#163 Le sport et l'entreprise : une relation à cultiver
Focus sur les interactions entre ces deux univers tant sur la pratique sportive que sur les partenariats
Chères abonnés, chers abonnés,
J’espère que l’été a été enrichissant et ressourçant. Quel plaisir de reprendre le clavier pour vous composer une nouvelle missive !
La période enchantée des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) se termine. On peut dire beaucoup de choses sur ce type d’événements, mais quelle ferveur ! Je suis un amateur des JO de très longue date, mais comme tout le monde, j’ai fait mon ronchon pendant un temps avant de chavirer complètement !
Pour cette missive de rentrée et afin de rester dans le thème, je vous propose un focus spécial sur le sport et l’entreprise. Pourquoi ce choix ? Parce que les liens sont de plus en plus marqués et souvent mis sous l’égide des politiques RSE.
Niveau musique, je vais vous proposer deux titres, un de suite, et l’autre plus bas. Thomas Jolly et moi devions avoir les mêmes goûts musicaux dans les années 2000, parce que je valide tout ! Un medley de Phoenix avec entre autres Air, Ezra Koenig et Kavinsky en clôture des JO, c’est très correct comme diraient nos amis québécois. Pour la clôture des Paralympiques, on va continuer avec la French Touch (il y aura notamment Cassius, Agoria et Martin Solveig et Jean-Michel Jarre mais on ne va pas le classer dans la French Touch) ! Evidemment, il manque quelques artistes à l’appel. Cela aurait été extraordinaire d’avoir Daft Punk ; il manque aussi Laurent Garnier ou Etienne de Crécy, mais ne boudons pas notre plaisir. Mais quand même, imaginez “Harder, Better, Faster, Stronger” !
En 2022, la loi intégrait la promotion du sport dans le giron des entreprises. Cette loi visant à démocratiser le sport modifiait le Code du commerce pour spécifier que dans les sociétés à conseil d’administration, le Conseil devait prendre ses décisions “en considérant les enjeux sociaux, sociétaux, culturels et sportifs de son activité”. Visiblement, cette dimension a suscité peu d’engouement, voire était si mal perçue que la loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de juin dernier a supprimé les mentions culturelles et sportives du Code du commerce. Un signal étrange dans une année où le sport est Grande cause nationale…
Qu’importe ! Le sujet reste particulièrement d’actualité.
Distinguons deux approches : le sport en entreprise et les soutiens au monde du sport.
Le sport en entreprise
Je ne parle pas ici des pronos internes organisés lors de grandes compétitions, mais de programmes dédiés au sport. C’est bien pour la cohésion d’équipe, mais cela fait peu travailler les muscles, à part l’index.
Généralement, ces programmes se présentent sous deux formes. Soit le CSE propose des réductions pour des abonnements à des salles de sport, soit l’entreprise propose des cours de sport dans son enceinte ou dispose d’un espace pour faire du sport.
Dans une étude réalisée par Decathlon en collaboration avec l’Union Sport et Cycle, il ressortait que 58% des entreprises estiment important de mettre en place des dispositifs d’accès aux activités physiques et sportives. Je trouve cela assez faible, mais n’oublions pas que pour beaucoup, l’entreprise, on y travaille et c’est tout.
Négocier des accès moins onéreux à des salles de sport est une première étape assez fréquente. Beaucoup de plateformes de prestations CSE le proposent — et les enseignes de salles de sport sont largement preneuses — et des startups, comme Gymlib, se sont positionnées sur ce marché. Cette démarche comporte un coût financier, mais nécessite peu d’engagement de la part de l’entreprise en termes d’espace ou de temps. C’est toutefois une option très intéressante pour les entreprises qui n’ont pas d’espace disponible.
Et c’est un avantage qui peut avoir son importance pour un salarié. Selon une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), 26% des Français fréquentent une salle de sport et 25% au moins une fois par semaine. C’est de loin la pratique sportive la plus régulière. Par ailleurs, le coût est le deuxième frein le plus fréquemment mentionné à une pratique sportive fréquente derrière les contraintes professionnelles et familiales.
