#77 41% des dirigeants ont un avis étonnant sur les priorités des entreprises
Vous avez une idée ? / Décryptage de la mission de LinkUp Factory / Nouvelle rubrique "Section recherche" pour vos offres d'emploi et plein d'autres choses (12 minutes)
Chères lectrices, chers lecteurs,
Au sommaire de cette 77e missive :
💭41% des dirigeants PME-ETI ont un avis très étonnant sur la priorité des entreprises
🌍Décryptage de la mission de LinkUp Factory (cabinet spécialisé en RSE)
🧗Croissance externe et société à mission peuvent faire bon ménage
🔎Je tente une nouvelle catégorie : “section recherche” pour vos offres d’emploi
🏃Quand une loi sur le sport crée de la confusion involontairement sur la loi Pacte
🎙️Petite autopromo sur un épisode de podcast où j’interviens
💡La Communauté des entreprises à mission veut aider les OTI
📑Est-ce que la RSE est vraiment un sujet pour les conseils d’administration ?
⭐Une boîte à outils utile pour les entrepreneurs à impact
🧠Un peu plus de jus de crâne avec une défense de la société à mission, 5 tendances de la communication RSE, le pouvoir du “purpose”.
🎧Mon son de la semaine : Monkey Safari - Sometimes
☝️Vote de la semaine : Ethica (courtier en assurances) vs Espace Propreté (societé de nettoyage)
A picorer ou à dévorer !
Edito
Bpifrance Le Lab vient de sortir une nouvelle étude sur les aspirations sociétales de jeunes de 18-25 ans et des dirigeants de PME-ETI. Deux enquêtes ont été menées avec plusieurs questions en miroir. Une des questions portait sur la priorité à donner aux entreprises : le développement économique et l’emploi ou s’engager afin de répondre à des enjeux de société.
59% des dirigeants estiment que le développement économique devrait être la priorité des entreprises contre 37% pour les 18-25 ans. Pas de surprise pourrait-on penser !
Mais, cela signifie que quatre dirigeants sur 10 estiment qu’elles doivent avant tout s’engager afin de répondre aux enjeux de la société. C’est un résultat très étonnant, qui reflète néanmoins une évolution progressive : la prise en compte de l’impact et du poids de l’entreprise sur la société.
Le cash, c’est certes l’oxygène de l’entreprise, mais n’est-ce pas mieux de pouvoir participer à respirer un air plus pur quand on a la possibilité de jouer un rôle ?
En creusant, on découvre un élément encore plus notable : on monte à un dirigeant sur deux chez les chefs d’entreprise de moins de 45 ans, qui estiment que la priorité des entreprises doit porter sur des enjeux de société.
Cela vient conforter d’autres travaux du Lab qui avait proposé un profilage de dirigeants de PME l’an dernier. On notait que cette génération était surreprésentée parmi les Capitaines humanistes, une catégorie voyant l’entreprenariat avant tout comme une aventure humaine et respectueuse de l’environnement sans chercher à s’inscrire dans une forte dynamique de croissance.
Ce profil de dirigeants n’est pas nouveau, mais il devient mainstream. Cela me rappelle une anecdote récente. Je discutais avec deux associés, qui ont des engagements presque militants sur la conduite de l’entreprise. Ils me disaient qu’avant—ils ont créé leur entreprise il y a 25 ans—ils étaient presque considérés comme de dangereux gauchistes et qu’aujourd’hui, leurs idées n’étaient plus du tout décalées.
On assiste donc à une tendance de fond qui n’est pas que générationnelle. Elle est de plus en plus présente dans l’esprit des jeunes dirigeants, mais leurs aînés la partagent également de plus en plus consciemment.
Ces entrepreneurs peuvent avoir besoin de ne pas éparpiller leurs efforts, de les focaliser sur quelques axes et quelques objectifs qu’ils peuvent porter, de structurer davantage leurs démarches pour renforcer l’impact de leurs actions. C’est là que la société à mission, ainsi que certaines labellisations RSE, peuvent s’avérer bénéfiques : elles ne sont ni des gadgets, ni des outils de communication, elles sont le ciment qui vient donner forme à l’édifice et le pérenniser.
