#101 L'impact a-t-il encore un sens ?
Titre un peu provoc; usine zéro carbone; travailler moins pour consommer moins; TVA verte; ESG qui rapporte; vin et écologie; RSE et crise; et les hommes en entreprise (lecture totale: 8 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans la nouvelle ère de La Machine à sens. C’est peut-être un détail, mais pour moi ça veut dire beaucoup (désolé, il fallait que je la fasse). En lisant cette missive de l’équipe de Substack, j’ai décidé d’arrêter de parler de newsletter. La Machine à sens une publication bi-hebdomadaire.
Certains ont peut-être noté l’absence du décryptage hebdomadaire hier, mais il faut que j’apprenne à mieux m’organiser entre mes missions d’accompagnement société à mission (ça décolle…) et la production de contenu à laquelle je tiens beaucoup.
Le terme de newsletter prête à confusion. Vous êtes nombreux à être surpris du format quand vous découvrez les missives, qui n’ont pas grand chose à voir avec les newsletters “classiques” que vous pouvez recevoir. Le terme de blogletter serait plus juste, mais il ne parle à personne, à part à Marie 😉 Donc, je cherche le terme juste. N’hésitez pas à me dire si vous avez des idées !
Autre petite révolution, la forme. Substack offre peu de fonctionnalités et je ne souhaite pas alourdir les envois. Peut-être avez-vous remarqué que les missives arrivent sans image, mais j’en rajoute une après l’envoi pour le partage sur les réseaux sociaux. Mais, il s’avère que Substack fait en sorte de limiter le poids des emails reçus ! Donc, j’ai changé quelques petites choses…
Passons au sommaire :
💭 L’édito : petite source d’inquiétude…
🆘 Chères entreprises, ne tendez pas le bâton pour vous faire battre #greenwashing
🤔La semaine de quatre jours au secours de la sobriété énergétique
💚Et pourquoi pas moins taxer les produits responsables ?
📈 Faire de l’ESG, cela semble bon pour le business
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec les hommes face aux enjeux féminins, la RSE et la crise, et le vin et l’écologie.
🎧 Mon son de la semaine : Parcels - Comingback
A dévorer ou à picorer !
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive. Abonnez-vous pour recevoir tous les décryptages et les missives de la newsletter !
J’ai récemment participé par une conférence sur les start-ups et l’impact. Il y avait trois représentants de “licornes” et trois représentantes de fonds à impact. Deux choses m’ont frappé, mais m’ont ramené à la même question : parler d’impact a-t-il encore un sens ?
Sur le panel entreprises, je suis ressorti un peu chamboulé. Deux de ces licornes sont, ce que beaucoup pourraient appeler, “impact natives”. C’est un terme qu’on utilise un peu à tort et à travers. Ce n’est pas parce qu’une entreprise se crée sur un segment a priori compatible avec les ODD qu’elles ont de l’impact. Bref. La troisième investit beaucoup sur les sujets de “sustainability” justement pour changer de braquet, sachant que ce n’est pas dans sa nature originelle.
Les trois partageaient un constat un peu étonnant sachant qu’ils naviguent dans les sphères impact, ESG, RSE etc. En gros, au niveau des start-ups, aujourd’hui, on vient juste de passer la prise de conscience sur le fait que l’impact était un élément important. On arrive timidement, et lentement ils l’ont reconnu, au passage à l’action. Ils excluaient ici les start-ups récentes qui se sont fondées sur des segments “à impact”.
Même une de ces très belles scale-ups que d’aucuns qualifieraient “à impact” expliquait qu’ils ont vraiment lancé une démarche à impact il y a un an !
Mon analyse : ce n’est pas parce qu’on lance ou qu’on a lancé une entreprise ces trois dernières années que les notions de “prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de [votre] activité” sont intrinsèques (je rappelle que c’est désormais dans la loi depuis 2019). Mais, cela confirme aussi ce que j’avais analysé sur les licornes.
Côté investisseurs, je suis ressorti avec une autre crainte. Evidemment, trois fonds à impact vont parler d’ESG et d’impact. Mais, la compréhension de l’impact ne semblait pas être totalement partagée. Pourtant, normalement, la définition de finance à impact est désormais commune sur toute la place de Paris.
