#82 Passons d'une niche à une agora
Pour faire que 60% des Français ne puissent plus dire qu'ils n'ont jamais entendu parler de raison d'être / Quelle est la bonne longueur d'une raison d'être ? et plein d'autres actus (11')
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue aux nouveaux abonnés de ces deux dernières semaines. Je suis ravi que notre communauté s’agrandisse petit à petit—vous comprendrez pourquoi dans l’édito !
Je n’ai pas chômé depuis deux semaines. Quelques explications !
Plusieurs d’entre vous le savent déjà : j’ai franchi le pas de l’entreprenariat. La Machine à sens est désormais mon activité à temps plein. Deux dimensions vont dominer mon agenda : l’accompagnement d’entreprises vers la société à mission (et celles qui souhaitent en tirer le meilleur une fois la qualité adoptée) et la production de contenus pour la newsletter et le podcast.
Toutefois, je tiens à vous rassurer : cette newsletter ne va perdre ni sa patte, ni son ambition première, à savoir sensibiliser sur les sujets liés à l’entreprise rôle modèle, à commencer la société à mission, et vous offrir du jus de crâne. Je tiens à ce que les missives conservent ce ton d’analyse, de partage d’actualités, de bons conseils et de décryptage. C’est pour cela que vous vous êtes abonnés et je m’engage à conserver cette ligne éditoriale. Donc, je limiterai les références à mon activité de conseil.
Par ailleurs, je finalise un rapport sur les 50 premières analyses de mission. J’espère pouvoir le sortir la semaine prochaine ou celle d’après au plus tard. Bien qu’il n’ait pas vocation à s’adosser à des standards universitaires, je veux qu’il soit aussi robuste que possible, et surtout qu’il vous soit utile. Seriez-vous volontaire pour relire la première version (il ne fera pas 50 pages…) ? Si oui, vous pouvez juste répondre à cette missive ; je reçois l’email directement dans ma boîte.
Passons au sommaire :
💭Edito : 60% des Français ne connaissent pas la raison d’être
🧮La longueur médiane des raisons d’être n’est pas si courte qu’on le pense
🙃L’économie circulaire fait tourner la tête
🤝La bonne entente amène à de belles fusions-acquisitions
🏅Candidatez au Grand Prix des Marques Responsables
🤝De nouvelles offres d’emploi
📗Est-ce que le Jour du dépassement sera plus tard en 2023 ?
📕Recensement de Amazing Decisions
🧠Un peu plus de jus de crâne avec un débat sur le congé menstruel, le triste pente glissante aux Etats-Unis, la responsabilité territoriale d’entreprise, “changement climatique” sur Google et Warren Buffett
🎧Mon son de la semaine : The Chemical Brothers - Elektrobank (demo)
A picorer ou à dévorer !
Petite autopromo : j’ai été interviewé pour le podcast “Experts & Décideurs” de France Défi sur la société à mission et suis cité dans un article d’Alliancy sur le même sujet.
Edito
Selon un sondage d’Odoxa pour Comfluence, 60% des Français n’ont jamais entendu parler de “raison d’être”. Parmi les 40% restants, seuls 13% sont capables de définir ce que c’est (23% chez les 18-24 ans).
Qu’en penser ? Que toutes celles et tous ceux qui portent ce sujet, à titre individuel ou au nom d’une entreprise, ont la responsabilité de contribuer davantage à démocratiser et populariser ce type de concept.
En soi, ces résultats ne devraient pas surprendre. Avant qu’il ne rentre dans la loi, ce concept était surtout véhiculé par des consultants en stratégie, en marketing ou en organisation, qui le relayaient à leurs clients (souvent à des niveaux exécutifs), ou des étudiants en école de commerce qui écoutaient les cours. Bref, une proportion microscopique de la population.
Le terme de raison d’être s’est toutefois diffusé dans la société à mesure que se sont multipliées les interrogations sur le sens de sa vie, de ses actions, et de celles des personnes et des organisations qui nous entourent. Autant dire que le concept a été un chouia dévoyé… Ceci peut expliquer que 40% des Français aient déjà entendu parler de raison d’être, mais qu’une petite minorité sache la définir.
Mais, plus profondément, ces données interpellent, car elles ne progressent pas. Et c’est plus inquiétant. Une enquête de L’ObSoCo pour Trusteam Finance l’an dernier donnait les mêmes résultats. Seuls 39% connaissaient le terme de raison d’être et 12% savaient le définir.