La seconde option de mettre une salle de sport à disposition ou d’organiser des cours est plus engageante. Elle nécessite de dédier un espace à cet effet (douches et vestiaires compris) et d’acheter du matériel. Dans le cas où des cours sont dispensés, cela peut éventuellement se faire dans des salles de réunion ou en extérieur, mais il faut soit recruter une personne extérieur, dans tous les cas prévoir l’organisation interne.
Dans l’étude de Decathlon, un effet taille d’entreprise était flagrant sur ce point. 50% des entreprises de plus de 1000 salariés organisent des cours ou mettent à disposition une salle contre 6% pour les TPE. Probablement une question de place et/ou de moyens.
Toutefois, ces pratiques sont de plus en plus plébiscitées en matière de QVT. Le lien entre sport et santé n’est plus à faire et nombre d’acteurs du monde du sport font l’étalage de tous les avantages du sport en entreprise : bien-être, moins d’absentéisme, plus de loyauté, meilleure performance etc. (voir par exemple cet article d’Urban Sports Club). Cela crée aussi de la cohésion d’équipe. Au début, ça fait bizarre de voir ses collègues, voire ses managers, en tenue de sport, puis on s’y fait et cela crée de nouveaux liens.
Cet aspect interne peut parfois être totalement inscrit dans la culture d’entreprise. Dans certaines entreprises, les valeurs et la pratique du sport (souvent dans une logique plutôt compétitrice) sont fondamentales dans le fonctionnement de l’organisation. Difficile d’être en dehors de ce moule. Ce cas de figure est très rare et plutôt dans des entreprises de petites tailles.
Deuxième morceau de cette missive spéciale avec un énorme coup de cœur découvert lors de la magnifique cérémonie d’ouverture des paralympiques : “Masculinity” de Lucky Love. L’artiste est lui-même touché de handicap.
Je vous encourage à regarder le tableau de la cérémonie. Un moment saisissant hors du temps !
Les entreprises dans le sport
L’autre facette de la relation entre les entreprises et le sport, c’est le soutien que les structures apportent au monde sportif, sous forme soit de partenariat, soit de mécénat.
J’imagine que vous faites la différence entre le partenariat sportif et le mécénat, mais au-delà de l’absence de contrepartie, il faut savoir que le partenariat peut tout de même amener à des déductions d’impôts. Ce rapport l’explique bien.
Les partenariats recouvrent un champ très large, qu’ils soient auprès de sportifs, de clubs, de fédérations et de lieux. Chacun a ses spécificités et tous ne sont pas adaptés à toutes les entreprises.
Selon une étude de 2021 réalisée par KPMG et Sporsora, le sponsoring sportif représente 2,5 milliards d’euros en France. C’est donc loin d’être anecdotique. Et contrairement aux idées reçues dont les miennes, ce sont principalement les clubs amateurs qui en bénéficient. Autre idée reçue battue en brèche par cette étude, les TPE-PME-ETI sont les principales contributrices de partenariat sportif. Cela représente 89% des contrats signés. La raison pour laquelle on le voit moins, c’est que cela représente 59% des montants et ce ne sont pas ceux qui apparaissent le plus à la télé.
Face aux mastodontes qu’on voit partout avec les JO et qui paient des sommes à multiples zéros, 92% des contrats sont inférieurs à 100 000 euros.
Les raisons de ce type de partenariat sont multiples. En dehors des grandes marques, historiquement, pas mal d’entreprises le font par soutien à la cause sportive. C’est souvent le cas d’entreprises dont les dirigeants sont eux-mêmes très sportifs. Il y a également d’autres raisons, mais pas surprenant par exemple de retrouver Bastide Médical très présent dans le tennis (son PDG est un pratiquant assidu), Spayr, start-up à mission dans les RH que j’avais interviewée pour le podcast, dans la voile (deux des co-fondateurs ont des liens forts avec cette discipline) ou Greenweez dans les sports de montagne (déjà par l’emplacement du siège à Annecy, mais aussi par le très fort intérêt d’un de ses fondateurs pour ses disciplines).
Quelqu’un a eu la bonne idée de vous transférer cette missive ? Déjà merci à cette personne !
