#137 En fait, on serait complètement à côté de la plaque !
Et aussi Lego, la consommation dans le vin, la ménopause, l'intrapreneuriat etc.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 137e missive !
Que faites-vous le 5 octobre à 16h45 ? Personnellement, je serai en train d’animer une table ronde passionnante sur la société à mission à Bpifrance Inno Génération. On a fait le call de préparation et ce sera super inspirant avec beaucoup de bonnes pratiques et d’anecdotes intéressantes !
Il est encore possible. L’inscription à BIG est gratuite en présentiel et en distanciel. La session est certes complète, mais si vous venez sur place, je suis sur qu’il y aura des désistements. Si vous êtes à distance, pas de souci non plus, connectez-vous au début de la session sur le site pour avoir accès à la retransmission. Faites-moi signe, par réponse d’email, si vous comptez être présents. Ca me fera très plaisir d’échanger avec vous.
Passons au sommaire :
💭 Edito : en fait, mettre de l’humain dans l’entreprise, c’est faire fausse route… ah bon ?
😯 Lego renonce à faire aux matières recyclées… pour de bonnes raisons
😥 Pour les producteurs d’alcool, la consommation est tabou et pourtant certains veulent en parler
📣 La ménopause, un sujet d’entreprise ?
🤔 L’intrapreneuriat fait face à de plus en plus de difficultés
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec l’entreprise fraternelle, le café, les pénuries d’eau et les reconditionneurs
🎧 Mon son de la semaine : Talamanca - BURNS
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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Le hasard des playlists ! Je suis tombé sur ce morceau que j’apprécie dans la douleur d’un mes cours à la salle de sport. Je le trouvais très bien et là, je tombe dessus par hasard. Un bon morceau électro parfait pour faire des routines pour les entraînements et juste aussi à apprécier les écouteurs dans les oreilles !
Fanny Nusbaum lance un pavé dans la mare avec un article pour la Harvard Business Review France. Extraits :
“Pour répondre à l’injonction humaniste [actuelle], nous avons développé des réflexes d’aversion pour la hiérarchie ainsi que des codes de communication bienveillante et égalitaire. Le combat, la force, l’autorité, l’ambition et toute manifestation trop flagrante de puissance (hors espaces de jeu) voient leurs porteurs invariablement stigmatisés dans l’espace social comme des personnes toxiques et inhumaines. La force doit se manifester par sa non-utilisation ; le courage, c’est celui d’exprimer ses souffrances au monde entier ; l’honneur, c’est devenu l’indignation.”
“Ainsi, en entreprise, l’archétype du bon chef, du chef ‘humain’, c’est le chef doux, celui qui n’impose pas, mais qui suggère. Celui qui comprend et qui accepte ; celui qui ne prend pas ses décisions ‘de son propre chef’, mais qui demande d’abord l’avis de ses ‘collaborateurs’.”
“Et pourtant… ça ne va pas. L’entreprise se contorsionne. Elle ne sait plus où elle en est. Elle se compose de ces milliers d’humanistes en herbe qui, chacun, aspire à la paix et au bonheur. À tout, sauf à la rage d’exister, à l’intensité, à se faire du bien en se faisant vraiment mal. Le bonheur et son acolyte, la sérénité, sont les nouveaux eldorados. (…) autrement dit, [on valorise] un environnement où l’autorité ne se [fait] pas sentir et où personne [n’est] plus valorisé qu’un autre.”
“En réalité, notre cerveau est câblé pour être meilleur en situation d’incertitude. Et c’est là tout le paradoxe. (…) Puis, l’humanisme ne se rend pas compte que le besoin fondamental de tout Homme, une fois qu’il a garanti sa survie, c’est de se sentir important, puissant au sein de sa communauté.”
C’est une attaque directe à la RSE moralisatrice. Elle invite, au contraire, la RSE à faciliter des identités claniques, à favoriser la diversité et à se comporter comme des barbares. Je vous invite à lire l’article pour bien en comprendre le raisonnement.
Bref, nous n’avons rien compris.
Il faudrait que l’entreprise soit un espace d’inconfort permanent, de conflictualité créative, d’ostracisation du relâchement, d’affirmation assumée de l’autorité. C’est la seule recette d’une culture conquérante.
Qu’on ne tombe pas dans le béni-oui-oui et le monde des bisounours, je comprends, mais ce que Fanny Nusbaum propose est inenvisageable dans la très grande majorité des entreprises, ne me semble pas très viable sur le long terme, voire peut souvent engendrer un environnement malsain.
