#109 Etes-vous conscients du "bruit" quand vous prenez une décision ?
Le meilleur ami des biais; également les dividendes pour la société; Danone et le devoir de vigilance; Back Market licencie; un livret A vert?; la souveraineté et le climat etc. (lecture totale: 10')
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans cette toute première missive format classique de l’année 2023. On attaque directement par le sommaire :
😶🌫️ Edito : Etes-vous conscients du bruit quand vous prenez une décision ?
💰 La tendance de ce début d’année : les dividendes pour la société
🤔 Même quand il y a un plan de licenciements, ne pas oublier sa mission
⚠️ L’utilisation du devoir de vigilance touche Danone
👛 Le gouvernement veut une option d’épargne verte crédible
🌍 Souveraineté et climat sont-ils compatibles ?
👦 Les jeunes sont-ils ambitieux ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec la révolution de Volkswagen, la téléréalité écolo, l’extrême droit écolo et les assureurs face au climat.
🎧 Mon son de la semaine : The Sound - Sense of Purpose
A picorer ou à dévorer !
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Etes-vous conscients de l’importance du bruit dans vos prises de décision ? Je ne parle pas du bruit des voitures dans la rue, de votre collègue qui parle trop fort pendant sa visio ou des travaux dans l’immeuble voisin, mais d’un bruit qui se manifeste différemment : par la variabilité qu’il peut y avoir dans le jugement de deux personnes faisant face à la même situation.
C’est l’objet de l’ouvrage Noise: A Flaw in Human Judgment (traduit en français) écrit par Daniel Kahneman, Olivier Sibony et Cass R. Sunstein. Le sujet est passionnant et aborde un aspect sous-traité jusqu’à présent. Nous sommes dans une ère où les biais cognitifs sont étudiés sous tous les angles et d’aucuns y font référence parfois un peu n’importe comment.
Mais, le bruit est, lui, moins mis en avant. Pourquoi ? Parce qu’il est moins tangible, mesurable et compréhensible. Les biais reflètent des phénomènes systématiques, comme le fait de chercher des informations qui valident notre pensée (biais de confirmation) ou le fait de donner plus d’importance à une situation récente qu’à une situation antérieure (biais de récence).
Le bruit se manifeste en entreprise de manière assez simple : une situation où plusieurs salariés dans le même poste prennent des décisions différentes, alors que les dossiers sont identiques. Pourquoi est-ce un problème ? Comme le soulignent les auteurs, “il est injuste que des personnes soient traitées différemment et un système où des jugements professionnels sont perçus comme incohérents n’est pas crédible”.
Ils définissent différents types de bruits. J’en évoque deux qui me parlent plus particulièrement. Le premier, c’est le “bruit de niveau” (level noise). Lorsque vous répondez à un questionnaire où vous devez évaluer une situation sur une échelle, même si les extrêmes sont explicitées, chaque répondant va interpréter le niveau selon sa grille d’analyse : quelqu’un mettra 8 sur 10 pour dire très bien quand un autre mettra 10 pour exprimer le même sentiment.
Un autre que je trouve très pertinent, notamment dans les métiers de prestation intellectuelle, c’est le “bruit occasionnel” (occasion noise). Il s’agit de juger des situations différemment quand les paramètres sont identiques à plusieurs jours d’intervalle. Extrêmement difficile à mesurer et même à déceler !
Vous imaginez bien qu’en entreprise, le bruit est partout : décisions sur des dossiers, recrutement, management etc. “Dès qu’il y a un jugement, il y a du bruit”, explique les auteurs.
Les solutions : 1. être conscient que le bruit existe et en faire un audit ; 2. s’appuyer sur des outils ou des méthodologies d’aide à la décision les plus automatisés possibles, voire des IA. Selon les auteurs, ces outils sont ceux qui corrigent le mieux les bruits éventuels, car ils ne sont pas soumis à des contextes émotionnels variables, à des préférences personnelles etc.
De quoi cogiter, mais dans le contexte actuel de gestion et management en entreprise, il est utile de se poser cette question du bruit dans ces prises de décision.
💰LA SOCIETE, ELLE VEUT DES DIVIDENDES.
“Dividende sociétal” pour le Crédit Mutuel, “dividende écologique” pour la MAIF, c’est un début d’année où des entreprises à mission font les gros titres de la presse économique pour des engagements positifs.
