#150 Est-on encore capable de penser un autre système ?
Pas sûr... ; mais aussi une bonne nouvelle pour les entreprises responsables européennes ; le crowdfunding, ça marche ; les jeunes et la RSE ; les Français et les modèles alternatifs etc.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans la 150e missive de votre newsletter dédiée aux responsabilités d’entreprise. Une forme d’irrationalité s’est emparée de notre environnement politico-médiatique et ce n’est pas simple de ne pas s’y perdre dedans. Mais, on va tout de même essayer…
Passons au sommaire en formes de brèves pour les plus pressés :
💭 Est-on capable de penser autrement ? J’ai des doutes
🫶 Une alliance européenne de réseaux d’entreprises responsables voit le jour pour faire des propositions en vue des élections européennes
👍 La néobanque helios a bouclé une levée de fonds sur la base du crowdfunding, preuve que la communauté, ça marche encore !
🔎 Les Français connaissent encore trop peu les modèles alternatifs d’entreprises, comme l’ESS ou les entreprises à mission
🧑🎓 En matière de RSE, les jeunes diplômés sont beaucoup plus sensible au social qu’à l’environnement quand ils sondent les engagements d’une entreprise
🎥 Greenpeace parodie les mauvais films catastrophe pour sa dernière campagne
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec un financement pour des projets de transition alimentaire, le remplaçant du DEI—bienvenue au CEC—, la culture d’entreprise et l’écoptimisme.
🎧 Mon son de la semaine : Headache - Miss Understood
Bonne lecture ! A picorer ou à dévorer !
Il y a très peu d’infos sur Headache, artiste britannique, poète musical qui distille des réflexions, des rêves, des moments de vie drapés dans des mélodies lancinantes. C’est mélancolique, parfois désabusé. “Miss Understood”, son dernier single, est une plongée dans un rêve sans interprétation sinon la désorientation. A écouter par temps maussades.
Tout ce qui se passe en ce moment m’a rappelé un acronyme popularisé à l’époque où Margaret Thatcher était Première ministre : TINA (There Is No Alternative).
Dans son discours de politique générale, Gabriel Attal a déclaré : “Certains voudraient une écologie de la brutalité. Pour eux, l’écologie doit être punitive, douloureuse, passer par la désignation de bouc-émissaires et par la décroissance. La décroissance, c’est la fin de notre modèle social. C’est la pauvreté de masse. (…) L’écologie populaire, c’est une écologie de la croissance et de l’emploi”.
On ne compte plus non plus les prises de position de ceux qui considèrent que la colère des agriculteurs est un témoignage fracassant contre les réglementations environnementales, contre “Le Pacte vert européen” etc. Ces impositions de bureaucrates empêcheraient le système de fonctionner correctement.
Ce qui me frappe, c’est que les discours des partisans de la continuité manquent cruellement de créativité. Ils s’inscrivent dans une histoire linéaire, monolithique, où le système actuel est une donnée fondamentale et imperturbable.
Cela donne l’impression que notre système social, économique, éducatif, de santé, était à son optimum de Pareto. Vouloir y toucher serait une hérésie, parce que tout s’écroulerait.
Mais, tout système s’appuie sur des fondations et des structures. C’est comme un bâtiment, si vous touchez à un mur porteur, l’édifice deviendra rapidement très fragile.
Donc, ces personnes considèrent que tous ceux qui veulent changer quelque chose sont des destructeurs. Ainsi privilégie-t-on de refaire la peinture dans quelques pièces, de changer le carrelage ici ou là, de modifier le mobilier ou simplement son agencement dans l’espace. D’où la perception de “mesurettes”.
Pourtant, en matière de bâtiment, il existe la réhabilitation. Cela consiste à partir d’un bâtiment existant et de profondément revoir sa structure interne. On ne casse pas forcément tout et parfois il faut y aller progressivement pour consolider certaines parties, mais au bout du compte, l’intérieur sera bien différent de ce qu’il était avant.
Cet effort demande de la créativité, de la projection et de l’audace. Oui, pour des dirigeants (politiques ou économiques — le même raisonnement prévaut en entreprise), cela requiert une vision, du courage, de la persévérance et une approche collective. On ne bouscule pas des totems sans créer des oppositions, mais cela n’a pas besoin d’être fait brutalement. C’est violent quand ce n’est pas préparé ; c’est violent quand ce n’est pas assumé sur le long terme.
