#110 L'autoconsommation énergétique: d'un choix écologique à un choix économique
Et aussi du changement chez B Corp, parodie de pub, économie circulaire, le climat et l'Australie, les commandes publiques, le découplage et d'autres choses (lecture totale: 9 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Missive un peu particulière, parce que l’édito de cette semaine est une petite exploration dans l’autoconsommation énergétique qui commence à devenir une démarche de plus en plus régulière, notamment chez les industriels, mais pas que. Surtout, on passe d’une démarche motivée par des considérations écologiques à une démarche économique pragmatique et stratégique.
De fait, le reste de la missive est un peu plus court pour ne pas trop rallonger la lecture. Au sommaire :
💭L'autoconsommation énergétique: d'un choix écologique à un choix économique
🤝B Lab s’associe à un cabinet de conseil pour absorber la demande de labellisation B Corp
🚘Toyota et BMW visés dans des campagnes de pub pour leur lobbying anti-climat
🚘Renault remet au goût du jour de vieilles idées pour accélérer dans l’économie circulaire
🌏Le gouvernement australien force les plus gros pollueurs à changer de trajectoire
❓Et si les commandes publiques favorisaient les choix écologiques ?
🔢Le chiffre qui marque avec l’adéquation entre création d’entreprise et valeurs
♻️La Fresque de l’économie régénératrice sort de terre
🤔A-t-on réussi à faire du découplage entre 1990 et 2018 ?
🎧Mon son de la semaine : The Strumbellas - Spirits
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
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L’autoconsommation énergétique devient un levier de plus en plus fréquent pour les entreprises. Cette tendance s’est fortement accélérée avec la hausse structurelle des prix de l’énergie. Nous avons atteint la fin d’une exception française : une énergie pas chère. D’une démarche souvent motivée par des motifs environnementaux, elle devient un choix pragmatique et stratégique.
L’autoconsommation est un phénomène encore émergent en France. Cela est notamment dû à une double raison : le nucléaire offre une énergie à coûts réduits et constants et c’est une énergie décarbonée. Cela étant, toutes les cartes sont rebattues : augmentation stratosphérique des prix, parc nucléaire sous tension etc.
L’autoconsommation apparaît ainsi comme une solution possible. Quelques définitions évidentes, mais utiles : “l’autoconsommation peut être définie comme le fait de consommer tout ou partie de l’énergie que l’on produit”, à quoi il faut rajouter l’autoproduction qui couvre “le fait de produire tout ou partie de l’énergie que l’on consomme”.
Pour autoproduire, il faut évidemment investir dans des installations adéquates, dans l’immense majorité des cas, des panneaux photovoltaïques. On ne parle pas ici de quelques panneaux sur la toiture d’une résidence, mais d’hectares. A titre d’exemple, Forvia (nouvelle entité née de la fusion de Faurecia et Hella) envisage d’installer l’équivalent de 150 terrains de football de panneaux photovoltaïques sur ses sites d’ici fin 2023.
Les surfaces couvertes sont donc très importantes, mais l’autoconsommation ne permet pas aux entreprises de vivre en autarcie des circuits classiques ; cela vient les compléter. Néanmoins, couvrir ne serait-ce que 10-15% de vos besoins énergétiques par de l’autoproduction représente une économie conséquente.
Comme l’explique à L’Indépendant le PDG de La Confiserie du Tech qui va installer 1300m² de panneaux photovoltaïques sur la toiture de son usine, il devrait produire de quoi couvrir 23% des besoins en électricité de son usine pour une économie espérée de 30 000 euros par an. C’est loin d’être anecdotique.
En matière d’autoconsommation, trois scenarii sont possibles :
consommation totale de l’énergie produite
consommation partielle de l’énergie avec réinjection dans le réseau du surplus contre rémunération
réinjection totale de l’énergie produite (cas inintéressant pour une entreprise)
Il est important de bien dimensionner l’investissement nécessaire pour éviter de trop produire par exemple. Si l’équation n’était pas toujours favorable il y a encore un an ou deux, en raison des prix de l’énergie, cela a changé. Selon le PDG de la Confiserie de Tech, son investissement de 300 000 euros devrait être amorti en 5 ans, voire moins si les coûts continuent de grimper. Même son de cloche chez l’industriel SKF qui a installé 12 000m² de panneaux photovoltaïques sur son parking et qui estime que d’une rentabilité à 10 ans, l’augmentation du coût de l’énergie va permettre de l’atteindre d’ici 5 ans.
