#95 Et si on améliorait la société à mission
Juste deux idées qui en appellent d'autres; sobriété (encore); exemplarité verte et plein d'autres sujets (temps de lecture: 10')
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans cette 95e missive ! Avant de commencer, j’aimerais partager une petite fierté (ça fait du bien de temps en temps). En mai dernier, j’ai sorti un rapport 50 Nuances de mission. Comment les entreprises se saisissent de la société à mission, fruit des 50 premiers décryptages de sociétés à mission réalisés. Il vient de dépasser les 300 téléchargements. Je ne m’y attendais pas !
Je dois remercier la force de frappe de Bpifrance. Ils ont renvoyé une communication sur le module de formation que j’ai réalisé pour eux sur la société à mission (entre 45 et 60 minutes au total) et cela a attiré un nombre substantiel de téléchargements et également de nouvelles inscriptions à la newsletter (bienvenue à vous !).
Et dernier appel pour Produrable. J’ai prévu d’y passer le maximum de temps possible mardi et mercredi. Je serais vraiment ravi de vous y (re)voir ou vous rencontrer si vous y êtes. Comme je pressens qu’il y aura BEAUCOUP de monde, j’aime bien laisser la chance au hasard, mais je pense qu’il est mieux de s’organiser. Faites-moi signe, soit en répondant à cette missive (le message arrive directement dans ma boîte) ou sur LinkedIn.
Passons au sommaire :
💭 Edito : Deux propositions d’amélioration du cadre de la société à mission
🤮 Et si on rajoutait des questions RSE dans les questions clés quand on pense un nouveau produit.
💡Toutes les entreprises veulent être plus sobres ; InVivo partage son plan
❓Vous voulez utiliser ou utilisez les ODD dans votre entreprise. Mise à jour des questions à se poser
🔢Les chiffres qui marquent sur l’empreinte carbone moyenne d’un Français, l’écoconception et les efforts pour être plus sobres énergétiquement
🟢En route vers “l’exemplarité verte”
⏫Les entreprises à la croisée des chemins
🧠Un peu plus de jus de crâne avec la formation climat du gouvernement, la jupe de Brad Pitt, la créativité humaine, l’exploration de l’Arctique et une interview portrait de Bon Pote
🎧Mon son de la semaine : Alexia Gredy - “Un peu plus souvent”
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
💭L’édito
Je sème quelques idées d’amélioration du cadre de l’entreprise à mission. L’idée m’est venue suite à une belle couverture médiatique dans Le Monde, qui a consacré plusieurs articles à la société à mission ici, ici et ici.
J’aimerais évoquer deux points : la publication de la mission et l’organisation de l’audit par l’OTI.
Quelle limite à la liberté ?
La société à mission repose sur un principe de grandes liberté et flexibilité laissées aux entreprises. C’était voulu par ses concepteurs académiques et le législateur n’a pas été plus zélé. L’entreprise fixe la raison d’être et le nombre d’objectifs qu’elle veut avec un périmètre mal défini (sauf pour les afficionados du langage juridique) ; elle constitue le comité de mission comme elle veut, dès lors qu’il y a un salarié, qui se réunit au bon vouloir de l’entreprise ; elle fixe les indicateurs qu’elle souhaite et d’ailleurs ce n’est pas obligatoire de le faire. Bref, l’engagement est à la carte.
Cela présente des avantages : l’entreprise peut s’appuyer sur ses forces pour maximiser son impact positif et orienter ses efforts dans cette direction. Cela présente des inconvénients : l’entreprise peut se vivre (ou se penser à tort ou à raison) société à mission, mais sans forcément respecter les quelques règles de la loi.
Publication de la mission (ou pas)
Quand une entreprise qui devient société à mission, le niveau de communication varie énormément. Certaines organisent de vraies campagnes de communication, d’autres prévoient un entretien dans un média, d’autres encore ne diffusent aucune information à l’externe. Certaines communiquent sur la totalité de leur mission (raison d’être et objectifs) et d’autres juste sur leur raison d’être.
Dans le lot, les missions sont très variées : certaines ont compris l’esprit et la lettre de la mission ; certaines font un patchwork de la politique RSE, ce qui est encourageant mais ne correspond pas à l’ambition de la société à mission ; certaines ne respectent pas la loi en ayant juste une raison d’être (ne blâmons pas les greffes trop vite, c’est à l’entreprise de faire le boulot normalement). Je pourrais exposer plein d’autres cas (vous pouvez vous faire un avis en regardant la liste des 60 missions déjà analysées ou en allant sur l’Observatoire des entreprises à mission).
Je pense qu’il faudrait rendre obligatoire la publication de la mission sur le site Internet de l’entreprise, comme c’est le cas de l’avis de l’OTI par exemple. Cela illustrerait un engagement de l’entreprise auprès de ses parties prenantes externes (au-delà de revendiquer la qualité dans les offres d’emploi et dans les médias), une forme de transparence (devenir société à mission n’est pas un label de vertu, c’est un cadre de progrès, ni une démarche strictement interne).
