#21 Une guirlande de nouvelles sociétés à mission
C'est peut-être l'effet de décembre... mais attention quand même
Bonjour,
Bienvenue aux nombreux abonnés de la semaine ! Je dois une fière chandelle à Bruno et Sébastien, qui grâce à leurs posts sur LinkedIn, ont fait bondir le nombre d’inscrits. Je ne peux que vous encourager à s’inspirer de leur exemple…
En tout cas, je ne sais pas vous, mais cette fin d’année est chargée, chargée, chargée ! Mais je tiens la barque d’autant plus que l’actualité est passionnante, comme vous le verrez. S’il y a autant d’annonces de sociétés à mission toutes les semaines, ça va devenir difficile à suivre !
Au sommaire :
Plein de nouvelles sociétés à mission dans plein de secteurs : conseil, éducation, banque, alimentation…
Nettoyons l’idée que le label B Corp ait surtout fait pour le B2C
La crainte du “purpose washing” : mon point de vue
La saga Danone continue
J’attends vos réponses : la société à mission est-elle faite pour les PME ? Errol Cohen donne son avis
Du côté des entreprises
LA COTE DANS LE CONSEIL. En anglais, on dit “To talk the talk, you need to walk the walk”. En gros, pour parler mission, c’est mieux d’avoir emprunté le même chemin. C’est ce que beaucoup de cabinets de conseil font. J’en ai quatre en tête qui me viennent tout de suite à l’esprit. Et il va falloir en rajouter un autre avec YOurmission, créé à mission ! Leur raison d’être : “permettre à chaque dirigeant ou entrepreneur engagé d'aller toujours plus loin en matière d'innovation sociale, sociétale et/ou environnementale et de faire reconnaître pleinement leur rôle d'acteurs majeurs du changement et de la construction d'un monde meilleur pour demain”. J’aime bien la dimension centrée sur la personne du dirigeant davantage que l’entreprise. Ils viennent également de dévoiler leur comité de mission.
CORRIGER LE TIR. Je vous parlais il y a quelques mois de la controverse dans laquelle s’était retrouvé Hootsuite, entreprise spécialisée dans la gestion des réseaux sociaux, suite à un contrat controversé avec l’ICE, agence fédérale américaine très critiquée. Beaucoup lui avaient reproché le fait que ce type de contrat était contraire aux engagements B Corp de l’entreprise. Il semblerait que la broncha interne ait été entendue. En effet, l’entreprise vient d’élargir le portefeuille de Tara Ataya, précédemment en charge des people. Elle rentre au COMEX, prend également en charge la stratégie de diversities et d’expérience collaborateur. Par ailleurs, l’entreprise serait à la recherche d’un directeur pour piloter son action de CSR. Echouer et apprendre, c’est important !
ÉDUQUER SUR LA MISSION. L’innovation studio Schoolab vient de passer société à mission. Sa raison d’être : “Acteur de l'éducation, Schoolab promeut un état d’esprit entrepreneurial et collaboratif pour construire une société plus harmonieuse qui favorise un monde plus respectueux des Hommes et de l’environnement”. Une mission ambitieuse ! Je vous laisse prendre connaissance de la tribune de son DG Julien Fayet pour Le Journal de l’économie dans laquelle il détaille le processus et les objectifs.
Mais ils vont plus loin !
En effet, ils organisent une semaine d’événements en ligne sur l’impact où la société à mission aura une place centrale. A ne pas manquer !
UNE CERTIFICATION PROPRE. Le label B Corp est beaucoup associé au B2C et pourtant, les exemples d’entreprises B2B bénéficiant de la certification sont nombreux. Une addition intéressante : NuServe. Intéressante à deux égards : tout d’abord, parce que c’est une entreprise spécialisée dans l’entretien de bâtiments professionnels. Et ensuite, parce que c’est une entreprise familiale. Sur ce dernier point, disons que les entreprises familiales ne regardent pas toujours d’un bon œil qu’un organisme externe vienne fouiner partout dans l’entreprise, surtout quand il y a des enjeux de gouvernance... Sur le premier point, on pourrait penser que le label B Corp soit éloigné de leur préoccupation, mais non. L’entreprise est engagée de longue date dans l’utilisation de produits respectueux de l’environnement et des collaborateurs. Et l’approche défendue est intéressante, puisqu’elle espère que cette labellisation va résonner auprès d’entreprises soucieuses de ces problématiques. La conjugaison claire entre people, planet et profit.
MUSCLER SA MISSION. Le groupe Finoli marque une nouvelle étape dans son développement. La PME en très forte croissance détient les marques Patyka et Nutrimuscle. Récemment passé société à mission, le groupe vient de lancer une émission de dettes obligataires de 24 millions d’euros auprès de deux fonds, Eiffel Investment Group et Entrepreneur Invest, deux partenaires de confiance du groupe. Ils vont en profiter pour racheter les parts des actionnaires minoritaires de leurs deux filiales et modifier les statuts pour les faire passer à mission.
BANQUER SUR SA MISSION. La banque d’affaires Canovia vient de passer société à mission. Cette entreprise dijonnaise est engagée dans la mouvance RSE de longue date et ce changement de statut vient consacrer de longues années d’investissement dans ces domaines. Le communiqué détaille les huit grands objectifs fixés par la banque qui couvrent autant des sujets environnementaux que sociaux, tels qu’accompagner la progression de l’impact social et environnemental positif des entreprises de son portefeuille ou encore promouvoir un actionnariat militant et démocratique notamment via l’actionnariat salarié. Je suis plus circonspect sur leur raison d’être : “agir aujourd’hui pour améliorer demain”. Je la trouve malheureusement trop générale pour être claire et compréhensible.
