#135 Le climat, l'angle mort du "future of work"
Egalement le problème des pionniers; le clickbait; les familles face aux tragédies; l'éthique; la diversité etc.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 135e missive. “Il fait chaud non ? Et si on mettait la clim” On a tous entendu, voire prononcé, cette phrase. Et pourtant, et pourtant… Vivement les clim dont le plaisir n’est pas que de courte durée...
Avant de passer au sommaire, petit message à tous les participants de Produrable mardi et mercredi prochains. J’y serai une bonne partie du temps. Si c’est également votre cas, faites-moi signe. Je serai ravi d’échanger, de faire connaissance, de reprendre contact, de comparer nos impressions sur les conférences. Il vous suffit juste de répondre à ce message - je reçois les emails directement dans ma boîte. En espérant vous y retrouver !
Passons au sommaire :
💭 L’édito : le climat, l’angle mort du “future of work”
🪃 Le retour de boomerang pour les pionniers avec Body Shop
🤔 On le savait que le baitclick en pied d’article cachait des choses
👪 De nouvelles réglementations pour les familles face aux drames de leurs enfants
😵 Nouvel épisode de podcast sur les enjeux complexes de la diversité
📈 L’éthique et les équipes performantes : ça fait parfois deux
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec le greenwashing des cabinets de conseil “vert”, la bifurcation et les riches, un nouveau Français au GIEC, la parenthèse Gutenberg, et la presse et la société à mission.
🎧 Mon son de la semaine : French 79 - FOIX.
Bonne lecture, à dévorer ou à déguster !
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Je vous partage un de mes coups de cœur de l’été, French 79. Cet artiste electro français a sorti un nouvel album au printemps, qui ne cesse de me captiver. Au point d’utiliser un de ses morceaux pour le générique des épisodes de la saison 3 du podcast de La Machine à sens. En l’occurrence “FOIX”, à écouter sans retenue.
Quand vous tapez “future of work” dans un navigateur, les résultats sont concordants. On parle de trois aspects : l’impact des technologies, les nouvelles compétences et le rapport au travail.
Un rapport de McKinsey début 2023 reflète très bien cette tendance. Selon le cabinet de conseil,
le “future of work” se réfère à une perspective informée sur ce que les entreprises et autres organisations doivent savoir au sujet de la manière dont le travail va évoluer (en fonction de la digitalisation et d’autres tendances) et comment les salariés et les lieux de travail peuvent se préparer face à ces changements, grands et petits.
On y parle d’IA, d’hybridation du travail, de nouvelles compétences liées aux e-commerce.
Même constat il y a quelques mois dans le rapport annuel du World Economic Forum dédié au sujet.
Il y a pourtant un angle mort dans ces rapports : l’impact du changement climatique sur ce “future of work”. Les seules mentions des enjeux climatiques sont liées aux nouvelles opportunités de développement et aux besoins de compétences sur certains métiers.
Et pourtant, personne ne peut nier que le changement climatique est un facteur indispensable à prendre en compte dans le futur du travail.
De manière évidente, les métiers en extérieur (BTP, agriculture, jardinerie, éboueurs etc.) ou les métiers déjà exposés à de fortes températures sur leurs lieux de travail (industrie métallurgique, boulangerie, restauration etc.) sont les premiers auxquels on pense. Leurs conditions de travail sont souvent déjà éprouvantes.
Les pics de chaleur et les canicules de plusieurs jours viennent davantage entamer leur santé physique et, donc, leur productivité, leur motivation, et par ricoché l’attractivité de ces métiers.
Les métiers de services semblent a priori moins affectés. Dans les bureaux, l’exposition au soleil est moins forte et les efforts physiques moindres. Toutefois, les climatisations ne sont pas installées partout (et ne sont pas la réponse aux problèmes) et pour les employeurs responsables, elle est fixée à 26°C, ce qui n’est pas une température de confort optimal. Egalement, nombreux sont ceux qui télétravaillent ou travaillent de chez eux sans clim.
Pour toutes ces personnes, l’impact est plus réduit, mais la productivité est affectée. N’oublions pas non plus le fait que les nuits sont moins paisibles quand les températures ne redescendent pas. Cela entame son état mental et peut amener à être plus irritable et conduire à des conflits…
Il est très difficile de mesurer l’impact du changement climatique sur le travail, et cet effort a été peu menée jusqu’à présent. Une étude en 2021 publiée dans The Lancet s’est focalisée sur la force de travail disponible (labour supply) et sur la productivité au travail.
