#176 Face à la pression, réaffirmer ses engagements DEI devient un acte de leadership
Et aussi les nouveaux standards B Corp ; Societe.com et la RSE ; les cadres et les transitions ; la santé mentale des entrepreneurs à impact ; une filiale à mission etc.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Bienvenue dans cette 176e missive. Je m’appelle Vivien, consultant société à mission et animateur de cette newsletter et d’un podcast. Toujours un plaisir de vous proposer ma curation de contenus et mes analyses.
Passons au sommaire :
💭 L’édito : Face à la pression, réaffirmer ses engagements DEI devient un acte de leadership
📣 Les nouveaux standards B Corp sont sortis et ça change !
💻 Societe.com lance de nouveaux outils sur la RSE
💊 La filière des compléments alimentaires, la première à mission
📅 Les reports de la CSRD et de la CSDDD sont actés
😥 Les entrepreneurs à impact plus soumis à une santé mentale en berne
⁉️ Que pensent les cadres des transitions sociale et écologique ?
🧠 Un peu plus de jus de crâne avec l’usage du numérique en France, l’essoufflement vert, et la croissance et la pauvreté.
🎧 Mon son de la semaine : Shurik’n - Samouraï
Bonne lecture, à picorer ou à dévorer !
Pour mon anniversaire, récemment, je me suis replongé dans plusieurs décennies de musique. J’ai redécouvert des dizaines de pépites que je n’avais pas croisées depuis des années. Pour vous surprendre un peu, je vous propose un morceau de rap, que j’écoutais beaucoup quand j’étais ado. “Samouraï” de Shurik’n. Toujours aussi vibrant et tranchant ! Du très, très grand rap !
Il y a à 10 jours, nous apprenions que l’administration américaine avait transmis une lettre édifiante à des entreprises européennes les enjoignant à démanteler leurs programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), si elles espéraient continuer à bénéficier de contrats fédéraux américains locaux.
Revenons sur cet épisode, parce qu’il est loin d’être terminé. Rappel des faits. Plusieurs ambassades américaines en Europe (au moins en France, en Italie, en Belgique, en Espagne et au Danemark) ont transmis un courrier à des entreprises (et même à une bibliothèque à Barcelone) leur indiquant qu’elles devaient mettre fin à leurs politiques de DEI pour espérer continuer à remporter des marchés publics locaux, conformément aux réglementations fédérales mises en place par le nouveau président.
Il est difficile de savoir qui, exactement, a reçu cette lettre. Il semblerait que ce soit surtout de grandes entreprises, qui ont des contrats avec les ambassades locales. Pour celles implantées outre-Atlantique et travaillant avec l’administration fédérale, peu importe leur nationalité, le droit local s’applique. Les Etats-Unis nous rappellent donc leur vieille habitude de faire jouer l’extra-territorialité.
Les entreprises avaient cinq jours pour répondre au courrier. Elles devaient renoncer à ces politiques ou justifier pourquoi elles continuaient, motifs qui seraient transmis au département juridique pour analyse. Aucune information à savoir si certaines l’ont fait.
La levée de bouclier a été générale, partout en Europe.
Il y a fort à parier que cette démarche, apparemment ciblée sur quelques pays, cherchent à surfer sur les débats houleux qui animent les Etats concernés sur les sujets de DEI. Plus globalement, elle contribue à cette entreprise de division en Europe, nourrie quelques jours plus tard par l’annonce des tarifs douaniers.
Ce qui intervient aujourd’hui est un combat de valeurs. Qui est prêt à défendre un modèle progressiste où la diversité et l’inclusion sont des piliers du fonctionnement positif d’une entreprise face à ceux qui le font, parce que “c’est comme ça aujourd’hui” ou pour se conformer à certaines réglementations ?
C’est le moment pour les entreprises de se positionner, a minima vis-à-vis des équipes. Lors d’une réunion interne d’un cabinet de recrutement à laquelle je participais, un des associés se demandait s’il ne fallait pas que le cabinet réitère ses engagements en matière de DEI, en interne et vis-à-vis de son écosystème. L’entreprise venait de faire de nombreuses communications sur ses engagements, donc la dimension externe avait déjà été couverte. Mais, leur séminaire interne approchant, il sera l’occasion de communiquer sur ces enjeux auprès des collaborateurs pour rassurer que l’engagement restait inchangé.
Ces tentatives de déstabilisation venues de l’externe sont de moins en moins déguisées et risquent de bousculer les fabriques sociales des entreprises. La politique de l’autruche semble peu adaptée. Ce reportage dans Le Monde illustre la fragilité de l’édifice. Si une prise de position médiatique n’est pas toujours adaptée (cf. la précédente missive), un message interne peut être l’opportunité de rappeler certains fondamentaux. Ne partez jamais du principe que “tout le monde le sait” ou que “ça ne sert à rien de le répéter”.
