#73 Souviens-toi l'hiver dernier
Les vacances au ski en 2052 ; décryptage de la mission de BVA et plein d'autres actus et analyses (12')
Mes chères lectrices, mes chers lecteurs,
Bienvenue dans la 73e missive ! Je dois commencer par un immense remerciement. Suite au lancement de la campagne de crowdfunding pour le podcast de La Machine à sens, nous avons atteint 87% de l’objectif. Il reste donc 13% ? Oui, en partie. Atteindre 100% est un premier objectif important (ne pas les atteindre signifie que la campagne aura échoué). Dépasser les 100%, c’est venir à votre rencontre pour des enregistrements live dans différentes villes de France et j’y tiens !
Deux points importants :
Certaines contreparties peuvent être prises au titre d’une entreprise (1h30 d’échanges sur votre mission ou sponsoring d’épisodes). J’ai eu quelques questions sur la possibilité d’avoir une facture. Après quelques bons conseils, je vais devenir micro-entrepreneur. Cela va régler le problème. Donc, si cela vous freinait, plus de soucis.
J’ai eu la chance de bénéficier de contributions significatives. Je ressens les responsabilités qui vont avec. J’ai également eu un contributeur qui a pris une contrepartie à 25€ et m’a parlé de “petite contribution”. Je lui ai répondu qu’il n’y avait pas de petite contribution, il n’y avait que de grands encouragements. Et c’est vrai. Vous n’imaginez le plaisir immense de voir vos soutiens. C’est un vrai boost d’adrénaline !
Je vous redonne le lien de la campagne de crowdfunding.
Et si vous voulez soutenir en plus ou autrement le projet, vous pouvez le faire en “likant” ce post. J’ai découvert qu’Ulule offrait la possibilité de pitcher son idée à quelques projets et cela se base sur les likes sur les réseaux sociaux. Utilisant principalement LinkedIn, je ne suis pas forcément avantagé, mais je compte sur vous !
Passons à l’édito.
Pas simple de trouver l’inspiration quand on voit le retour de la guerre en Europe. Je suis donc parti dans une orientation un peu plus légère, comme vous êtes nombreux à arpenter les pistes ou à vous apprêter à le faire.
Nous sommes en février 2052. Les vacances scolaires battent leur plein. Tout le monde s’y prépare. Il n’a pas beaucoup neigé cette année et de toute manière, les stations où l’enneigement naturel est suffisant se font de plus en plus rares. Le ski sur herbe est en route pour supplanter le ski sur neige. De plus en plus de stations le proposent.
La famille Bertier s’y est mis depuis quelques années. Ils étaient férus de snowboard, mais être debout sur une planche ne se fait désormais plus que sur un surf. Le snow est devenu une activité rare et chère réservée à quelques stations en haute altitude.
La famille prépare sa valise. Moon boots, moufles et autres combinaisons de ski ont été remplacés par des habits plus légers et respirants. Déjà chez eux, en ville, il fait rarement moins de 5°C l’hiver. Les vagues de grand froid ne sont pas beaucoup plus fréquentes en montagne. En 2022, dans une émission de France Culture, Antoine avait entendu que la totalité des hivers les plus doux depuis 1900 s’était déroulé les 25 dernières années et qu’aucun des hivers les plus froids n’avait eu lieu dans les 50 dernières années. La neige en hiver, Antoine ne la voyait que dans les films.
Une fois ses affaires prêtes, la famille se mit devant la télé pour regarder la cérémonie de clôture des JO paralympiques. Pour la première fois, les JO d’hiver, qui se tenaient auparavant entre février et mars, avaient dû être avancés d’un mois faute de trouver des villes hôtesses. L’enneigement naturel devenait problématique. Le canon à neige et le recours à des quantités astronomiques d’eau avaient été drastiquement réglementés. L’avenir des JO d’hiver était de toute manière mis en danger, comme l’avait montré un chercheur dans un article de The Conversation il y a déjà longtemps. D’où la réflexion en cours d’introduire des épreuves sur herbe.