Plus on va au Sud, plus l’impact est fort. Mais, cette étude montre que d’une région à une autre, les températures optimales de productivité varient fortement, ainsi que l’impact entre les métiers d’intérieur et d’extérieur.
On ne peut donc pas évacuer ce sujet, surtout à une époque où les réglementations concernant la qualité de vie au travail augmentent et où les conditions de travail représentent des enjeux de fidélisation.
Pourtant, l’adaptation au changement climatique est souvent le parent pauvre des réflexions d’entreprises, un peu moins dans les métiers d’extérieur, même si ce n’est pas partagé partout. Dans ces métiers, la logique du “de toute manière, c’est un métier difficile” perdure. Ce sont les mêmes qui se plaignent de la difficulté à recruter…
On ne peut pas occulter l’impact du changement climatique sur le bon fonctionnement des organisations, même pour des métiers de bureaux. Mettre la clim à 21°C deviendra de moins en moins envisageable pour limiter les consommations électriques et l’empreinte carbone de l’entreprise. Il faudra trouver d’autres alternatives sur site, comme la végétalisation. Parfois, il ne sera plus possible d’être à 4 dans un bureau de 3 lorsque les températures grimpent trop, ce qui demandera des réflexions en termes de présence au bureau ou d’organisation des horaires.
Dans les réflexions sur le future of work, on peut donc penser à l’impact à des nouvelles technologies, mais le changement climatique (dans ce cas, surtout les pics de chaleur et canicules) doit être davantage pris en considération.
Vous avez idées ?
🪃 Le retour de boomerang sur les pionniers
Etre en avance sur son marché et fonder son succès sur cette dimension précurseur représente ce que beaucoup d’entreprises recherchent. Mais quid de la situation où le marché rattrape le pionnier ? C’est ce que connaît Body Shop depuis quelques années.
L’entreprise est l’incarnation d’une nouvelle approche du capitalisme, plus éthique et engagée, comme le décrivait Anita Roddick, sa fondatrice dans Business As Unusual. Sur le secteur de la beauté, Body Shop prenait le contrepied de la concurrence : plutôt que de parler de minceur et de solution anti-âge, elle parlait de prendre soin de soi et de naturel.
Petit souci, comme l’explique cet article dans le Daily Telegraph, cette différenciation s’est réduite au fur et à mesure du temps. Les sujets de lutte contre la cruauté animale ou le véganisme dans les produits de beauté sont devenus mainstream. Les “clean labels” aussi. Et l’entreprise n’a pas, de son côté, maintenu cet avantage de précurseur, ni pris d’autres virages notamment sur l’e-commerce.
Aujourd’hui, les rumeurs de vente de la marque par Natura & Co qui la détient se multiplient. Certains diront que Body Shop a montré la bonne voie et que c’est encourageant de voir que leurs combats deviennent monnaie courante. Mais pour elle, comme pour d’autres qui ouvrent la voie, comment gérer cette situation de se faire rattraper, surtout quand l’inertie bureaucratique s’installe et la créativité s’estompe ? Il n’y a pas de réponse unique, mais il y a le besoin de l’avoir à l’esprit, notamment pour toutes les entreprises qui se lancent sur des créneaux ayant une forte dimension sociale ou environnementale pour “disrupter” la concurrence.
🤔Vous ne regarderez plus les liens sponsorisés en pied d’article de la même manière
L’incarnation du “clickbait”, ce sont probablement tous ces liens sponsorisés que vous voyez sur n’innombrables sites, souvent des sites de presse. Les titres sont racoleurs et jouent à fond sur le FOMO (fear of missing out). Malheureusement, on ne peut pas y faire grand chose légalement et c’est une source de revenus indispensable pour certains sites.
En revanche, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut agir lorsque les liens promeuvent des pratiques commerciales trompeuses. La régie publicitaire Taboola vient d’en faire les frais, explique L’Usine Digitale. L’entreprise américaine a été prise en chasse par l’autorité pour cause de publicités “déloyales”.