Dans une période de flou et de perturbation dans la société, la clarté des messages et la réaffirmation de certains piliers sont essentielles.
📣 Les nouveaux standards B Corp sont là !
Des milliers de consultations, beaucoup de réunions et de nombreuses itérations pour aboutir aux nouveaux standards B Corp. Attention, ce n’est pas un coup de peinture ; les changements sont significatifs !
Oubliez les 5 piliers et le système à points. Désormais, la certification se fera sur la base de 7 “impact topics”, dont “purpose and stakeholder governance”, “climate action”, “justice, equity, diversity and inclusion” et “government affairs and collective action”. Le système des points est révolu. Les entreprises devront désormais atteindre des standards de performance pour chaque “impact topic”. Ce n’est pas encore très clair ce que cela signifie, mais j’espère avoir plus d’infos prochainement.
En outre, chaque entreprise devra remplir trois critères fondamentaux : respecter les règles d’éligibilité (dont une est que l’organisation existe depuis plus de 12 mois), avoir une gouvernance ouverte sur ses parties prenantes, et mener une évaluation de risques (ce qui peut amener à des demandes complémentaires).
Par ailleurs, la certification durera 5 ans, au lieu de 3. Mais, la démarche d’amélioration continue sera encore plus décisive qu’avant, puisque les entreprises certifiées devront se conformer à des exigences revues à la hausse en année 3, puis en année 5. J’ai l’impression que ces exigences seront calculées à partir des résultats initiaux de l’entreprise.
Deux autres changements majeurs interviennent. Pour se conformer à la réglementation, l’audit sera réalisé par un cabinet externe, et non plus par les équipes internes comme avant. B Lab va donc s’associer à des cabinets pour mener ces audits. Autre changement : pour être éligible, les entreprises de services (conseil, marketing, relations publiques, communications, ESN etc.) ne peuvent pas avoir plus de 1% de leur chiffre d’affaires généré par des contrats avec des entreprises engagées dans certains secteurs, dont les énergies fossiles et la défense. C’est plus beaucoup plus strict qu’auparavant.
Au niveau du timing, je vais essayer d’être le plus clair possible :
Vous voulez vous lancer : la précédente version reste d’actualité jusqu’au 31 décembre. Ensuite, les nouveaux standards s’imposeront.
Vous attendez la réponse : il est possible que vous deviez apporter quelques ajustements sur votre portail.
Votre recertification est prévue d’ici fin 2025 : les anciens standards restent actifs jusqu’au 30 juin peu importe la date. Ensuite, les nouveaux standards s’appliquent.
Votre recertification est en 2026 : les nouveaux standards s’appliqueront. Néanmoins, vous bénéficiez d’une extension possible d’un an pour vous préparer.
Pour creuser, toutes les infos sont disponibles sur plusieurs FAQ.
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💻 Societe.com développe de nouveaux outils RSE
De nouveaux indicateurs sont apparus sur les pages entreprises sur societe.com (en plus d’un sacré rafraîchissement bienvenu du site et de l’accès gratuit à toutes les infos que l’entreprise obtient gratuitement, telles que les statuts) : le score extra-financier et le bilan carbone (merci Sébastien pour le tuyau).
Le score extra-financier est fondé sur trois indicateurs eux-mêmes notés : les scores territorial, social et fiscal. Chaque score est noté de A à E. C (la moyenne) indique que l’entreprise est dans la moyenne de son secteur.
Le score territorial s’appuie sur la localisation de l’entreprise. Plus l’entreprise est située dans des communes ou villes défavorisées, plus le score sera élevé. C’est la section la plus “injuste”, car difficile d’obliger des entreprises à déménager pour gagner des points.
Pour le score social, societe.com regarde le ratio entre le chiffre d’affaires et la masse salariale et le compare ensuite à la moyenne du secteur. Plus la masse salariale est importante en proportion du CA, plus le score est élevé.
Pour le score fiscal, c’est le même principe en utilisant les impôts payés par l’entreprise.
Evidemment, ces données sont accessibles pour les sociétés qui déposent leurs comptes. C’est malheureusement une minorité d’entre elles malgré l’obligation de le faire (les amendes sont très faibles dans le cas inverse).
Du côté du bilan carbone, le référencement s’appuie sur les données de l’Ademe. Si d’aventure une entreprise n’a pas déposé son bilan carbone auprès de l’organisation, elle peut contacter les équipes de societe.com.
Dans les prochaines semaines, l’entreprise va proposer de nouveaux services aux entreprises pour faire un bilan carbone ou améliorer la qualité et la profondeur d’analyse de son bilan extra-financier (mais pas forcément son score). L’ambition de societe.com est de progressivement sortir d’un modèle dépendant des revenus publicitaires.
💊 La première filière à mission, c’est…
Vous le savez, la qualité de société à mission est juridiquement réservée aux sociétés commerciales, mais quelques exceptions existent, notamment du côté des associations.