Pas de surprise à voir une explosion des projets. Selon Enedis Open Data, on compte près de 630 000 installations de panneaux photovoltaïques en France (de toutes natures confondues) contre 385 000 début 2018.
C’est encore plus impressionnant sur les installations en autoconsommation totale ou partielle. On est passé d’un peu moins de 25 000 à 239 000 projets sur la même période.
Cette tendance va continuer de croître. Dans le cadre de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables votée la semaine dernière, les entreprises disposant de parkings de plus de 80 places devront installer des panneaux photovoltaïques d’ici 2026. Ne soyez pas surpris de voir vos parkings de supermarchés de plus en plus souvent couverts…
En outre, pour tenir ses engagements, l’Union européenne va devoir massivement investir dans le photovoltaïque. Selon certaines estimations, il faudrait tripler les capacités de production du photovoltaïque d’ici 2030 pour atteindre les objectifs d’énergie renouvelable.
Evidemment, l’autoconsommation n’est pas la panacée. Il faut :
avoir la trésorerie ou bénéficier de crédits ou subventions pour engager les investissements ;
que son projet soit suffisamment important pour trouver des installateurs par ailleurs surchargés ;
ne pas attendre un retour sur investissement immédiat ;
disposer d’espaces pour installer des panneaux photovoltaïques.
Ce dernier point est évident, mais utile à rappeler. L’autoconsommation restera difficile d’accès pour des entreprises installées en ville davantage encore quand elles sont en rez-de-chaussée (comme les commerce de bouche dont on parle tant en ce moment).
Plus globalement, toutes ces questions d’énergie s’imposent aujourd’hui à toute entreprise. Elles deviennent stratégiques, plus que jamais et pour longtemps.
🤝VERS UNE ACCELERATION DES LABELLISATIONS B CORP ?
Aujourd’hui, il faut environ 18 mois pour se faire labelliser B Corp, mais cela ne freine pas la demande. En 2022, B Lab, l’ONG en charge du label, a vu une augmentation de 63% du nombre de dossiers traités. Ils n’arrivent plus à faire face. Afin de réduire les temps d’attente, B Lab Europe a décidé de s’allier avec le cabinet de conseil britannique Seismic pour les aider à gérer le flux des dossiers.
C’est une décision majeure. Jusqu’à présent, toutes les candidatures étaient auditées par le staff du B Lab. Externaliser une partie de cette charge n’est donc pas anodin. Seismic s’est fait un nom sur ce créneau en accompagnant pas mal d’entreprises dans la démarche de certification.
La communauté B Corp compte 6000 entreprises dans le monde, dont 200 en France.
🚘 TOYOTA ET BMW DANS LE VISEUR.
Subvertisers, l’association parapluie internationale qui regroupe 14 associations nationales luttant contre les publicités, vient de jeter son dévolu sur Toyota et BMW. Les actions menées sont de parodier des publicités de ces marques.
Pourquoi ces deux marques en particulier ? Elles sont considérées comme celles menant le plus de lobbying contre les politiques climatiques. Ces organisations militent plus largement pour l’interdiction des publicités dans l’espace public en faveur de produits nocifs pour le climat, comme les voitures et les voyages aériens.
Pour rappel, la ville néerlandaise de Haarlem a déjà mis en œuvre une politique allant dans ce sens. A ma connaissance, c’est la seule à ce jour.
🚘ON REMET LES VIEILLES RECETTES AU GOÛT DU JOUR.
Restons dans le secteur auto avec The Future is NEUTRAL, nouvelle filiale de Renault. Cette entreprise a été lancée en octobre dernier avec l’ambition d’accélérer les efforts du groupe en matière d’économie circulaire. Cette entreprise se présente comme un hub d’innovation, qui doit casser les silos qui existent au sein du groupe afin de diriger tous les efforts dans la même direction.
Cette démarche me rappelle le guide pratique que j’ai co-écrit il y a quelques années sur la transformation à l’ère du digital, mais c’est en fait assez logique : casser les silos, favoriser l’innovation collaborative, ainsi que l’open innovation en collaborant avec des start-ups au travers de son studio industriel Refactory, le travail en partenariat, voire en écosystème (The Future is NEUTRAL va coopérer plus spécifiquement avec trois filiales de Renault) et la création de nouveaux services et de nouvelles offres (l’entreprise vise à devenir le leader européen de l’économie circulaire automobile en boucle fermée). Et quand on n’arrive pas à le faire au sein de son organisation actuelle, on crée une filiale qui n’hérite pas de l’inertie, des dissensions et des désaccords existants.
