#138 Bien penser les différentes ressources d'une entreprise
Entre ressources financières, humaines, matérielles et immatérielles; événement aujourd'hui; bulletins de paie à disposition; comité de mission; et urgence climatique
Chères lectrices, chers lecteurs,
C’est sympa, le temps en ce moment ? Il fait beau. On peut encore mettre des shorts, des robes, des t-shirts, des sandales etc. Bienvenue dans le monde à deux saisons : l’été et le printomne1. Pas si sympa en fait… Mais, allez, ce sera un monde à deux saisons “à la française”. Ca passe mieux présenté de cette manière.
Je vous propose une missive un peu express aujourd’hui, parce que dans quelques heures, j’anime une table ronde sur la société à mission avec quatre intervenants d’excellente qualité qui vont partager leur retour d’expérience. C’est d’autant plus intéressant que tous ont près de deux ans de recul, voire plus.
On parlera des entreprises nativement à mission avec Grégoire Thomé de la néobanque Helios, de mettre la mission au cœur d’une reprise d’entreprise avec Thierry Yalamas, de l’entreprise en ingénierie Phimeca, de transformation des pratiques et de la posture avec Marion Andro de l’agence de communication B-Side et d’une démarche visant à structurer de nombreuses initiatives, à mieux les communiquer et à en lancer d’autres avec Pascal Cantenot des boulangeries La Panière.
Mais, on parlera de bien d’autres sujets pendant cette table ronde qui commence à 16h45. Si vous souhaitez y participer à distance c’est possible en vous inscrivant gratuitement via ce lien. Ne faites pas attention à la mention “Complet”. Il faut juste vous connecter sur le site au début de la séance pour accéder au live streaming.
Avant cela, passons au sommaire :
💭 L’édito : qu’est-ce qu’une ressource ?
💰 Comment ça se fait que tu gagnes plus que moi ?
📗 Nouveau rôle pour le comité de mission de la Banque postale
🌡️ Le Haut Conseil pour le Climat tire de nouveau sur la sonnette d’alarme
📖 Recension de la BD Urgence climatique. Il est encore temps!
🎧 Mon son de la semaine : Tinlicker - Because You Move Me
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Et à dimanche sur les 20km de Paris pour celles et ceux qui y seront !
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne ! Venez rejoindre les 1630 abonnés en vous inscrivant ! Vous recevrez tous les décryptages, les podcasts et les missives hebdomadaires, ainsi qu’une invitation à un événement d’onboarding sur la société à mission pour les nouveaux membres.
Depuis plusieurs semaines, j’écoute toujours avec la même délectation “Because You Move Me” de Tinlicker, morceau house à la voix lancinante. Il y a quelque chose d’assez envoûtant dans ces 3 minutes. Difficile à expliquer !
Qu’est-ce qu’une ressource ? Dans un épisode du podcast Dans la tête d’un CEO, Yacine Sqalli reçoit Henri de Lorgeril, co-fondateur d’Avizio, solution RH. Pendant l’échange, il dit :
“Du point de vue de l’entreprise, un siège vide, c’est de l’argent perdu. L’humain est un asset… ressources humaines. C’est une ressource de l’entreprise. Il se trouve que celle-là est humaine et pas matérielle, mais tu as les ressource matérielles, les ressources financières et les ressources humaines. C’est de là que ça vient sémantiquement en français.”
C’est juste techniquement, mais assez caricatural à mes yeux.
Revenons à la sémantique justement : qu’est-ce qu’une ressource ?
Le terme vient du latin resurgere, qui signifie se lever, surgir. Selon Le Littré, “la ressource est proprement une seconde ou dernière source, une chose qui relève, un moyen qui fait sortir d'embarras”.
Ainsi, la ressource vient sortir quelqu’un ou quelque chose de l’embarras ; elle l’aide à surmonter des difficultés.
Si l’on regarde les trois ressources citées plus haut—matérielles, financières et humaines—on peut effectivement voir qu’elles permettent à l’entreprise de surmonter des difficultés. Sans elles, pas d’entreprise.
