#78 Ils l'écrivent mieux que moi
Tribune collective sur l'Impact Nation ; décryptage de la mission d'Espace Propreté (société de nettoyage) ; 7 offres d'emploi ; et plein d'autres actus et analyses (12 minutes)
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans la 78e missive de La Machine à sens. Avant de passer au sommaire, merci à celles et ceux qui m’ont fait remonter des offres d’emploi pour “Section Recherche” !
Au sommaire :
💬 L’édito de la semaine : d’autres l’ont écrit mieux que moi
🧹 Décryptage de la mission d’Espace Propreté
🌍 300 start-ups et scale-ups s'engagent pour le climat
⛔ Pas le bon moment pour faire du business avec la Russie et vouloir devenir B Corp
😲 Le Groupe Rocher voit rouge avec une de ses filiales en Turquie
🔎 7 offres d’emploi pour la Section Recherche cette semaine
🙏 Une société à mission a besoin d’un coup de pouce
😅 Vers la fin du consommateur ?
😲 Les Européens et le changement climatique : pas une histoire d’amour
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec Martin Videlaine, l’huile de palme en Islande, les wokistes vs les boomers, et la valorisation des seniors en entreprise
🎧 Mon son de la semaine : Future Islands - King of Sweden
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Edito
Exceptionnellement, pas d’édito aujourd’hui. Je préfère éviter de blablater si je n’ai rien de bien intéressant à partager. En plus, je suis en phase de transition, donc le temps me manque un peu (d’où d’ailleurs cet envoi tardif).
Surtout, l’édito de la semaine, d’autres l’ont écrit.
« Il ne peut plus y avoir une économie qui conquiert des marchés et une économie qui répare. »
Vingt entrepreneurs, financiers et fonctionnaires appellent le gouvernement à encourager massivement les entreprises à impact social et environnemental positif.
Cette tribune me permet toutefois de faire un lien avec le webinaire que je co-organise jeudi 7 avril avec Compani, entreprise de formation dans le secteur du “care”, sur la société à mission dans le secteur de l’aide à domicile (SAAD) et dans les EHPAD. Avec Guillaume Desnoës, signataire de la tribune, nous partagerons nos visions sur le sujet de l'a société à mission dans ces entreprises, les vertus potentielles, les freins à lever etc.
Pour vous inscrire, c’est par ici.
Du côté des entreprises
🧹DECRYPTAGE DE LA MISSION D’ESPACE PROPRETE.
Merci à celles et ceux qui ont voté pour le décryptage de la semaine. A une voix près, Espace Propreté, société de nettoyage héraultaise, l’emporte. Je ne le précise pas pas pour vous rappeler que chaque vote compte dans les élections, mais à peine 70% pensent aller voter la semaine prochaine, donc quand même c’est un petit rappel républicain.
Espace Propreté vient renforcer les rangs des entreprises à mission autour de Montpellier. C’est un écosystème très vivace sur le sujet ! J’en ai déjà parlé plusieurs fois par le passé. Preuve en est avec le podcast de La Machine à sens. Le premier épisode de la série “Un an après” où j’interroge des sociétés à mission 12 mois après notre premier passage sera disponible lundi : les invités Jean-Pierre Richard et Sandrine Benhassan d’ESII sont basés à Lavérune, à côté de Montpellier.
Le cas d’Espace Propreté est intéressant. L’entreprise de nettoyage a été fondée en 1998, mais reprise par Muriel Fournier en 2017. Je crois beaucoup à la capacité que le cadre de la société à mission peut apporter à des repreneurs pour insuffler une nouvelle dynamique, prendre une nouvelle direction, tout en s’appuyant sur les fondamentaux de l’entreprise, dès lors qu’ils sont bons. Ce qui semble être le cas d’Espace Propreté. Après avoir beaucoup axé le développement de l’entreprise sur une démarche RSE fièrement affichée, le passage en société à mission était un dénouement naturel.
La raison d’être :
Centrées sur l’humain, le respect et la responsabilité, nos équipes accompagnent chaque client pour lui permettre d’évoluer dans un environnement propre et sain et de se consacrer pleinement à son cœur de métier.
Voici une raison d’être subtilement bien construite. La phrase est claire et compréhensible. Elle pourrait paraître très centrée sur le client avec une dimension plutôt business, mais quelques mots viennent lui conférer une dimension réelle de raison d’être. Surtout, d’une manière habile, elle traite de l’interne et de l’externe.