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Ces partenariats sportifs sont motivés par bien d’autres aspects. Certains parleront de la proximité entre les valeurs du sport et celles de l’entreprise (le dépassement de soi, le collectif, l’atteinte d’objectifs etc.). D’autres mettront en avant la cohésion collective qui est au cœur du sport : pour atteindre ces objectifs, il faut jouer collectif, et le sport en est un exemple.
D’autres encore insisteront sur les aspects de communication. Dans mon ancienne vie chez Bpifrance, c’était clairement le cas. La banque est sponsor de nombreux clubs de sport plutôt modestes, mais c’est un moyen de présenter la banque comme proche des territoires. Certaines entreprises cherchent à associer leur image à celle d’un club ou d’un sportif pour marquer l’excellence, la sympathie etc. En tout cas, les Français ont une vision très positive du partenariat sportif. Mais, cela n’est pas réellement le sujet de cette analyse tant cet aspect est connu.
Certaines entreprises le font également pour défendre des causes importantes pour elles, que ce soit dans leurs valeurs ou dans leurs activités. Par exemple, l’assureur AG2R est très présent dans le cyclisme en lien avec les questions de santé et d’inclusion dans la société (par la promotion du cyclisme pour tous dont ceux souffrant d’un handicap).
Souvent, la cause à défendre est plus territoriale, notamment pour les plus structures : sponsoriser un club, une compétition ou un sportif local. La logique est ici celle de la valorisation et de l’attractivité des territoires. Dans l’univers du tennis, qui comptent beaucoup de tournois en France, on voit fréquemment des sponsors très locaux. C’est par exemple le cas de Cap Finances qui sponsorise l’Open tennis de Rouen avec un contrat de “naming” (c’est quand une entreprise adosse son nom à un lieu, une compétition ou un événement). C’est souvent l’occasion d’organiser des événements en lien avec le sport, de réunir des clients etc. C’est aussi le cas de DLSI, agence de recrutement dans l’Est, qui soutient depuis 5 ans le tennisman messin Ugo Humbert.
Les contreparties sont très variables dans le cadre d’un partenariat, mais une fois encore, ce sont les valeurs du sport qui sont valorisées, ainsi que la logique de soutien à des acteurs locaux quand la démarche est plus territoriale.
Il est possible que cette dimension prenne plus de place après les JO. En effet, la ferveur sportive devrait se maintenir avec les bons résultats des délégations françaises. Les entreprises pourraient alors être tentées de s’orienter vers des partenariats sportifs.
Tant mieux. Beaucoup de sportifs sont amateurs et comptent beaucoup sur les partenariats dans leurs pratiques sportives. Espérons par exemple que l’engouement autour des Jeux paralympiques perdure après dimanche. Matthieu Lartot, un des principaux présentateurs des JO sur France Télévisions et amputé d’une jambe, espérait il y a quelques jours que les entreprises s’engagent davantage dans l’handisport pour soutenir ces disciplines trop peu médiatisées, mais largement dépendantes d’interventions externes. En tant qu’individu, c’est également possible, via des plateformes comme Obaine.
Dans ce cadre, les enjeux de développement durable ont toute leur place. L’association professionnelle Sporsora a publié l’an dernier un guide du partenariat responsable en prenant les ODD comme socle de réflexion. Du côté des clubs, de plus en plus mettent en œuvre et valorisent des politiques RSE. C’est par exemple le cas du club de football de l’AS Saint-Etienne qui a structuré sa démarche l’an dernier avec le programme “Vert l’Avenir”. Autre exemple avec le club de rugby, devenu société à mission, Aviron Bayonnais Rugby Pro. Ils organisent des événements sur des thématiques de développement durable, comme la permaculture ou les soft skills. De quoi attirer de nouvelles typologies d’entreprises partenaires qui se reconnaissent dans ces valeurs.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet, mais voici un premier panorama de réflexion. Je serais curieux d’avoir vos retours si jamais vous avez des bonnes pratiques à partager. J’alimenterai l’article pour ceux qui tomberaient dessus par des recherches Internet.
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A dans deux semaines (pour le moment le rythme ne change pas — je vous explique tout la prochaine fois),
Vivien.