Améliorer la diffusion de ce concept dans la société, et donc de toutes les forces vives actuelles et futures de l’économie, est important. Parler de raison d’être pour une entreprise, c’est être capable de fédérer un maximum de collaborateurs autour d’enjeux qui allient des intérêts économiques et des enjeux sociaux et environnementaux. Ce n’est ni un gadget de direction générale, ni un placébo utilisé pour se donner bonne conscience, ni une parole en l’air : c’est un engagement collectif et profond pour améliorer notre présent et notre avenir à toutes et tous.
Cela mérite qu’on fasse quelques efforts supplémentaires pour diffuser cette notion de manière authentique sans artifice ni superficialité.
A nous acteurs de ces transformations, porteurs de cette dynamique collective, engageante, fédératrice et positive de faire plus et mieux pour faire connaître ces notions de raison d’être et de société à mission (histoire de se donner un défi supplémentaire). Nous sommes une petite communauté, une niche. Ne serait-il pas tant que cette niche devienne une agora ?
Du côté des entreprises
🧮EN ATTENDANT…
Je finalise un rapport sur les 50 missions que j’ai décryptées depuis un an. Donc, pas de nouveau décryptage. Néanmoins, un petit avant-goût du rapport.
On me demande souvent : “quelle est la bonne longueur d’une raison d’être ?” Il n’y a pas de longueur idéale. Cela dépend de ce que vous comptez en faire et ce qui correspond à votre manière de communiquer.
On dit souvent que les raisons d’être sont courtes. C’est vrai, MAIS elles ne sont pas si courtes, puisque la longueur médiane des 50 analysées est de 149 signes espaces compris.
Pour vous donner une idée, cela donne la raison d’être de RAISE : “Développer un écosystème innovant et généreux pour soutenir des entrepreneurs visionnaires et construire avec eux une économie responsable et durable”.
Il y a deux écoles qui semblent s’affirmer : l’école du court, concis, punchy et l’école du plus détaillé, plus explicite et plus clair. Pour celles et ceux qui suivent la newsletter depuis quelques temps, vous savez que je suis plutôt de la deuxième école.
La semaine prochaine, je vous proposerai un nouveau chiffre avant de reprendre les bonnes habitudes du décryptage !
🙃L’ECONOMIE CIRCULAIRE FAIT TOURNER LA TÊTE.
L’Oréal a récemment annoncé le lancement d’un fonds d’investissement destiné à l’économie circulaire. Il sera opéré par Demeter et Cycle Capital. Il est aujourd’hui doté de 80 millions d’euros (dont 50 de L’Oréal) et ambitionne de monter jusqu’à 150 millions.
Il sera généraliste, puisqu’il semble viser tout type d’entreprise, pas que des start-ups, en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, et sur diverses utilisations circulaires de ressources. Il faut toutefois que le projet soit déjà opérationnel et soit en phase de lancement.
L’investissement dans l’économie circulaire est en pleine explosion. Dans le secteur des clean techs, les levées de fonds sont traditionnellement dominées par les énergies renouvelables, mais en 2021, la tendance a commencé à s’inverser en France. La levée mastodonte de BackMarket a évidemment joué un rôle important (726 millions en deux fois), mais les opérations se multiplient.
Et cela devrait durer. Comme le déclare au Journal des entreprises Sophie Génier, directrice services recyclage de Citeo, la flambée des prix des matières premières favorise le recyclage. On peut étendre cette tendance à tout le secteur de l’économie circulaire…
🤝 LA BONNE ENTENTE.
Les partenariats entre sociétés à mission, on avait déjà vu (Balthazar et Nuova Vista dans le conseil ou Aigle et Faguo dans la mode), mais le rachat entre entreprises à mission est plus stratégique et commence à prendre. Après MAIF et la Camif, c’est au tour de Kéa Partners de racheter My Sézame dans le conseil.
Je crois beaucoup aux synergies qui peuvent exister entre entreprises d’une même communauté afin de nouer des partenariats parfois très stratégiques. C’est un axe très largement mis en avant par BCorp, mais on retrouve la même chose dans des communautés non-RSE. Je l’ai vu parmi les Accélérés chez Bpifrance, ainsi que dans pas mal d’associations de dirigeants.
Un partenariat réussi et pérenne s’appuie généralement sur des cibles clients communes, des objectifs co-construits, mais surtout des valeurs compatibles, voire partagées.
Poursuivons dans le domaine des acquisitions avec la prise de participation majoritaire de SOFI Group, spécialiste notamment des smartphones reconditionnés (voir le décryptage de sa mission), par Econocom, via TMF France. Comme quoi, être société à mission ne décourage pas de potentiels acquéreurs, mais permet d’attirer les bons.
