#47 Missive courte (pour une fois)
Pas moins de dix sociétés à mission (pas toutes dans cette missive), dont Euleos et Relyens; La Banque Postale annonce sa raison d'être; une coalition pour changer le droit UE des entreprises etc.
Bonsoir,
La semaine a été très, très chargée et je n’ai pas pu dégager assez de temps pour rédiger une missive complète, d’autant plus qu’il doit y avoir pas moins de dix nouvelles sociétés à mission annoncées cette semaine !
Et pas d’édito non plus. Mais rassurez-vous, la 48e missive sera maxi complète !
Du côté des entreprises
TRANSITER VERS LA MISSION. Euleos est une société de management de transition très engagée. Dans l’ADN de l’entreprise, il s’agit de faire les choses différemment en se focalisant sur l’économie du partage, en étant ouvertement entreprise libérée et forcément en passant société à mission.
Sa raison d’être : “plus d’équité pour plus d’humanité”. J’ai vraiment essayé de comprendre, de m’interroger sur le sens des mots, mais j’avoue ne pas comprendre ce qui fait que cette raison d’être est spécifique à Euleos. Parler d’équité interpelle, mais je ne suis pas certain de voir le lien. Est-ce à dire que l’économie du partage, clé de voûte de la société, est basée sur l’équité ? De fait, l’accent sur “plus d’humanité” ne coule plus de source. J’imagine qu’il est lié au bien commun, concept que l’on retrouve régulièrement dans les communications d’Euleos.
Ses objectifs :
Pour nos clients : les encourager vers l’entrepreneuriat responsable ;
Pour nos collaborateurs : révéler le potentiel de chacun pour donner du sens ;
À l’égard de nos parties prenantes : application des principes d’économie du bien
commun ;En matière de gouvernance : soutenir l’engagement citoyen de nos équipes.
La brièveté a de la vertu, mais elle peut également laisser le lecteur deviner. Vous savez l’importance que j’attache à la clarté. Certains objectifs demanderaient quelques explications, comme “soutenir l’engagement citoyen” ou “encourager l’entrepreneuriat responsable”. Bien difficile de savoir ce qui est mis dedans. Que ce ne soit pas forcément explicité dans les statuts, admettons : le champ des possibles reste alors ouvert. Mais dans la communication, il n’y a pas plus d’explication et c’est plus embêtant.
En l’état, je ne vois pas une parfaite complémentarité entre la raison d’être et les objectifs. Ils n’explicitent pas la notion d’équité par exemple, ou du moins n’est-ce pas évident.
Pour finir, je suis dubitatif sur l’inclusion d’objectifs tels que le second. Faut-il vraiment énoncer comme objectif de la mission de l’entreprise l’ambition de révéler le potentiel de chacun pour donner du sens ?
QUI SE CACHE DERRIÈRE CETTE MISSION ? (Episode 4) Quelle entreprise se cache derrière cette raison d’être et ces objectifs ?
La raison d’être : “Agir et innover, aux côtés de celles et ceux qui œuvrent à l’intérêt général, pour construire un monde de confiance”. Bien difficile de trouver des éléments distinctifs. Le fait “d’agir et d’innover aux côtés” me laisse penser à une entreprise ayant à la fois une dimension de conseil et d’implémentation industrielle ou informatique.
La mention de l’intérêt général pourrait indiquer que cette entreprise s’adresse plus spécifiquement à des associations ou aux collectivités. L’inclusion du “monde de confiance” ne donne pas beaucoup d’indication, car peu d’acteurs cherchent sciemment à construire un monde de défiance...
Regardons les objectifs :
Sécuriser et permettre la continuité de l’activité de ses sociétaires et clients
Mettre la loyauté et l’équité au cœur des relations entre ses parties prenantes
Innover et entreprendre pour construire un futur souhaitable
Contribuer à un monde durable
Un indice est clair : l’entreprise en question fait partie de l’ESS. Pour le reste, les objectifs ne me donnent pas beaucoup d’éléments supplémentaires. Ils peuvent s’appliquer à n’importe quelle entreprise en B2B qui passerait société à mission. On peut trouver étonnant de mettre la loyauté dans ses statuts. Je serais curieux de savoir comment cela se traduit concrètement ; le terme est fort.
Bref, en l’état, je suis tout à fait incapable de donner un secteur ou un type d’activité. Alors qui se cache derrière ? Relyens, le groupe mutualiste spécialisée en assurance et en management des risques. Je ne l’aurais pas deviné, mais plusieurs points s’expliquent, à commencer par la mention de l’intérêt général, puisque Sham et Sofaxis s’adressent respectivement aux acteurs de la santé (hôpitaux publics, médecins etc.) et aux acteurs territoriaux. Je comprends la notion de continuité d’activité, liée au management des risques.
Pour le reste, la focale sur l’innovation me paraît étonnante. C’est une dimension qui ressort peu dans le cœur d’activité de l’entreprise. Le groupe finance certes des actions de recherche, mais en faire l’axe central de sa raison d’être, c’est presque annoncer un revirement majeur de son activité.