Par ailleurs, cela ancre les choses. Déjà, on est quand même un peu plus tatillon sur des éléments qui sont rendus publics, d’autant plus que certains (au hasard moi, mais pas) pourraient comparer les missions des différentes entreprises.
En outre, une entreprise peut aujourd’hui se déclarer société à mission sans qu’acune information ne filtre avant la publication de l’avis de l’OTI 18 ou 24 mois après le changement des statuts. L’enjeu sociétal auquel l’entreprise souhaite contribuer ne peut pas être strictement interne ; le rendre public me paraît être le minimum.
Qui fait le gendarme des vérifications OTI ?
C’est à l’entreprise d’être bonne élève en prévoyant elle-même la vérification de sa mission par un OTI. En théorie, une entreprise prend la démarche de société à mission au sérieux et donc devrait suivre les étapes à la lettre.
Dans les faits, c’est un peu différent. Plusieurs situations co-existent : certaines entreprises s’intéressent davantage au travail de raison d’être et d’objectifs qu’au déploiement ; d’autres ne sont pas très familières des jalons et donc négligent un peu les différentes étapes ; d’autres enfin se replongent dans le quotidien et oublient de suivre le déploiement.
Ainsi, 18 ou 24 mois après le changement des statuts, rien ne se passe. Potentiellement, 30 mois après, toujours rien. Et légalement, personne n’a l’autorité pour contraindre l’entreprise à faire son audit. On peut envisager un mécanisme de saisine du juge du tribunal de Commerce (qui a l’autorité pour révoquer la qualité de société à mission), mais c’est fastidieux et qui le ferait ? Idem pour la publication de l’avis de l’OTI. Certes, c’est obligatoire, mais qui va vérifier ?
Il y a déjà des entreprises qui ne sont pas dans les clous et ce n’est que le début. Dans une phase de crédibilisation de la société à mission, ces situations sont problématiques. Elles font le miel des sceptiques du dispositif.
Faut-il créer un dispositif juridique qui contraigne les entreprises à respecter la loi sous peine de voir leur qualité révoquée ? Faudrait-il que la Communauté des entreprises à mission ou l’Observatoire prenne à sa charge cette responsabilité en usant de coups de semonce avant d’en référer au juge du tribunal de Commerce ?
J’ouvre le débat. On pourra en parler à Produrable…
Du côté des entreprises
🤮TELLEMENT UNE VRAIE MAUVAISE INNOVATION.
Des fois, il faut se poser les bonnes questions avant de lancer un nouveau service ou produit. Taper sur Google ou Ecosia : questions à se poser avant de lancer un produit. Il y a de très bonnes questions, mais il en manque quand même un bon nombre qui concernent des sujets RSE (par exemple : quel est l’impact social et/ou environnemental de mon produit ?) ou plus bêtement : mon produit est-il utile à la société ?
Ces deux questions auraient pu être utiles à Sanas, une start-up américaine qui a développé une IA permettant de gommer les accents (info dénichée sur la très bonne newsletter New World Same Humans). Sa cible clients : les centres d’appels offshore en Inde, aux Philippines etc. Ah oui, ça marche bien !
Mais n’est-ce pas fondamentalement raciste quand l’accent indien est gommé pour donner l’accent d’un blanc américain ? N’est-ce pas profondément contraire à l’éthique d’une entreprise que de faire croire qu’on a une personne au bout du fil, mais en fait c’est complètement faux ?
💡QUELQUES BONNES IDEES ET UN POINT D’ATTENTION.
Les entreprises se triturent les méninges pour lancer ou accélérer leur plan de sobriété énergétique. C’est par exemple le cas d’InVivo. Touchée de plein fouet par l’augmentation des prix de l’énergie, ainsi que le réchauffement climatique, cette société à mission avait déjà un plan de sobriété énergétique à 2025, mais ils viennent de l’accélérer. Vous y trouverez peut-être quelques bonnes idées.
Toutefois, j’apporte un point de réflexion sur une mesure très populaire : augmenter le télétravail. Sur le papier, c’est parfait pour les entreprises. Moins de chauffage, d’éclairage etc. Mais quid des collaborateurs ? Pour eux, c’est plus de chauffage et plus d’électricité consommés, et donc des factures plus salées. Quand on sait qu’on compterait environ 5,2 millions de passoires thermiques en France, certains de vos collaborateurs habitent certainement dedans.
❓LES QUESTIONS A SE POSER.
Le GRI et le Global Compact de l’ONU ont mis à jour un des documents clés de la traduction des ODD pour les entreprises. Initialement publié en 2017, les deux organisations l’ont mis au goût de 2022 avec des questions parfois plus précises, de nouveaux enjeux etc. Point important : ce n’est pas un document autonome. Il est très, très costaud. Il doit être utilisé avec un autre document beaucoup plus pratique.