Je ne connais pas les dessous de l’histoire, mais SOFI Group étant passé à mission en octobre dernier, il y a des chances pour que ces deux démarches ne soient pas complètement décorrélés. En tout cas, passer société à mission avant d’ouvrir son capital est un cas de figure qui risque de devenir un classique.
Correction : j’avais omis la prise de participation majoritaire de MAIF au capital de la Camif. Difficile d’oublier quand même ! 🥲
🏅A VOS MARQUES.
Le salon Produrable et LinkUp Factory organisent le 5e grand prix de la responsabilité sociétale de la marque, plus communément appelée le Grand prix de la marque engagée. Sept trophées sont remis : produit, service, startup, ONG avec une marque, marque à mission (pour les entreprises à mission), territoire engagé & ville engagée, personnalité engagée et coup de cœur des étudiants.
Si vous souhaitez candidater, les dépôts sont ouverts jusqu’au 13 mai.
Section de recherche
68% des entreprises rencontrent des difficultés de recrutement. Cette section vise à publier gratuitement vos offres d’emploi et vous aider à toucher un lectorat sensible aux entreprises rôles modèles ou qui peut relayer aux bonnes personnes. Elle est ouverte à toutes les entreprises à mission ou celles disposant d’un label RSE (comme Positive Workplace, B Corp, Label Lucie, Engagé RSE ou PME+).
Le Cèdre est une centrale d’achat à mission avec une forte implantation locale. Plusieurs offres sont ouvertes :
Délégué régional Nord Ouest (h-f) - CDI - basé dans la région avec pas mal d’itinérance
Comptable (h-f) - CDI - basé à Paray le Monial, Bourgogne Franche Comté - modalités de télétravail non spécifiées
Développeur angular (h-f) - CDI - basé à Paray le Monial, Bourgogne Franche Comté - télétravail possible
Consultant en sociétés de nettoyage Paris IDF (h-f) - CDI - basé dans la région avec pas mal d’itinérance
Consultant en sociétés de nettoyage secteur Sud (h-f) - CDI - basé dans la région avec pas mal d’itinérance
Thermicien (h-f) en alternance - idéalement pour 24 mois - basé à Paray le Monial, Bourgogne Franche Comté
Phitrust, société de gestion à mission qui fait beaucoup parler d’elle en ce moment en remettant en cause les rémunération des grands patrons, a une offre :
Analyste en Impact Investing - stage de fin d’étude - basé à Paris - à pourvoir dès maintenant - modalités de télétravail non spécifiées
Si vous souhaitez partager vos offres, vous pouvez m’écrire à vivien@machineasens.info.
Du côté des idées
📗LE JOUR DU DEPASSEMENT ET LA PRIORITE ENVIRONNEMENTALE DES FRANCAIS.
En ce Jour du dépassement, regardons un peu la préoccupation environnementale des Français... A priori, cette journée n'est pas prête de reculer dans le calendrier. L'ObSoCo a sorti il y a quelques semaines son nouveau baromètre des utopies. Lecture toujours fascinante de la société française ! Focus aujourd'hui sur les préoccupations environnementales des Français (je traiterai d’un autre sujet la semaine prochaine) :
56% des Français estiment que “la situation est très préoccupante et appelle un changement radical dans l'organisation de l'économie et de la société, revenant à produire et à consommer moins mais mieux”.
12% estiment que “les propos alarmistes sur l'écologie et l'environnement sont de la manipulation de l'opinion de la part de ceux qui y ont un intérêt”.
20% estiment que “la situation est préoccupante mais le progrès technologique finira par apporter les solutions”.
12% ne se reconnaissent dans aucune de ces phrases (on peut trouver les formulations très manichéennes, mais c'est volontaire, car l'observatoire crée des profils, ce qui nécessite souvent des modalités tranchées). On peut penser que dans les 56%, il y en a qui ont fait ce choix par défaut plutôt qu'une autre option, mais ils ne se considéreraient pas comme des radicaux.
Surtout, la tendance baisse : 3 points perdus entre 2019 (pré-Covid) et 2022 (post-Covid). C'est beaucoup sachant qu'on a beaucoup, beaucoup plus parlé de l'environnement ces dernières semaines, même si d'aucuns diraient que ce n'est jamais assez. Tout ça n'est pas rassurant...