Espace Propreté a fait un choix assez atypique d’utiliser le “nous”. Cela renforce l’importance du collectif et des équipes. Le recours au “nous” est plus fréquent dans les métiers souvent peu valorisés. On met davantage en avant non pas l’entreprise, mais celles et ceux qui la composent. Cela explique probablement la première partie de la raison d’être avec l’usage de “humain”, “respect” et “responsabilité”, qui se focalisent sur les équipes en vue notamment de se distinguer de pratiques qui peuvent être assez courantes dans le secteur.
Les engagements environnementaux sont plus discrets. Tout ressort dans “un environnement (…) sain”. Naturellement, quand on nettoie des bureaux, des ateliers ou autres, les produits utilisés peuvent être très chimiques. Et ils sont utilisés en grande quantité. Ce n’est sain pour personne. Toutefois, cette présence discrète reflète assez bien la singularité de l’entreprise qui fait de ses engagements sociaux vis-à-vis de ses équipes son principal fer de lance.
Dernier point très astucieux : l’utilisation du singulier sur le client. En l’occurrence, on parle d’organismes publics et privés. Je n’ai pas souvenir de l’emploi du singulier dans une raison d’être. Cela accentue l’aspect de personnalisation qu’Espace Propreté recherche dans chacune de ses prestations.
Les objectifs :
Permettre à chacun de se développer dans un parcours professionnel respectueux de l’intégrité de la personne ;
Être un acteur clef dans la réduction des impacts environnementaux de nos clients ;
Utiliser le développement durable comme un levier d’innovation et de création de valeur pour les parties prenantes
Ces objectifs sont les têtes de chapitre d’objectifs plus détaillés et statutaires. Il y a une bonne complémentarité entre la raison d’être et les objectifs. Le premier ne surprendra pas en étant centré sur les équipes. Si je n’y suis pas toujours favorable, on est ici dans un secteur où “l’intégrité de la personne” n’est pas forcément la première considération des managers d’entreprises de nettoyage… Donc, l’inscrire clairement dans les statuts, c’est vouloir faire les choses différemment.
Le second objectif vient donner plus de poids à la dimension environnementale assez discrète dans la raison d’être. Mais il est assez étonnant dans la formulation, parce qu’Espace Propreté se positionne en acteur du scope 3 de ses clients. Incidemment, l’entreprise travaille à réduire ses propres émissions, mais elle sait qu’elle va être de plus en plus questionnée par ses clients - à commencer par les grands comptes - sur son empreinte carbone, voire à terme environnementale. Si les émissions de scope 3 ne doivent pas forcément être calculés dans un bilan GES, on peut estimer qu’à terme, de plus en plus d’entreprises vont chercher à mesurer leurs émissions sur les trois scopes.
Le dernier objectif est plus énigmatique dans la formulation. On retrouve un peu de jargon avec “la création de valeur” et “les parties prenantes”, qui sont des expressions un peu creuses pour une mission si elles ne sont pas définies. C’est peut-être le cas dans les objectifs plus détaillés.
Au global
Espace Propreté a réussi à formuler une mission où tous les éléments se complètent. Elle est claire, suffisamment engageante par rapport aux moyens de l’entreprise, et elle lui permettra de se mettre dans une démarche d’amélioration continue. Plusieurs partis pris sont affichés, notamment sur le traitement des équipes. Il ne reste plus qu’à essaimer dans le secteur et peut-être former un collectif d’entreprises du nettoyage qui veulent participer à changer les pratiques du secteur.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Vous pouvez me contacter si vous souhaitez engager une démarche de construction ou d’évaluation de votre mission.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
🌍 LA PASSERELLE DU CLIMAT.
J’ai déjà plusieurs fois évoqué le Climate Act, cette initiative visant à inciter les start-ups à mesurer davantage leur empreinte carbone et à pousser les pouvoirs publics à en légiférer sur le sujet, notamment pour nos belles pépites de la tech. J’avais également utilisé ce benchmark pour mon édito sur les licornes et l’ESG.
L’initiative a pris de l’ampleur, puisqu’il y a désormais 300 entreprises qui se sont soumises à l’exercice de faire un bilan carbone et d’en publier les résultats—accessoirement, c’est presque autant que sur la plateforme Impact.gouv.fr. Vous retrouverez toute la documentation sur Passerelle, une plateforme de données gérée par Sustainsoft.
⛔ UNE QUESTION DE PRINCIPE.
B Lab, l’ONG qui gère le label B Corp, a décidé de suspendre le processus de labellisation des entreprises faisant du commerce avec la Russie et la Biélorussie. Le moratorium est imposé pour un minimum de 90 jours et peut être étendu indéfiniment.