Techniquement, c’est une association, mais un rayonnement collectif. Le SYNADIET (syndicat national des compléments alimentaires) est le premier à devenir une filière à mission. Autour de près de 300 membres, le syndicat a validé une raison d’être et des objectifs statutaires. Il y a beaucoup à redire sur ces éléments, mais je ne doute pas que se mettre d’accord à 300 alors que les niveaux d’engagement et de maturité sont très variables n’est pas une mince affaire…
La démarche a deux vocations, qui participe d’une logique d’essaimage : auprès des entreprises du secteur tout d’abord, mais également d’autres filières qui pourraient s’inspirer de cette démarche.
Cela peut effectivement être un projet intéressant. Le risque est de s’accorder sur le plus petit dénominateur commun, et donc d’avoir une dynamique qui porte assez peu dans les faits. D’où la nécessité d’un leadership fort, d’une certaine prise de risque et d’une bonne dose d’audace.
📅 Le report de la CSRD est acté
Si l’info vous a échappé, le report de la CSRD de deux ans a été acté. Cela s’applique aux entreprises qui devaient commencer l’exercice en 2026 (pas de changement en revanche pour les filiales européens de groupes étrangers). Pour la CSDDD, le report est d’un an. Au niveau français, le report sera également fixé à deux ans. Le Sénat, un peu zélé qu’il est, était parti sur un report de quatre ans. Cela a été corrigé en commission mixte paritaire.
Le fond des textes va désormais commencer à être discuté, mais cela prendra beaucoup plus de temps, donc peu de chances qu’une clarification intervienne en 2025.
🧠 Un peu de jus de crâne
Lecture indispensable de Marie Gariazzo et Rozenn Nardin, qui détaille dans une Note pour la Fondation Jean-Jaurès le sentiment “d’essoufflement vert” qui infuse dans la société face à des avancées trop lentes et des dérives trop fortes de la part de ceux qui devraient en faire beaucoup plus. Attention, ce n’est pas réjouissant !
Le baromètre du numérique 2025 du Crédoc vient de sortir. Merci
La newsletter de 15marches pour l’info. L’étude est riche sur les usages du numérique en France. Une bonne nouvelle : 28% des Français possèdent leur smartphone depuis 3 ans ou plus (+11% en 4 ans).
Je vous recommande chaudement la lecture de Changer de boussole. La croissance ne vaincra pas la pauvreté d’Olivier Schutter aux éditions Les Liens qui libèrent. L’ouvrage est passionnant, clair, implacable. C’est une lecture indispensable, même si utopiste.
😥 La fragile santé des entrepreneurs à impact
Ticket for Change, en partenariat avec Aurélien Baillon, prof à l’emlyon, vient de sortir le baromètre sur la santé mentale des entrepreneurs à impact. Et ce n’est pas très jojo.
40% des dirigeants à impact déclarent ne pas être en bonne santé mentale, contre 24% chez les autres dirigeants. Ce phénomène est accentué par un surengagement au travail et un isolement professionnel au-dessus de la moyenne. C’est encore plus marqué chez les femmes. Dans un article de Challenges, Thomas Lemasle, co-fondateur d’Oé, témoigne de stress et de cette spirale infernale qu’il a vécus.
⁉️ Les cadres et les transitions écologique et sociale
Une enquête Viavoice pour HEC et le Nouvel Obs nous en apprend beaucoup sur l’état d’esprit des cadres par rapport aux transitions que nous vivons dans un contexte de remise en cause trumpiste.
Ils sont 77% à se déclarer inquiets du réchauffement, soit 6 points de plus que pour le grand public. 61% déclarent même qu’il faut accélérer la transition écologique. Pour 50% d’entre eux, leur employeur est engagé. C’est un peu plus que pour le grand public. Cela peut sembler, mais c’est en amélioration par rapport à il y a un an.
On entre ensuite en zone de turbulence. 46% considèrent que “la priorité doit être donnée à la protection de l'environnement, même si cela nuit à la croissance économique”, soit une baisse de 14 points en trois mois.
62% estiment que l’assouplissement des normes européennes est une bonne chose. 26% considèrent même que le recul de politiques de “diversité” est une bonne chose.
C’est terminé pour cette semaine. Merci de votre lecture ! Je vous invite à commenter, à réagir en appuyant sur le ❤️ dans l’en-tête et à partager ce post. Merci beaucoup !
La société à mission est un sujet pour vous ?
En phase de réflexion sur la société à mission, sur la révision de votre mission actuelle, sur le pilotage et l’animation de votre mission, je suis à votre disposition pour creuser ces sujets. Vous pouvez me contacter par réponse à cet email si vous avez directement reçu cette missive, sinon par email si vous lisez depuis votre navigateur. Plus d’infos sur les différents parcours via mon site.
On se retrouve dans deux semaines,
Vivien.