LA MISSION EN BONNE SANTE. Les trois co-fondatrices de deuxiemeavis.fr se sont fendues d’un papier pour Ekopo pour insister sur l’importance que les entreprises dans le secteur de la santé doivent apporter à dépasser la seule notion de profit dans la gestion de leur entreprise. Leur message est limpide : “arrêtons d’opposer systématiquement profit et missions d’intérêt général”. Tout est dit !
C’EST POUR BIENTÔT. Bientôt une nouvelle entreprise de la tech fera le pas vers la société à mission. Laquelle ? C’est dans ce tweet #linagora.
Citation de la semaine
Why did you decide to become a B Corp?
I won’t lie. When we set up the creative agency back in 2008, there wasn’t much competition for an agency that was dedicated to communicating on social and environmental issues. From the start, we struggled to communicate what we do in a way that didn’t seem a bit whimsical and twee. And we’ve struggled over the past few years, as more organisations have started to come into this space and dilute the terminology. It’s very easy for someone to say, “We take our commitment to the environment really seriously.” It’s like, what the fuck does that actually mean? There are all these lofty statements you can make and it’s very hard to challenge them because they’re just words on a piece of paper. We believed we were going far beyond that, but there was no way to really prove it, so we wanted a form of third party verification that could say, “These guys are real, they’re taking it seriously.” That was the motivator to start looking into it. But when we started looking into it, it was like opening a can of worms, because we went into the process pretty cocky about our ethical way of operating.
(Tom Tapper, co-fondateur de l’agence de créa Nice & Serious, dans un entretien pour It’s Nice That où il raconte le parcours de son agence pour obtenir la labellisation)
Du côté des idées
MISSION PME. Errol Cohen, avocat au sein du cabinet LePlay, répond à plusieurs questions, dont une qui me plaît bien : le statut de société à mission est-il adapté aux PME ? A votre avis !
ALORS L’ENTREPRISE DE DEMAIN ? Début septembre, je vous parlais de la consultation organisée par NextGen Enterprise qui avait vocation à produire un rapport sur l’entreprise de demain. La consultation autour de 50 personnalités de l’entreprise s’est tenu à l’automne et le rapport est désormais disponible. Il y a quelques idées intéressantes que je vous laisse découvrir. Trois grands enseignements ressortent : le besoin d’un nouveau style de management qui remette notamment en question la tyrannie du reporting qui sévit dans certaines entreprises ; l’importance de passer des paroles aux actes sur l’environnement ; l’alliance qui existe aujourd’hui entre les attentes communes des consommateurs et des collaborateurs.
J’aimerais m’attarder sur un point concernant la raison d’être, qui a suscité des controverses, non sur le fond mais sur la forme. Plusieurs participants craignent en effet que la raison d’être soit dénaturée au fur et à mesure que les entreprises s’en saisissent. En effet, certains estiment que la raison d’être va s’arrêter à un exercice de communication même si celle-ci est intégrée dans les statuts de l’entreprise.
Il est vrai que le risque existe. De plus en plus d’entreprises font des exercices de définition de raison d’être plus ou moins poussés. Beaucoup déploient de l’énergie et des ressources (nombreuses consultations internes et externes), mais s’arrêtent à une communication sans intégration dans les statuts. D’autres vont plus loin en intégrant une raison d’être dans les statuts, mais sans mettre en place des indicateurs de suivi ou un dispositif de suivi en interne. Et d’autres enfin, et heureusement, intègrent la raison d’être dans les statuts ET font le nécessaire pour que celle-ci soit réellement une boussole pour l’entreprise. Je ne prends pas trop de risques en affirmant que les deux premières catégories sont majoritaires aujourd’hui. C’est en partie le fait de la pauvreté des textes de lois, qui n’imposent pas explicitement de suivi pour les raisons d’être statutaires. La loi parle d’un engagement de moyens, mais personne ne vient vérifier. Autre raison : ce travail de formulation de raison d’être peut répondre à des attentes actionnariales, politiques ou publiques mais les dirigeants de ces entreprises (ainsi que leurs actionnaires) n’ont pas de conviction profonde sur le sujet ou ne perçoivent pas l’impact stratégique de l’enjeu sur le fonctionnement de l’entreprise.
Le risque existe donc et il est fort, notamment dans les plus grandes entreprises. Comme la loi ne va pas évoluer de sitôt, je pense que le seul moyen est de créer une forme de jurisprudence par l’exemple où tout exercice de raison d’être se traduit par un changement de statuts et un dispositif de suivi. Si ces deux conditions ne sont pas remplies, on peut reprocher à l’entreprise de faire du “purpose washing”.
SAGA DANONE. A côté des nombreux commentaires critiques sur la décision de Danone, et des remises en cause du statut de société à mission, les prises de position se multiplient pour expliquer que mission ne signifie pas que l’entreprise n’est plus intéressée par le profit ou ne devra jamais prendre de décisions difficiles. Quentin Mermet, consultant chez Columbus Consulting, revient dessus. Même la secrétaire d’Etat Olivia Grégoire a pris position.
Mon son de la semaine
C’est le moment de l’année où Spotify nous rappelle tout ce qu’on a écouté en boucle ces douze derniers mois. Au top de la liste, “To Be Felt” d’un groupe nouveau venu de Manchester Egyptian Blue.
C’est tout pour cette semaine. J’espère que cela vous a plu ! Un like, un commentaire, un partage sont toujours très appréciés. Merci de votre lecture !
A vendredi prochain,
Vivien.