Mes 9 tendances du sens en 2024
Je parle de "moi", des changements d'habitude, partage de la valeur, bureaux, de réglementations, de RSE, d'IA générative, de société à mission et quelques autres sujets
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je vous souhaite une très belle année 2024 ! Je vous la souhaite passionnante et enrichissante !
En ce début d’année, je vous propose une missive un peu particulière avec ma lecture toute personnelle, imparfaite et incomplète de tendances que je pressens pour 2024 en lien avec le sens, et qui auront des incidences sur le monde professionnel.
Mais, avant cela, je vous sollicite dans le cadre d’une enquête de lectorat. J’en fais une à deux fois par an et c’est toujours précieux pour jauger votre intérêt pour la newsletter, son contenu, mieux comprendre comment vous l’utilisez et ce que je peux améliorer. Que vous soyez fraîchement abonnés ou lecteurs de plus longue date, vos avis m’importent beaucoup ! Merci beaucoup de prendre ces quelques minutes !
Mes neuf tendances du sens pour 2024 :
Le choc des envies
Moi avant tout
Bureau ou pas bureau ? Flexible ou pas flexible ?
Le partage de la valeur devient un sujet social de premier ordre
La réglementation environnementale et sociale va continuer à dérouler pour tout le monde
Les attentes des collaborateurs en matière de RSE vont s'accentuer
Moins d’argent facile = plus d’impact mesuré
L’IA générative va-t-elle nous sauver ?
Une nouvelle ère pour la société à mission
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Petite pépite découverte en fin d’année, ce morceau jazz vocal m’accompagne souvent depuis, “This Is The Future” d’Atjazz. Et même s’il n’est pas des plus réjouissants, je le trouve bien approprié à la thématique du jour.
1. Le choc des envies
Chacun a ses envies, ses besoins, mais que se passe-t-il quand mes envies sont néfastes pour la société ou l'environnement ? Sont-elles répréhensibles ? Doivent-elles être contrôlées ? Certains se restreignent, changent d'habitudes, trouvent d'autres sources de satisfaction et de satiété pour le bien et la pérennité de la société (d'un point de vue social et/ou environnemental), tandis que d'autres changent peu ou pas du tout, voire ne sont pas prêts à le faire, comme le montrait un sondage Cluster 17 pour Le Point ; les “plaisirs coupables” comme les appelle Kantar dans une récente étude. Parfois, certains sont même fiers de ne pas changer. Après moi, le déluge.
Surtout, une forme d'exaspération émerge dans les deux camps : ceux qui changent comprennent de moins en moins le mutisme des “attentistes” ; les partisans du comme avant en ont marre des moralisateurs et autres promoteurs d'un discours sombre et catastrophiste.
Cette tension va s’intensifier et on peut s’attendre à ce que des oppositions se cristallisent en entreprise, que ce soit entre la direction et les collaborateurs (pas forcément avec des collaborateurs plus volontaires d’ailleurs) et entre collaborateurs. Ce sujet sera encore plus fort dans les entreprises qui s’engagent. En effet, c’est un processus sans fin : pour certains, il ne va pas assez vite, pour d’autres, il bouscule trop d’habitudes.
2. Moi avant tout
Nous sommes dans une ère de l'individu. On cherche toujours plus de confort matériel, psychologique, financier. On veut atteindre son équilibre selon son propre référentiel. Cela est renforcé par les réseaux sociaux, foncièrement nombrilistes et vecteurs de comparaisons, mais également par l'explosion du développement personnel, de la demande croissante de prise en compte des diversités, de l'adaptation aux besoins de chacun forcément différents des autres, de l'ultra-personnalisation que l'on nous vend, de la flexibilisation de nos sphères personnelles et professionnelles.