Dans son univers hobbesien, elle semble oublier que l’homme est un loup pour l’homme. On crée alors un culte de la performance individuelle, un environnement de rétention d’informations, de l’appropriation des idées des autres, de la culpabilisation d’autrui, de la disparition des frontières éthiques, de la loyauté conditionnée, et du diktat du court-termisme.
J’exagère évidemment, mais pas beaucoup plus que l’autrice ne le fait de son côté. C’est surtout pour pousser un peu dans l’absurde.
Evidemment, le confort absolu est un cachet de somnifère pour le développement de l’entreprise. Mais, la schlague n’est pas non plus une bonne méthode de gestion.
Que certaines sociétés adoptent ce mode de gestion est compréhensible. Il y en a certaines que l’on rejoint en sachant qu’on va vivre une seconde prépa et on accepte de la fermer : être mal traité, mais gagner beaucoup ; engranger beaucoup d’expérience très vite pour pouvoir partir quelques années après dans une autre entreprise plus humaine et arriver à un bon poste. C’est le prix à payer et on l’accepte.
Certaines personnes s’épanouissent dans ce type d’environnement, mais ils sont très minoritaires.
L’autrice oublie un aspect clé : le travail, ce n’est pas la vie. Tout le monde ne souhaite pas être sous pression en permanence, bomber le torse pour montrer qu’il est meilleur que ses camarades, s’épuiser à trouver des solutions à des équations à multiples inconnues au détriment de son équilibre psychologique et physique, devenir le chef pour affirmer son pouvoir etc.
Je comprends l’intérêt de taper dans la fourmilière pour générer du débat, mais si l’humanisme qu’elle déplore prend racine aujourd’hui, c’est justement en contrepoint d’environnements néfastes et déshumanisants, qui ont certes généré beaucoup d’innovations, parfois utiles, mais à quel prix ?
Peut-on vraiment penser qu’améliorer la qualité de vie au travail est une recette pour inhiber l’innovation ou que la collaboration et l’accompagnement génèreront moins de créativité et de performance ?
Evoluons avec notre temps et surtout les états d’esprits de nos sociétés…
😯 Quand la solution du recyclé n’en est pas forcément une
En matière d’innovation, Lego fait partie des bons élèves. Sur le sujet des émissions carbone, ils ont beaucoup réfléchi et expérimenté. En 2021, ils annonçaient se lancer dans l’utilisation de matériaux recyclés pour sortir du plastique vierge, et donc du pétrole.
Deux ans plus tard, ils font un constat amer : ils ont tout essayé, mais la solution envisagée génèrerait plus d’émissions sur le cycle de vie des produits. Pourquoi ? Parce que cela leur demandait d’acheter de nombreux nouveaux équipements pour la fabrication.
Donc, rétropédalage. Les deux actions qu’ils vont privilégier : accélérer les efforts pour optimiser la réduction des émissions sur les chaînes de production actuelles ; et creuser le sujet du réemploi. Plutôt que de produire, ils se disent qu’il y a beaucoup à faire avec d’innombrables boîtes de Lego qui ne sont plus utilisées. Ils espèrent avoir testé et approuvé un système à grande échelle d’ici 2-3 ans.
Deux leçons que je retiens : c’est bien que Lego communique même sur les échecs. C’est rare et ce doit être salué ! On voit également que la sortie du plastique n’est pas une garantie de réduction des émissions de GES. C’est souvent un vrai casse-tête pour les industriels. Malheureusement, il n’y a aucune solution facile ou prête à l’emploi. Mais comme l’illustre le cas de Lego, il faut savoir rebondir et continuer à chercher.
😥 Quand c’est tabou, c’est qu’il faut en parler
Chaque secteur a son sujet un peu tabou. Il est là, mais personne ne veut trop en parler. Dans le secteur de l’alcool, il s’agit de la question de la consommation.
D’ordinaire, un producteur d’alcool ne s’intéresse pas trop au contexte de consommation des clients : il peut travailler les lieux de vente pour cibler une certaine clientèle, mais le reste, ce n’est pas son affaire.
C’est ce que Maison Le Breton, propriétaire de plusieurs vignobles dans le Languedoc, entreprise à mission et labellisée B Corp, a décidé de traiter : comment l’entreprise peut-elle promouvoir une consommation plus responsable ? Comme l’écrit Morgane Le Breton dans un post LinkedIn, “Chaque paquet de pate indique les conseils de préparation, des idées recettes et les indications de gestion des déchets packaging. Pourquoi ne pas faire pareil avec le vin ?”