Et oui, en 2052, plus personne ne se souvient des hivers enneigés, de la neige en moyenne montagne et encore moins en plaine, du snowboard et des bonhommes de neige. Profitons-en aujourd’hui…
Au sommaire :
📣 Décryptage de la mission de BVA (market research et conseil)
⭐ Le Jour d’après chez Erilia et Citizen Capital
🚄 La SNCF dévoile sa raison d’être
👨🎓 Vers l’enseignement généralisé de la transition écologique
📣 Du côté de la PFUE, on parle ESS, devoir de vigilance et CSRD
💻 Le Grand Défi lance sa Grande Consultation
🧠 Un peu plus de jus de crâne
☝ Le vote pour le décryptage de la mission la semaine prochaine : RAISE (société de gestion) vs Hôtel Babel (hôtellerie-restauration)
🎧 Mon son de la semaine : Loïc Nottet - “Mr/Mme”
Bonne lecture à picorer ou à dévorer.
📣 DECRYPTAGE DE LA MISSION DE BVA.
La semaine dernière, je ne vous ai pas demandé de voter sur la mission à décrypter cette semaine, car peu avant l’envoi de la missive, il s’avère que le vote de la semaine précédente s’était clôturé par une égalité ! Donc, je vous propose le décryptage de la mission du groupe BVA, qui était également proposé.
Le groupe compte 850 salariés et regroupe quatre entités qui naviguent dans l’univers du market research et du conseil. En effet, derrière les sondages d’opinion que tout le monde connaît, BVA offre de nombreux autres services en B2B. J’ignorais les efforts du groupe sur la RSE, mais la démarche est structurée et évaluée depuis plusieurs années.
Dans un communiqué de presse, Eric Singler, DG du groupe BVA, précise que l’adoption de la qualité de société à mission relève de la conviction que “les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour faire face aux défis sociétaux auxquels nous sommes confrontés”. Mais il expose d’autres arguments : attraction et fidélisation des talents, clients alignés sur leurs valeurs. Il est trop tôt pour savoir si ces deux points se concrétisent vraiment pour une entreprise à mission, mais c’est intéressant de voir que cela joue dans les réflexions.
La raison d’être :
BVA Group éclaire et accompagne les décisions des organisations et citoyens en décryptant le monde pour construire des solutions performantes et un futur positif.
La formulation est claire ; il n’y a pas de terme superflu. Pas simple de regrouper la totalité des métiers du groupe en quelques mots, mais cela est plutôt bien réalisé. On retrouve également pas mal de verbes actifs : éclairer, décrypter, construire. Quelques termes un peu vagues ont été choisis : “accompagner” et “performantes”. Dans les deux cas, cela n’est pas très évocateur : “accompagner” est trop galvaudé et “performantes” n’est pas clair.
Cette raison d’être m’étonne davantage sur un autre aspect : elle est très business. Si on enlève le futur positif, cela pourrait être la description de l’entreprise sur Google. Donc difficile de voir en quoi cela va les tirer vers le haut et les mettre dans une démarche d’amélioration continue. Difficile également de comprendre la singularité de BVA et de son approche surtout sur les enjeux sociaux et environnementaux. C’est important pour une raison d’être.
La raison possible ? Les termes sont assez génériques au secteur. C’est dommage : il aurait été intéressant de faire ressortir des traits identitaires profonds du groupe, aussi bien dans sa culture d’entreprise, que dans son offre ou son approche client. Peut-être que cela apparaît dans les objectifs.
Les objectifs :
Mettre en œuvre un management inclusif, participatif et responsable pour construire un environnement où il fait bon travailler, générateur de bien-être et favorisant l’engagement de l’ensemble des collaborateurs ;
Nourrir notre expertise en développant nos compétences pour proposer sans cesse des recommandations de qualité et faire grandir chacun, avec l’ambition de devenir une “entreprise apprenante” ;
Conseiller et accompagner nos clients avec transparence, attention et exigence pour contribuer à leur réussite à long terme en mettant à leur disposition des approches innovantes et en s’engageant à leurs côtés;
Contribuer à la qualité des débats et à l’amélioration des connaissances des acteurs de la société à travers des publications et prises de parole
Deux objectifs internes et deux objectifs externes. C’est une idée pertinente. Chaque objectif vise une thématique ou une partie prenante distincte, ce qui assure de la clarté.