Du côté des entreprises
DECRYPTAGE DE LA MISSION DE LINKUP FACTORY.
C’est bon, j’ai tous les éléments de la mission de LinkUp Factory (merci Sandrine !). Je peux donc vous proposer ce 47e décryptage de mission (cliquez ici pour découvrir les 46 premières).
LinkUp Factory était prédestiné à devenir entreprise à mission. Ce cabinet de conseil en stratégie RSE porte ces sujets dans son offre et dans son ADN.
La raison d’être :
Aider les entreprises et les marques à construire et exprimer leur utilité sociétale, à faire de leurs engagements un levier de performance et à accompagner les changements de comportement nécessaires à un monde plus durable.
C’est une raison d’être assez complète structurée autour de trois propositions. Certains pourraient la trouver un poil complexe, mais je trouve que ce souci d’exhaustivité lui donne de la clarté. L’explicite est parfois utile.
En contrepartie, il est vrai que cette raison d’être est très ancrée sur l’activité cœur. Néanmoins, elle est elle-même à vocation inspirationnelle avec une dimension sociétale forte. En tout cas, on comprend bien le champ d’action de LinkUp. Aucun mot n’est superflu.
Il y a plusieurs partis pris plus ou moins évidents. L’entreprise a décidé de ne pas utiliser le terme de RSE, mais parle “d’utilité sociétale”. C’est assez judicieux, car c’est vraiment ce qu’ambitionne la loi Pacte. Il est utilisé pour être englobant : il regroupe les enjeux sociaux et environnementaux sous une même bannière.
De même, LinkUp parle de “performance” sans rajouter d’adjectif. On aurait pu imaginer parler de “performance globale”, mais ce n’est pas vraiment dans le dictionnaire usuel du cabinet. En tout cas, on comprend que la dimension financière n’est pas le seul levier de performance.
Est-elle toutefois très singulière ? Suffisamment. Certains termes reflètent des positions affirmées du cabinet, comme parler de “changements de comportement”, qui est un axe assez distinctif. Mais, on aurait pu imaginer quelques éléments qui auraient pu caractériser la manière dont ils font leurs missions d’accompagnement différemment.
Les objectifs :
“Il appartiendra au Président et au Directeur Général de s’assurer que cette raison d’être est respectée et de suivre l'exécution de cette mission par la Société. A cet effet, ils prendront en compte, dans leur prise de décision, les effets sociaux, économiques et juridiques de leurs actions vis-à-vis (i) des employés de la Société et de ses fournisseurs ; (ii) des intérêts des clients bénéficiaires de l’impact sociétal ou environnemental de la Société ; (iii) des communautés (associations, groupements d’intérêts, organisations…) en interaction avec la Société et ses fournisseurs (en France et à l’étranger) ; (iv) des enjeux environnementaux ; et (v) des intérêts à court-terme et à long-terme de la Société.”
Les objectifs sont assez inédits. Habituellement, nous avons une liste d’objectifs certes généraux, mais qui abordent différents aspects, et le plus souvent, complémentaires de la raison d’être.
Dans le cas présent, LinkUp les a structurés très différemment, puisque les statuts reflètent davantage un engagement vis-à-vis de différentes parties prenantes.
Je trouve cela assez bizarre, car cela ne reflète pas vraiment ce que la loi Pacte a créé : elle évoque en effet que la mission est composée d’une raison d’être et d’objectifs. Il faut savoir que LinkUp a une démarche RSE déjà très poussée (certifiée BCorp et membre du Global Compact) et a mis en place un certain nombre d’indicateurs chiffrés pour mesurer ses actions (cf. ce rapport pour avoir des exemples). On peut donc imaginer qu’il y aura une fusion entre leurs actions qui sont déjà très ancrées dans l’activité serviront à mesurer l’accomplissement de la mission, ou plutôt de la raison d’être.
On peut imaginer une sorte de radar pour évaluer l’impact de ces décisions sur ces différentes parties prenantes. Je suivrai avec intérêt la mise en œuvre. En tout cas, c’est assez atypique.
