection d’un nouveau président ou directeur général. C’est pourtant ce qui fera l’adhésion ou non à la direction que veut donner cette nouvelle personne en poste.
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne !
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🧠 Un peu de jus de crâne
Même si les femmes s’estiment globalement satisfaites de leurs vies professionnelle et personnelle, elles estiment encore largement porter la charge mentale au sein du couple selon une enquête de l’Ifop pour News RSE.
La Direction générale des entreprises a sorti un guide pratique didactique sur la CSRD. Il reprend de manière très simple les fondamentaux sur le sujet. Un bon moyen de s’intéresser au sujet pour faire ses premiers pas.
On en parle bien peu, mais un procès important se tient à la Cour de Justice Internationale où plus d’une centaine de pays ont témoigné sur la question de la responsabilité et les conséquences des actions des pays en matière climatique. Les répercussions pourraient être énormes en jurisprudence !
🙆♀️ Etat des lieux de la féminisation des Comex
Selon une étude de Sista et BCG, la féminisation des Comex des entreprises du CAC40 et du SBF120 progressent, mais en trompe l’œil.
Pour rappel, la loi Rixain prévoit que ces entreprises disposent de 40% dans les instances dirigeantes d’ici 2030, avec un premier palier de 30% d’ici 2026. L’étude montre que les comités de direction du CAC40 sont en moyenne composés à 28% de femmes. Nous sommes à 26,7% dans le SBF120. Par rapport à l’objectif de 2026, déjà 50% du CAC40 a franchi la barre des 30% et 47% dans le SBF120. Bref, de quoi se réjouir normalement !
Sauf que…
Il s’avère que cette féminisation des Comex s’est beaucoup faite par une petite opération qui a consisté à l’élargir le nombre de membres pour 50% des cas dans le CAC40.
Autre élément intéressant : les postes Comex occupés par des femmes sont rarement des tremplins vers la direction générale. Alors que 53% des DG étaient anciennement des directeurs de division ou de région, ces postes sont occupés seulement par 16% de femmes aujourd’hui. Inversement, si 5% des DG actuels étaient précédemment secrétaire général, ce poste est occupé aujourd’hui par 55% de femmes dans les entreprises du CAC40 et du SBF120. Sans surprise, aucun DG n’était directeur RSE avant, poste occupé à 78% par une femme.
🌱 Un kit biodiversité pour faire ses premiers pas
Bpifrance, en partenariat avec le cabinet de conseil Hyssop, vient de sortir un guide pratique pour aider les entreprises à mener des premières actions en faveur de la biodiversité. Très didactique, il reprend les fondamentaux sur les liens entre les humains et le vivant et entre l’entreprise et la biodiversité.
Il propose quelques pistes d’action autour de plusieurs thématiques, telles que l’usage des terres et des mers, les pollutions ou encore la gouvernance. Quelques exemples d’entreprises sont également cités, comme Ragni dans l’éclairage public, Datacampus dans l’hébergement cloud ou encore Pochéco dans l’industrie. Un autre exemple avec le transporteur Dimotrans, qui vient de communiquer sur ses initiatives en la matière.
Je salue aussi la forme très soignée et originale qui permet une navigation non-linéaire fluide.
😱 Les réseaux sociaux en quelques chiffres qui devraient faire réagir
Greenly, une entreprise qui accompagne notamment sur les bilans carbone, vient de sortir une étude assez effarante sur la consommation énergétique des réseaux sociaux. Elle a été beaucoup relayée dans la presse internationale, mais je vous encourage à prendre 15-20 minutes pour balayer l’étude plus en détail.
Greenly s’est focalisé sur trois pays : les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Ce sont trois gros consommateurs de réseaux sociaux qui ont des mix énergétiques assez différents (la France étant peu carbonée au contraire des US avec les Britanniques au milieu).
En regardant la consommation par les data centers combinée à celle des utilisateurs, pas de quoi se réjouir. Beaucoup de ces plateformes mènent certes des projets colossaux pour réduire leur empreinte carbone, notamment Meta, qui investit énormément dans les énergies renouvelables, qu’elles doublent d’initiatives de compensation. Cela permet à certaines de s’en sortir mieux que d’autres. TikTok est à la ramasse, tandis que Meta et YouTube s’en sortent presque pas trop mal avec une base d’utilisateurs beaucoup plus large.
Rien que la consommation énergétique de Facebook en France, cela représente environ celle de 800 000 Français. Pris globalement, certaines plateformes consomment autant que des pays, comme TikTok qui consomme un peu plus que la Grèce…
Comme le précise Greenly, beaucoup revient aux entreprises, mais également aux utilisateurs qui devraient interroger leurs comportements sur les réseaux, le type d’interactions qu’ils ont, les contenus partagés. Ce sont peut-être des émissions intangibles, mais elles ont pourtant un effet bien réel.
C’est terminé pour aujourd’hui. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
Vous voulez que l’on travaille ensemble ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours via mon site.
Je vous souhaite de belles fêtes et on se retrouve début 2025,
Vivien.
Bravo
Limpide comme la confiance 👍
Pour avoir beaucoup été confronté à ce sujet de confiance dans tout mon parcours pro , en interne avec ses clients avec les fournisseurs j’ai trouvé un point commun c’est d’établir un dialogue équilibré et responsable permanent entre toutes les parties prenantes pour maintenir la confiance dans la durée
Cela demande aussi du courage
super édition !!
j'aime particulièrement:
- la notion de confiance à 360°
- Plus les engagements sont ancrés dans l’ADN de l’entreprise et des collaborateurs, plus un nouveau dirigeant se doit de les respecter et de les valoriser.