Parallèlement, pour les entreprises déjà adhérentes au Global Compact, sachez qu’une nouvelle plateforme de communication sur l’atteinte des objectifs sera disponible début 2023. Le changement : ce sera un questionnaire standardisé. Histoire d’harmoniser et de crédibiliser la démarche d’ensemble du Global Compact.
🔢Les chiffres qui marquent
9,2. C’est le chiffre en tonnes équivalent CO2 de l’empreinte carbone moyenne des Français, selon une étude de l’INSEE. C’est un peu moins que la moyenne européenne (11 téqCO2). Pour rappel, il faudrait descendre à 2 tonnes…
38. C’est le pourcentage de Français qui estiment consommer le minimum de ce dont ils ont besoin en termes de consommation d’énergie, selon un sondage Elabe pour BFMTV.
41. C’est le pourcentage d’entreprises interrogées par Capgemini Research qui n’envisagent pas du tout (14%) ou pas dans les deux prochaines années (27%) de mettre les questions de durabilité au cœur de leur processus de design et de fabrication (en gros l’écoconception). On parle ici de sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard de dollars par an.
Du côté des idées
🟢L’EXEMPLARITE VERTE.
Dans un édito pour Les Echos cette semaine, Cécile Cornudet évoque le concept de “l’exemplarité verte” comme la nouvelle injonction à laquelle font face les figures publiques. Elle explique que les réseaux sociaux sont en chasse contre les comportements abusifs. On a parlé du jet-ski d’Emmanuel Macron, du 4x4 de Jean-Pierre Mélenchon et peut-être encore davantage de ce moment désespérant de Kilian M’Bappé et Christophe Galtier en conférence de presse du PSG (“une blague de mauvais goût” selon l’entraîneur🤦).
Mon avis : Certains pourront reprocher que les frontières n’existent plus vraiment entre les sphères pro et privée et que cette exemplarité est excessive. Cécile Cornudet fait le parallèle avec l’exemplarité comportementale liée à “MeToo”. C’est assez juste. Les regards changent et les comportements doivent suivre. Même dans une entreprise, qui n’est pas “une démocratie”, la direction va être de plus en plus scrutée, davantage encore quand elle se permet des attitudes contraires à celles qu’elle demande aux autres… Les privilèges d’hier vont devenir les écarts de demain.
⏫ LE CARREFOUR.
Andrew Hill, éditorialiste au Financial Times, estime que la RSE est à un tournant pour les entreprises. Il envisage deux voies possibles. La première est dominée par une forme de “greywashing” (des stratégies RSE très minimalistes), de cynisme ambiant sur ces sujets qui restent périphériques. En outre, le contexte géopolitique et économique reste très sensible entre inflation, récession, guerre, pandémie etc. Bref, les entreprises reviennent à une vision court terme.
De l’autre, les enjeux de raison d’être et de mission prennent racine et deviennent une norme de bonne gestion d’entreprise et de bonnes performances économiques. Les exemples d’entreprises à impact florissantes se multiplient et la recherche vient appuyer que ce type de gestion amène des bénéfices business évidents.
Mon avis : c’est une analyse assez juste et que l’on commence à voir. Je pense néanmoins qu’on va continuer à creuser une économie avec deux camps très distincts minoritaires : entre les puristes de la mission pour qui le profit de court terme est tout au plus une contrainte nécessaire pour répondre à des enjeux sociétaux, et les classicistes qui estimeront que la RSE, l’impact & co. sont de beaux habillages pour l’entreprise. Au milieu, vous trouverez un kaléidoscope de nuances. A vous de vous positionner !
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
Valérie Masson-Delmotte a fait une présentation sur les enjeux climatiques au gouvernement. Dans une série détaillée de tweets, découvrez tout le contenu de sa présentation (probablement plus dense que ce qu’elle a pu faire “en vrai”).
Vous êtes probablement un certain nombre à suivre Bon Pote. Découvrez l’homme qui se cache derrière dans un entretien pour la newsletter Plumes With Attitude.
Avec le réchauffement climatique, on s’habille autrement (Brad Pitt se met même aux jupes). Le New York Times s’est plongée sur cette question. C’est assez fascinant !
Découvrez la mission Tara Polar Station qui va bientôt s’aventurer dans une mission de 18 mois (!) en Arctique, région finalement mal connue.
Philippe Silberzahn se demande si la créativité humaine ne serait pas la ressource la plus importante de notre planète.
🎧Mon son de la semaine
Cela fait longtemps que je n’ai pas partagé de chansons en français. C’est vrai que j’en écoute peu. Mais, j’aime beaucoup la fraîcheur mi-lascive mi-mélancolique de “Un peu plus souvent” d’Alexia Gredy.
Merci de votre lecture !
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous ressentez le besoin d’être accompagnés sur la société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement pour devenir société à mission, pour challenger votre raison d’être et vos objectifs, ou pour bien piloter le déploiement opérationnel de votre mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.