Quid des entreprises déjà labellisées ? Il n’y a pas d’effet rétroactif. En revanche, si un renouvellement est prévu dans les prochains mois, les conséquences pourraient être importantes. B Lab évaluera les entreprises au cas par cas. A toutes fins utiles, je vous rappelle la grille d’analyse que je proposais concernant la poursuite de liens commerciaux avec la Russie.
En tout cas, cela ne vient que confirmer la pression qui pèse sur toutes les institutions ayant des liens commerciaux, voire autres (scientifiques par exemple), avec la Russie.
😧ROCHER VOIT ROUGE.
Le Groupe Rocher se trouve un peu empêtré dans une histoire pas très commode avec Kozan Kozmetik, une de ses filiales basée en Turquie. L’entreprise à mission a été assignée devant le tribunal judiciaire de Paris pour manquement à ses obligations relevant du devoir de vigilance.
34 salariés de cette filiale, appuyés par deux ONG ActionAid France et Sherpa, attaquent le Groupe Rocher pour manquement à la liberté syndicale et entorses aux droits fondamentaux des travailleurs. La maison mère rejette ces accusations.
Comme dirait l’autre, loin des yeux, loin du cœur. Proverbe qui n’est toutefois plus d’actualité, surtout pour les grandes entreprises. Je ne peux que vous inciter à écouter l’épisode du podcast de La Machine à sens avec Bertrand Charles et Fabien Hospital de Consors Intelligence qui discutent de ces questions (sur Apple Podcast, Spotify, Deezer).
Section Recherche
68% des entreprises rencontrent des difficultés de recrutement. Cette nouvelle section vise à publier gratuitement vos offres d’emploi et vous aider à toucher un lectorat sensible aux entreprises rôles modèles ou qui peut relayer aux bonnes personnes. J’ai reçu pas mal d’offres : merci beaucoup ! J’espère que ce petit coup de pouce pourra vous être utile.
La Communauté des entreprises à mission ne cesse de se structurer, presque en hypercroissance ! La mission est top ! L’équipe est vraiment très sympa (et je ne dis pas ça parce qu’ils sont abonnés !). Ils recherchent :
Un.e responsable administratif et financier (CDI - Paris - télétravail possible).
Publicis Media Group regroupe les agences media de Publicis Groupe en France. L’offre est assez rare pour être signalée :
Directeur.trice RSE (CDI - Paris - télétravail “à rythme régulier”)
Phimeca est une entreprise spécialisée dans la simulation numérique et l’analyse de données. Passée officiellement société à mission il y a peu, ils cherchent un peu de soutien pour que cette qualité soit pleinement utile. Pour avoir échangé avec Thierry qui dirige l’entreprise, j’aurais sauté sur cette offre si j’avais quelques printemps de moins. Ils recherchent :
Stage Mise en œuvre de la société à mission (Stage dès que possible - Paris ou Cournon d’Auvergne - Modalités de télétravail non spécifiées)
Sami est une start-up labellisée Positive Workplace qui accompagne les entreprises de la mesure de leur empreinte carbone, jusqu’à la mise en œuvre de plans d’actions avec des conseils personnalisés en prime. Une vision complète dans une entreprise qui allie belle croissance et beaux objectifs. Ils recherchent :
Impact Sales (CDI - Paris ou télétravail total possible)
Marketing Data Analyst (Stage pour mai - Paris ou télétravail total possible)
Growth Marketing Intern (Stage pour juillet - Paris ou télétravail total possible)
alfie est un centre de formation à mission dédié aux métiers du digital basé dans le temps de la RSE, Nantes ! Ils recherchent :
Assistant.e Content Creator (Stage dès que possible - Nantes ou Saint-Georges-de-Montaigu - modalités de télétravail non spécifiées)
Cette section est ouverte à toutes les entreprises à mission ou celles disposant d’un label RSE (comme Positive Workplace, B Corp, Label Lucie ou Engagé RSE). Si vous avez des offres, il suffit de répondre à cet email ou de m’envoyer un email : vivien@machineasens.info.
Du côté des idées
🙏DESIGNEZ VOTRE SOUTIEN.
Choregraphy, entreprise à mission de design d’experience, a besoin de nous. Géraldine et son équipe ont eu l’idée audacieuse et ambitieuse d’ouvrir un lieu physique pour que les notions de design et d’expérience prennent complètement. L’endroit est vraiment top et il offre effectivement à réfléchir. Seul petit hic : le covid est passé par là avec sa dose de confinements, télétravail et autres tumultes.