Dans le détail, le premier objectif est cohérent avec les propos du DG de BVA cités plus hauts, mais j’y suis toujours aussi sceptique. Pour rappel, les sujets de management inclusif, QVT et bien-être n’ont pas, selon moi, leur place dans une mission, sauf dans quelques cas de figure précis (quand l’entreprise se distingue fondamentalement des normes du secteur par exemple). Plusieurs personnes m’ont objecté que c’était nécessaire de l’inclure aux yeux des équipes. Je rouvrirai le débat ultérieurement.
Le second objectif me semble très bien trouvé. Il est assez attendu pour une entreprise qui produit, traite et analyse de la connaissance, mais se fixer de devenir “une entreprise apprenante” est un objectif utile et qui crée des boucles vertueuses. Il faudra bien définir des objectifs derrière ce terme un peu fourre-tout même s’il a été bien conceptualisé.
Le troisième objectif est très business. Le cœur de cet objectif d’un point de vue de la mission est “la réussite de long terme” des clients, mais il est un peu dilué au milieu d’autres concepts lui faisant perdre sa centralité. Et cette réussite est-elle juste économique ? Si ce n’est pas précisé, ce n’est pas évident.
Le dernier objectif pourrait être très fort, mais je sens une espèce de retenue. Dans un environnement informationnel gangrené par les fake news, BVA a un rôle à jouer dans la qualité des débats. Ce contexte - de plus en plus structurel - est un peu absent. Surtout, ce sont les termes du troisième objectif qui pourraient être adéquats ici : c’est en instillant des standards de transparence, d’attention et d’exigence que BVA contribuera à la qualité des débats et à la fiabilité des données qui sont communiquées.
Au global, il y a une bonne complémentarité entre la raison d’être et les objectifs, mais je ressens un caractère policé dans les termes utilisés. Peut-être est-ce volontaire, mais l’ADN et la singularité ressortent trop peu : la prise de position forte, une forme d’engagement clair. En l’état et en reprenant les propos du DG de BVA, quelles valeurs de nouveaux clients pourraient trouver dans cette mission qui les amèneraient à privilégier cette entreprise plutôt qu’une autre ? Et comment cette mission va-t-elle aider BVA à se transformer pour construire un futur positif ?
Cet exercice d’analyse se veut pédagogique pour toute entreprise souhaitant devenir société à mission ou en cours de transformation. Je m’évertue à être critique MAIS constructif. Vous pouvez me contacter si vous souhaitez engager une démarche de construction ou d’évaluation de votre mission.
Vous pouvez retrouver les 43 missions déjà analysées ici et mes 16 conseils pour passer société à mission ici.
☝ A VOUS DE VOTER.
Comme chaque semaine, c’est à vous de choisir la mission que vous voulez voir analysée dans la prochaine missive. Quel décryptage de mission vous intéresserait ? Il suffit de cliquer sur votre choix.
📊 RAISE (société de gestion)
🏨 Hôtel Babel (hôtellerie)
⏩ C’EST POUR BIENTÔT : Korian (EHPAD), Eole Loisirs (tour operator), La Société armoricaine de canalisations (BTP).
⭐ LE JOUR D’APRES CHEZ ERILIA.
🚄 SUR LES RAILS.
Pas pris au sérieux, pas d’intérêt médiatique ? Je ne sais pas, mais la SNCF a adopté une raison d’être statutaire dans le plus grand silence médiatique.
Certes, l’exercice est casse-gueule tant les railleries et les critiques peuvent être nombreuses. La version courte est : “Agir pour une société en mouvement, solidaire et durable”. Cette phrase est complétée par une version longue sous forme de manifesto (très bonne démarche pour venir appuyer une phrase un peu lacunaire et généraliste) et est accompagnée de huit engagements, ce qui n’est pas obligatoire dans la loi.
Je n’analyserai pas la raison d’être, car désormais, je ne fais cet exercice que pour les missions complètes. Je vous laisse toutefois prendre connaissance de tous les éléments et leur souhaite bien du courage !
⭐ LE JOUR D’APRES CHEZ CITIZEN CAPITAL.
Citizen Capital, société de gestion pionnière de l’investissement à impact, vient de lancer un nouveau fonds “Mission Growth Fund III” (plus souvent nommé Citizen Capital III) doté de 80 millions d’euros. Explicitement destiné aux entreprises qui souhaitent travailler sur leur mission pour générer un impact social et/ou environnemental durable, il s’adresse à des start-ups late stage et des PME innovantes. Les tickets s’élèveront entre 4 et 10 millions.