Mais, en y réfléchissant, dans notre conception classique, ce triptyque est dominé par les ressources financières. Sans elles, on ne peut pas se procurer de ressources matérielles, ni recruter des ressources humaines. En plus, on voit les ressources matérielles et humaines comme des leviers pour augmenter les ressources financières.
Par ailleurs, on a toujours perçu la fragilité de l’accès aux ressources financières, beaucoup moins aux ressources matérielles ou humaines.
Comme souvent donc, dans notre système économique, c’est le primat du financier ; il doit être valorisé au-dessus de tous les autres.
Il s’avère qu’aujourd’hui, on commence à voir les limites de cette vision :
les ressources matérielles sont limitées : aucune matière n’est infinie surtout quand on dérègle l’environnement dans lequel elles évoluent. De fait, certaines matières premières se raréfient ou leurs conditions d’exploitation sont plus complexes, et directement ou indirectement, on est touché par ce phénomène qui rend les ressources matérielles moins facilement accessibles (prix, disponibilité, qualité etc.).
les ressources humaines ne sont pas des ressources comme les autres : elles ont le malheur de penser, d’avoir un avis, des attentes, des velléités, et donc elles peuvent rechigner à choisir ou rester dans certains métiers ou secteurs en raison des conditions de travail, des salaires ou des évolutions de carrière possibles.
En cela, la primauté des ressources financières sur les deux autres devient plus bancale. Les paradigmes changent. Comment une entreprise peut-elle exister si ses ressources matérielles s’amenuisent ou si tout le monde recherche les mêmes au même moment créant de forts délais d’approvisionnement ? Comment peut-elle exister si personne ne souhaite la rejoindre ou y rester ?
Un siège vide est donc de l’argent perdu pour l’entreprise, mais avant de se dire qu’il faut le remplir au plus vite et que cet emploi permet de renforcer les ressources financières, peut-être serait-il bien de se dire que si ce siège est vide trop souvent, c’est qu’il y a un problème dans la priorisation des ressources.
Ainsi, il me semble opportun de s’interroger sur la bonne répartition des efforts entre ces trois ressources, auxquelles il faudrait d’ailleurs rajouter les ressources immatérielles—autre clé de voute des organisations, afin de songer au bon développement et à la pérennisation de l’entreprise.
💰 Ah la transparence a parfois du bon !
L’inégalité salariale entre les femmes et les hommes est un sujet, dont, malheureusement, nous allons continuer à entendre parler pendant de longues années… Mais, espérons que cette décision fasse avancer les choses dans le bon sens.
Un article de Novethic s’intéresse au sujet en rappelant une décision de la Cour de cassation en mars dernier qui indique qu’une salariée (c’est aussi valable pour les hommes, mais les cas seront plus rares) peut demander les bulletins de salaires de ses collègues masculins à poste équivalent si elle estime qu’il y a discrimination salariale. Selon la décision, dans le cas jugé, “la communication de ces bulletins de paie était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail”.
Evidemment, ce n’est pas la panacée et se lancer dans ces démarches n’est pas sans risque pour la salariée. Disons que c’est une solution de dernier recours.
Notons toutefois que sur le sujet de l’égalité salariale femmes-hommes, une directive européenne vient rajouter une couche. En effet, les entreprises de plus de 50 salariés devront publier des informations portant sur la rémunération des hommes et des femmes, à poste égal. Dans le cas où il y aurait des écarts supérieurs à 5% qui ne peuvent pas s’expliquer légitimement, des sanctions pourront s’appliquer.
D’aucuns diront : encore de la paperasse ! Oui, c’est vrai, mais si on en arrive à cela, c’est qu’il y a une raison…
📗 Mission originale pour le comité de mission
Le comité de mission est une des pierres angulaires de la société à mission. Son rôle est de superviser le bon déploiement de la mission dans l’entreprise. Il vient la challenger dans le choix des indicateurs et des actions menées. Souvent, il sert aussi d’advisory board pour réfléchir de manière plus prospective à des évolutions dans l’offre, dans le positionnement de l’entreprise, voire dans l’organisation en lien avec la mission.