Elle expose les quatre principes qui apparaissent désormais sur les cartons de 6 bouteilles vendus par les domaines, qui reprennent les principes de “bonne” consommation, de types de repas et de gestion des déchets. 95% des ventes se font par correspondance, donc les clients reçoivent des cartons. Ce n’est pas une solution infaillible, mais c’est un moyen d’ouvrir le débat.
Et vous quels sont les tabous que vous devriez aborder dans votre secteur ?
📣 La ménopause, on en parle ?
J’en vois certains horrifiés par le traitement d’un tel sujet (probablement l’autrice de l’article dont je parle dans l’édito…). Mais, les collaboratrices ne sont pas des machines. Le sujet du congé menstruel fait petit à petit son chemin. Celui sur la ménopause, beaucoup moins. Dans les deux cas, ce sont des sujets clivants, y compris chez les femmes.
Mais, ne pas en parler du tout n’est pas non plus une solution. Selon un sondage de Korn Ferry et Vira Health, près de 40% des 8000 femmes interrogées dans le monde ont manqué jusqu’à quelques jours par mois en raison des symptômes de ménopause. De même, je veux bien imaginer que cela ne permet pas vraiment d’être concentré à 100%… Par ailleurs, cette enquête nous apprend que près de 13% des répondantes ont quitté leur job en raison de leur ménopause, et 15% y ont réfléchi.
Bref, difficile d’ignorer ce sujet. Je n’ai aucune bonne réponse et je ne sais pas s’il existe des bonnes pratiques. Et même comment aborder ce sujet en entreprise.
🤔 Surmonter les difficultés de l’intrapreneuriat
L’intrapreneuriat peut être un véhicule très intéressant pour innover sur l’offre, pour tester de nouvelles manières de vendre, de produire etc. Ce peut être aussi un dispositif intéressant pour repartir de la page blanche (je vous invite à écouter l’épisode du podcast avec Quentin Sauvée, CEO de Jaji sur ce sujet). Dans des secteurs traditionnels faisant face à de gros bouleversements (sur les questions environnementales par exemple), une spin-off peut tester un nouveau modèle sans le poids de l’héritage et des pratiques brunes.
Mais, Frédérique Blondel, Élodie Loubaresse et Valentine Georget notent dans un article pour The Conversation que l’intrapreneuriat connait des difficultés :
des sujets en ligne avec le plan stratégique de l’entreprise, mais ce qui prédéfinit le champ d’action et réduit la marge de manœuvre ;
la demande croissante de montrer la contribution économique de ces projets à l’entreprise et d’être rentable rapidement ;
un contrôle de plus en plus accru sur le temps passé à ces projets avec des mécanismes de gouvernance formalisés dans l’idée d’optimiser les coûts.
Ces trois difficultés expliquent la déception de certains projets intrapreneuriaux. Pour contrer au mieux ces sujets, les auteurs proposent quelques pistes. J’en retiens quelques-unes : établir la proximité du projet par rapport à l’organisation établie (un projet disruptif aura davantage besoin de s’en détacher qu’un projet d’innovation incrémental) ; réfléchir à l’issue du projet (filiale, internalisation etc.) ; accepter de laisser une période de temps au projet pour faire ses preuves.
L’intrapreneuriat a encore de beaux jours devant lui si tant est qu’on laisse à ces projets la chance de réussir…
🧠 Un peu plus de jus de crâne
“L’entreprise fraternelle”, qu’est-ce que c’est ? Clairement pas une terminologie fréquente, mais encore ! C’est le sujet auquel le think tank Entreprise & Progrès va s’attaquer. Les présidents du groupe de travail expliquent les enjeux.
Si on veut accélérer le déploiement du réemploi et du reconditionnement, il faut davantage valoriser ces nouveaux métiers, plaide Claire Bretton, cofondatrice d’Underdog, dans une tribune pour Maddyness. Et la France est en retard !
Bienvenue dans un futur indésirable où les pénuries d’eau sont extrêmement problématiques : c’est déjà le quotidien dans certaines villes du Kansas. Plongée dans ce reportage !
Qui ne boit pas de café ? Les buveurs de thé… Mais, tout de même, nous sommes très nombreux à en consommer plusieurs par jour. Et si on regardait d’un peu plus près ce qu’on a dans nos tasses. Selon le dernier Coffee Barometer, il y a un champ de progrès important sur les enjeux de développement durable.
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A la semaine prochaine,
Vivien.