Si l’info vous a échappé, en bref, le Crédit Mutuel reversera 15% de son bénéfice annuel au financement d’actions sociétales, soit environ 500 millions d’euros par an sur la base des résultats de 2021. Ce dividende sera réparti entre “un fonds de révolution environnementale et sociale”, en gros un fonds d’investissement, mais qui n’aura pas de but de rentabilité, le financement de services financiers inclusifs et le mécénat de la banque. A noter que le comité de mission de la banque sera chargé de contrôler l’affectation des fonds.
Du côté de la MAIF, le “dividende écologique” représentera 10% des bénéfices, soit environ 10 millions d’euros par an sur la base de 2022. Il financera des projets liés à la biodiversité, à des projets de prévention face au réchauffement climatique (on parle par exemple de barrière anti-inondations), et l’association Prévention MAIF.
Ces annonces font montre d’une évolution dans les débats sur la répartition de la valeur économique pour prendre “la société” comme une partie prenante à part entière.
Beaucoup ont pointé du doigt que ce type de mesure serait difficile à répliquer dans des entreprises non mutualistes et encore davantage des sociétés cotées. Pas faux, mais cela ne prive personne de faire bouger les lignes ! Egalement, saluons cette démarche qui va dans le sens d’une contribution des services financiers au financement de la transition !
🤔 LA MISSION, BOUSSOLE EN TOUTE CIRCONSTANCE, MEME MAUVAISE.
Tout le monde se souvient de l’épisode où Emmanuel Faber, alors à la tête de Danone, annonçait un plan social dans le cadre du nouveau plan stratégique de l’entreprise. Quoi ? Une entreprise à mission qui licencie ? Ca passait assez mal… De l’eau semble avoir coulé sous les ponts depuis. Back Market, première licorne à mission depuis l’an dernier, va licencier 13% de son effectif. L’entreprise “va bien”, mais les investisseurs mettent la pression pour qu’elle se focalise sur la rentabilité.
Eh bien personne ne fait le parallèle entre cette décision et le fait qu’ils soient entreprise à mission. Il est vrai qu’une entreprise à mission reste une société comme une autre : pas de profit, pas d’existence. Toutefois, un des objectifs statutaires de Back Market est : “Faire prospérer la bienveillance et l’engagement de sa culture d’entreprise”.
Je n’ai aucune information sur les circonstances dans lesquelles ces départs ont eu lieu et bien que les licenciements fassent partie de la vie de l’entreprise, il faut espérer que cette vague ait été bien préparée et que toutes les personnes aient été accompagnées dans leur licenciement, même dans des pays où le droit du travail est plus souple, comme aux Etats-Unis. Parce que la mission fait désormais partie de la vie de l’entreprise…
⚠️VRAIMENT A SUIVRE…
Vous avez certainement vu l’annonce de l’assignation en justice de Danone par trois ONG en raison du manque de trajectoire de “déplastification”. Les associations mobilisent le non-respect au devoir de vigilance pour assigner l’entreprise. Danone n’est pas seule visée ; d’autres entreprises comme Nestlé, Picard, Carrefour et McDonald’s France avaient également été mises en demeure en septembre dernier, mais elles ont présenté des plans qui semblent avoir satisfait les ONG.
Au-delà de l’annonce assez tonitruante, il faut surtout voir un autre point : quand bien même on propose de bons produits, le contenant devient de plus en plus important ! Plusieurs marques d’eau ou de yaourts rencontrent les mêmes interrogations.
Surtout, le devoir de vigilance est de plus en plus utilisé par les ONG. Aujourd’hui spécificité surtout en France, il va bientôt passer au niveau européen. Et forcément, quand une grande entreprise est touchée, c’est un peu toutes les plus petites qui doivent également se mettre en ordre de marche.
Annonce d’un nouveau format de podcast
Vous avez été très clairs dans le dernier sondage : vous souhaitez des épisodes où je réponds aux questions d’un auditeur sur l’entreprise à mission. Alors go !
Je rappelle le principe. Que vous soyez en réflexion vers la société à mission ou que vous ayez déjà franchi le cap, vous vous posez souvent les mêmes questions et faites souvent face aux mêmes défis.
Je vous propose donc un nouveau rendez-vous mensuel (dans un premier temps) où j’échange avec l’un d’entre vous pour répondre à vos questions pendant 15-20 minutes pour tenter d’apporter un éclairage et quelques bonnes pratiques. Bien évidemment, on peut ne pas révéler le nom de l’entreprise pendant l’épisode !
Qui souhaiterait se lancer ? Faites-moi part de vos questions en cliquant sur le bouton ci-dessous. J’ai hâte d’échanger avec vous !
👛 UN LIVRET A VERT ?
