#83 Prédiction: 1000 sociétés à mission d'ici la fin de l'été
Quatre raisons qui permettent d'y croire et plein d'autres actus et analyses (10')
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans la 83e missive ! Au programme, une prédiction un peu informée (enfin j’espère), mais pas de nouveau décryptage. J’avance dans le rapport que je souhaite publier la semaine prochaine. Vous êtes plusieurs à vous êtes portés volontaires pour relire le rapport et je vous en remercie !
Donc, prochain décryptage la semaine prochaine. Comme d’habitude, c’est à vous de voter !
Au sommaire cette semaine :
💭Quatre raisons qui font qu’on atteindra la barre des 1000 sociétés à mission d’ici la fin de l’été
🧮Combien d’entreprises à mission ont des objectifs managériaux ?
❓A quoi ressemble un rapport d’OTI, objet bizarrement peu trouvable même si la publication est obligatoire ?
👴On devrait voir émerger pas mal d’EHPAD à mission
🖥️La CNIL a imposé 214 millions d’euros d’amendes en 2021
💬A quoi ressemblera l’Union européenne du futur ?
👋Petite révolution en vue pour les assureurs au Royaume-Uni sous couvert d’investissements verts
📊Le rapport au travail évolue, mais dans quel sens ?
📕Recension de Nos Mythologies écologiques de Renaud Duterme
🤬Le coup de gueule de diplômés d’AgroParisTech
🧠Un peu plus de jus de crâne avec un jeu pour résoudre le réchauffement climatique, les tourments du groupe Rocher, l’histoire secrète du carbone et la mobilisation d’entreprises américaines pour soutenir leurs employées qui voudraient se faire avorter
🎧Le son de la semaine : Glass Animals - I Don’t Wanna Talk (I Just Wanna Dance)
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Edito
C’est parti ! La saison des Assemblées générales bat son plein. Pourquoi un tel enthousiasme ? Parce que le nombre de nouvelles sociétés à mission va fortement progresser ! Nous sommes à 619 selon l’Observatoire des entreprises à mission. Je prédis que l’on va approcher, voire dépasser, la barre des 1000 d’ici la fin de l’été. Non, ce n’est pas ma boule de cristal qui me le dit, mais un faisceau d’indices.
Tout d’abord, 2021 a esquissé une première tendance. Organiser une AG extraordinaire hors de la période habituelle ne semble pas le recours le plus fréquent pour changer ses statuts. Donc, les entreprises profitent des AG printanières pour valider la démarche auprès des actionnaires.
Ensuite, la tâche d’huile commence à s’étendre. On parle de plus en plus de la société à mission, mais pas que les afficionados comme moi. Ce sont les entreprises elles-mêmes qui le font. Les dirigeants prennent la parole dans les associations de dirigeants ; les entreprises n’hésitent pas à rappeler qu’elles sont société à mission lorsqu’on parle d’elle dans les médias ; les références à l’entreprise à mission sont plus fréquentes sur les annonces d’emploi et sur les sites Internet. Ce sont autant de petites rivières qui finissent à faire un fleuve.
Troisièmement, les précurseurs ont essuyé les plâtres. En fait, ce n’est pas si terrifiant de devenir société à mission. La société à mission, c’est comme un nouveau produit ou service : elle va suivre la loi d’Evrett Rogers sur la diffusion de l’innovation.
Jusqu’à présent, les entreprises qui devenaient sociétés à mission étaient les Innovateurs, celles qui étaient prêtes à y aller par conviction coûte que coûte. Aujourd’hui, le concept commence à toucher les “Premiers adopteurs”, qui attendaient que les Innovateurs éprouvent la démarche. Ils voulaient voir ce que cela signifie concrètement pour une entreprise de devenir une société à mission, histoire de limiter les risques et d’en constater les usages possibles.
Dernier élément, devenir société à mission “sérieusement” demande du temps. Dans les plus grandes entreprises, il faut aligner beaucoup d’intérêts et de parties prenantes, consulter beaucoup de monde, faire des allers-retours, laisser maturer, y revenir, convaincre, embarquer. Cela peut être très long. On atteint les trois ans de la loi Pacte—sachant que les décrets d’application datent de janvier 2020—donc on peut estimer que le temps de la réflexion et de maturation a été suffisant pour les premiers, avant que les autres emboîtent le pas.
Parallèlement, la dynamique ne s’essouffle pas non plus chez les TPE-PME et chez les entreprises en création. Pour toutes ces raisons, je pense que la barre des 1000 sociétés à mission d’ici l’été est tout à fait atteignable ! Et toutes ces entreprises en inspireront d’autres… Il faut toutefois rester exigeant sur la qualité des missions. La quantité ne doit jamais primer !
Du côté des entreprises
🧮DEUX CHIFFRES ISSUS DU RAPPORT.