Cela pouvait prendre plusieurs formes : contenus discréditant des approches médicales, promotion de traitements qui nécessitent normalement des visites médicales, fausses allégations de la vertu de certains produits etc. La période concernée s’étale sur 2 ans entre 2018 et 2020. La DGCCRF a estimé que Taboola ne pouvait pas ignorer le caractère trompeur de ses pubs à partir du moment où elle avait signalé des contenus à l’entreprise.
Taboola s’en sort plutôt bien avec une amende de 650 000 euros. Rappelons que la régie a des accords avec 9000 éditeurs partenaires dans le monde et avec de gros sites de presse comme le Figaro, Ouest France ou 20 Minutes. Bref, toujours se rappeler d’être vigilant sur les entreprises avec lesquelles on travaille…
👪 L’allongement bienvenu pour des parents devant affronter la douleur
Le Parlement a allongé la durée de congés pour les parents faisant face à plusieurs situations tragiques, particulièrement le décès de l’enfant (pour un enfant de moins de 25 ans, le congé décès—différent du congé deuil—passe de 7 à 14 jours ouvrés) et le diagnostic d’un handicap, d’un cancer ou autre pathologie chronique (de 2 à 5 jours). Le site Faire face référence les autres cas de figure.
Les cœurs de pierre s’insurgeront : encore des congés ? Les autres diront que ce sont des situations où la présence au travail ne sert à rien tant la personne est affectée, et que cela ne la sert ni elle, ni ses collègues.
😵L’enjeu complexe de la diversité en entreprise
La diversité est un enjeu de plus en plus fort pour les entreprises, mais que beaucoup ne savent pas trop comment appréhender. Dans l’épisode de rentrée du podcast de La Machine à sens, nous discutons de ce sujet avec Laure Bereni, directrice de recherche au CNRS et auteure de l’ouvrage Le Management de la vertu. La diversité en entreprise à New York et à Paris (lire la chronique).
On revient sur le développement de ces enjeux aux Etats-Unis et en France, les particularités et différences entre le traitement de ce sujet, ainsi que sur les managers de la diversité en entreprise.
Pour toute personne en entreprise ou en conseil impliquée de près ou de loin sur ces enjeux, il faut écouter Laure !
📈Attention à l’éthique des équipes performantes
Dans un article publié sur Fast Company, Richard Bistrong, Dina Smith et Ron Carucci expliquent pourquoi les équipes les plus performantes sont plus sujettes à des comportements non-éthiques que les autres. Plusieurs raisons l’expliquent. En voici quelques-unes :
elles sont économiquement performantes, donc il y a une tolérance plus forte aux déviances ;
de manière corrélée, cela crée un sentiment d’impunité au sein des membres de cette équipe, qui se permettent des actions que d’autres ne feraient pas ;
de la même manière, cette position de pouvoir et de popularité s’accompagne souvent d’un statut élevé, d’avantages financiers divers, que les membres de cet équipe sont prêts à protéger à tout prix.
Les auteurs formulent quatre recommandations pour limiter ses comportements :
tempérer comment vous célébrez les succès en interne et le système de primes ;
définir l’échec et normaliser le fait qu’il n’est pas forcément négatif ;
reconnaître et saluer des comportements très intègres ;
ne pas laisser les personnes en surperformance sans supervision managériale.
C’est pas mal de bon sens, mais tellement essentiel !
🧠Un peu plus de jus de crâne
Dans sa dernière chronique au Monde, Armand Hatchuel envisage en quoi la qualité de société à mission pourrait s’avérer utile pour les organes de presse.
Pourquoi “les riches” ne bifurquent-ils pas ? C’est la question que traite Jean-Philippe Decka sur Bon Pote.
On va souvent l’entendre dans les prochaines années : Robert Vautard. Il a été nommé co-président du Groupe 1 du GIEC et fait suite à Valérie Masson-Delmotte. Il était l’invité de La Terre au carré sur France Inter. Comme d’autres, il a déserté Twitter, mais vous pouvez le suivre sur LinkedIn.
La “parenthèse Gutenberg”, vous connaissez ? Dans sa newsletter Le Wrap Up, Christian explore cette notion et notamment un ouvrage de Jeff Jarvis sur le sujet. Il s’agit simplement d’une révolution profonde de la propriété intellectuelle.
Témoignage intéressant dans Le Monde d’une jeune professionnelle qui explique pourquoi elle a arrêté de travailler dans un cabinet de conseil “vert”, en raison du greenwashing ambiant
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A jeudi,
Vivien.