Si beaucoup de ces évolutions sont globalement souhaitables, certaines couvent un pendant négatif qui va continuer de s’affirmer : la conception que mes envies sont plus essentielles que celles des autres. En entreprise, cela se traduit par une priorisation de son équilibre personnel, potentiellement au détriment de son équipe et plus généralement du collectif. Former un corps social commun devient plus fastidieux, car il faut prendre en compte beaucoup plus de paramètres avec des personnes parfois prêtes à moins de compromis sur leur situation.
3. Bureau ou pas bureau ? Flexible ou pas flexible ?
Le débat sur le télétravail est un serpent de mer. A mesure que les gestes barrières s’effacent, les habitudes prises pendant “la période Covid” en font de même. Le télétravail semblait être un acquis pour les entreprises qui pouvaient le mettre en place. Dans nombre d’entre elles, des accords de télétravail ont même été négociés.
Mais, voilà, il y a un hic. Cela bouscule les organisations et beaucoup n’ont pas évolué. Elles ont mis en place du télétravail en conservant les mêmes rituels, la même organisation, les mêmes habitudes de travail et le même style de management qu’avant.
Forcément, ça ne marche pas. Dans ces organisations, onboarder les nouveaux arrivants s’avère une tâche complexe quand il y a beaucoup de télétravail. Les liens se distendent. Peut-être est-ce en partie lié à une culture trop faiblement incarnée, comme le soupçonne mes collègues de B-Harmonist dans un récent épisode du podcast Harmony Inside.
Bref, le retour au bureau devient une politique de plus en plus forte, voire imposée. Aux Etats-Unis, il y a même un acronyme : le RTO (return to the office). De nombreuses entreprises renégocient les accords de télétravail, parfois pour limiter le nombre de jours hors bureau. En France, le télétravail semble plutôt acquis dans les grandes entreprises et pas mal d’entreprises de services. Mais pour beaucoup de TPE, PME et ETI au fonctionnement plus traditionnel, rien n’est fait.
On va ainsi voir des niveaux de débat très différents : dans certaines entreprises, l’enjeu portera sur la pérennité du télétravail au-delà d'une journée par semaine quand d'autres réfléchissent à flexibiliser encore davantage le lieu de télétravail en utilisant des lieux de co-working.
Mais, comme le notait l’Observatoire du télétravail, de nombreux impensés doivent être traités : l’espace de travail, l’organisation des bureaux, mais également le management dans un contexte hybride.
4. Le partage de la valeur devient un sujet social de premier ordre
Dans un contexte où les salaires évoluent bien moins vite que l’inflation, mais où il faut tout de même rétribuer le travail, maintenir l'engagement, fidéliser les collaborateurs et en attirer de nouveaux, les entreprises vont de plus en plus se saisir de tous les dispositifs de partage de la valeur, selon le Baromètre du partage du profit d’Eres, que ce soit l’actionnariat salarié, les primes d'intéressement et de participation et autres.
La Loi Pacte avait déjà facilité les démarches, mais beaucoup de ces dispositifs restaient surtout utilisés par les grandes entreprises, selon France Stratégie. En 2023, la Loi sur le partage de la valeur a rendu les choses beaucoup plus concrètes pour les entreprises de moins de 50 salariés, puisque d'ici 2025, celles réalisant un bénéfice net d'au moins 1% du CA pendant 3 exercices consécutifs seront quasi obligées de mettre en place un dispositif de participation, d'épargne salariale ou de verser une prime de partage de la valeur.
On peut donc s’attendre à voir de plus en plus d’accords que ce soit dans les startups ou dans les entreprises plus établies, aussi bien pour pallier des manques d’augmentation que pour instaurer de nouveaux mécanismes de fidélisation. L’argent reste encore un formidable booster d’engagement.
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5. La réglementation environnementale et sociale va continuer à se dérouler pour tout le monde
2024 va être l’année de la CSRD qui rentre en application. D’autres directives européennes arrivent, comme la Corporate Sustainability Due Diligence (CSDD - autrement dit le droit de vigilance à l’échelle européenne). On parle depuis quelques temps d’une taxonomie sociale, le pendant de sa cousine environnementale. Et bien d’autres encore.