La Banque Postale lui a trouvé une autre fonction : la supervision de travaux de recherches. En mai dernier, elle a lancé un appel à contributions pour réaliser une étude sur les actifs échoués du secteur de l'immobilier en Europe. L’équipe vient d’être annoncée. C’est certain que d’avoir Natacha Valla, dean de l’école de management et d’innovation de Sciences Po Paris, doit guider un peu les efforts, mais je crois en tout cas que c’est la première fois qu’un comité de mission se voit assigner ce rôle.
Cela concourt à lui donner un rôle plus prospectif et il est toujours intéressant de voir comment les entreprises en font évoluer le fonctionnement.
🌡️ Pas de quoi se réjouir
Le Haut Conseil pour le Climat vient de rendre son rapport annuel. Je vous conseille de lire la synthèse. Si vous avez aimé l’été 2022, ce sera notre été normal en 2050 avec une hausse globale des températures de 2°C. Petit hic précise le rapport, nous sommes une trajectoire mondiale à +3,2°C…
Je ne sais même pas quelle donnée est la plus parlante pour illustrer les conséquences de ce réchauffement : en fait, aucun aspect de notre quotidien, ni de notre environnement n’est épargné, que vous soyez à la campagne ou en ville, que vous travailliez dans les services, l’industrie, l’agriculture etc.
Des efforts sont notables, remarque le HCC, mais la dynamique est trop lente. Par ailleurs, dans beaucoup de secteurs d’activité, les baisses d’émissions ne sont pas vraiment le résultat d’initiatives structurées et volontaires. Dans l’agriculture, la petite baisse (-2,2% par rapport à 2021) est surtout le résultat des difficultés socio-économiques du secteur. Idem pour l’industrie avec une baisse de 6,4% en 2022, que le rapport attribue surtout aux mesures de sobriété prises en réponse à l’augmentation des prix de l’énergie.
Je terminerais par un chiffre : -21% de carbone stocké par les forêts en un an en raison de la sécheresse, des incendies, des ravageurs et d’une plus faible croissance des arbres. Cette situation-ci est structurelle vu les conditions climatiques prévues pour les prochaines années…
📖 Recension de Urgence climatique. Il est encore temps ! d’Etienne Lécroart et Ivar Ekeland, Casterman, 2023.
Cette collaboration entre un dessinateur et un économiste sur les enjeux climatiques donne une BD pédagogique sérieux et dense pour comprendre ce qui se passe, comment nous en sommes arrivés là, les freins qu’il y a bouger et les mouvements qui incitent au changement.
Il s’agit d’une nouvelle édition d’un volume édité en 2021. C’est utile de l’avoir à l’esprit, parce que le projet est né pendant le confinement, donc cette période est très importante dans la BD.
Cela ne rend pas le contenu obsolète, pour autant. Au contraire : l’enjeu est toujours aussi fort. On peut même déplorer que les légers espoirs formulés ci et là soient restés de légers espoirs…
Le contenu est dense avec une première partie bien chargée pour comprendre le climat, son évolution et le principe du réchauffement climatique actuel. Autant dire que les illustrations et les textes nécessitent souvent de se poser pour bien saisir les différents éléments traités, car il y a pas mal de données. On retrouve aussi un certain nombre de concepts et de théorèmes, comme la théorie des catastrophes de René Thom.
La BD fait ensuite un petit retour en arrière sur l’histoire pour comprendre la manière dont les humains ont déréglé le fonctionnement de la planète, et l’importance de l’énergie pour expliquer la situation. Puis, les auteurs font des focales sur l’agriculture (et notamment les conséquences de pratiques intensives) et enfin sur la finance.
C’est clairement une BD engagée. Le néolibéralisme en prend pour son grade. Au global, le contenu est très pertinent, pédagogique et c’est une source de connaissances supplémentaire sur des enjeux dont il faut toujours plus parler en utilisant tous les supports possibles et en mobilisant des disciplines variées.
Vous pouvez vous procurer la BD sur Decitre via ce lien affilié.
C’est terminé pour cette semaine. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous voulez que l’on travaille ensemble ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.
J’en profite pour faire un petit clin d’œil. Ce néologisme est un mot valise. Contrairement à ce que j’entends quasiment toujours, un mot valise n’est pas un mot fourre-tout, comme on le dit de “durable” ou “responsable” par exemple ; c’est un mot composé d’éléments de deux mots différents, ici printemps et automne.