En outre, un point m’a chiffonné et fait écho à une conversation récente sur l’ESG. De plus en plus d’investisseurs demandent un reporting ESG aux entreprises dans lesquelles elles investissent. Le souci est qu’ESG ne veut pas dire impact. ESG veut dire cocher des cases et répondre à des demandes qui correspondent à un référentiel lié à des enjeux d’ESG. On peut remplir toutes les cases et pourtant ne pas mesurer son impact, voire n’en avoir aucun en réalité. Mélanger impact et ESG me paraît dommageable, voire dangereux dans certains cas de figure.
Je serais curieux d’avoir votre avis sur le sujet, parce que c’est un vaste débat !
🆘S’IL VOUS PLAIT, ARRETEZ !
Le débat sur le terme de “neutre en carbone” semblait avoir été réglé par l’ADEME, qui invite les entreprises à être très, très prudentes lorsqu’elles parlent de neutralité carbone, mais en fait, c’est loin d’être gagné.
Quand certaines entreprises continuent de viser la neutralité carbone, d’autres vont dans le granulaire en parlant d’usines neutres en carbone.
Petit conseil aux entreprises : si vous voulez éviter de vous faire taxer de greenwashing, arrêtez de dire ce genre de choses. CELA N’A AUCUN SENS !
J’en parle suite à cet article sur Coca Cola qui veut augmenter le nombre de ses usines neutres en carbone. Je saisis l’article au bond, mais bien d’autres entreprises le font comme L’Oréal, Innocent (vous savez, les jus), LEGO, ou encore Saint-Gobain.
Pourquoi est-ce un non-sens ? Tout d’abord, une usine est un élément d’une chaîne globale dans l’entreprise. Cette “neutralité carbone” ne tient jamais compte des produits fabriqués et de la matière première utilisée, et encore moins du cycle de vie du produit. Cette déclaration de neutralité ne concerne que les émissions liées à l’action de produire (bâtiment, électricité, énergie etc.)…
Deuxièmement, toutes ces déclarations s’appuient sur des programmes de compensation parfois prépondérants pour atteindre cette “neutralité” (voir l’exemple de cette usine de Coca en Belgique). Il y a une espèce de course à l’échalotte qui dessert l’objectif, souvent liée à l’effet de réputation recherché auprès des actionnaires ou des clients.
Je l’illustre avec un autre exemple : une plateforme de ventes d’articles de tennis affiche en bas de ses emails marketing un logo “Entreprise climatiquement neutre”. Il renvoie vers un certificat délivré par Climate Partner, qui ne concerne uniquement de la compensation. Je les ai contactés pour savoir s’ils menaient d’autres actions. Ils m’ont répondu : “Nous sommes actuellement en cours de réflexion par rapport à cette objectif du climatiquement neutre. Nous cherchons donc à réduire notre impact sur l'environnement. Je ne pourrai pas vous communiquer d'autres éléments puisque nous sommes actuellement en cours de réflexion sur le sujet.” Tout est dit…
L’objectif de neutralité carbone est un enjeu global. C’est engageant, complexe, long et, comme l’explique parfaitement l’ADEME, doit être utilisé avec beaucoup de précautions. En tout cas à bannir pour un entrepôt, une usine ou autre. Mais, dans les absurdités, on va plus loin avec des maisons net-zero par Schneider Electric et des programmes pour être des individus neutres en carbone avec Tree-Nation. Toutes ces initiatives ne partent pas d’un mauvais sentiment, mais elles sont agaçantes d’incompréhension des enjeux.
P.S. : connaissez-vous d’autres pays où le débat sur la neutralité carbone au niveau entreprise ou plus granulaire est un sujet ? J’ai l’impression que dans le monde anglo-saxon ou en Allemagne, chacun y va de son engagement net zero sans sourciller.
🤔TRAVAILLER MOINS POUR CONSOMMER MOINS.
L’entreprise Atelier Panel, qui fabrique du mobilier, a décidé de passer à la semaine de quatre jours pour réduire sa facture énergétique. Son dirigeant David Butet a décidé que sa vingtaine de salariés ne travailleraient plus le vendredi.