Choregraphy a donc lancé une campagne de crowdfunding pour sauver le lieu ! Pour votre soutien, c’est par ICI !
😅 LA FIN DU CONSOMMATEUR ?
Un article de Quartz, relayé par la newsletter Climax, observe que le terme de “consumer” (consommateur) est de plus en plus questionné. Si l’on pouvait voir poindre ces questionnements par le passé chez certaines ONG, ce sont désormais les entreprises elles-mêmes qui commencent à s’interroger.
En effet, le terme de consommateur a une connotation purement… consumériste et cela ne correspond pas forcément à l’idée que certaines entreprises se font de la relation qu’elles ont avec les personnes qui achètent leurs produits. Cela me rappelle des projets sur lesquels j’ai travaillés où l’on observe que les entreprises cherchent à nouer un nouveau type de relation avec les acheteurs : d’un acte passif d’achat poussé par un désir, un besoin, une pulsion, on évoluerait vers une relation plus profonde qui dépasse l’acte d’achat et peut se traduire par une association dans la conception, la promotion, l’amélioration, l’attachement à la marque etc.
Mais, ici, la réflexion est presque philosophique. Je sais que c’est une question que certaines entreprises à mission se sont posées par rapport à leur raison d’être sur le terme de “clients”. Elles ont cherché à le contourner à dessein pour sortir de la simple relation contractuelle qui noue les deux parties.
Dans notre système capitalistique, il est difficile de se départir de ces notions de “consommateurs” ou de “clients”, car il y a un acte d’achat et de vente. Mais s’interroger sur l’usage de ces mots dans l’entreprise est une première étape pour repenser la relation que l’on souhaite établir avec eux. En effet, ils peuvent devenir autre chose que de simples acheteurs : ils peuvent participer à la mission que vous souhaitez porter.
Mais, il faut avoir conscience que ce n’est pas qu’une question de mot : c’est également une question de posture, d’actions menées, de campagnes de sensibilisation et d’accompagnement. C’est un changement fondamental pour l’entreprise !
😲 LES EUROPEENS NE REVENT PAS D’ADAPTATION.
La Banque d’investissement européenne a sorti une enquête internationale riche d’enseignement sur le rapport des citoyens au changement climatique. Et ce n’est pas folichon surtout chez les Européens. En effet, nous avons un rapport ambigu sur le sujet, disons plus pessimistes que nos voisins britanniques, américains ou chinois.
Exemples choisis. 56% des Européens pensent les politiques pour lutter contre le changement climatique vont créer plus d’emplois qu’ils ne vont en détruire. Pas le fol emballement surtout quand on sait que les trois autres populations sont à 60% et plus. Et inversement, 44% pensent que l’impact sur l’emploi sera sévère. Même résultat pour l’impact sur la croissance économique et la richesse du pays.
Idem, 39% estiment que ces politiques vont aggraver les niveaux de vie (nourriture, santé etc.). 62% des Européens pensent que ces politiques de lutte climatique vont réduire leur pouvoir d’achat (on monte à 72% en France).
Et alors en 2050, on sera sauvé ? Seuls 4% des Européens pensent que la question du changement climatique sera réglée (comme les Britanniques). Les Chinois et Américains sont un peu moins pessimistes (18% et 11% respectivement). On peut se dire que les Européens sont plus conscients des défis à relever, surtout quand on note que 66% estiment que ce sera toujours un enjeu majeur en 2050.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
C’est ma découverte podcast du moment : Histoires d’entreprises avec Martin Videlaine. Plongez dans l’univers et l’histoire des ETI françaises souvent industrielles, peu connues et pourtant passionnantes.
La guerre en Ukraine provoque le retour de l’huile de palme en Islande.
Une initiative privée parrainée par le public pour soutenir l’emploi des plus de 50 ans en entreprise.
Les wokistes vs les boomers : vers la confrontation en entreprise ?
Mon son de la semaine
Chaque sortie de Future Islands crée une forme d’excitation chez moi. C’est un meilleur groupe de rock actuel, qui traverse les années avec maturité et créativité. Leur dernier single poursuit cette belle trajectoire !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cela m’encourage et permet de savoir les sujets qui vous intéressent.
Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous souhaitez devenir société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement, échanger sur vos réflexions liées à la raison d’être ou la société à mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur.
A mercredi prochain pour une missive spéciale élections,
Vivien.