Au global
C’est une mission bien formulée, même si elle est assez étonnante. Le seul petit bémol de la raison d’être pourrait reposer sur son côté exhaustif, qui ne la rend pas forcément transformative de prime abord. En effet, elle reflète les trois principaux champs d’action de l’entreprise, mais sans forcément la projeter dans l’avenir. Dans le même temps, l’offre porte déjà sur une évolution sociétale en cours et sur laquelle il y a encore beaucoup de travail, donc ce n’est pas évident.
Néanmoins, c’est une mission qui devrait être utile, notamment si les décisions sont bien prises en prenant en compte les différentes parties prenantes indiquées dans les statuts.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Vous pouvez me contacter si vous souhaitez engager une démarche de construction ou d’évaluation de votre mission.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
☝️A VOUS DE VOTER.
Comme chaque semaine, c’est à vous de choisir la mission que vous voulez voir analysée dans la prochaine missive. Quel décryptage de mission vous intéresserait ? Il suffit de cliquer sur votre choix.
📊 Ethica (courtier en assurances)
🧹 Espace Propreté (societé de nettoyage)
🧗EXTREME LIMITE.
Je ne sais pas si tout le monde aura la référence… Bref, l’important est qu’Hapik vient rappeler à quiconque qui pourrait se dire que devenir entreprise à mission peut limiter des appétits de croissance que tout ceci est parfaitement compatible. L’entreprise spécialisée dans les murs d’escalade dans les centres commerciaux vient de racheter Rock’up, un des leaders britanniques de l’escalade, pour se développer outre-Manche.
Section recherche
Je tente une nouvelle catégorie : les offres d’emploi. Je souhaite proposer aux entreprises à mission, ainsi qu’aux entreprises bénéficiant d’un label RSE, la possibilité de publier gratuitement des annonces dans les missives hebdomadaires. Le lectorat de La Machine à sens grandit, mais en plus, vous êtes toutes et tous motivés par des valeurs compatibles, voire communes, sur le rôle de l’entreprise dans la société. Et si vous n’êtes pas directement intéressés, je suis certain que vous avez des personnes qui pourraient l’être dans vos réseaux. Les problèmes de recrutement sont tellement marqués sur pas mal de métiers, donc si je peux donner un coup de main, je le fais bien volontiers. Si vous êtes intéressés, vous pouvez m’écrire par email : vivien@machineasens.info.
Exemples d’annonce :
NEC Initiative, société à mission qui évalue l’impact environnemental des entreprises dans une démarche globale, recherche :
Zelles, fabricant à mission de fenêtres PVC et aluminium, organise un job dating demain 25 mars, où 30 postes sont à pourvoir, dont des caristes, des chefs d’équipe et des opérateurs de fabrication. Cela se passe à Bresse dans les Vosges entre 9h et 12h.
Du côté de la politique
🏃COMME CA, SANS RIEN DIRE.
J’ai une veille plutôt active mais heureusement que je suis des personnes qui ont des radars partout. Autrement, je n’aurais pas vu cette évolution juridique. Une nouvelle loi vient d’être votée pour “démocratiser le sport en France”. Sans bruit, elle modifie le code du commerce pour les SA. Là où le conseil d’administration et le directoire devaient “prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux”, désormais ils doivent mener leurs actions “considérant les enjeux sociaux, environnementaux, culturels et sportifs” de l’entreprise. Et oui, on y rajoute le sport et la culture.
La loi ne modifie pas le fameux article 1833 du code civil, qui lui se concentre toujours sur les enjeux sociaux et environnementaux, mais on peut penser que les choses ne sont pas si figées… L’idée des législateurs est de pousser davantage la pratique sportive en France et par ces évolutions pour les entreprises d’augmenter les financements privés. Pourquoi la culture ? A mon avis pour faire une pierre, deux coups.
Tout cela est un peu étonnant, parce que dans le social, on peut mettre des dimensions culturelles et sportives, mais bon…
Du côté des idées
🎙️PETITE AUTOPROMO.
Le label RSE Positive Workplace m’a fait l’amitié de me tendre le micro pour son podcast pour parler des entreprises à mission. Pendant une petite demi-heure, on creuse le sujet et j’espère apporter un éclairage utile. Merci encore à Charles et Thomas !