Il espère diminuer sa facture de 15%, qui va passer de 80 000 à 270 000 euros. L’article ne donne pas plus de détails sur l’impact envisagé en termes de chiffre d’affaires, ni les modalités de mise en place de cette semaine de quatre jours.
Mon avis : Tous ceux qui expérimentent la semaine de quatre jours le diront : c’est une sacrée gymnastique à mettre en place et cela nécessite que la culture d’entreprise soit propice à ce type d’initiative. Ici, la motivation semble davantage relever de l’instinct de survie. Le dirigeant explique d’ailleurs que d’autres mesures d’efficacité énergétique sont en réflexion, mais “ça ne se fait pas du jour au lendemain”. Comprenez : la semaine de quatre jours, si.
Peut-être que cette expérimentation sera positive, mais si les fondamentaux n’ont pas été bien posés, cela pourrait être une fausse bonne idée à moyen terme avec une culture et des équipes qui périclitent, et un pilotage financier de l’entreprise hyper difficile.
Vous menez des actions positives et/ou originales sur la RSE au sens large, que ce soit sur des aspects sociaux, environnementaux, managériaux, de gouvernance, commerciaux, de marketing ou de communication en lien avec l’activité de votre entreprise.
Vous avez envie de les faire connaître, de les partager, voire d’encourager d’autres entreprises dans la même voie ? Nous sommes tous acteurs et nous voulons tous que l’économie et les entreprises avancent dans le bon sens. Détaillez-les moi et je les publierai dans une prochaine missive ! Pas besoin d’être société à mission ; je ne suis pas sectaire 😉.
💚TVA VERTE.
60 dirigeants d’entreprises ont signé une tribune dans le Journal du dimanche appelant à l’instauration d’une “TVA verte”. Cette idée portée en particulier par le Mouvement Impact France (dont on retrouve les deux co-présidents en tête des signataires) cherche à proposer une TVA différenciée sur la base de l’empreinte écologique.
Quelques produits, comme les livres, bénéficient d’un taux de TVA réduit. L’idée serait que l’Etat catégorise les produits qui permettent de lutter contre un enjeu environnemental : émissions de carbone, gaspillage des ressources, pollution plastique, effondrement de la biodiversité, etc. Une modulation serait envisagée, en prime, sur la base sur des engagements sociaux de l’entreprise.
L’ESG RAPPORTERAIT.
Selon une étude commandée par Moore Global, les entreprises investissant dans l’ESG bénéficieraient d’une hausse de chiffre d’affaires supérieure à celle des sociétés faisant abstraction de ces enjeux.
C’est à prendre avec beaucoup de pincettes, parce qu’on est sur du déclaratif (les grandes entreprises américaines seraient ainsi des superstars de l’ESG, surtout en comparaison de leurs homologues françaises, allemandes, italiennes et espagnoles—on peut en douter…) et que la méthodologie est très faillible.
Mais, cela participe du faisceau d’indices concordant selon lequel adopter une démarche RSE est un investissement payant.
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRANE.
On sait qu’en période de crise économique ou de récession, on a tendance à couper ce qui “paraît” non essentiel. Dans le cas actuel, faire des coupes sombres dans la RSE n’est pas une bonne idée pour Robert Holzer, fondateur de Matter Unlimited.
Désolé, amis hommes, nous ne sommes pas de si bons alliés des femmes en entreprise que nous le pensons/souhaitons/devrions, selon cet article de David G. Smith, W. Brad Johnson, Kim Graham Lee et Jeanette Thebeaula dans la Harvard Business Review.
Longue enquête passionnante et complète de la Revue des vins de France sur les enjeux environnementaux pour les vignobles (pour les non-abonnés intéressés, dites-moi).
J’ai récemment découvert Day/Night le dernier album de Parcels, un groupe australien, un des meilleurs albums que j’ai écouté cette année. Pas simple de choisir une chanson, mais “Comingback” est absolument entêtant et donne la pêche ! Vous aurez envie de chanter à tue-tête après quelques écoutes !
Merci de votre lecture ! J’espère que le contenu vous aura plu. N’hésitez pas à appuyer sur le 💟 si c’est le cas.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagné pour devenir société à mission ou bien piloter votre mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission (en vue de votre audit par exemple), vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.