La rédaction du rapport avance bien. Je vous en révèle le titre : 50 nuances de mission. Donc, pas de décryptage cette semaine, mais je vous invite à voter un peu plus bas pour celui de la semaine prochaine.
En revanche, une donnée de ce travail. Vous savez que je suis souvent critique sur les objectifs managériaux. Le champ est très large, puisqu’on peut parler de QVT, de bien-être, de management, de formation etc. Sur les 50 missions analysées, 52 % des entreprises ont au moins un objectif managérial. C’est quasiment autant que pour les enjeux environnementaux (54 %).
☝️A VOUS DE VOTER.
Comme chaque semaine, c’est à vous de choisir la mission que vous voulez voir analysée dans la prochaine missive. Quel décryptage de mission vous intéresserait ? Il suffit de cliquer sur votre choix. Il n’y a ni BackMarket, ni Crédit Mutuel Arkéa, parce que j’avais identifié Rivalen et Terre d’Oc avant.
🏭 Rivalen (collectif d'industries)
🍵 Terre d'Oc (producteur de thés)
❓A QUOI RESSEMBLE UN RAPPORT D’OTI ?
Beaucoup de sociétés à mission rentrent progressivement dans la phase d’audit (ou de vérification pour reprendre le terme juste). L’organisme tiers indépendant (OTI) doit en effet dresser des conclusions sur les objectifs statutaires choisis par l’entreprise. Nous restons dans une phase d’expérimentation à ce stade, même si la Communauté des entreprises à mission, en partenariat avec quelques OTI, a sorti un rapport sur le sujet, qui cherche à instaurer un standard de qualité pour cet exercice.
Pour rappel, la loi précise que le dernier rapport effectué doit être publié sur le site Internet de l’entreprise et rester disponible au moins cinq ans. Je me permets de rappeler cela, parce que j’ai quelques doutes sur le fait que toutes les sociétés à mission le fassent… J’ai pas loin d’une dizaine d’exemples, mais je tairai les noms…
En effet, je souhaitais vous partager quelques premiers exemples que j’ai trouvés. Il y en a forcément très peu pour le moment, puisque le premier audit a lieu 18 mois après l’adoption de la qualité par les entreprises de plus de 50 salariés, et 24 mois pour les plus petites. Donc, une entreprise de plus de 50 salariés passée société à mission au premier semestre 2020 a dû effectuer son premier audit—ou le termine—et pourtant il n’y a pas toujours de trace… Mais voici quelques rapports :
Danone (en fin de rapport de mission), aivancity (éducation) et Agence Déclic (conseil)
N’hésitez pas à en rajouter d’autres en commentaires de la missive ou à me les transmettre.
👴EN ROUTE VERS DES EHPAD A MISSION.
Le Synerpa, syndicat des EHPAD privés, a dévoilé sa feuille de route : création d’un comité éthique, d’une charte éthique qui sera signée par tous les membres. Et un accompagnement vers la société à mission. “Rien ne se fera du jour au lendemain. Nous allons accompagner nos adhérents par de la formation, des guides, des webinaires”, a déclaré la Florence Arnaiz-Maumé, DG du Synerpa. Qu’elle n’hésite pas à recommander la lecture de la newsletter 😉
🖥️214 MILLIONS.
C’est le montant total des amendes adressées par la CNIL aux entreprises, selon son rapport annuel. C’est souvent lié à une mauvaise protection des données. Le rapport souligne également une attention accrue sur les cookies abusifs et note une augmentation des plaintes de salariés face à des mesures de vidéosurveillance au travail ou en télétravail (via la webcam)…
Du côté de la politique
💬LE RAPPORT DE LA CONFERENCE SUR L’AVENIR DE L’UE.
Plombée par la pandémie et la guerre en Ukraine, la conférence sur l’avenir de l’Union européenne n’a pas connu l’écho qu’elle aurait souhaité. Toutefois, le rapport final vient de sortir et contient 49 propositions détaillées en sous-propositions. Le document est costaud, car il passe 40 pages à expliquer tout le process.
Les propositions couvrent toutes les thématiques relevant du champ d’action de l’Union : climat, marché intérieur, digital, politique étrangère, immigration, processus de décision etc. Je n’ai pas tout lu, mais je n’ai pas été surpris par les idées proposées. A voir ce qu’il adviendra de ce grand exercice de consultation.
👋VERS LA FIN DE SOLVENCY II AU ROYAUME-UNI.
Avec le Brexit, on assiste petit à petit au détricotage du droit hérité de l’adhésion à l’UE. En ligne de mire en l’occurrence, la directive Solvency II, une des réglementations centrales dans le monde de l’assurance. Derrière cette réforme, le gouvernement britannique lui donne une coloration de transition écologique.
L’idée est de rendre plus de flexibilité à tous les acteurs du marché pour créer “un big bang d’investissement vert”. A voir…
Du côté des idées
📊QUELLE APPROCHE DU TRAVAIL ?