Est-on arrivé à un tel point de divisions que l’on ne peut plus s’accorder au niveau politique et de notre société sur quelques principes communs fondamentaux pour l’avenir serein notre vie, individuellement et en collectivité ?
J’ai parfois des doutes, vu l’incapacité à se projeter, à penser différemment, à sortir d’une logique où l’on cherche à préserver coûte que coûte un système, qui, bien que troué de partout, reste le moins pire que l’on connaisse. Ce mécanisme de pensée est délétère en démocratie. Il fonctionne quand tout va bien, mais produit des effets très indésirables en période troublée. Et qui peut encore dire aujourd’hui que tout va bien ?
🫶 Une alliance européenne des organisations d’entreprises responsables
Aujourd’hui marque le lancement de Business for a Better Tomorrow, une alliance européenne portée par des organisations d’entreprises responsables. On y retrouve le Mouvement Impact France ou la Communauté des entreprises à mission en Hexagone, ainsi que d’autres homologues nationaux comme AssoBenefit (Italie), Kaya (Belgique), Sannas (Espagne), ou encore LISVA (Lituanie) pour sortir des pays d’Europe de l’Ouest.
Cette alliance, qui n’hésite pas à parler de lobbying, fera un certain nombre de propositions qu’elle portera auprès des candidats aux européennes. Elle réfléchira ensuite à la pérennisation de l’initiative, éventuellement pour être une voix alternative à BusinessEurope, sorte de Medef européen pour faire vite.
Une des initiatives est de pousser à la création d’un statut européen d’entreprise à mission. L’idée est en construction depuis quelques années ; l’idée est de la pousser davantage. La Communauté des entreprises à mission et AssoBenefit ont co-rédigé un manifeste pour décrire leur volonté.
Mon avis : c’est une démarche très saine. A Bruxelles, tout prend du temps, mais surtout, ceux qui l’emportent sont ceux qui arrivent à combiner une présence permanente auprès des institutions et des relais dans les Etats-membres. Evidemment, il faut espérer que ce lobby se pérennisera ; seul gage de son succès.
👍 Les levées de fonds communautaires ne sont pas mortes !
La néobanque helios, avec un positionnement éco-responsable très marqué, a annoncé avoir levé 2,5 millions d’euros auprès de 1200 souscripteurs, dont beaucoup sont parmi leurs clients. Sacré coup de la part de cette jeune entreprise à mission créée en 2019 que j’avais eu le plaisir d’accueillir lors d’une table ronde organisée à l’automne dernier.
Mon avis : C’est d’autant plus courageux comme démarche que le crowdfunding n’est pas au plus fort et que le secteur des néobanques est en plein flou en ce moment. La différence est que helios peut s’appuyer sur une communauté de clients forte et engagée. Ils ont vraiment réussi à créer le sentiment chez leurs clients que prendre helios était un choix engagé. Ce n’est pas une direction accessible à toutes les entreprises. Il faut par ailleurs accepter que cela prend du temps et pouvoir démontrer une congruence parfaite entre les intentions et les actions !
Vous avez peut-être remarqué quelques nouveautés (les brèves dans le sommaire, mon avis dans les actus), ce sont les tous premiers changements liés à l’enquête de lectorat. Je la laisse encore ouverte une semaine. C’est vraiment précieux d’avoir vos retours. 4 minutes de votre temps, c’est tout ce que cela vous prendra !
🔎 Les modèles d’entreprises “alternatifs” restent peu connus
Un sondage d’OpinionWay pour Convergence montre qu’il y a un déficit de notoriété des modèles alternatifs d’entreprises.
L’ESS est le terme le plus connu parmi ceux proposés, mais seuls deux tiers des Français en ont déjà entendu parler. C’est trop peu. Pour le reste, on ne dépasse pas les 40%, voire les 20%.
Cela signifie qu’il faut sortir de nos communautés, de nos groupes de pairs pour aller prêcher la bonne parole ailleurs, démontrer que l’on peut conduire une entreprise différemment, montrer à des salariés et à des dirigeants des exemples qui interpellent et qui donnent envie d’aller dans cette voie.