Bruno Le Maire a déclaré vouloir offrir des outils d’épargne vert, “un peu plus crédibles que ceux qui existent aujourd'hui”. L’objectif est surtout de financer “l’industrie verte”, ce qui inclurait probablement le nucléaire. Le projet de loi sera dévoilé à l’été.
Un groupe de travail piloté par Damien Adam, député Renaissance, et le Michel Paulin, DG d’OVH, pour nourrir la réflexion.
A priori, l’idée est d’avoir un outil un peu plus risqué et moins liquide que ce qui peut exister dans les placements d’épargne classique. A suivre…
SOUVERAINETE ET CLIMAT.
Dans un long entretien passionnant pour le quotidien belge L’Echo, François Gemenne revient sur une série d’enjeux liés au climat. Il répond notamment à la question de la souveraineté et du climat.
Comment encore penser le concept de souveraineté nationale dans le contexte de la crise écologique?
Parmi les concepts fondamentaux dont je parlais, c’est sans doute celui de souveraineté nationale qui doit être repensé le plus radicalement. Le climat futur de la Belgique ne dépend quasiment pas des décisions qui sont prises à Bruxelles, mais des décisions prises hier à Washington ou à Pékin, et aujourd’hui au Caire, à Mexico ou à Delhi. Aucun pays ne peut prétendre à la souveraineté climatique. Et toute la difficulté est là: on essaie de résoudre un problème global, qui ne connaît pas de frontières, à partir de cadres nationaux. C’est aussi pour cela que les COP nous déçoivent toujours: on débat d’un problème global dans une négociation internationale, c’est-à-dire, littéralement, entre nations. Prenez des pays comme le Bangladesh, le Vietnam ou Tuvalu: des portions de leur territoire sont littéralement en train d’être englouties par la hausse du niveau des mers, non pas à cause de leurs actions, mais à cause des actions d’autres pays, sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle. Que veut encore dire la souveraineté nationale, ici ?
👦LES JEUNES ET L’AMBITION.
Pas mal d’études sont sorties ces dernières années sur les jeunes et le travail. Généralement, on prend la tranche 18-25 ans. Ce sondage d’Ifop pour Delta Business School offre un regard sur les lycéens ; c’est plus rare.
Je retiens quelques chiffres intéressants, mais avant toute chose : l’ambition n’a pas de genre. Fille comme garçon se sentent capables de prendre des responsabilités et de viser haut. 82% des lycéennes se déclarent ambitieuses contre 87% pour les garçons.
Il est intéressant de voir que l’entreprenariat irrigue même au lycée. 86% pensent créer leur entreprise un jour (proportion quasi égale entre garçons et filles). Parmi les perspectives de carrière, leurs moteurs correspondent bien aux discours de ceux qu’on entend pour les jeunes actifs (ce qui ne se vérifie pas toujours dans les faits et dans les études) : faire un métier comme on aime sort en premier (85%), suivi de “avoir du sens” (81%) et “être respecté” (78%). Ces trois motivations sont encore plus fortes chez les lycéennes. La rémunération arrive en 6e position (mais cette dimension est plus importante pour les lycéens de foyers favorisés) ; être un leader en avant-dernière position.
Et si vous pensiez que les “jeunes d’aujourd’hui” ne sont pas faciles à gérer, attachez vos ceintures !
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Les assureurs seront-ils au rendez-vous du financement de la transition énergétique quand on sait qu’ils craignent plus que tout l’explosion des remboursements liés au réchauffement climatique et sont par nature averses aux risques, assez inhérents aux financements des EnR ? C’est la question que pose Joel Makower dans GreenBiz.
La téléréalité se met à l’heure écologique en Belgique avec La Yourte.
Le Monde a enquêté sur des jeunes d’extrême droite engagés pour le climat. A découvrir !
Comment Volkswagen cherche-t-elle à se réinventer en termes de technologie, de culture et de management après le scandale du Dieselgate, notamment en s’appuyant sur un “sustainability council” ? Récit passionnant de Margaret Oge dans Forbes qui a siégé dans cette instance.
Pour commencer l’année, revenons en 1981 avec “Sense of Purpose” de The Sound. De la pure brit pop de l’époque avec les synthés d’alors. Je l’ai découvert récemment et c’est un peu daté, mais la mélodie est très entêtante avec des paroles qui pourraient presque être contemporaines.
C’est terminé pour cette semaine. Si cette missive vous a plu, je vous invite à appuyer sur le ❤️. Cela m’encourage !
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A mercredi pour le décryptage de Nature & Découvertes,
Vivien.