#178 "Les jeunes ne veulent plus travailler" : et si c’était nous, leurs aînés, le vrai problème ?
Et également la finance durable, les fédérations à mission, Ecosia toujours plus engagée, la recension d'Orbital

Chères lectrices, chers lecteurs,
Désolé tout d’abord de mon absence ! Je dois vous avouer que j’ai failli repousser l’envoi d’une nouvelle missive d’une semaine, mais il est important de maintenir une certaine discipline. Toutefois, elle sera un peu plus courte qu’à l’accoutumée. La période est très chargée et je suis dans les dernières corrections pour mon ouvrage. Bref, le temps manque un peu…
Puisque l’on parle du livre, j’ai l’immense plaisir de vous partager une petite avant-première : la couverture et la quatrième de couverture.
Pour rappel, l’ouvrage sortira le 7 juillet. Précision importante. Par engagement écologique et pour éviter de voir des livres finir à la poubelle, les éditions ContentA ont la particularité d’imprimer à la demande. Vous ne trouverez donc pas le livre en librairie, mais vous pourrez le commander en ligne ou auprès de votre libraire préféré dans la quantité qui vous plaira !
Comme je le disais précédemment, j’organise un événement de lancement à Paris le 7 juillet. Il se tiendra en fin de soirée avec les témoignages d’Emery Jacquillat et Claire Schwartz, manager de mission chez Chateauform’. Si vous souhaitez avoir tous les détails, je vous invite à m’écrire en réponse à cette missive.
Trêve d’autopromo, passons au sommaire :
💭 Edito : sommes-nous responsables du “nouveau” rapport au travail des jeunes?
🤑 Les fonds d’investissement se “déverdissent”
🌍 Ecosia approfondit son engagement écologique en associant davantage ses utilisateurs
🪚 Le modèle de société à mission pour les fédérations pro ?
🧠 Un peu de jus de crâne avec la fast fashion et le paradoxe des Français sur l’environnement
📖 Recensement d’Orbital de Samantha Harvey
🎧 Mon son de la semaine : The Beach Boys - Good Vibrations
Bonne lecture à picorer ou à dévorer !
Le chiffre à trouver
Je continue la petite nouveauté. C’est simple, en début de missive, je vous pose une question issue d’une enquête récente et je glisse la réponse quelque part dans le texte. A vous de la trouver.
Selon vous, quel est le pourcentage de Français qui ont lu plus de 5 livres en 2024 ?
A. 43% / B. 55% / C. 67%
Difficile de ne pas replonger dans les Beach Boys avec le décès de Brian Wilson. Pour une note positive, je vous propose de ré-écouter “Good Vibrations” qu’on a perdu l’habitude d’apprécier à sa juste valeur.
Nous avons tous entendu des personnes affirmer que les jeunes aujourd’hui ne veulent plus travailler, qu’ils sont moins engagés, que leur équilibre perso est leur priorité. Parfois véhiculons-nous même ces idées.
Et si nous étions responsables de cette situation ? Le Monde a publié un reportage qui m’a interpellé. La journaliste questionne le fait que le rapport au travail des enfants est beaucoup conditionné par la perception qu’ils ont de ce qu’il a généré chez leurs parents.
Ainsi, plusieurs témoins expliquent qu’en voyant le burn-out de leurs parents, leur insatisfaction face au manque de sens de leurs métiers, ou leur désarroi à la retraite tant le travail était le seul moteur de leur activité et de leurs relations sociales, ils ont volontairement adopté une approche plus distante vis-à-vis de leurs activités professionnelles. Inversement, certaines personnes, ayant vu leurs parents “s’en sortir” grâce au travail sans compter leurs heures, reproduisent les mêmes schémas.
De nombreuses études rappellent que, dans les faits, les jeunes ne sont pas détachés de leurs métiers ; ils recherchent surtout un meilleur équilibre vie perso - vie pro, et pour une part non négligeable un sens et une utilité dans leur tâches au quotidien. Ils vont privilégier l’efficacité et le chemin le plus court, davantage que la recherche du résultat parfait sous toutes ses coutures.
Ce sentiment que “les jeunes” ne travaillent pas assez n’est pas nouvelle. En 2011, une enquête de l’Ipsos pour Le Monde révélait que 53% des Français considéraient les “jeunes” comme “paresseux”. En remontant plus loin encore, Jean Rousselet publiait L’Allergie au travail en 1975. Dans cet ouvrage, il montrait déjà que les jeunes n’étaient pas moins attachés au travail, mais portaient un regard différent dessus par rapport à leurs aînés.