Les objectifs restent assez généralistes et en l’état, on ne sait pas trop comment ils vont être mis en oeuvre, par qui et pour qui. Quand on sait à quel point les engagements sociétaux sont forts pour le groupe, on ne doute pas qu’ils continueront dans leur dynamique ; espérons que cette raison d’être et ces objectifs aideront Relyens à être encore plus ambitieux.
Dans les objectifs, je recommanderais d’être plus singulier et précis. Les meilleurs objectifs que j’ai pu voir sont souvent orientés sur une partie prenante bien définie. Ils viennent compléter des ambitions business déjà fortes, marquées dans les valeurs de l’entreprise par exemple. Ils permettent à l’entreprise d’étirer sa zone de confort et de la mettre dans une démarche cadrée d’amélioration continue.
P.S. : ce travail de scrutateur a souvent pour vertu d’insister sur la nécessité d’être clair à la première lecture, de voir si la mission sert une visée actuelle et future, si elle s’adresse à des parties prenantes identifiées et si elle va permettre à l’entreprise d’être dans une démarche d’amélioration continue.
AU TOUR DE LA BANQUE. Après le groupe La Poste, c’est au tour de la Banque Postale de se diriger vers la société à mission. Elle vient d’annoncer son intention d’adopter la qualité, ainsi que sa raison d’être :
Parce qu’elle est née avec une vocation citoyenne, La Banque Postale est convaincue qu’il n’y a pas de création de valeur durable sans partage, pas de dynamisme économique sans vitalité des territoires, pas de développement pérenne sans respect des limites planétaires.
En proposant des services performants et accessibles, notre mission est de permettre à chacun de s’accomplir et de contribuer, par ses choix d’investissement et d’épargne, d’assurance et de consommation, à construire une société plus attentive à la planète et à tous ceux qui l’habitent. Banquier et assureur engagé, nous voulons œuvrer à cette transition juste, avec tous nos clients et tous nos collaborateurs.
Raison d’être étonnante par sa longueur. C’est un modèle qu’on voit de moins en moins. Je trouve l’idée plutôt pertinente. La phrase courte et percutante n’est pertinente que si elle répond au souci de clarté, de singularité, d’envolée lyrique et d’accroche business. Ce n’est pas toujours possible. L’alternative d’un ou deux paragraphes plus longs peut donc s’avérer judicieuse.
Il y aurait beaucoup à commencer dans cette raison d’être très dense, mais pour rester en surface, elle ouvre beaucoup de portes très intéressantes, certaines sont ancrées dans l’activité de l’entreprise et d’autres ouvrent des horizons beaucoup plus vastes. Inspirant !
CLIN DE BULLE. J’ai pas mal critiqué le fait que Vranken-Pommery était passé société à mission, donc je souligne qu’ils ont commencé à communiquer (mais disons que bizarrement, peu de médias s’y intéressent pour le moment).
Du côté de la politique
AU NIVEAU EUROPÉEN. Le B Lab Europe a annoncé le lancement de la Interdependance Coalition lors du B Corp Climate Summit. L’objectif de cette coalition de 60 entreprises est de presser la Commission européenne à modifier le code européen des entreprises afin d’y inclure que toutes les sociétés opérant en Europe doivent prendre en considération l’intérêt de toutes leurs parties prenantes des entreprises dans leurs décisions.
L’idée est très louable. Seule, elle a assez peu de chances d’influencer fortement les débats, mais il faudra que chaque organisation favorable à une telle évolution abonde dans le même sens.
Du côté des idées
ENTREPRISES FAMILIALES ET RSE. Selon Tom McGinness, partner chez KPMG, les entreprises familiales sont particulièrement adaptées pour déployer des démarches RSE. Il explique en effet que la longue vue qui est si prégnante dans ces sociétés les a toujours poussé à développer des actions sociales et philanthropiques. Pour bien saisir toutes les opportunités, il estime que les nouvelles générations vont apporter un vent frais dans les entreprises familiales, elles qui sont peut-être plus naturellement attirées par les notions de RSE.
Pas de doute sur sa position ! Cela dépendra toutefois des familles. Plus l’entreprise et différents membres sont présents au capital, plus ces considérations resteront difficiles à faire accepter aux actionnaires familiaux qui comptent beaucoup sur les dividendes pour leurs propres revenus. Pas sûr que toutes et tous voient d’un bon œil des investissements sur des enjeux climatiques au ROI très incertain (qu’on le veuille ou non) ou sur des enjeux sociétaux qui pourraient réduire les bénéfices de l’entreprise tout en en améliorant l’image (le cadet des soucis des actionnaires familiaux les plus éloignés de l’opérationnel…).
Mon son de la semaine
Voilà une chanson qui m’a donné la pèche cette semaine.
C’est tout pour cette semaine. Merci de votre lecture ! Vos commentaires, likes et partages sont le meilleur moyen de faire connaître cette newsletter et toutes les initiatives engagées dont je parle. Mais, cela me fait également très plaisir !
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A jeudi pour la prochaine missive,
Vivien.