#102 L'entreprise a-t-elle une conscience ?
Et aussi le bâtiment bas carbone, l'empreinte carbone des pubs, le poids du web, payer plus pour des "bons" produits, un exercice pour votre équipe, les lanceurs d'alertes... (Lecture totale: 8')
Chère lectrice, cher lecteur,
Tout va à vau-l’eau. Nous sommes le 27 octobre. Voici la météo du jour ! 😭
Rien d’autre à dire !
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Passons au sommaire :
💭 L’édito : L’entreprise a-t-elle une conscience ? (et vote à la clé)
🏢 Icade veut réduire les émissions des bâtiments
📏 Shine et Sami veulent vous aider à mesurer l’empreinte carbone de vos pubs (gratuitement)
🔢 Les chiffres qui marquent avec le poids d’une page web et la confiance dans la science
💡 Premier bloc d’analyse sur le baromètre de la perception d’engagements des entreprises (et un exercice à faire dans votre équipe)
📚 La Convention des entreprises pour le climat sort son premier rapport avec plein de feuilles de route à la clé
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec les recettes pour faire couler une boîte, les lanceurs d’alerte, l’écriture en 2030 et la CSRD
🎧 Mon son de la semaine : Grandbrothers - What We See
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Les débats actuels sur la place de l’entreprise dans la société posent une question délicate : l’entreprise a-t-elle une conscience ?
On demande de plus en plus aux entreprises d’être responsables, de prendre conscience de leurs impacts. Quand on y réfléchit, c’est une idée intrigante, mais qui se comprend assez bien quand on fait la juste distinction entre une société, dans le sens juridique, et une entreprise, constituée de femmes et d’hommes.
On peut difficilement demander quoique ce soit à une société : son existence repose sur un ensemble de relations contractuelles. En revanche, on peut s’adresser à une entreprise en tant que groupe d’individus. En tant que collectif, on peut leur demander d’être responsables. Il y a 50 ans, presque jour pour jour, Antoine Riboud donnait son fameux discours de Marseille qui sonne encore tellement juste :
“La responsabilité de l’entreprise ne s’arrête pas au seuil des usines ou des bureaux. Son action se fait sentir dans la collectivité toute entière et influe sur la qualité de la vie de chaque citoyen. Du logement à la poudre à laver, l’entreprise est concernée : elle crée, elle produit, elle vend.”
En revanche, prendre conscience de, avoir conscience de, c’est plus subtil. Cela implique d’avoir un sens moral, de pouvoir discerner le bien du mal, d’interpréter ses actions, de les ajuster le cas échéant, voire de prendre des positions.
D’aucuns s’opposent à cette idée. L’idée de moralité pour les entreprises est controversée : ce n’est pas ce qu’on attend de ce collectif et c’est trop risqué. C’est sur ce terreau qu’a pu se construire la perception d’entreprises qui ne sont pas actrices de la société.
C’est évidemment un leurre, déjà par l’activité de l’entreprise. Mais lorsqu’elle fait du lobbying auprès d’autorités publiques (qu’importe l’échelle), elle est impliquée dans la société, même si elle n’est pas transparente sur les actions qu’elle mène et qu’elle défend ses intérêts propres prônant l’argument de sa survie économique.
En revanche, dès qu’il s’agit de sujets sociétaux et de prise de parole publique, l’entreprise devrait rester à l’écart.
Ce qui est frappant, c’est que dans le cas du lobbying, les arguments mobilisés évoquent l’entreprise : les emplois, l’innovation, les salaires etc. En revanche, sur les sujets sociétaux, ce sont les habits de la société commerciale comme ensemble contractuel qui sont revêtus.
Une sorte de schizophrénie permanente.