Néanmoins, cet article traite le sujet sous un angle différent : celui de l’exemple que nous donnons aux plus jeunes générations. Depuis 100 ans, la tendance a été une réduction du temps de travail, de meilleures conditions de travail, une augmentation des avantages, en parallèle de l’essor d’une société de plaisirs et de loisirs. A cela se sont ajoutés d’autres phénomènes, tels que la reconnaissance des risques psycho-sociaux dans la sphère professionnelle ou encore l’infusion des discours écologiques qui prônent une sobriété dans la consommation (et donc dans la production).
Pourtant, la perception du stress et de la pression n’a jamais été aussi forte. Peut-être est-ce en partie lié au fait que l’on en parle davantage aujourd’hui, mais cette dynamique est clairement à l’ouvrage.
Globalement, les entreprises cherchent à optimiser le temps passé sur chaque tâche pour produire plus. Les discours sur l’IA générative en sont le reflet. Cette technologie doit permettre de gagner du temps. Mais pour quoi faire ? Pour être plus productif, pour prospecter de nouveaux clients, pour travailler la relation client… Certains défendent même l’idée que l’IA va débarrasser les salariés des tâches rébarbatives peu valorisantes pour se concentrer sur l’essentiel plein de sens. Peut-être, mais en tout cas le prisme est in fine celui du gain pour l’entreprise.
Personne ne dit que l’IA va dégager du temps aux salariés pour qu’ils mènent des projets personnels, qu’ils aient plus de temps pour des hobbies ou pour des associations, tout en produisant autant qu’ils le font aujourd’hui sans avoir recours à ces technologies. Libérer du temps professionnel n’est pas une option.
Dans tout cet environnement, l’influence de l’attitude des parents sur leurs enfants est forcément importante. Voir un de ses parents épuisé à cause du travail imprime, même inconsciemment, l’idée que le travail n’est pas une source d’épanouissement, mais un mal nécessaire. Entendre ses parents se plaindre d’un manque persistant de reconnaissance des efforts fournis ou que leurs managers ne les écoutent pas véhicule une image négative de l’environnement professionnel.
Cela m’amène donc à me demander si les entreprises ne devraient pas élargir leurs réflexions en matière de RSE sur les conséquences que leurs politiques et discours internes ont sur sur les salariés de demain. Pas besoin de se faire des nœuds au cerveau : il suffit “simplement” d’assurer une bonne qualité de vie au travail, de bonnes conditions et un management positif. Et de ne pas orienter tous les discours sur l’augmentation de la productivité, surtout quand on parle d’innovations technologiques—d’autant plus qu’on sait que c’est le meilleur moyen de soulever des oppositions…
🤑 Les fonds d’investissement se “déverdissent”
J’évoquais ce sujet d’une clarification des typologies des fonds liés à l’ESG dans les tendances pour 2025. La finance durable se restructure face à la réglementation européenne.
En effet, il était devenu impossible de s’y retrouver tant les sociétés de gestion avaient créé des fonds “verts” à tour de bras. Pour autant, il fallait vraiment creuser afin de savoir s’il n’y avait pas de financement brun déguisé. En prime, les revendications manquaient de transparence.
Afin de lutter contre le greenwashing dans la finance, la réglementation européenne force à une transparence et une clarté accrues. Par exemple, tout fond souhaitant utiliser des termes, tels que “ESG” ou “sustainable”, ne pourra plus investir dans des entreprises d’hydrocarbures. Il semble toutefois que la créativité ait déjà été mobilisée pour trouver des subterfuges, par exemple en recourant au terme “transition” dans les noms de fonds à la place de “sustainable”.
Reste à voir l’impact que cette clarification aura et si les épargnants seront plus alertes pour flécher leur argent vers la finance durable. Au moins, désormais, ne pourront-ils pas dire qu’ils ne savaient pas.
🌍 Ecosia change de braquet
Ecosia est un moteur de recherche allemand, qui s’est toujours positionné comme une alternative vertueuse à Google. A l’origine, les requêtes amenaient à la plantation d’un nombre. Ils en ont planté 225 millions à ce jour. Mais depuis quelques années, ils ont diversifié leur champ d’action en investissant dans d’autres projets liés aux enjeux climatiques et ils ont décidé de refléter cette réorientation dans l’expérience proposée aux utilisateurs, peut-on lire sur le site EU Startups.