Un nouveau rapport international du ADP Research Institute vient apporter des éléments intéressants sur le rapport au travail. Toujours compliqué de sélectionner quelques données vu la richesse, mais voici quelques données que je trouve marquantes.
Commençons par le rapport entre rémunération et temps de travail. Une tendance forte à la flexibilité se dégage. 71% des sondés souhaiteraient plus de flexibilité tout en travaillant le même nombre d’heures (par exemple en passant à une semaine de quatre jours). Toutefois, l’idée de travailler plus pour gagner ne rebute pas pour autant dans 65% des cas.
Par ailleurs, l’idée d’une perte volontaire de salaire n’est pas tabou. Elle pourrait être envisagée par 53% des sondés si la contrepartie est une amélioration de l’équilibre vie pro-vie perso. Le rapport ne fait pas état des différences régionales, donc j’imagine que c’est assez similaire un peu partout.
Regardons un autre élément : le télétravail. Le rapport met en avant des points assez étonnants, notamment si on compare à des personnes qui travaillent sur site. La satisfaction globale est plus élevée chez les télétravailleurs. Surtout, la comparaison est peu flatteuse pour ceux qui travaillent sur site concernant leur environnement de travail.
Le rapport ne dit pas si on interroge des répondants à métier égal, donc potentiellement on compare un peu des choux et des carottes. Mais c’est néanmoins une image assez inattendue.
📕RECENSION DE RENAUD DUTERME, NOS MYTHOLOGIES ECOLOGIQUES. DECONSTRUIRE LES IDEES RECUES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, 2022, EDITIONS LES LIENS QUI LIBERENT.
Je salue les ouvrages didactiques qui sortent en ce moment sur l’environnement. C’est salutaire, car il faut de la pédagogie et des approches accessibles sur des débats où technique et jargon peuvent rapidement s’imposer. C’est un peu la démarche de Renaud Duterme dans son livre : prendre des idées reçues et les déconstruire de manière concise et argumentée.
Et sur les sujets environnementaux, les idées reçues pullulent non seulement chez les climato-sceptiques, chez les anti-écolos ou chez les militants écolo pur et dur, pour ne citer que quelques catégories. Au hasard, on y traite “le réchauffement climatique est un phénomène naturel”, “nous sommes trop nombreux sur Terre”, “les énergies fossiles s’épuiseront avant la catastrophe”, “la dématérialisation, notamment via le numérique, est la solution”, “la transition écologique est la solution miracle”. Ainsi, l’ouvrage peut se lire de manière non-linéaire. On peut picorer selon les sujets qui nous intéressent.
Pour les lecteurs ayant une bonne connaissance des sujets, le niveau d’apport de connaissance est plus limité, mais il y aura forcément des réflexions contre-intuitives qui ouvrent le débat. Par exemple, que la raréfaction des énergies fossiles, et donc la hausse des prix, n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’écologie dans le contexte de forte dépendance à court terme, puisque cela justifie à l’exploitation de gisements qui n’étaient jusqu’alors pas rentables.
Le petit bémol de cet ouvrage est qu’il est politiquement très marqué. La dernière partie est une critique sans gant du capitalisme, de l’inaction des entreprises et des politiques actuelles. Il y a des intonations clairement LFIstes qui sont parfois caricaturales (notamment sur les entreprises) et qui amochent un peu la qualité d’un ouvrage pourtant utile et vraiment bien pensé.
Vous pouvez vous procurer l’ouvrage ici.
P.S. : j’ai reçu l’ouvrage de l’éditeur.
🤬LE COUP DE GUEULE.
J’étais aujourd’hui au Sustainable Leaders Forum. Autant vous dire que cette vidéo a fait parler et que ces sept jeunes diplômés d’AgroParisTech nous visaient directement dans cette prise de parole collective radicale.
🧠UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
Des entreprises américaines se mobilisent pour offrir la possibilité à leurs employées de voyager pour avorter en préparation d’une probable révision de Roe v Wade.
L’Histoire secrète du carbone, documentaire indispensable accessible à tout le monde et à presque tous les âges pour comprendre ce qu’est le carbone, pourquoi il est magique et indispensable et comment il peut être notre pire ennemi quand on l’utilise mal.
Le Financial Times lance un jeu pour vous proposer de sauver le monde du réchauffement climatique.
Le groupe Rocher, société à mission, de nouveau bousculé avec son maintien en Russie.
Mon son de la semaine
Glass Animals s’est produire des tubes ! La preuve de nouveau avec “I Don’t Wanna Talk (I Just Wanna Dance)”, single totalement addictif et de saison. En plus, cette version est réhaussée par la présence d’Albert Hammond Jr. que les amateurs des Strokes connaissent très bien.
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cela m’encourage et me permet de savoir les sujets qui vous intéressent.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous souhaitez devenir société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement, échanger sur vos réflexions liées à la raison d’être ou la société à mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur mon site.
A la semaine prochaine,
Vivien.