🌏L’AUSTRALIE FAIT BOUGER LES GROS POLLUEURS.
L’Australie n’a pas souvent fait partie des pays les plus volontaires en matière de politique climatique. L’arrivée du nouveau gouvernement travailliste il y a quelques mois laissait poindre une lueur d’espoir, qui commence à se confirmer.
Le gouvernement a annoncé une trajectoire de réduction de 43% des émissions de l’Australie d’ici 2030. La conséquence : les plus gros pollueurs australiens vont devoir se bouger. Cette nouvelle politique vise 215 sites générant chacun plus de 100 000t de gaz à effet de serre par an et qui représentent 28% des émissions australiennes. Le gouvernement les enjoint de réduire leurs émissions de 30% d’ici 2030.
Un mécanisme est mis en place pour forcer les entreprises à bouger. Soit elles réduisent leurs émissions selon les cibles prévues, soient elles doivent acheter des crédits carbone. C’est un des reproches fait contre cette nouvelle politique : il y a certes une obligation à transiter, mais les entreprises peuvent s’en sortir en compensant leurs émissions par des crédits carbone.
Tout de même, la décision vaut le coup d’être soulignée.
❓DES CHANGEMENTS DANS LES COMMANDES PUBLIQUES ?
Le Sénat a déposé une proposition de résolution tendant à faire de la responsabilité sociale et environnementale un atout pour les entreprises. Rien de nouveau sous le soleil sauf la fin, qui concerne la commande publique. Elle recommande que soient introduits trois principes :
Un principe général faisant référence à la “performance sociale et environnementale des biens, des produits et des services” ;
la notion d’ “offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse” afin de mieux appréhender les considérations environnementales ;
un droit de préférence pour les offres des entreprises attestant un impact positif avéré en matière de RSE, à égalité de prix ou à équivalence d’offre.
C’est très, très loin d’être fait, mais on sent que le débat évolue sur ce sujet…
21%. C’est le nombre de chefs d’entreprises, parmi les fondateurs et les repreneurs, qui affirment s’être lancés dans l’aventure entrepreneuriale pour exercer une activité conforme à leurs valeurs, selon le dernier Indice entrepreneurial français de l’Ifop pour Bpifrance. C’est la quatrième motivation après être son propre patron, augmenter ses revenus et réaliser un rêve. Etonnamment, c’est bien plus prégnant que chez les porteurs qui partagent cette idée à 15%.
♻️LA PETITE DERNIERE.
La dynamique des Fresques se poursuit. La petite dernière sort de terre : la Fresque de l’Economie Régénératrice. Le principe est similaire aux autres fresques : 3 heures, un jeu de cartes, de la pédagogie et des pistes d’action.
En l’occurrence, il s’agit de familiariser les participants au principe d’économie régénératrice, inspiré notamment de la permaculture. Il s’agit ensuite de se mettre en action au niveau d’une entreprise, d’un territoire ou d’un secteur d’activité.
La Fresque est encore en expérimentation, donc si vous êtes intéressés, abonnez-vous à leur page LinkedIn.
🤔QUEL DECOUPLAGE ?
Jérôme Cuny, consultant dans les questions écologiques, vient de sortir une étude dans laquelle il regarde l’évolution des émissions de CO2 et l’évolution du PIB en Europe entre 1990 et 2018. L’objectif est de voir s’il y a eu découplage entre croissance du PIB et croissance des émissions. Le découplage, c’est le phénomène selon lequel la croissance économique ne génère pas automatiquement une croissance des émissions. C’est ce que tout le monde vise, mais on n’y est pas…
Cette étude montre que ce découplage n’a pas eu lieu en Europe. 82% des baisses d’émission de cette période ont eu lieu entre 2007 et 2014, période de crise économique… On note certes une faible réduction des émissions sur les périodes 1990-2006 et 2015-2018, mais de l’ordre de 2%. Pas assez pour atteindre nos objectifs…
Un peu par hasard, j’ai entendu “Spirits” de The Strumbellas. Ca faisait longtemps que ce morceau n’avait pas traversé mes oreilles. Vous l’avez probablement déjà entendu 1000 fois, mais ce refrain est totalement addictif.
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A mardi pour un nouvel épisode de podcast,
Vivien.