#76 Décryptage de la mission de Châteauform'
Analyse de sa raison d'être et de ses objectifs statutaires (temps de lecture : 6 minutes)
Chère lectrice, cher lecteur,
Bienvenue dans ce 76e décryptage de mission ! Merci à tous les votants de la semaine dernière. Châteauform’ l’emporte très largement. Mais il n’aurait pas pu en être autrement. Claire Schwartz, la manager de mission, a eu cette idée audacieuse de poster sur LinkedIn appelant son réseau à voter pour son entreprise et a relayé l’information en interne. Là où beaucoup pourraient plutôt vouloir éviter d’être passé au crible, elle accueille le feedback. Claire : ton vœu est exaucé !
Avant de passer au décryptage, je vous annonce qu’il n’y aura pas de vote pour les deux prochaines semaines. De manière assez arbitraire, j’ai choisi les prochaines entreprises. La semaine prochaine, ce sera le groupe Bayard, qui vient de passer société à mission. Surprise pour la semaine d’après, mais les lecteurs les plus affûtés pourront trouver.
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En découvrant le terme de “chaleur ajoutée” dans la raison d’être de Châteauform’, j’ai immédiat repensé à un groupe que j’adorais il y a de très nombreuses années, Hot Hot Heat.
Quiconque a déjà fait des séminaires d’entreprise a probablement croisé le chemin de Châteauform’. C’est un acteur incontournable avec une diversité de lieux un peu partout en France. Ils ont également une activité moins connue d’aménagement et de gestion d’espaces de travail.
L’entreprise travaille de longue date des valeurs d’humanisme et une culture d’entreprise très singulière (écoutez ce podcast d’
pour la découvrir). Quand j’ai appris que l’entreprise souhaitait passer entreprise à mission, cela m’a paru tombé sous le coin du bon sens.La raison d’être :
Les équipes Châteauform’ insufflent leur chaleur ajoutée à chaque rencontre pour inspirer les entreprises et leur permettre de révéler leurs Talents.
Première remarque : la forme choisie est singulière. D’ordinaire, les entreprises choisissent soit “nous”, soit des verbes à l’infinitif. C’est plus rare d’utiliser la troisième personne du pluriel. Par ailleurs, il est également peu fréquent d’accompagner le nom de l’entreprise de “les équipes”. Quand on connait un peu l’entreprise, c’est en réalité très naturel.
Sur la clarté de la raison d’être, on peut s’interroger sur l’activité de l’entreprise. Si l’on ne connaît pas Châteauform’, il n’est pas évident de comprendre que ce sont des lieux d’événements d’entreprises. Un organisme de formation pourrait par exemple adopter cette raison d’être dans ses grandes lignes.
Autre point qui pourrait interroger la clarté, c’est l’expression “chaleur ajoutée”. Je suis assez peu adepte des jargons ou expressions qui ont du sens en interne, mais sont peu explicites pour l’externe. Ici, je trouve l’usage approprié : l’expression est suffisamment imagée pour être compréhensible, s’inscrit dans un ensemble qui lui donne du sens et est un élément de langage hyper présent chez Châteauform’.
L’accent de cette raison d’être porte sur les entreprises et leurs “Talents” (double sens j’imagine : talent comme qualité à mettre en avant et en tant que synonyme de collaborateurs). Petit point d’attention sur ce sujet. “Les entreprises” caractérisent un type de clientèle, quid des autres : organisme public, association etc. ?
Sur la seconde partie concernant “révéler leurs Talents”, je m’interroge : des séminaires de teambuilding “révèlent”-ils vraiment des talents qui servent aux entreprises ? De même pour des séminaires de direction ? Sachant que Châteauform’ n’intervient pas sur le fond des événements organisés. J’ai bien conscience de m’attaquer à un totem de l’entreprise, car c’est sa signature de marque.
Mon conseil : il est possible de reprendre sa signature de marque dans sa raison d'être, mais prudence. Elle a une valeur marketing qui peut ne pas coller avec la raison d'être. Par ailleurs, elle ne traduit pas toujours une contribution sociétale, ce qui est la pierre angulaire de la raison d'être façon loi Pacte. Il peut être plus pertinent pour le développement de l'entreprise de refréner d'utiliser sa signature pour penser autrement.Le dernier aspect porte sur l’affirmation de la contribution sociétale de Châteauform’ au travers de cette raison d’être. A part la dimension sur les talents, elle est trop discrète. Elle apparaît davantage dans le manifeste associé. Quid de la diffusion de cette culture humaniste (le terme de chaleur ajoutée ne l’évoque pas explicitement) ? Quid de la gestion de lieux qui n’est pas évoquée dans cette raison d’être ?