Elles vont avoir des incidences importantes. Tout d'abord, le nombre d'entreprises directement concernées par ses réglementations extrafinancières augmente. En 2024, l’effet semblera encore limité, mais toutes les autres concernées prendront des notes sur celles qui vont essuyer les plâtres.
Ensuite, ces réglementations vont infuser plus indirectement chez leurs fournisseurs. Il ne faudra plus être surpris de devoir aligner ses enjeux RSE internes sur ceux de ces clients, surtout quand vous êtes des fournisseurs-clés. De même, pas de surprise non plus à ce que les demandes de labellisation, certification et autres se multiplie pour donner des gages aux clients. Et enfin que dans les marchés privés, des exigences RSE prennent progressivement plus de poids.
Autre point intéressant, le poids de l'extrafinancier devrait créer un nouveau jeu de pouvoir dans les entreprises, comme le pressens Sébastien Mandron, directeur RSE du groupe Worldline dans un épisode du podcast Le Sens et l’Action : le département RSE va être en droit d'exiger du reporting de la part d’autres direction, y compris la finance, alors qu’il représente un pouillème des dépenses et investissements de l’entreprise. Ca sent de bons échanges bienveillants…
6. Les attentes des collaborateurs en matière de RSE vont s'accentuer
La volonté d'agir est bien là, mais le passage à l'action est plus incertain, comme le rappelait une étude de Bpifrance Le Lab. La RSE reste un objet mal compris même si c’est normé de très longue date. On a parfois l’impression que c’est un moyen de justifier qu’on n’a pas fait grand-chose.
Pourtant, beaucoup d’entreprises mènent des actions diverses et variées, mais beaucoup n’ont pas de trajectoires, de priorités ou de cadre d’action. Cela va devenir de plus en plus difficile à accepter pour les collaborateurs, surtout sur les aspects environnementaux. Etrangement, sur les aspects sociaux, les manques relèvent souvent du “on a toujours fait comme ça” qui génère une forme d’acceptabilité. Mais, pendant combien de temps ?
En revanche, sur les sujets environnementaux, ne pas faire le tri, ne pas avoir d’actions en faveur de la biodiversité, ne pas chercher de solutions pour moins polluer etc., sont des sujets “émergents” qui viennent bousculer les états d’esprit. Beaucoup de collaborateurs voudront que leurs entreprises fassent plus, comme le rappelait le dernier baromètre de Cegos sur la RSE. C’est une attente floue, mais qui demande d’être traitée sous peine de remarques désobligeantes, d’un désengagement de certains, voire d’actions délibérément négatives en interne.
Mais, attention, une fois engagé, difficile de se limiter à des mesurettes.
7. Moins d’argent facile = plus d’impact mesuré
L’argent facile ne coule plus à flot, que ce soit au niveau des banques avec des taux d’intérêt revu à la hausse ou des fonds d’investissement plus pointilleux sur leurs choix. L’ère est à plus de frugalité, faire mieux avec moins et démontrer davantage l’effet de ses actions. A mesure que les réglementations ESG vont jouer sur les sociétés de gestion, on peut penser que leurs demandes de preuves de l’impact seront plus fortes et claires.
Aujourd’hui, “impact” est encore trop synonyme de “positif”, mais la mesure est faible. Autrement dit, beaucoup d’entreprises se disent “à impact”, parce que par nature leur activité s’insère dans un champ d’action positif. Néanmoins, elles sont encore nombreuses à manquer de transparence sur la réalité de leur effet.