📕 RECENSION DE AMAZING DECISIONS: THE ILLUSTRATED GUIDE TO IMPROVING BUSINESS DEALS AND FAMILY MEALS DE DAN ARIELY ET MATT TROWER, 2019.
Cet essai graphique vise à traiter une question essentielle : comment prendre de meilleures décisions ? A cette interrogation, Dan Ariely, professeur en psychologique et économie comportementale à l’université de Duke, offre un cadre simple en apparence, mais puissant dans sa mise en œuvre.
Selon lui, lorsque l’on prend une décision dans le cadre d’une relation avec une autre partie, on doit peser deux facteurs : les normes de marché et les normes sociales. Les premières sont fondées sur un calcul rationnel et monétaire, sur des règles établies et sur des considérations de court terme. Les secondes s’appuient sur des règles plus souples, moins calculées et sur des considérations à plus long terme.
Un bon exemple donné dans l’ouvrage est le cadeau que l’on souhaite offrir à quelqu’un. On privilégiera un cadeau sous forme de bons d’achat à quelqu’un auquel on ne tient pas forcément. Des études montrent que c’est un cadeau avec un taux de satisfaction assez élevé à court terme, mais rapidement oublié, car il n’est pas personnalisé, ne montre pas de réel effort et n’offre pas d’expérience. A l’inverse, on privilégiera un cadeau choisi avec beaucoup d’attention—une expérience, un cadeau souvenir etc.—qui procure une satisfaction immédiate forte, mais surtout crée ou entretient un lien social entre celle qui offre et celui qui reçoit.
Tout l’essai graphique tourne autour de cette question et la creuse avec une variété d’exemples. Quelques chapitres sont particulièrement intéressants. On apprend par exemple que lorsque l’on sollicite l’aide de quelqu’un ou que l’on veut féliciter quelqu’un pour de bons résultats, il faut bien mesurer le type de récompense. Une récompense monétaire perçue comme faible créera peu de motivation et que sur du court terme. Si elle est plus élevée, la motivation sera un peu plus forte, mais rien ne garantit qu’elle perdurera. Une absence de récompense monétaire, mais une forme de reconnaissance du travail bien fait peut à l’inverse créer une relation de confiance et d’engagement plus forte. A condition que la rémunération de base paraisse suffisante…
En d’autres termes, ne rechercher l’adhésion de ces équipes que par l’aspect financier est une démarche semée d’embuches. Mais, inversement, on ne peut pas non plus ne donner que du sens et de la camaraderie pour créer l’engagement de ces équipes.
Un point m’a particulièrement marqué. Lorsqu’une relation entre deux parties est fondée sur les normes sociales—l’entraide, le partage, l’amitié etc.—intégrer des normes de marché vient perturber cet équilibre et il n’est plus possible de revenir en arrière. Alors, on commence à rationnaliser la relation : le partage et l’entraide ne sont plus évidents et le temps alloué est plus limité, voire disparait, s’il n’est pas rémunéré.
Amazing Decisions est un essai graphique accessible qui pousse à s’interroger dans toutes ces prises de décisions qui impliquent des interactions avec d’autres personnes, que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle. En apparence un peu basique, le cadre de réflexion s’avère bien trouvé et permet d’anticiper la réaction de l’autre et surtout la direction que la relation peut prendre.
Vous pouvez vous procurer l’ouvrage ici.
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
Louis, start-up dans le mobilier de bureau éco-responsable, a décidé de lancer un congé menstruel d’une journée par mois sans justificatif, ni perte de salaire. Gros, gros débat sur LinkedIn. Qui m’a permis de découvrir cet article très complet publié sur le mag de Lyv.
La Disparition dédie sa dernière newsletter au bien triste débat outre-Atlantique sur l’avortement où quelques hommes âgés décident pour des dizaines de millions de femmes.
Et si on créait la responsabilité territoriale d’entreprise, propose Brice Soccol dans une tribune aux Echos
Si vous tapez “changement climatique”, Google s’engage désormais à ce que les résultats présentés soient de qualité et de sources fiables dans 12 langues.
Warren Buffett serait-il old school sur le climat ?
Mon son de la semaine
Je me souviens avoir découvert The Chemical Brothers quand j’étais ado. C’était mémorable ! Une telle décharge ! Une démo du morceau “Elektrobank” vient de sortir. Ca claque toujours autant 15 ans après la sortie et dans une version un peu moins abouti que le morceau original.
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cela m’encourage et me permet de savoir les sujets qui vous intéressent.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous souhaitez devenir société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement, échanger sur vos réflexions liées à la raison d’être ou la société à mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.