💡COMMENT FAIRE SON TRAVAIL D’OTI ?
La Communauté des entreprises à mission vient de sortir un nouveau guide méthodologique à destination des Organismes Tiers Indépendants (OTI) qui seront amenés à évaluer les missions des sociétés à mission, mais il pourra tout autant servir aux entreprises elles-mêmes.
On commence tout juste à avoir les premiers retours d’audit et forcément chaque OTI applique sa méthode. Donc, c’est un peu le bazar pour les entreprises et pour s’y retrouver. Ce guide a vocation à devenir un socle de référence.
📑LA RSE ET LES CONSEILS D’ADMINISTRATION.
L’IFA, l’ORSE et PwC viennent de sortir leur premier baromètre sur la RSE. On y retrouve pas mal d’éléments intéressants. Les auteurs ont la prudence de préciser que l’échantillon de répondants (“près de 200”) est trop faible pour asseoir une forte rigueur statistique, mais les résultats peuvent présenter quelques tendances. Il y a différentes typologies de répondants, mais au moins une caractéristique commune à tous, ils siègent au conseil d’administration.
Il ressort par exemple que 60% des entreprises ont accéléré leurs démarches RSE suite à la crise sanitaire. Cela vient conforter l’idée que la pandémie a rebattu les cartes sur ces sujets, car beaucoup d’enquêtes convergent sur le sujet.
Il est également intéressant de noter que les critères RSE commencent à peser de plus en plus dans les rémunérations. Dans 44,5% des cas, ils représentent plus de 10% de la rémunération. Le rapport se focalise sur le verre à moitié vide ; je préfère le voir dans l’autre sens.
Il ressort en outre que 68,2% des interrogés déclarent que leur entreprise ait engagé dans une démarche de raison d’être, dont 48,7% l’ayant déjà formulée. Cela peut sembler beaucoup, mais le rapport ne fait pas la distinction entre raison d’être statutaire et non statutaire… Ceci explique cela. Surtout, dans 45% des cas, elle n’est pas mobilisée pour la prise de décision en conseil. Cette fois-ci, je regarde le verre à moitié vide ! Pareil, seuls 51% des répondants déclarent que leur entreprise a mis en place des dispositifs et des moyens dédiés pour suivre la raison d’être. Par esprit de poil à gratter, j’aimerais bien croiser les réponses à ces deux questions pour voir le pourcentage d’entreprises expertes dans l’art du blanchiment par raison d’être (pour tenter une francisation)…
⭐ POUR LES PORTEURS DE PROJET A IMPACT.
Je vais d’ici quelques semaines faire de La Machine à sens mon projet entrepreneurial (mi-conseil, mi-contenu). Evidemment, je veux que mon entreprise soit à impact. Donc, je potasse pas mal de ressources. Je suis tombé sur un “toolkit” (une mauvaise manie de l’anglicisme) fraîchement publié par Réseau Alliances et SobizHub. Il est bien fait avec de bons outils et une bonne structuration du contenu.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
La Réclame a publié un long et passionnant article sur les cinq tendances de la communication RSE.
Clarence Michel et Guillaume Giron répondent à Philippe Schleiter qui avait vertement critiqué plusieurs “modes managériales”, dont la société à mission.
Très bon TED Talk d’Ashley M. Grice de BrightHouse Consulting sur le pouvoir du purpose.
Mon son de la semaine
J’adore Monkey Safari, un duo de producteurs électro allemands. Leur album Love Will Set You Free est une petite perle de ce qu’ils sont capables de composer. “Sometimes” est un morceau qui me rappelle mes années collège où je découvrais l’électro—surtout la house en l’occurrence—à la fin des années 90. S’il n’est pas du tout représentatif du style de Monkey Safari, il vous donnera tout de même furieusement de vous déambuler à la mode club. Une autre époque !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤ si vous appréciez la missive. Cela m’encourage et permet de savoir les sujets qui vous intéressent.
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Vous souhaitez devenir société à mission ?
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A jeudi prochain,
Vivien.