On peut s’attendre à ce que cela change progressivement sous la demande de sociétés de gestions, notamment ceux qui poussent le plus sur ces sujets, mais également d’autres investisseurs plus classiques sous l’effet de la réglementation, ainsi que de leurs souscripteurs. Peut-être peut-on même espérer que nous autres citoyens disposant d’un plan d’épargne nous rendront un peu plus compte du pouvoir dont nous disposons…
8. L’IA générative va-t-elle nous sauver ?
Le metaverse est en période d'hibernation indéfinie—et en vrai, c'est une bonne nouvelle. Les outils d'IA générative, eux, vont continuer de s'accélérer très brutalement en 2024. Aux côtés des outils accessibles à tous comme OpenAI (ChatGPT et Dall-E) et Bard, d'innombrables applications lancent leur fonction d'IA générative. Tout y passe : pour la réalisation de synthèses, l’édition d’images, la réalisation de scripts, de storyboards, la recherche documentaire, ou la formulation de conseils.
Beaucoup y voient un gain de temps énorme, ainsi que la délégation de tâches rébarbatives. On commence également à voir d'autres effets. On crée de nouveaux postes : les prompt managers. Mais, inversement, d'autres deviennent redondants, et certains métiers se voient menacés, dans l'univers du conseil par exemple. On devrait également voir de plus en plus d'entreprises (surtout les grandes pour le moment) développer leurs propres outils d'IA générative. On est au début de l’histoire, car on est loin de savoir jusqu'où ces outils sont capables d'aller (au point de créer de nouveaux tests de Turing vu les capacités actuelles).
Cette année, ce sera la grande explosion, probablement avec de bonnes surprises, des déceptions et pas mal de n’importe quoi. Surtout, il est bien difficile d’anticiper les incidences que cela aura sur le travail. Il faudra former au bon usage de ces outils sous peine qu’ils soient peu ou mal utilisés ; il faudra les insérer dans des processus existants ou créer de nouveaux mécanismes en interne sans les imposer arbitrairement pour autant—et on sait que c’est souvent le cas pour les nouveaux outils… ; mais également, il faudra comprendre quoi faire du temps dégagé si effectivement ces outils font gagner du temps.
9. La nouvelle ère de la société à mission
La société à mission va fêter ses 5 ans cette année. On fera le bilan plus tard, mais avant tout, il faut reconnaître que la société à mission commence à souffrir de son cadre ultra souple.
La liberté de définir sa propre mission, ses propres orientations et ses propres objectifs se heurte à la compréhension, à la sincérité et à la profondeur de l'exercice par les entreprises. Désormais, la société à mission ne touche plus que les fervents convaincus. D’autres entreprises, jusqu’alors plus attentistes, se lancent, maintenant que l’on dispose de retours d’expérience—et en fait, ça se passe bien. Et d’autres flairent la bonne opportunité à faible coût.
D’aucuns ont compris que la liberté du cadre se traduisait par une contrainte limitée dans la formulation de la mission, dans les objectifs qu'on se fixe et in fine dans la vérification qui en est faite. Celle-ci regarde l’adéquation entre les moyens mis en œuvre et l’atteinte des objectifs fixés, pas leur profondeur ou leur pertinence.
La question va se poser de manière plus pressante de savoir si cette souplesse est soutenable à terme—petit teaser d’un rapport que je vais bientôt sortir, une très grosse majorité des entreprises à mission n’ont pas publié l’avis de vérification de l’Organisme tiers indépendant alors que c’est une des quelques obligations légales—, ou s’il ne faudrait pas instaurer d’autres dispositifs qui servent de garde-fous, voire qui contraignent davantage.
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Evidemment, cette liste est partielle et je suis certain que vous avez d’autres idées en tête. J’espère en tout cas que ces tendances alimenteront vos réflexions.
Et si vous n’avez pas encore eu l’occasion de le faire, un très grand merci d’avance de vos réponses à mon enquête de lectorat. C’est vraiment très précieux !
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A la semaine prochaine,
Vivien.
Tout à fait en phase avec ces tendances. A noter que ton point 5 est renforcé par la transposition en droit français de l'ESRS encadrant de manière ferme le reporting extra financier et rendant l'ESG comparable entre entreprises. Avec par exemple la création d'un jumeau au commissaire aux comptes: le commissaire à la durabilité, ayant les mêmes pouvoirs mais sur l'extra financier et le non le financier.