Ce nouveau fonds s’inscrit certes dans la continuité des précédents, mais affirme encore plus clairement le sujet de la mission, reflet du passage en société à mission depuis janvier 2021.
Du côté de la politique
👨🎓 ENSEIGNER LA TRANSITION ECOLOGIQUE.
Jean Jouzel a remis un rapport sur l’enseignement de la transition écologique à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur. La démarche de sensibilisation et de formation est soutenue au niveau national, mais sa mise en œuvre s’effectuera établissement par établissement. L’objectif est ambitieux, puisqu’il s’agit de former 100% de niveau bac+2 à la transition écologique quelque soit leur cursus d’ici 2025.
Evidemment, former les étudiants c’est bien ; former les formateurs, c’est mieux ! Il faudra donc mettre en place des formations des futurs enseignants de la transition écologique. En outre, de nombreux programmes d’accompagnement et de financement sont envisagés pour faciliter cette démarche.
Parallèlement, le rapport recommande la création d’une formation certifiante pour tous les citoyens, y compris en entreprise et dans la fonction publique, reposant sur le socle de connaissances défini pour le niveau bac+2.
📣 PENDANT CE TEMPS-LA A LA PFUE.
La présidence française de l’UE est largement accaparée par la crise ukrainienne, qui s’envenime d’heure en heure. Voici quelques filets de ce qui se passent à côté :
❓ Une harmonisation de l’ESS en discussion.
👋 Le devoir de vigilance au niveau européen, bientôt une réalité.
📊 La directive CSRD pour la standardisation du reporting extra-financier poursuit son parcours législatif.
Je reviendrai sur ces deux derniers sujets la semaine prochaine.
Du côté des idées
💻 LA GRANDE CONSULTATION, C’EST PARTI.
A côté de la Convention des Entreprises pour le Climat, une autre initiative prend son envol, le Grand Défi. Je suis cette initiative depuis un moment et j’ai l’impression que la CEC leur a fait un peu d’ombre. Les voici lancés !
Ce Grand Défi vise à travailler sur la transformation de notre économie vers un modèle durable pour tous. Il se déroulera en trois temps : une Grande Consultation, une Grande Délibération et une Grande Diffusion. La Grande Consultation va désormais commencer. Concrètement, une plateforme permettra de recueillir les avis de personnes associées aux organisations partenaires de l’initiative (société civile, associations d’entreprises etc.), ainsi que chez les entreprises marraines, telles que Bouygues, Harmonie Mutuelle ou Enedis.
A l’issue de cette consultation, 150 entreprises tirées au sort devront plancher sur 100 propositions entre mai et novembre.
🧠 UN PEU PLUS DE JUS DE CRÂNE.
😯 Dans le dernier baromètre l’Obsar (observatoire des achats responsables), la pondération du critère RSE reste faible dans les appels d’offres, surtout dans le public.
🤜 Ca tape dur sur la société à mission dans Alter Eco, qui “sert à tout sans donner aucune garantie”.
👍 Excellent entretien d’Eric Lombard, DG de la Caisse des Dépôts, qui le dit sans détour : “J’ai aujourd’hui la conviction que le capitalisme est déréglé”.
🌲 A quoi ressemblerait la planète si les humains disparaissaient soudainement ? La BBC s’est lancé le défi. On ne vivra forcément jamais ce scénario, mais même si nous serons plus là physiquement, une part de nos actions demeurera…
Mon son de la semaine
Quelle claque ce morceau ! Une émotion folle, une intensité qui prend aux tripes. Bravo Loïc Nottet pour ce morceau bouleversant !
Si vous êtes arrivé.e jusque là, j’ai un petit service à vous demander : cliquez sur ❤. Cela m’encourage et permet d’améliorer le référencement de La Machine à sens. Vous aidez ainsi à ce que d’autres découvrent cette newsletter plus facilement. Vous pouvez également partager le contenu sur les réseaux sociaux ou auprès de collègues. Vous êtes mes meilleurs ambassadeurs !
Vous souhaitez devenir société à mission ?
Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement, échanger sur vos réflexions liées à la raison d’être ou la société à mission, vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous me lisez depuis votre boîte, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur.
A jeudi prochain et solidarité aux Ukrainiens en ces jours sombres,
Vivien.