Désormais, les Internautes auront un profil utilisateur et collectionneront des graines. En accumulant des graines accumulées à mesure de l’utilisation du moteur de recherches, cela permet de financer des projets dans l’agriculture régénérative, les énergies renouvelables ou des actions en faveur de la biodiversité.
L’objectif est de personnaliser encore davantage l’expérience utilisateur pour bénéficier de conseils et de contenus sur des sujets climatiques et des écogestes, ainsi que de rallier des communautés derrière des projets spécifiques.
Je suis utilisateur d’Ecosia, donc je vois cette évolution positivement. Mais plus largement, je trouve intéressant la démarche de s’interroger sur les nouveaux efforts à fournir et les approches pour associer toujours plus les clients aux engagements de l’entreprise.
🪚 Une mission pour structurer les actions d’une fédération
Les meilleurs ambassadeurs de la société à mission sont souvent les dirigeants de société à mission. Parfois, ils sont en position pour démultiplier leur influence. C’est le cas de Laurent Desmasles, fraîchement élu à la tête de l’UFME (Union des Fabricants de Menuiseries - Filière Portes & Fenêtres). Le dirigeant du groupe Pando a exprimé au Moniteur son souhait de répliquer l’expérience du passage en société à mission au niveau du syndicat.
Ce serait pour lui un moyen de structurer toutes les actions de l’UFME, de tout mettre en réseau et de faire remonter les informations. Il semblerait que l’idée germe chez d’autres groupements collectifs. Souvent, l’impulsion vient d’un nouvel élu. C’est une bonne chose et je ne peux que souhaiter que cela essaime davantage encore !
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🧠Un peu de jus de crâne
Reportage passionnant de Disclose et Reporterre sur les invendus de la fast-fashion dans lequel on découvre un système bien huilé entre marques qui surproduisent, start-up faussement vertueuses qui mettent en relation marques et assos, associations qui croulent sous les cartons de vêtements neufs, et évidemment avantages fiscaux divers et variés au passage…
Les Français et l’environnement, vaste sujet. Dans une enquête réalisée par Ipsos pour l’école d’ingénieurs CESI, les paradoxes sont flagrants. D’un côté, la prise de conscience est bien là et les attentes sur le gouvernement, les entreprises et les individus sont réels, mais le scepticisme reste de rigueur sur beaucoup de sujets, ainsi que la perception qu’on leur en demande trop.
Recension d’Orbital de Samantha Harvey (Vintage, 2024 - Flammarion pour la version française)
Quel beau roman ! Je vous parle rarement de romans, mais comme 37% des Français lisent moins de cinq ouvrages par an selon le dernier baromètre du Conseil national du livre, je me dois de diversifier un peu les recensions que je vous propose.
Orbital a connu un très grand succès depuis sa sortie, boosté par le gain du Man Booker Prize l’année dernière. Ce livre est l’incarnation du roman contemplatif. Il n’y a pas vraiment d’histoire, plutôt des observations et des réflexions sur la vie dans l’espace et la vision de la Terre depuis les étoiles.
Exprimé ainsi, cela n’est pas forcément un choix naturel, mais l’écriture est remarquable et ce voyage d’à peine plus de 100 pages file avec élégance. Beaucoup de passages sont dédiés à la vie dans une station spatiale (connaissez-vous la différence entre un astronaute et un cosmonaute par exemple ?), à la vie des astronautes et leurs réflexions. Mais beaucoup aussi à leur observation de la Terre, aux catastrophes naturelles qu’ils voient de là-haut, à la petitesse de notre planète dans l’univers et la fragilité globale de notre existence dans cette vaste étendue. L’autrice narre ainsi les pensées de plusieurs personnages qui se demandent comment sur Terre on peut se déchirer pour de vaines causes ou détruire la planète sur laquelle on essaie de vivre.
En prenant un angle original et pas forcément “eco-friendly” a priori, celui du voyage spatial, Samantha Harvey nous amène dans un roman presque militant qui interroge sur nos modes de vie et nos priorités.
C’est terminé pour cette semaine. Merci de votre lecture ! Je vous invite à commenter, à réagir en appuyant sur le ❤️ dans l’en-tête et à partager ce post. Merci beaucoup !
La société à mission est un sujet pour vous ?
En phase de réflexion sur la société à mission, sur la révision de votre mission actuelle, sur le pilotage et l’animation de votre mission, je suis à votre disposition pour creuser ces sujets. Vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours via mon site.
On se retrouve dans deux semaines,
Vivien.