Des voix émergent pour appeler les entreprises à prendre toute leur place dans la société. Isabelle Grosmaitre, dans son récent ouvrage L’Entreprise à impact, résume bien cette pensée :
Le rôle social de l’entreprise réside dans sa capacité à intervenir sur les sujets qui lui tiennent à cœur et qu’ont identifiés leurs employés, sans craindre d’être « politique » ou de perdre des clients qui ne seraient pas d’accord. (…) [L]a voix de l’entreprise doit être intégrée à son impact sur la société.
Ainsi, l’entreprise aurait une conscience alimentée par des réflexions internes. Elle défendrait des points de vue publiquement pour faire évoluer les mentalités. Certains seraient liés à son cœur d’activité, sans forcément refléter des intérêts commerciaux identifiés ; d’autres seraient plus éloignés.
Dans le premier cas, il s’agirait d’identifier sa grande thématique : l’alimentation, la santé, l’éducation, la mobilité, l’environnement etc. et d’asseoir sa légitimité pour porter des convictions.
Dans le second cas, c’est plus sensible, car les sujets ne sont plus forcément liés à l’activité de l’entreprise. Par exemple, Ben & Jerry’s est connu pour prendre position sur les questions de justice sociale. Cela peut étonner pour un producteur de glaces !
Si de plus en plus d’entreprises en France commencent à se positionner sur le premier cas, c’est rarissime sur le second cas. L’argument revient toujours : ce n’est pas aux entreprises de se positionner sur ces sujets.
Qu’en pensez-vous ?
Vous pouvez également laisser un commentaire sur le site ou me partager votre avis par réponse d’email. Merci d’avance de votre regard ! Pour prolonger la réflexion, je vous conseille cette enquête dans Alliancy.
🏢 UNE NOUVELLE VISION DE LA RELATION BAILLEUR/LOCATAIRE.
La foncière de bureaux et de santé Icade vient de lancer le “Bail Engagé Climat”. Il doit permettre de rendre compte de la performance environnementale du bâti, d’organiser la réduction de l’impact et de contribuer au développement de puits carbone labélisés Bas Carbone pour des immeubles “zéro émission nette”.
L’enjeu est énorme : en comptabilisant les émissions du secteur de la construction et celles de la gestion des bâtiments, cela représente 38% des émissions mondiales de GES selon l’UNEP.
📏 PESE TA PUB.
Un vrai bon bilan carbone comptabilise tout. Parfois, tout comptabiliser est complexe, donc soit on se réfère à des normes sectorielles génériques, soit on ignore l’item. C’est par exemple le cas des publicités en ligne.
Pour parer à ce problème, la néobanque Shine et Sami, qui aide les entreprises à faire leur bilan carbone, lancent un outil d’estimation de l’empreinte carbone de vos publicités en ligne. Petit atout non négligeable : c’est un outil gratuit. Pourquoi ? “Pourquoi pas”, répond Antoine Msika, en charge de la transition écologique chez Shine, dans son post LinkedIn.
L’outil est en phase de test, donc si vous êtes intéressé.e, allez sur le post d’Antoine, faites part de votre intérêt, il vous transmettra un lien vers l’outil.
Partagez vos actus
Je suis toujours à l’affût de démarches positives menées par les entreprises afin de les partager plus largement. Vous avez des exemples chez vous ou chez vos clients (quitte à anonymiser), partagez-les moi et je les relaierai dans la newsletter. Vous pouvez même me transmettre vos CP.
335%. C’est l’augmentation du poids médian d’une page web depuis l’Accord de Paris. Un collectif d’entreprises actives dans le numérique responsable a décidé de prendre le problème à bras le corps et de lancer des actions pour réduire le poids médian des pages de 1,5MO.
15%. C’est le nombre de Français qui estiment que la science fait plus de mal que de bien à l’homme, selon une enquête de l’Ifop pour Polytechnic Insights. L’intérêt de cette donnée est à mettre en miroir avec des chiffres beaucoup plus anciens. La question a été posée dans les années 70 et 80. A l’époque, on ne dépassait pas les 6%.
