La société à mission : un enjeu de stratégie d’entreprise, pas juste de RSE ou de marque employeur
Chère lectrice, cher lecteur,
Aujourd’hui, missive un peu spéciale dédiée aux 4 ans de la loi Pacte. Je vous propose donc un point de vue sur l’état des lieux de l’entreprise à mission. Je serais très intéressé d’avoir vos avis !
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Quatre ans après le vote de la loi Pacte, la barre symbolique des 1000 sociétés à mission a été franchie. « Seulement maintenant ? », pourraient s’étonner certains. C’est pourtant un sujet assez médiatisé dans les cercles économiques et que pas mal de fédérations professionnelles relaient. Une des principales raisons est que l’entreprise à mission est trop liée à la Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) ou à la communication et pas assez au développement et à la stratégie de l’entreprise. A tort !
Un cadre pour affirmer une contribution sociétale
La société à mission est née de la loi Pacte en 2019. Elle permet d’affirmer comment, par son activité et à son échelle, une entreprise peut contribuer à la résolution d’un enjeu social ou environnemental. Cela se matérialise par l’inscription dans les statuts d’une raison d’être et d’objectifs qui viennent la compléter. Une fois devenue société à mission, l’entreprise doit assurer un suivi avec la constitution d’un comité de mission (quand elle emploie plus de 50 personnes), la rédaction d’un rapport annuel pour faire état des avancées et une première vérification de sa mission par un organisme tiers indépendant au bout de 18 ou 24 mois.
Chaque entreprise est libre de définir sa mission en fonction de son activité, ses ambitions et ses moyens. L’important est d’intégrer deux éléments : la mission doit affirmer une contribution sociétale en réponse à un défi identifié et l’entreprise doit chercher à maximiser l’impact positif qu’elle peut avoir au travers de son activité.
L’entreprise à mission, souvent perçue comme une extension de la RSE
Parmi les discours pour passer société à mission, deux motivations se distinguent fréquemment : il s’agit soit de formaliser une démarche en matière de RSE, soit d’intensifier sa marque employeur.
Le passage en société à mission est souvent utilisé par des entreprises qui mènent déjà de nombreuses actions de RSE. Il est assez fréquent de voir ce type de phrases : devenir une entreprise à mission « pour formaliser des engagements RSE », « pour inscrire notre politique RSE dans nos statuts », ou « pour aller plus loin dans nos engagements sociaux et environnementaux ».
Or, les actions de RSE ne revêtent pas toujours un caractère stratégique, par exemple quand elles concernent la gestion des déchets, le bien-être au travail, le soutien à des associations, et même des politiques d’intéressement et de participation. Cela ne vise pas à maximiser l’impact positif de l’entreprise par son activité, mais à en minimiser les éventuels impacts négatifs. Surtout, c’est une application de la loi, qui demande aux entreprises, depuis 2019, de prendre « en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [leur] activité » (article 1833 du Code civil).
Il est pourtant fréquent de voir des objectifs relevant de la RSE dans les objectifs de mission. C’est parfois justifié, souvent pas.
De fait, nombre d’entreprises ne voient pas l’intérêt d’inscrire une démarche RSE dans leurs statuts et celles qui ne l’ont pas structurée peuvent estimer prématuré de l’institutionnaliser alors qu’elle n’est pas encore réalité.
Un outil pour servir sa marque employeur ?
D’autres entreprises à mission ont pris le sujet par le prisme de la marque employeur. Afin de fidéliser et d’attirer des collaborateurs, le dispositif peut être un moyen de se différencier et d’associer les équipes dans une démarche fédératrice. On voit par exemple régulièrement des dirigeants affirmer que l’entreprise à mission répond au besoin de sens des jeunes générations. De nombreuses entreprises à mission constatent en effet un afflux de candidatures lorsqu’elles communiquent sur leurs engagements. Pour autant, cela est davantage une conséquence bienvenue qu’une bonne raison de se lancer.
Cela reviendrait surtout à faire de la société à mission un levier de communication ou de marketing RH, ce qui n’en fait un enjeu ni global, ni clé.
Un cadre qui favorise l’innovation et le développement de l’entreprise
Le fait que ces deux dimensions soient si souvent utilisées dans les discours sur la société à mission vient pénaliser son essor et son pouvoir de convaincre d’autres dirigeants à se lancer.
Comme ce n’est pas présenté comme essentiel au développement économique, cela est vu par beaucoup comme un à-côté qui va s’empiler sur le reste, demander du temps qu’ils n’ont pas, plutôt qu’un outil fondamental de cadrage et de pilotage au service de l’essor de l’entreprise.
Il est donc essentiel de redonner à la société à mission son caractère stratégique. C’est avant tout un cadre structurant pour le développement futur de l’entreprise. La mission doit irriguer dans toute l’organisation pour orienter les décisions stratégiques, telles que de nouvelles offres ou des investissements à mener, ainsi que les décisions plus opérationnelles, dans le cadre de la gestion d’un projet ou d’un recrutement par exemple.
La mission sert de juge de paix afin de créer de l’alignement entre tous les acteurs de l’entreprise, que ce soit les actionnaires (actuels et futurs), la direction ou les équipes, et de la cohérence dans toutes les actions menées vis-à-vis de l’interne et de l’externe (clients, partenaires, fournisseurs etc.).
C’est un vecteur d’innovation, d’orientation de la stratégie et potentiellement de transformation du business model. Grâce aux engagements dont l’entreprise se dote, elle se force à penser différemment, à interroger certains acquis et à développer de nouveaux débouchés, habitudes, ou sources d’approvisionnement. Ne nions pas l’investissement à dédier à la société à mission, mais ce n’est pas à côté du quotidien, c’est au cœur de l’activité de chacun.
En outre, positionner la société à mission à ce niveau évacue l’idée que l’on devrait être déjà « parfait » pour se lancer dans la démarche. Ce n’est pas un label de vertu, c’est un cadre de progrès.
En finir avec la fusée à trois étages
Pour présenter la société à mission, il est fréquent d’utiliser une fusée à trois étages en correspondance avec la loi Pacte : un premier niveau obligatoire à toutes les entreprises qui consacre la RSE comme un principe de bonne gestion d’entreprise, un second facultatif qui permet de définir une raison d’être et le dernier plus engageant qui consiste à passer société à mission.
Cette représentation crée de la confusion et je suis le premier à l’avoir souvent utilisée. Elle laisse penser qu’il y a une évolution et une association naturelles entre les trois étages. C’est un peu comme si la société à mission était l’étage ultime de la RSE. Avoir une démarche RSE ne conduit pas nécessairement à devenir société à mission ; et toutes les sociétés à mission ne sont pas exemplaires sur tous les aspects de la responsabilité sociétale. Parfois même, définir sa mission peut être la première pierre pour mieux structurer et accélérer le déploiement d’actions RSE.
Devenir entreprise à mission permet certes d’accélérer ses actions en matière de RSE et de travailler sa marque employeur, mais cela offre surtout un cadre global de progrès au service de la pérennité et du développement de l’entreprise afin de traverser les turbulences économiques, de fédérer les équipes, de saisir de nouvelles opportunités et de s’adapter à un contexte socioéconomique en mutation permanente.
Présentée de cette manière plus juste, la société à mission pourra créer des déclics et de l’adhésion au sein d’entreprises qui regardent ce cadre avec hésitation, voire désintérêt.
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A jeudi prochain,
Vivien.
tout à fait en phase !!!