Les convaincus se sont déjà faits une religion. Aujourd’hui, je sens que le mouvement global patine sous l’effet des pressions diverses, mais aussi du fait que les efforts de persuasion sont plus complexes et prennent du temps. Nous devons davantage affuter nos arguments, s’unir plus et éviter les guerres de chapelle qui brouillent la lisibilité d’ensemble, car, au fond, nous voulons tous aller dans le même sens !
Je vous conseille la lecture du baromètre de l’entreprenariat social dont ce sondage est extrait. C’est très riche !
🧑🎓 Eh les jeunes, ça vous intéresse ce qu’on fait en matière de RSE ?
A l’occasion de son 3e Index RSE, Universum décrypte la perception des jeunes diplômés concernant la RSE des entreprises. Tous des bifurcateurs en puissance, anti-système, écolo-bobo ? Eh bien pas du tout.
Dans la recherche d’emploi, les engagements qu’ils considèrent importants sont d’abord sociaux (56%), ensuite économiques (45%) et bien derrière les engagements environnementaux (28%, -10 points en un an). Petite précision : les aspects économiques ne couvrent pas les salaires, mais plutôt le soutien à l’économie locale, l’intéressement et la participation, ou encore des pratiques éthiques.
Ce sont les sujets de bien-être au travail, respect des personnes et égalité femmes-hommes qui prennent les premières positions des sujets d’intérêts pour les jeunes diplômés.
J’avoue avoir du mal à expliquer la chute de l’intérêt pour les engagements environnementaux, à moins que ce ne soit une victime collatérale de l’inflation.
Autre aspect intéressant de cette enquête : communiquer sur ses actions RSE est bien perçu. De manière assez curieuse, la communication directe (sur le site Internet ou sur les réseaux sociaux) est plus sollicitée que de revendiquer des labels ou des certifications (petit poke à Arnaud).
Mais, cela se comprend, car le niveau de crédibilité des informations publiées par les entreprises sur leurs politiques RSE augmente : 41% des sondés estiment que ces communications traduisent un réel engagement, en constante augmentation. Cet effet marchera visiblement plus auprès des hommes (48%) que des femmes (34%).
Dernier point : le pourcentage de jeunes diplômés qui choisirait un poste bien payé dans une entreprise peu engagée continue de diminuer. Autrement dit, la RSE s’affirme toujours plus comme un enjeu de marque employeur.
🎥 Greenpeace lance une nouvelle campagne pour alerter sur les fléaux environnementaux
L’ONG a récemment sorti sa nouvelle campagne de sensibilisation aux dangers des énergies fossiles, du plastique et de la déforestation : une série de trois pubs inspirées de films catastrophes bidons. C’est volontairement absurde, mais c’est un moyen d’interpeller et de faire passer quelques messages.
Voici l’un des trois clips :
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🧠 Un peu plus de jus de crâne
Si vous avez un projet lié à la transition alimentaire, que vous êtes une entreprise d’utilité sociale (ESS, ESUS, société à mission), une coopérative, une asso ou une entreprise publique locale et que vous recherchez un financement, intéressez-vous à cet appel à manifestation d’intérêt de la Caisse des dépôts.
On a beaucoup parlé de la décision d’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, de céder l’entreprise à une structure ad hoc et d’utiliser les profits de l’entreprise pour financer des projets à visée sociale et environnementale. Le New York Times a cherché à savoir ce qu’il en était. Intéressant !
Plutôt que de parler diversité, inclusion et équité, Paul Sarvadi plaide pour un autre triptyque : commonality, equality and cohesiveness (pas simple de traduire certains de ces concepts malheureusement).
Hélène, Patrick et Vincent de B Harmonist se sont réunis pour faire deux épisodes très utiles pour répondre à beaucoup de questions autour de la culture d’entreprise. A écouter ici ou n’importe quelle plateforme d’écoute !
Finissons avec un peu d’humour : Rosa Bursztein nous parle d’écoptimisme et des “boubours”. Assez fin !
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A jeudi prochain,
Vivien.
un grand MERCI Julien d'avoir mentionné notre podcast Harmony Inside
Merci Vivien, très intéressant.