💡 LA PERCEPTION DES ENGAGEMENTS RSE.
Il est là ! Le deuxième baromètre ObSoCO et Trusteam Finance sur la perception de l’engagement des entreprises. C’est une véritable mine d’or en termes d’informations. Quiconque travaillant sur ces problématiques doit le lire.
Voici quelques premiers enseignements (je vais l’analyser sur plusieurs missives) :
L’impact environnemental est un critère plébiscité dans l’achat entre deux produits concurrents dès lors que la différence de prix est minime. Parmi les 60% de Français qui estiment que l’impact environnemental est un critère important, 74% d’entre eux ne veulent pas un différentiel supérieur à 5% (30% répondent même aucun supplément de prix). Petite note méthodo : l’enquête a été réalisée en juin, donc les augmentations de prix et l’inflation n’étaient pas encore aussi marquées.
L’impact social et sociétal est moins retenu dans les critères d’achat—il est important pour 53% des Français. Niveau supplément de prix, le constat est très clair. Parmi ces 53%, 82% ne paieraient pas plus de 5%. Que ce soit sur l’impact social ou environnemental, la tendance est à la baisse par rapport à 2021. Il y a des segments de consommateurs qui sont très sensibles aux deux, mais pas de quoi faire du mass market.
Il est hyper intéressant de voir comment se diffusent les critiques du capitalisme dans la société. Une véritable tension sur quasiment tous les points, comme le montre le graph.
Faites l’exercice : qu’auriez-vous répondu ? Mieux, lors de votre prochaine réunion d’équipe, faites l’exercice en collectif, soit en demandant à chacun de répondre, soit sur leur estimation de ce que les Français pensent. Discussions nourries garanties !
🦸♂️ CAP SUR L’ECONOMIE REGENERATIVE.
La Convention des entreprises pour le climat (CEC) vient de rendre public son rapport final. Ce document est un mélange entre l’affirmation de convictions—si on ne passe pas à l’économie régénérative, on est mal—, du contexte sur le déroulé du parcours de la Convention, des aspects méthodologiques pour construire sa feuille de route vers l’économie régénérative et 30 exemples de feuilles de route d’entreprises qui ont participé à la CEC.
Je n’ai pas encore tout lu, mais il faut se dire que les participants de la CEC ont connu à peu près le même électrochoc que les participants à la Convention citoyenne pour le climat : désormais mieux informés, la prise de conscience appelle un passage à l’action robuste et irréversible.
La CEC a également mis en ligne 80 feuilles de route d’entreprises qui ont accepté de les partager. C’est cadeau, c’est hyper riche, donc ne passez pas à côté pour vous inspirer !
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
Etre lanceur d’alerte, c’est pas si facile. Enquête utile (mais un peu triste) dans VICE.
Hélène de Saint-Front s’est prêté à un exercice cynique, mais bien pensé : lister toutes les raisons pour lesquelles les entreprises patinent.
Qui écrira encore pour de vrai en 2030 ? Se demandent Marie, Quentin et Benoît dans la newsletter In Bed With Tech que je vous recommande d’ailleurs.
Où en sont les entreprises françaises sur la mise en conformité avec la CSRD (le “successeur” de la DPEF) ? Le site RSE Reporting fait le point. Pour rappel, cette directive s’appliquera à partir de 2024 sur l’exercice 2023 pour les premières entreprises concernées.
J’ai découvert Grandbrothers dans la BO du film Hors Normes. Depuis, j’adore ! Ce duo suisso-germano-turc distille une musique électro instrumentale envoûtante. Par ailleurs, c’est une excellente musique pour vos sessions de deep focus !
Merci de votre lecture ! J’espère que le contenu vous aura plu. N’hésitez pas à appuyer sur le 💟 si c’est le cas.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagné pour devenir société à mission ou bien piloter votre mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission (en vue de votre audit par exemple), vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.