L’absence de ce dernier aspect est d’autant plus étonnant que Châteauform’ a développé des offres autour de l’aménagement des espaces de travail.
Cette raison d’être n’en reste pas moins engageante par l’usage de certains termes comme “chaque rencontre”, qui signifie un niveau d’exigence et de qualité optimal.
Les objectifs
Cultiver notre modèle humaniste
La dimension interne représente le premier objectif. C’est rare, mais cela confirme l’accent porté sur l’humain. Même si je trouve la formulation un peu laconique, c’est un objectif engageant. On y parle d’un “modèle”, ce qui implique qu’il soit clair pour tout le monde, qu’il s’appuie sur des pratiques et des comportements réplicables et partagés.
La question est de savoir quels indicateurs construire, car il ne s’agit pas juste du bien-être au travail, mais de la réalité et de l’appropriation de ce modèle, ainsi que son évolution (par le verbe “cultiver”).
Inspirer nos clients autant qu’ils nous inspirent
Cet objectif est intéressant, car il pousse l’entreprise à ne pas être simplement un ensemble de lieux d’accueils, mais de jouer un rôle actif vis-à-vis des personnes qu’ils reçoivent. Cela ressort d’ailleurs très bien dans le manifeste.
Le seul inconvénient est que cet objectif paraphrase la raison d’être, mais ne vient pas la compléter, donc on ne sait pas vraiment comment Châteauform’ s’imagine cette inspiration.
La deuxième partie de l’objectif est plus confuse pour moi. Comment mesurer que les clients les inspirent ? L’ont-ils ajouté par souci d’humilité ? Je trouve que ça rend l’objectif moins limpide.
La déclinaison opérationnelle de cet objectif sera essentielle pour lui donner une réalité plus concrète que la formulation ne le laisse voir à ce stade.
Créer des rencontres respectueuses des Hommes, des Territoires et du Vivant
Cet objectif me laisse plus circonspect. Il est nécessaire en soi vu les activités de Châteauform’, mais je le trouve trop vaste et il recouvre des dimensions qui ne ressortent pas dans la raison d’être. Il est assez évident que ces éléments sont constitutifs de l’activité de Châteauform’ : ils proposent du catering et sont implantés partout en France dans des lieux d’exception. L’absence de cette dimension dans la raison d’être me surprend même.
Mon conseil : la raison d'être et les objectifs constituent un tout qui se complète. La raison d'être est la pierre précieuse ; les objectifs le sertissage. Tout doit se répondre pour former un tout harmonieux. Les objectifs doivent compléter la raison d'être, pas apporter une dimension qui n'est pas évoquée. Vice-versa, un élément de la raison d'être non défini dans les objectifs est caduc. Au global
✅ La mission est très identitaire avec des termes singuliers, forts et consubstantiels de l’entreprise, ce qui permet de refléter l’authenticité de la démarche.
✅ Elle porte une dimension humaine qui devrait en faciliter l’appropriation par les équipes, souvent un des écueils, et s’intègrera plus facilement aux efforts déjà portés.
📶 La raison d’être ne retranscrit pas suffisamment la contribution sociétale que Châteauform’ souhaite apporter. Est-ce qu’inspirer des entreprises et révéler des talents est suffisant ?
📶 La raison d’être n’aborde pas le sujet des lieux d’accueil et de tout l’écosystème dans lequel ils s’insèrent, ce qui est surprenant. Une option aurait pu être d’ajouter une phrase supplémentaire dédiée à cette dimension clé vu l’activité de l’entreprise.
📶 Le choix de trois objectifs obligent à avoir des engagements très larges, qui nécessiteront un pilotage avec des objectifs opérationnels et indicateurs variés et pas forcément simples à combiner, notamment le dernier.
⚠️ Je m’interroge à savoir si cette mission va mettre Châteauform’ dans une vraie dynamique d’amélioration continue. La mission laisse entrevoir les initiatives déjà très nombreuses portées par l’entreprise, mais en quoi cela va-t-elle la challenger à faire mieux et/ou différemment ? D’aucuns pourraient dire que Châteauform’ a déjà mis en place des outils pour cela, mais cela ne ressort pas dans la mission. Le manifeste l’esquisse sur la diffusion du “modèle humaniste” et porte des convictions sur le rôle de l’entreprise, mais c’est trop implicite dans la raison d’être et les objectifs pour pouvoir l’affirmer.
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif.
Vous pouvez retrouver toutes les missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
Et si besoin, je suis à disposition pour échanger avec l’entreprise analysée.
Merci de votre lecture ! J’espère que ce décryptage vous aura plu. Vous pouvez le signaler en appuyant sur le ❤️. Retrouvez les 75 premiers décryptages ici.
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A demain,
Vivien.